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Arrêt
publié le 13 février 2004

Extrait de l'arrêt n° 7/2004 du 21 janvier 2004 Numéros du rôle : 2557, 2558, 2559, 2560, 2561, 2562 et 2563 En cause : les recours en annulation des articles 461, 473 et 490 du décret de la Communauté française du 20 décembre 2001 « fixant La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges L. François, (...)

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Extrait de l'arrêt n° 7/2004 du 21 janvier 2004 Numéros du rôle : 2557, 2558, 2559, 2560, 2561, 2562 et 2563 En cause : les recours en annulation des articles 461, 473 et 490 du décret de la Communauté française du 20 décembre 2001 « fixant les règles spécifiques à l'Enseignement supérieur artistique organisé en Ecoles supérieures des Arts (organisation, financement, encadrement, statut des personnels, droits et devoirs des étudiants) », introduits par A. De Rijckere et autres.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges L. François, M. Bossuyt, A. Alen, J.-P. Moerman et E. Derycke, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des recours et procédure Par requêtes adressées à la Cour par lettres recommandées à la poste le 4 novembre 2002 et parvenues au greffe le 5 novembre 2002, un recours en annulation des articles 461 ou 473 et de l'article 490 du décret de la Communauté française du 20 décembre 2001 « fixant les règles spécifiques à l'Enseignement supérieur artistique organisé en Ecoles supérieures des Arts (organisation, financement, encadrement, statut des personnels, droits et devoirs des étudiants) », publié au Moniteur belge du 3 mai 2002, a été introduit respectivement par A. De Rijckere, demeurant à 1070 Bruxelles, rue Nansen 28, A. Colson, demeurant à 1300 Limal, rue du Petit Sart 35, R. Bausier, demeurant à 1030 Bruxelles, rue Théo Coopman 7, C. Debauve, demeurant à 1080 Bruxelles, boulevard Edmond Machtens 92/11, G. Van Waas, demeurant à 1342 Limelette, Clos des Colombes 9A, G. Vander Borght, demeurant à 1600 Sint-Pieters-Leeuw, Kastanjedreef 31, et U. Waterlot, demeurant à 1160 Bruxelles, rue des Pêcheries 107.

Ces affaires, inscrites sous les numéros 2557 à 2563 du rôle de la Cour, ont été jointes. (...) II. En droit (...) Quant aux dispositions attaquées B.1.1. L'article 461 du décret du 20 décembre 2001 de la Communauté française « fixant les règles spécifiques à l'Enseignement supérieur artistique organisé en Ecoles supérieures des Arts (organisation, financement, encadrement, statut des personnels, droits et devoirs des étudiants) » dispose : « § 1er. Par mesure transitoire, les professeurs et accompagnateurs qui, à la date de l'entrée en vigueur du présent décret, sont nommés dans une fonction au Conservatoire et exercent une autre fonction dans l'enseignement, une fonction statutaire ou une fonction salariée, peuvent conserver cette possibilité de cumul en fonction non exclusive conformément aux dispositions de l'article 5 avant-dernier alinéa de l'arrêté royal du 15 avril 1958, tel que modifié par l'article 473 du présent décret.

A cette fin, les professeurs et accompagnateurs concernés doivent notifier leur choix par lettre recommandée à la poste adressée à l'Administration générale des personnels de l'enseignement dans les trente jours de la date d'application du présent décret.

Ils doivent réitérer leur choix au plus tard le 1er mai qui précède chaque année académique.

A défaut, les nouvelles règles du présent décret leur sont appliquées. § 2. S'ils optent pour le cumul, leurs prestations au Conservatoire sont limitées à maximum 4 heures par semaine pour les professeurs, et à maximum 6 heures par semaine pour les accompagnateurs.

Leur rétribution dans cette fonction correspond, le cas échéant, aux heures effectivement prestées, selon l'échelle barémique suivante : 1o Professeur de cours artistiques dans l'enseignement de la musique (fonction de 6 heures par semaine) : a) enseignant un cours classé en première catégorie : 610;b) enseignant un cours classé en seconde catégorie : 606. 2o Accompagnateur dans l'enseignement de la musique (fonction de 12 heures par semaine) : 607.

Ils conservent l'ancienneté de leur ancienne fonction non exclusive, conformément aux dispositions de l'arrêté royal du 15 avril 1958 relatif au statut pécuniaire du personnel enseignant scientifique et assimilé du Ministère de l'Instruction publique en vigueur le jour de l'adoption du présent décret. § 3. En cas de situation exceptionnelle liée à des raisons urgentes de nature pédagogique, les prestations au Conservatoire peuvent être portées à maximum 8 heures par semaine pour les professeurs.

Sous peine de nullité, le bénéfice de la situation exceptionnelle doit être demandé par le Directeur de l'établissement concerné par lettre recommandée à la poste, motivée et adressée au ministère dont relève l'établissement, au plus tard dans les trente jours suivant les faits qui ont donné lieu à la requête.

Le bénéfice de la situation exceptionnelle ne peut être accordé que sur décision prise par le ministre ayant l'Enseignement supérieur artistique dans ses attributions.

La décision n'est valable que pour la durée de l'année scolaire en cours.

La rémunération des heures prestées dans le cadre d'une situation exceptionnelle correspondra aux heures effectivement prestées, selon le barème de référence mentionné ci-dessus.

Toutefois, au-delà de 6 heures pour les professeurs, les heures prestées seront rétribuées pour moitié. § 4. Par mesure transitoire, dans la limite du cadre tel que fixé en application de l'article 99 du présent décret, les membres du personnel des conservatoires qui, pour l'année académique 2001-2002 ont été désignés dans un mandat de chargé de cours, et sont à nouveau désignés sous le régime du présent décret, peuvent, a concurrence des heures et des matières pour lesquelles ils ont été rémunérés en 2001-2002, continuer à bénéficier de l'appellation de chargé de cours plutôt que celle d'assistant et sans limitation du nombre de mandats en dérogation aux dispositions du § 2 de l'article 108 du présent décret.

Cette possibilité doit cependant être liée à l'activité du professeur auquel ils sont attachés en 2001-2002 en vertu des dispositions de l'article 18 de l'arrêté royal du 25 juin 1973 fixant les conditions d'admission des élèves et la durée des cours dans les conservatoires royaux de musique et doit prendre fin dès que ce professeur n'est plus en fonction. Le volume horaire global, qu'un conservatoire réserverait pour l'application de la présente disposition se déduit du nombre d'unités d'emploi d'assistants déterminés en application de l'article 55 du présent décret.

Les chargés de cours concernés doivent notifier leur choix par lettre recommandée à la poste adressée à l'Administration générale des personnels de l'enseignement (dans les 30 jours de la publication du présent décret). Ce document doit préciser le nom du professeur auquel ils étaient rattachés dans le contexte de l'arrêté royal du 25 juin 1973 précité.

Dans ce cas, leur rétribution est fixée par heure hebdomadaire en fonction d'un taux horaire annuel de 1182,28 euros, rattaché à l'index 100 au premier novembre 1993. Le mandat de chargé de cours est considéré comme fonction à prestations complètes au sens de l'article 4 de l'arrêté royal du 15 avril 1958 portant statut pécuniaire du personnel enseignant, scientifique et assimilé du Ministère de l'instruction publique lorsqu'il comporte 18 heures. » B.1.2. L'article 473 du même décret est attaqué en ce qu'il complète l'alinéa 1er (« Par dérogation aux dispositions des b) et c) [...] ») et remplace l'avant-dernier alinéa (« L'expression ' fonction non exclusive ' [...] ») de l'article 5 de l'arrêté royal du 15 avril 1958 « portant statut pécuniaire du personnel enseignant, scientifique et assimilé du Ministère de l'Instruction publique ». Ainsi modifié, cet article dispose : «

Art. 5.Pour l'application du présent arrêté : L'expression ' fonction accessoire ' désigne la fonction, qu'elle soit ou non à prestations complètes, qu'exerce dans une ou plusieurs écoles ou institutions régies par le présent statut, l'agent : a) qui exerce déjà une fonction à prestations complètes dans une ou plusieurs autres écoles ou institutions régies par le présent statut; b) qui exerce déjà une profession indépendante comportant une activité professionnelle qui exige au moins 60 p.c. des prestations hebdomadaires fournies par celui qui exerce la même activité de manière exclusive.

L'application de la présente disposition exclut l'application du littera c du présent article; c) qui bénéficie, du chef de toute autre occupation et/ou du chef de la jouissance d'une pension à charge du Trésor public, de revenus bruts dont le montant est égal ou supérieur à celui de la rémunération brute qu'il obtiendrait s'il exerçait sa fonction comme fonction principale à prestations complètes, mais calculée sur la base du minimum de l'échelle de traitement. Par ' autre occupation ', il faut entendre une occupation autre que : 1o une profession indépendante; 2o des prestations dans l'enseignement de plein exercice ou dans l'enseignement de promotion sociale ou à horaire réduit, pour lesquelles une rémunération à charge du Trésor public est accordée; d) qui exerce également une fonction à prestations complètes dans l'enseignement de promotion sociale ou à horaire réduit;e) qui bénéficie d'un traitement ou d'une pension de retraite du chef d'un emploi exercé dans le secteur privé ou public, dont l'horaire normal est de nature à absorber complètement une activité professionnelle normale, sauf si le montant est inférieur au minimum de l'échelle de traitement la moins élevée de la fonction de surveillant-éducateur;f) qui exerce une fonction non exclusive dans l'enseignement de plein exercice, pour laquelle il bénéficie d'un traitement complet, dont le montant brut est égal ou supérieur au minimum de son échelle de traitement. Par dérogation aux dispositions des b) et c) ci dessus, les enseignants des Ecoles supérieures des Arts qui exercent une profession à caractère artistique soit comme indépendant, soit sous contrat d'emploi, conservent le bénéfice de la fonction principale quels que soient les montants de leurs revenus et le volume horaire de leur activité artistique.

L'expression ' fonction principale ' désigne la fonction qu'elle soit ou non à prestations complètes, qu'exerce, dans une ou plusieurs écoles ou institutions régies par le présent statut, l'agent qui ne se trouve dans aucune des trois situations visées sous a), b), c), d), e) et f), ci-dessus.

Pour l'application des alinéas précédents, il n'est tenu compte ni des revenus provenant d'indemnités d'expertises judiciaires en matière pénale, effectuées sur ordre des autorités judiciaires, ni de la durée des prestations qui y sont consacrées ni des revenus provenant de l'exercice des fonctions de bourgmestre, d'échevin, de conseiller communal, de président ou de membre d'un Conseil de l'Aide sociale et de conseiller provincial.

L'expression ' fonction non exclusive ' désigne la fonction qu'exerce dans une ou plusieurs écoles ou institutions d'enseignement artistique de l'Etat, le professeur enseignant les cours artistiques et l'accompagnateur nommés à titre définitif avant le 1er septembre 2002 et qui ont opté pour le maintien des cumuls antérieurs.

Par mesure transitoire, est également réputée non exclusive la fonction qu'exerce dans l'enseignement artistique, l'inspecteur de cours artistiques. » B.1.3. L'article 490 du même décret est attaqué en ce qu'il ajoute un alinéa 2 au paragraphe 2 de l'article 77 de la loi du 24 décembre 1976 relative aux propositions budgétaires 1976-1977. L'article 77 ainsi modifié dispose : « § 1er. Sans préjudice de l'application d'autres dispositions légales plus restrictives, il ne peut être attribué ni rémunération, ni subvention-traitement pour les prestations fournies dans l'enseignement organisé ou subventionné par l'Etat, en cela compris l'enseignement de promotion sociale ou à horaire réduit, par une personne qui exerce déjà une profession principale en dehors de l'enseignement ou des prestations dans l'enseignement égales à un emploi à prestations complètes au moins, pour l'ensemble des prestations complémentaires dans l'enseignement qui dépasse un tiers du nombre minimum d'heures requis, pour un emploi à prestations complètes dans la ou les fonctions correspondant à ces prestations.

Si la notion d'emploi à prestations complètes dans l'enseignement n'est pas définie, elle est déterminée par le Roi par comparaison avec un enseignement de plein exercice correspondant.

Lorsque les prestations se rapportent à différentes fonctions pour lesquelles les minima requis pour un emploi à prestations complètes sont différents, la règle de la pondération valable pour le calcul des traitements sera appliquée. § 2. La limitation au tiers des prestations donnant lieu aux rétributions comme prévu au § 1er du présent article n'est pas applicable : a) lorsque l'intéressé exerce sa profession principale en dehors de l'enseignement et exerce uniquement des prestations complémentaires, dans un seul établissement universitaire ou dans un seul établissement d'enseignement supérieur du type long;dans ce cas, le nombre d'heures par semaine, ne peut dépasser cinq; toutefois, la rétribution de ces prestations ne pourra jamais dépasser un tiers de la rétribution maximum dont l'intéressé bénéficierait s'il exerçait ces prestations à titre d'emploi principal à prestations complètes; b) lorsque l'intéressé n'exerce, en dehors de sa profession principale, que des prestations complémentaires dans un seul établissement d'enseignement et qu'il se trouve dans un cas exceptionnel fixé par arrêté royal délibéré en Conseil des Ministres; dans ces cas, le nombre d'heures ne peut dépasser le double du maximum prévu au § 1er.

Le présent paragraphe n'est pas applicable aux Ecoles supérieures des Arts. § 3. Pour les personnes visées au § 1er qui, au 1er novembre 1976 étaient chargées de prestations complémentaires au-delà des maxima prévus aux §§ 1er et 2, l'attribution d'une rémunération ou d'une subvention-traitement est autorisée jusqu'à la fin de l'année académique ou scolaire 1980-1981 dans les limites de 50 p.c. du nombre minimum d'heures requis visé au § 1er. § 4. Pour le calcul du maximum autorisé, comme prévu aux §§ 1er à 3, les résultats obtenus sont toujours arrondis à l'unité supérieure et à 3 heures minimum. § 5. Par profession principale, il faut entendre la profession tant dans le secteur privé que public dont l'horaire normal est tel qu'il absorbe totalement une activité professionnelle normale.

Le Roi fixe, par arrêté royal délibéré en Conseil des Ministres, ce qu'il y a lieu d'entendre par une profession principale exercée par un travailleur indépendant. » Quant à l'intérêt à agir des requérants B.2.1. Le Gouvernement de la Communauté française conteste l'intérêt à agir des requérants dans les affaires nos 2557, 2558 et 2560 à 2563 en faisant valoir que les dispositions attaquées ne modifient pas leur situation en ce que, comme les dispositions nouvelles, les dispositions anciennes limitaient à quatre heures la durée des prestations pouvant être rétribuées (article 490 du décret attaqué et article 77 de la loi du 24 décembre 1976). Selon lui, l'annulation des normes attaquées ne modifierait pas favorablement la situation des requérants.

B.2.2.1. Les requérants exercent des fonctions dans des conservatoires de musique relevant de la Communauté française. Ils justifient de l'intérêt requis à demander l'annulation de dispositions décrétales qui fixent les rémunérations que l'exercice de ces fonctions leur permet d'obtenir lorsqu'ils cumulent ces rémunérations avec d'autres revenus (article 473, attaqué dans toutes les affaires, et article 490, attaqué dans les affaires nos 2557, 2558 et 2560 à 2563).

L'annulation des dispositions attaquées présente pour ces requérants un intérêt car l'autorité compétente sera amenée, en cas d'annulation, à procéder à un nouvel examen de leur situation et de leurs attentes.

B.2.2.2. La Cour constate cependant que le requérant dans l'affaire no 2559, seul à demander l'annulation de l'article 461, le fait en considération de ce que cette disposition ne lui permet pas d'exercer sa fonction de professeur dans une école supérieure des arts en tant que fonction non exclusive (visée à l'article 5, avant-dernier alinéa, de l'arrêté royal du 15 avril 1958) tout en percevant une pension de retraite du chef d'un emploi exercé dans le secteur public.

Elle constate par ailleurs que, dans son mémoire, le Gouvernement de la Communauté française écrit : « La volonté du législateur décrétal, en adoptant cette disposition, était de manière certaine de maintenir le bénéfice d'un cumul limité, en fonction non exclusive, aux agents qui, nommés à titre définitif à la date d'entrée en vigueur dudit décret, en font expressément la demande.

A cet égard, le terme ' exercer ' tel que visé dans l'expression ' exercent une autre fonction dans l'enseignement, une fonction statutaire ou une fonction salariée' figurant à l'article 461, alinéa 1er [lire : § 1er], du décret doit être interprété avec souplesse et il est évident qu'un agent statutaire à la retraite doit, en prenant compte correctement de la volonté certaine du législateur, être considéré comme un agent qui exerce une fonction statutaire au sens où on l'entend en l'espèce. » Dans cette interprétation, l'exercice de la fonction en cause ne serait pas incompatible avec le bénéfice de la pension précitée. Le requérant pouvant dès lors bénéficier des dispositions de l'article 461, il ne pourrait tirer de grief de ce que cette disposition ne lui serait pas applicable et fonder sur un tel grief son intérêt à en demander l'annulation. En tant qu'il porte sur l'article 461, le recours ne serait pas recevable.

Cependant, l'interprétation souple proposée par le Gouvernement de la Communauté française ne prévaut pas contre le texte du décret et se concilie mal avec le libellé de la disposition en cause, l'exercice d'une fonction quelconque pouvant difficilement être entendu comme comprenant la jouissance d'une pension de retraite, fût-elle octroyée du chef de cette fonction.

Le moyen devant donc être entendu comme portant sur une disposition qui ne permet pas le cumul de la fonction en cause et de la pension précitée, le requérant justifie de l'intérêt requis pour demander l'annulation de l'article 461.

B.2.3. Le Gouvernement de la Communauté française estime que les requérants dans les affaires nos 2560, 2561 et 2562, nommés à titre temporaire, ne justifient pas de l'intérêt requis à l'annulation des dispositions qu'ils attaquent (les articles 473 et 490) et qui s'appliquent aux membres du personnel ayant fait l'objet d'une nomination; leur intérêt, subordonné à l'éventualité d'une nomination, ne serait pas direct.

B.2.4. Plusieurs des requérants justifiant d'un intérêt à leur recours en ce qu'ils ont fait l'objet d'une nomination, il n'est pas nécessaire d'examiner en outre si les requérants dans les affaires nos 2560, 2561 et 2562, qui ont été nommés à titre temporaire, justifient eux aussi d'un intérêt direct à ce recours.

Quant au fond B.3.1. Les dispositions attaquées procèdent du souci, tout à la fois, - de mettre fin au régime dit des « fonctions non exclusives » qui, en permettant aux titulaires d'une fonction dans l'enseignement artistique de cumuler celle-ci avec une autre activité professionnelle, avait permis de cumuler plusieurs fonctions d'enseignement dans l'enseignement artistique et aurait de ce fait provoqué des difficultés (Doc., Parlement de la Communauté française, 2001-2002, no 207/1, p. 7); - de sauvegarder, malgré la disparition du régime des fonctions non exclusives, les droits de ceux des intéressés qui étaient nommés avant le 1er septembre 2002, date d'entrée en vigueur du décret : l'article 461, § 1er, du décret autorise, à titre transitoire, le cumul de fonctions dans l'enseignement artistique et de fonctions statutaires ou salariées; l'article 473 remplace l'article 5, avant-dernier alinéa, de l'arrêté royal du 15 avril 1958 précité afin de maintenir, toujours à titre transitoire, le régime pécuniaire applicable aux cumuls de fonctions dans l'enseignement artistique; - d'encourager la pratique chez les enseignants des écoles supérieures des arts : l'article 473 précité complète à cette fin l'article 5, alinéa 1er, du même arrêté royal du 15 avril 1958 d'une disposition (organique) qui permet aux artistes exerçant leur profession comme indépendant ou sous contrat d'emploi qui seraient titulaires d'une fonction dans l'enseignement artistique de conserver l'intégralité de la rémunération qui y est afférente, contrairement à ce que font les règles prévues par cette disposition en ce qui concerne les enseignants qui, sans être artistes, se trouveraient dans des situations de cumul analogues; cela étant, l'article 490 du décret modifie l'article 77, § 2, de la loi du 24 décembre 1976 relative aux propositions budgétaires 1976-1977 pour ne plus rémunérer, dans les écoles supérieures des arts, le cumul des enseignants qui exercent plus d'un tiers de charge au-delà d'une fonction ou profession à prestations complètes.

Quant à l'article 461 B.3.2. L'article 461 violerait, selon le requérant dans l'affaire no 2559 (premier moyen), les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il prévoit à titre transitoire que les professeurs des écoles supérieures des arts dont les fonctions s'exercent dans un conservatoire peuvent, aux conditions qu'il fixe, continuer à exercer ces fonctions tout en en exerçant une autre, alors qu'ils ne le peuvent pas lorsque, comme le requérant, ils bénéficient d'une pension de retraite du secteur public.

B.3.3. Les articles 10 et 11 de la Constitution ne requièrent pas qu'une disposition transitoire ait pour objet de maintenir une situation acquise antérieurement; à peine de rendre impossible toute modification de la loi, il ne peut être soutenu qu'une disposition nouvelle violerait les dispositions constitutionnelles précitées par cela seul qu'elle déjouerait les calculs de ceux qui se sont fiés à la situation ancienne.

La genèse de la disposition attaquée fait apparaître que le législateur décrétal a voulu préserver les droits acquis des intéressés dans une mesure compatible avec les objectifs de la modification législative (Doc., Parlement de la Communauté française, 2001-2002, no 207/1, p. 7).

Comme il est indiqué au B.3.1, en adoptant les dispositions attaquées, le législateur décrétal entend mettre un terme au système des fonctions dites « non exclusives » dans l'enseignement supérieur artistique, parce que celui-ci a donné lieu à des abus en matière de cumul. Le législateur décrétal souhaite dans le même temps que les enseignants de l'enseignement supérieur artistique soient également actifs comme artistes en dehors de leur mission d'enseignement.

Compte tenu de ces buts, il existe une justification objective et raisonnable au fait que le bénéfice du régime transitoire ne soit pas étendu à la catégorie des personnes qui sont déjà pensionnées.

Tout d'abord, l'objectif poursuivi par le décret, qui consiste à encourager la pratique artistique des professeurs des écoles supérieures des arts, perd de son importance lorsque les intéressés sont pensionnés. Le législateur décrétal pouvait en outre craindre que le fait d'étendre cette mesure transitoire aux pensionnés, et de maintenir donc l'ancienne réglementation pour cette catégorie de personnes, ralentisse déraisonnablement le changement de politique jugé nécessaire en ce qui concerne la réglementation du cumul.

Enfin, il n'est pas interdit aux personnes pensionnées d'exercer une mission d'enseignement dans l'enseignement supérieur artistique en tant que fonction accessoire, si elles satisfont aux conditions fixées à l'article 5, alinéa 1er, c), de l'arrêté royal précité du 15 avril 1958.

Le moyen n'est pas fondé.

Quant à l'article 473 du décret attaqué B.4.1. L'article 473 du décret du 20 décembre 2001 modifie l'article 5 de l'arrêté royal du 15 avril 1958 précité. Cette disposition détermine notamment ce qu'il faut entendre par « fonction accessoire » dans le statut pécuniaire du personnel enseignant, scientifique et assimilé de la Communauté. Les fonctions accessoires sont, en vertu de l'article 44bis du même arrêté, rétribuées à concurrence de 50 p.c. de la rétribution qui serait attribuée à celui qui les exercerait à titre principal.

L'article 5, alinéa 1er, in fine, de l'arrêté royal précité, inséré par l'article 473, 1o, du décret, est attaqué, en ce qu'il accorde le bénéfice d'une rétribution complète à ceux des enseignants des écoles supérieures des arts, tels les professeurs nommés à une fonction dans un conservatoire, qui exercent une profession à caractère artistique soit comme indépendants, soit sous contrat d'emploi. Les requérants font valoir que cet article 5, alinéa 1er, in fine, viole les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il exclut en revanche du bénéfice d'une rémunération complète ceux des enseignants des écoles supérieures des arts qui, par ailleurs, à titre principal, exercent une profession à caractère artistique sous statut ou bénéficient d'une pension de retraite du chef d'une profession à caractère artistique exercée sous statut.

B.4.2. Les requérants dans les affaires nos 2557 et 2561 à 2563 font en outre valoir que la même disposition viole les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'elle exclut de ce même bénéfice ceux des enseignants des écoles supérieures des arts qui, sans exercer effectivement une profession artistique, sont des agents statutaires ayant vocation à exercer un emploi à caractère artistique que, pour des raisons indépendantes de leur volonté, ils ne peuvent exercer et qui bénéficient, à ce titre, d'un traitement d'attente. Il s'agit en l'espèce de personnes mises en disponibilité pour suppression d'emploi.

Cette violation n'est cependant alléguée qu'à titre subsidiaire, pour l'hypothèse où cette situation serait, comme le soutient la Communauté française, assimilée à l'exercice d'une « autre occupation », visée à l'article 5, alinéa 1er, c), ou à celle dans laquelle l'agent perçoit un traitement du chef d'un emploi exercé dans le secteur public, visée à l'article 5, alinéa 1er, e) : cette assimilation aboutirait à plafonner la rémunération que les intéressés percevraient dans l'enseignement artistique en les privant du bénéfice de la fonction principale prévu à l'article 5, alinéa 1er, in fine .

Dès lors qu'il n'appartient pas à la Cour de se prononcer sur une telle assimilation, elle examine simultanément le moyen soulevé à titre principal et le moyen soulevé à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la situation des requérants serait assimilée à celle visée par l'article 5, alinéa 1er, c), et à celle visée par l'article 5, alinéa 1er, e).

B.4.3. Le Gouvernement de la Communauté française conteste l'intérêt des requérants au moyen.

L'argument selon lequel, si la Cour accueillait le moyen, la situation des requérants ne serait pas améliorée, doit être rejeté pour les mêmes motifs que ceux exposés au B.2.2.1 in fine .

Quant à soutenir que les requérants attaquent des dispositions qui contiennent des règles organiques (l'article 5, alinéa 1er, in fine, de l'arrêté royal du 15 avril 1958) alors qu'ils ont opté pour le régime transitoire (article 461 du décret attaqué), cette argumentation ne peut être admise car elle méconnaît la possibilité, prévue par l'article 461, § 1er, alinéas 3 et 4, d'abandonner le régime transitoire et de se soumettre au régime organique, le choix fait par les intéressés du régime transitoire devant être réitéré chaque année.

B.4.4. Le régime antérieur de cumul dans l'enseignement supérieur artistique s'étant écarté de son but initial et ayant donné lieu à des abus, le législateur décrétal a décidé de soumettre désormais l'enseignement artistique aux règles générales qui sont en vigueur dans l'enseignement supérieur et dans lesquelles une distinction est faite entre les fonctions principales et les fonctions accessoires.

L'option ayant été prise d'aligner l'enseignement artistique sur cette réglementation générale, il n'est pas déraisonnable que le législateur ne prévoie de dérogation que lorsqu'il existe des motifs spécifiques pour ce faire.

La genèse de la disposition attaquée fait apparaître que le législateur juge important d'attirer des artistes de renom dans l'enseignement artistique et qu'il entend créer les conditions pour que ces artistes puissent poursuivre leurs activités artistiques à côté de leur mission d'enseignement, parce que cela améliore la qualité de l'enseignement artistique (Doc., Parlement de la Communauté française, 2001-2002, no 207/1, pp. 7 et 8).

B.4.5. Eu égard à cet objectif, la Communauté française n'établit pas et la Cour n'aperçoit pas en quoi il serait justifié de ne pas encourager, chez les enseignants des écoles supérieures des arts, la pratique artistique effectivement exercée dans un régime statutaire.

En ne prenant en compte que celle exercée à titre d'indépendant ou de salarié, la disposition attaquée est discriminatoire.

En revanche, en ce qu'il exclut du bénéfice de la mesure en cause les personnes dont la pratique artistique n'avait plus à être encouragée, faute qu'elles exercent encore une fonction (ayant été admises à la retraite ou se trouvant dans l'hypothèse évoquée sous B.4.2), le législateur prend une mesure qui peut être raisonnablement justifiée par l'objectif poursuivi et n'est pas discriminatoire.

Quant à l'article 490 du décret attaqué B.5.1. L'article 77 de la loi du 24 décembre 1976 relative aux propositions budgétaires 1976-1977 limite, sans préjudice de dispositions législatives plus restrictives, la rémunération de prestations complémentaires effectuées dans l'enseignement par des personnes qui exercent une profession principale dans l'enseignement ou ailleurs. Selon le paragraphe 1er, lorsqu'elles dépassent un tiers du nombre minimum d'heures requis pour un emploi à prestations complètes, ces prestations complémentaires ne sont pas rétribuées.

Selon le paragraphe 2, b), cette limite peut cependant être portée à deux tiers lorsque l'intéressé n'exerce, en dehors de sa profession principale, que des prestations complémentaires dans un seul établissement d'enseignement et qu'il se trouve dans un cas exceptionnel fixé par arrêté royal délibéré en Conseil des ministres.

L'article 77, § 2, a été complété d'un alinéa 2 par l'article 490 du décret attaqué pour exclure les écoles supérieures des arts de cette possibilité de porter à deux tiers du nombre minimum précité les prestations complémentaires effectuées dans ces écoles.

Les requérants dans les affaires nos 2558, 2560 (deuxième moyen), 2557 et 2561 à 2563 (troisième moyen) font valoir que l'article 490 précité introduit ainsi, entre les enseignants des écoles supérieures des arts et les enseignants des autres types d'établissements, qui seuls peuvent bénéficier de l'augmentation de la limite en cause, une différence de traitement incompatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution.

B.5.2. Les requérants dans les affaires nos 2557 et 2561 à 2563 font en outre valoir que la limitation prévue par l'article 77 ne s'applique pas à eux dès lors qu'elle suppose qu'une profession principale soit exercée en dehors de l'enseignement alors qu'ils ont été mis en disponibilité.

Leur recours n'est introduit qu'à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où cette mise en disponibilité serait, comme le soutient la Communauté française, assimilée à l'exercice d'une profession principale.

Dès lors qu'il n'appartient pas à la Cour de se prononcer sur une telle assimilation, elle examine simultanément le moyen soulevé à titre principal et le moyen soulevé à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la situation des requérants serait assimilée à l'exercice d'une profession principale.

B.5.3. Le Gouvernement de la Communauté française juge discutable que les requérants aient intérêt au moyen : les requérants étant déjà soumis à la limite d'un tiers prévue par l'article 77 de la loi du 24 décembre 1976 avant sa modification par l'article 490 du décret attaqué, cette disposition ne change en rien leur situation.

Contrairement à ce que soutient le Gouvernement de la Communauté française, le grief des requérants porte, non pas sur la limite d'un tiers précitée, mais sur la circonstance que celle-ci ne peut plus être portée à deux tiers (dans les conditions prévues à l'article 77, § 2, b)) pour les écoles supérieures des arts.

B.5.4. L'exposé des motifs du décret attaqué indique, on l'a dit, que le régime jusque-là applicable à l'enseignement artistique avait abouti à une multiplication des cumuls « enseignement/enseignement, avec à la clef une série de problèmes » (Doc., Parlement de la Communauté française, 2001-2002, no 207/1, p. 7). Il indique, à propos de l'article 490, que cette disposition permet, dans les écoles supérieures des arts, de ne plus rémunérer le cumul des enseignants qui exercent plus d'un tiers de charge au-delà d'une fonction ou profession à prestations complètes (ibid., p. 49).

B.5.5. Le législateur décrétal qui souhaite, pour les fonctions visées à l'article 77 précité, limiter les cumuls dont il a constaté les effets négatifs dans l'enseignement artistique et supprime à cette fin, pour ce seul enseignement, la possibilité, même exceptionnelle, de doubler le plafond de rémunération qu'il maintient cependant pour les autres régimes, prend une mesure qui peut être raisonnablement justifiée au regard de l'objectif poursuivi et qui n'est pas disproportionnée puisque les intéressés conservent le bénéfice de la disposition qui, sauf circonstance exceptionnelle, s'applique à l'ensemble des enseignants visés par l'article 77.

Le moyen n'est pas fondé.

Par ces motifs, la Cour - annule l'article 473 du décret de la Communauté française du 20 décembre 2001 « fixant les règles spécifiques à l'Enseignement supérieur artistique organisé en Ecoles supérieures des Arts (organisation, financement, encadrement, statut des personnels, droits et devoirs des étudiants) » en ce qu'il exclut du bénéfice d'une rémunération complète ceux des enseignants des écoles supérieures des arts qui exercent une profession à caractère artistique sous statut; - rejette les recours pour le surplus.

Ainsi prononcé en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 21 janvier 2004.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, M. Melchior.

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