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Arrêt
publié le 16 mars 2004

Extrait de l'arrêt n° 31/2004 du 3 mars 2004 Numéro du rôle : 2648 En cause : le recours en annulation partielle des articles 4, 22, 23, 25 et 26 du décret de la Région flamande du 19 juillet 2002 « modifiant le décret du 21 octobre 1997 La Cour d'arbitrage, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges P. Martens, R.(...)

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COUR D'ARBITRAGE


Extrait de l'arrêt n° 31/2004 du 3 mars 2004 Numéro du rôle : 2648 En cause : le recours en annulation partielle des articles 4, 22, 23, 25 et 26 du décret de la Région flamande du 19 juillet 2002 « modifiant le décret du 21 octobre 1997 concernant la conservation de la nature et le milieu naturel, le décret forestier du 13 juin 1990, le décret du 16 avril 1996 portant la protection des sites ruraux, le décret du 21 décembre 1988 portant création d'une ' Vlaamse Landmaatschappij ' (Société flamande terrienne), la loi du 22 juillet 1970 relative au remembrement légal de biens ruraux en vertu de la loi telle que complétée par la loi du 11 août 1978 portant dispositions particulières pour la Région flamande, le décret du 23 janvier 1991 relatif à la protection de l'environnement contre la pollution due aux engrais et la loi relative à la police de la circulation routière, coordonnée par arrêté royal du 16 mars 1968 », introduit par l'a.s.b.l. Hubertusvereniging Vlaanderen et autres.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges P. Martens, R. Henneuse, M. Bossuyt, E. De Groot et L. Lavrysen, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président A. Arts, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 28 février 2003 et parvenue au greffe le 3 mars 2003, l'a.s.b.l.

Hubertusvereniging Vlaanderen, dont le siège est établi à 1030 Bruxelles, boulevard Lambermont 410, l'a.s.b.l. Wildbeheereenheid Vogelsanck, dont le siège est établi à 3520 Zonhoven, Vrunstraat 2, et P. Crahay, demeurant à 3511 Hasselt, Galgenbergstraat 79, ont introduit un recours en annulation partielle des articles 4, 22, 23, 25 et 26 du décret de la Région flamande du 19 juillet 2002 « modifiant le décret du 21 octobre 1997 concernant la conservation de la nature et le milieu naturel, le décret forestier du 13 juin 1990, le décret du 16 avril 1996 portant la protection des sites ruraux, le décret du 21 décembre 1988 portant création d'une ' Vlaamse Landmaatschappij ' (Société flamande terrienne), la loi du 22 juillet 1970 relative au remembrement légal de biens ruraux en vertu de la loi telle que complétée par la loi du 11 août 1978 portant dispositions particulières pour la Région flamande, le décret du 23 janvier 1991 relatif à la protection de l'environnement contre la pollution due aux engrais et la loi relative à la police de la circulation routière, coordonnée par arrêté royal du 16 mars 1968 » (publié au Moniteur belge du 31 août 2002, deuxième édition). (...) II. En droit (...) Les dispositions attaquées B.1. Les parties requérantes demandent l'annulation des articles 4, 22, 23, 25 et 26 du décret de la Région flamande du 19 juillet 2002 « modifiant le décret du 21 octobre 1997 concernant la conservation de la nature et le milieu naturel, le décret forestier du 13 juin 1990, le décret du 16 avril 1996 portant la protection des sites ruraux, le décret du 21 décembre 1988 portant création d'une ' Vlaamse Landmaatschappij ' (Société flamande terrienne), la loi du 22 juillet 1970 relative au remembrement légal de biens ruraux en vertu de la loi telle que complétée par la loi du 11 août 1978 portant dispositions particulières pour la Région flamande, le décret du 23 janvier 1991 relatif à la protection de l'environnement contre la pollution due aux engrais et la loi relative à la police de la circulation routière, coordonnée par arrêté royal du 16 mars 1968 », publié au Moniteur belge du 31 août 2002 (ci-après : le décret modificatif), qui modifie notamment le décret du 21 octobre 1997 concernant la conservation de la nature et le milieu naturel (ci-après : le décret sur la conservation de la nature).

Le recours en annulation concerne le paragraphe 1er, alinéa 1er, et le paragraphe 2 de l'article 9, les mesures d'interdiction établies au paragraphe 2 de l'article 35 et le pouvoir que confère cet article au Gouvernement flamand de prendre des mesures supplémentaires, les paragraphes 2 et 3 de l'article 36, les paragraphes 12 et 13 de l'article 36bis et l'article 36ter du décret sur la conservation de la nature.

Quant à l'intérêt des parties requérantes B.2.1. La Constitution et la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage imposent à toute personne physique ou morale qui introduit un recours en annulation de justifier d'un intérêt. Cet intérêt n'existe que si la disposition attaquée est susceptible d'affecter directement et défavorablement les parties requérantes.

B.2.2. Lorsqu'une association sans but lucratif se prévaut d'un intérêt collectif, il est requis que son objet social soit d'une nature particulière et, dès lors, distinct de l'intérêt général; que l'intérêt collectif ne soit pas limité aux intérêts individuels des membres; que la norme entreprise soit susceptible d'affecter l'objet social; enfin, qu'il n'apparaisse pas que l'objet social ne soit pas ou plus réellement poursuivi.

B.2.3. Le Gouvernement flamand conteste que les parties requérantes puissent être affectées par les dispositions en cause.

B.2.4. La première partie requérante, l'a.s.b.l. Hubertusvereniging Vlaanderen, a notamment pour objet social « la promotion, le développement et la défense de l'art de la chasse » et « la défense du droit de chasse en tant que composante du droit de propriété ». En vertu de ses statuts, elle peut « entreprendre des actions, tant judiciaires qu'extrajudiciaires, afin de combattre les restrictions inutiles et contre-productives à la chasse, la disparition d'habitats naturels et semi-naturels, de paysages de culture, d'espèces sauvages et du reste de la faune et de la flore » et elle peut « agir en justice afin de défendre ses intérêts propres ainsi que ceux de ses membres. Elle peut aussi engager toutes les actions judiciaires qu'elle juge nécessaires à la défense de l'intérêt collectif qu'elle vise à protéger ou à défendre ».

La deuxième partie requérante, l'a.s.b.l. Wildbeheereenheid Vogelsanck, a pour objet social « 1o le regroupement volontaire de terrains de chasse particuliers en une grande unité de gestion, en vue de la gestion du gibier, de la conservation de la nature et d'un meilleur contrôle; 2o la promotion d'une population de gibier équilibrée, en adéquation avec les intérêts de l'agriculture, de la sylviculture, de la protection de la nature et de la chasse; 3o l'adoption d'une politique commune de la chasse par ses membres; cette politique de chasse vise : une pratique optimale de l'art cynégétique par ses membres dans le cadre d'une bonne gestion du gibier; une bonne entente entre ses membres ».

La troisième partie requérante, P. Crahay, est propriétaire de terres situées dans une zone qui, à la suite du nouvel article 36bis, § § 12 et 13, du décret sur la conservation de la nature, est définitivement désignée comme zone spéciale de conservation. Elle invoque son intérêt en tant que titulaire d'un droit de chasse dans cette zone.

B.2.5. Les dispositions attaquées concernent les réserves naturelles et les zones spéciales de conservation. Les réserves naturelles sont des zones désignées ou agréées par le Gouvernement flamand, qui sont importantes pour la préservation et le développement de la nature ou pour la préservation et le développement du milieu naturel. Les zones spéciales de conservation sont les sites désignés par le Gouvernement flamand en application de la directive 79/409/CEE du Conseil du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages (ci-après : directive « Oiseaux ») ou de la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (ci-après : directive « Habitat »).

L'article 9, § 1er, alinéa 1er, du décret sur la conservation de la nature permet aux autorités administratives de prendre, dans les zones spéciales de conservation, des mesures qui interdisent des travaux ou opérations conformes aux plans d'aménagement ou aux plans d'exécution spatiaux en vigueur dans le cadre de l'aménagement du territoire ou qui entravent la réalisation de ces plans et de leurs règles d'affectation. Il s'agit des mesures de conservation visées à l'article 36ter, § § 1er et 2. Les modalités détaillées de ces mesures sont fixées à l'article 9, § 2. Ces mesures peuvent limiter, interdire ou rendre impossible la chasse, même si cette activité est conforme aux plans d'aménagement ou aux plans d'exécution spatiaux.

L'article 35, § 2, du décret sur la conservation de la nature contient des interdictions applicables dans les réserves naturelles et qui y rendent la chasse impossible. L'article 36, § § 2 et 3, assouplit les possibilités d'agrément de réserves naturelles.

L'article 36bis, § § 12 et 13, du décret sur la conservation de la nature fixe définitivement certains sites comme zones spéciales de conservation et, enfin, l'article 36ter, § § 3 à 7, contient des règles détaillées concernant les activités soumises à autorisation, les plans ou les programmes susceptibles de causer une dépréciation significative des caractéristiques naturelles d'une zone spéciale de conservation.

B.2.6. En tant que les dispositions attaquées peuvent limiter le droit de chasse, les parties requérantes justifient de l'intérêt requis.

L'intérêt de la troisième partie requérante est limité aux mesures qui se rapportent aux zones spéciales de conservation.

Quant au fond En ce qui concerne le premier moyen B.3.1. Le premier moyen est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, combinés ou non avec l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, en ce que les articles 4, 22, 23 et 26 du décret modificatif créent une différence de traitement entre les personnes qui disposent du droit d'exécuter dans une zone des travaux ou activités conformes à l'aménagement du territoire de cette zone, selon que leur droit soit ou non susceptible d'être érodé ou que l'exercice de celui-ci puisse ou non être rendu impossible sans aucune forme d'indemnité.

Compte tenu de l'intérêt des parties requérantes, il y a lieu de comprendre « les personnes qui disposent d'un droit » comme désignant « les titulaires d'un droit de chasse ».

B.3.2. Dans les zones spéciales de conservation, l'autorité administrative compétente doit prendre les mesures de conservation nécessaires, quelle que soit l'affectation du site concerné. Ces mesures peuvent imposer des restrictions qui, pour autant qu'elles figurent explicitement dans un plan directeur de la nature approuvé, interdisent ou rendent impossibles des travaux ou activités qui sont cependant conformes aux plans d'aménagement ou aux plans d'exécution spatiaux en vigueur dans le cadre de l'aménagement du territoire, et empêchent éventuellement la réalisation de ces plans et de leurs règles d'affectation.

Les mesures d'interdiction visant les réserves naturelles (article 35, § 2, du décret sur la conservation de la nature) peuvent également imposer de telles restrictions.

Il ressort des dispositions attaquées que, dans certains sites (les zones spéciales de conservation et les réserves naturelles), des restrictions existent qui peuvent rendre impossible l'exercice de la chasse, même si cette activité n'est pas contraire à l'affectation spatiale de ces sites.

Il en résulte une différence de traitement entre les titulaires d'un droit de chasse sur ces sites et les titulaires d'un droit de chasse sur d'autres sites.

B.3.3. Il appartient au législateur décrétal de prendre les mesures nécessaires en vue de la conservation des richesses naturelles et paysagères.

Bien que l'on puisse considérer qu'il serait souhaitable, du point de vue de la cohérence de la réglementation, que l'affectation spatiale d'un site corresponde aux prescriptions de conservation applicables à ce site et que, lorsque l'affectation spatiale ne peut plus être réalisée en raison des prescriptions de conservation, cette affectation spatiale soit dès lors adaptée, le contrôle exercé par la Cour se limite au respect, par le législateur décrétal, des articles 10 et 11 de la Constitution.

B.3.4. Les règles constitutionnelles de l'égalité et de la non-discrimination n'excluent pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée.

L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

B.3.5. La différence de traitement repose sur un critère qui est objectif et pertinent au regard du but de la mesure. On peut raisonnablement considérer que la pratique de la chasse dans les zones spéciales de conservation et les réserves naturelles n'est pas conciliable - du moins en toute circonstance - avec l'objectif de conservation de la nature qui prévaut dans ces sites.

B.3.6. La Cour doit toutefois examiner si les mesures contestées n'ont pas d'effets disproportionnés, en particulier en ce qu'elles contiennent une limitation du droit de propriété.

B.3.7. L'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme énonce : « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens.

Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.

Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. » B.3.8. A supposer qu'une restriction du droit de chasse puisse constituer une atteinte au droit de propriété, il y a lieu de considérer que les mesures contestées règlent « l'usage des biens conformément à l'intérêt général », au sens de l'alinéa 2 de l'article 1er du Premier Protocole additionnel. Ces mesures ne seraient discriminatoires que si elles affectaient de manière excessive les droits des propriétaires concernés.

B.3.9. Les parties requérantes font référence, à cet égard, à des similitudes frappantes avec l'affaire Chassagnou sur laquelle la Cour européenne des droits de l'homme a statué. Celle-ci concernait des propriétaires qu'une loi française obligeait, sous certaines conditions, à céder leur droit de chasse à une association communale de chasse agréée, en vue d'agrandir les zones de chasse. La Cour avait conclu que l'apport forcé des droits de chasse, entraînant qu'il puisse être fait des terres des propriétaires un usage totalement contraire aux convictions de ceux-ci, constituait une charge démesurée qui ne se justifiait pas sous l'angle de l'article 1er du Premier Protocole additionnel (Cour européenne des droits de l'homme, 29 avril 1999, Chassagnou c. France, § 85).

A côté de similitudes, l'affaire à l'examen présente quelques différences importantes. Contrairement à l'affaire précitée, les dispositions attaquées n'obligent pas les propriétaires à permettre l'exercice de la chasse sur leur propriété, contre leur conviction. En outre, contrairement toujours à l'affaire précitée, la Cour ne doit pas mettre en balance l'exercice individuel du droit de chasse, en tant que composante du droit de propriété, et l'exercice collectif de ce droit, mais l'exercice individuel du droit de chasse et l'intérêt général de la protection et de la conservation de la nature.

B.3.10. Le décret sur la conservation de la nature ne rend pas totalement impossible l'exercice de la chasse dans les zones spéciales de conservation et dans les réserves naturelles.

Dans les zones spéciales de conservation, le décret sur la conservation de la nature ne prévoit pas expressément une interdiction générale de la chasse, mais l'obligation de prendre les mesures de conservation nécessaires (article 36ter, § § 1er et 2). Il est prévu en outre une procédure permettant à l'autorité d'accorder, sous certaines conditions, une dérogation à ces mesures (article 36ter, § § 3 à 6).

Dans les réserves naturelles, le plan de gestion peut accorder des dérogations aux dispositions d'interdiction, pour des raisons de conservation de la nature et d'éducation à la nature (article 34, § 1er, alinéa 1er). En outre, le Gouvernement flamand ou son délégué peut accorder des dispenses d'interdiction dans l'intérêt de la conservation de la nature, de la santé publique ou de la recherche scientifique, afin d'éviter des dommages disproportionnés (article 35, § 2, in fine ).

B.3.11. En tant qu'elles limitent l'exercice du droit de chasse, les dispositions attaquées doivent être considérées comme des restrictions que l'autorité publique impose au droit de propriété dans l'intérêt général et qui n'ont pas pour effet que cette autorité serait tenue à indemnisation, dès lors qu'en raison de leur nature et des garanties offertes, on ne saurait raisonnablement considérer que ces mesures portent atteinte de manière disproportionnée aux droits des propriétaires concernés.

B.3.12. Le moyen ne peut être admis.

En ce qui concerne le deuxième moyen B.4.1. Le deuxième moyen est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution en ce que l'article 25 du décret modificatif crée une différence de traitement entre les personnes qui disposent d'un droit ou exercent une activité dans une zone désignée comme zone spéciale de conservation, selon qu'elles ont ou non la possibilité de faire connaître leur point de vue, leurs remarques et objections au cours d'une enquête publique.

B.4.2. L'article 4, paragraphes 1 et 2, de la directive « Oiseaux » impose aux Etats membres de classer en zones spéciales de protection les territoires obéissant aux critères ornithologiques déterminés dans ces dispositions (C.J.C.E., 20 mars 2003, Commission c. République italienne, C-378/01, point 14).

L'article 4 de la directive « Habitat » impose aux Etats membres de désigner des sites abritant certains habitats et certaines espèces animales et végétales. Lorsque la Commission déclare qu'un tel site est d'importance communautaire, l'Etat membre doit désigner ce site comme zone spéciale de conservation.

B.4.3. Il relève du pouvoir d'appréciation du législateur décrétal de prévoir une enquête publique préalablement à la désignation définitive des zones qui sont susceptibles d'être déclarées zones spéciales de conservation. Les directives précitées ne contiennent à ce sujet aucune obligation. Toutefois, lorsqu'il prévoit une enquête publique, le législateur décrétal doit respecter les articles 10 et 11 de la Constitution.

B.4.4. Le Gouvernement flamand détermine, à titre provisoire, les sites susceptibles d'être désignés comme zones spéciales de conservation. L'arrêté portant fixation provisoire de ces sites est ensuite soumis à une enquête publique, après quoi le Gouvernement flamand fixe définitivement ces sites.

Certains sites sont toutefois exclus de ce régime et sont considérés comme ayant été fixés définitivement. Il s'agit de sites qui ont été désignés comme zones spéciales de conservation par les arrêtés du Gouvernement flamand du 17 octobre 1988 et du 24 mai 2002, pris en exécution des directives « Oiseaux » et « Habitat ».

B.4.5. L'arrêté précité du 17 octobre 1988 a désigné un certain nombre de zones spéciales de conservation au sens de l'article 4 de la directive « Oiseaux ». Cette désignation n'a pas été précédée d'une enquête publique.

Dans un arrêt du 27 février 2003, la Cour de justice a jugé que l'arrêté du 17 octobre 1988 constituait une exécution défectueuse de l'article 4 de la directive « Oiseaux ».

B.4.6. L'arrêté précité du 24 mai 2002 a désigné un certain nombre de sites au sens de l'article 4 de la directive « Habitat ». Cette désignation n'a pas été précédée d'une enquête publique.

Ces sites ont été proposés à la Commission européenne comme zones spéciales de conservation, mais n'ont pas encore été déclarés d'intérêt communautaire.

B.4.7. Les sites désignés par les arrêtés précités ont en commun d'avoir fait l'objet, antérieurement à l'entrée en vigueur des dispositions attaquées, d'une désignation en tant que zones spéciales de conservation. Il n'est dès lors pas manifestement déraisonnable qu'ils ne doivent pas être soumis à une enquête publique, contrairement aux sites qui n'avaient pas encore été désignés comme zones spéciales de conservation au moment de l'entrée en vigueur des dispositions attaquées.

La constatation que, d'une part, la désignation des zones spéciales de conservation au sens de l'article 4 de la directive « Oiseaux » a été opérée dans le passé d'une manière défectueuse et que, d'autre part, les zones spéciales de conservation au sens de l'article 4 de la directive « Habitat » n'ont pas encore été déclarées d'intérêt communautaire n'enlève rien au caractère justifié de la différence de traitement en cause.

B.4.8. Le moyen ne peut être admis.

En ce qui concerne le troisième moyen B.5.1. Le troisième moyen est pris de la violation des articles 17, 20 et 78 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, combinés ou non avec les articles 10 et 11 de la Constitution et avec les principes de bonne législation, en ce que les articles 4 et 22 du décret modificatif ne fixent pas eux-mêmes les éléments essentiels de la réglementation, mais habilitent de façon absolue le Gouvernement flamand à déterminer, dans le cadre de la conservation de la nature, quelles mesures peuvent être prises.

B.5.2. La Cour n'est pas compétente pour censurer une disposition qui violerait la répartition des compétences entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif, sauf si cette violation méconnaît les règles répartitrices de compétences entre l'Etat, les communautés et les régions ou si un législateur, en imposant à une autorité administrative de prendre une mesure qui ne relève pas de la compétence de celle-ci, prive ainsi une catégorie de personnes de l'intervention d'une assemblée démocratiquement élue, prévue par la Constitution ou par la loi spéciale.

B.5.3. L'article 17 de la loi spéciale du 8 août 1980 dispose : « Le pouvoir décrétal s'exerce collectivement par le Conseil et le Gouvernement. » L'article 20 de la même loi spéciale dispose : « Le Gouvernement fait les règlements et arrêtés nécessaires pour l'exécution des décrets, sans pouvoir jamais ni suspendre les décrets eux-mêmes, ni dispenser de leur exécution. » Enfin, l'article 78 de la même loi dispose : « Le Gouvernement n'a d'autres pouvoirs que ceux que lui attribuent formellement la Constitution et les lois et décrets portés en vertu de celle-ci. » B.5.4. Conformément aux principes qui régissent les relations entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif, les choix politiques essentiels doivent être fixés par l'assemblée législative. Le soin d'arrêter les modalités de leur mise en oeuvre peut être laissé au pouvoir exécutif.

B.5.5. L'article 9, § 2, du décret sur la conservation de la nature, tel qu'il a été remplacé par l'article 4 du décret modificatif, précise les modalités des mesures qu'il mentionne, parmi lesquelles les mesures de conservation qui peuvent être prises dans les zones spéciales de conservation. Ces mesures peuvent notamment consister en des injonctions adressées aux particuliers propriétaires ou utilisateurs du sol.

Il n'apparaît pas que le législateur décrétal ait porté atteinte de manière discriminatoire au principe de légalité en habilitant le Gouvernement flamand à fixer les modalités relatives à ces injonctions et à l'indemnité qui les accompagne.

B.5.6. L'article 35, § 2, alinéa 1er, du décret sur la conservation de la nature, tel qu'il a été remplacé par l'article 22 du décret modificatif, dispose que, dans les réserves naturelles, il est interdit (1) de pratiquer des sports individuellement ou en groupe; (2) d'utiliser ou d'abandonner des véhicules à moteur, à moins que ceux-ci soient nécessaires pour la gestion et la surveillance de la réserve pour secourir des personnes en danger;(3) d'ériger, même temporairement, des baraques, hangars, tentes ou autres constructions; (4) de perturber la tranquillité ou de faire de la publicité, de quelque manière que soit;(5) de perturber intentionnellement des espèces animales vivant dans la nature, notamment durant la période de reproduction, de dépendance, d'hibernation et de migration; de les capturer et de les tuer intentionnellement; de ramasser ou de détruire intentionnellement les oeufs, de détruire ou de détériorer leurs nids, leurs sites de reproduction, leurs aires de repos et leurs refuges; (6) de cueillir, rassembler, couper, déraciner ou détruire intentionnellement des plantes ou d'endommager et détruire, de quelque manière que soit, la végétation ou les plantes;(7) d'effectuer des excavations, forages, terrassements ou d'exploiter des matériaux, procéder à des travaux susceptibles de modifier la nature du sol, l'aspect du terrain, les sources et le réseau hydrographique, de poser des canalisations souterraines ou aériennes, d'ériger des panneaux publicitaires et d'apposer des affiches; (8) de faire du feu et de verser des déchets; (9) d'utiliser des pesticides; (10) d'épandre des engrais, à l'exclusion des déjections naturelles résultant d'un pâturage extensif; (11) de modifier le niveau de l'eau et de procéder à des rejets d'eau artificiels; (12) de survoler le terrain à basse altitude ou d'y atterrir avec des avions, hélicoptères, ballons et autres aéronefs de quelque nature que ce soit.

En vertu de l'alinéa 3 de la même disposition, le Gouvernement flamand peut prendre, pour des raisons de conservation de la nature, des mesures générales supplémentaires.

Selon les travaux préparatoires, il ne serait pas possible, sans cette habilitation, d'intervenir adéquatement en faveur de la protection des réserves naturelles, au cas où apparaîtraient d'autres formes de perturbation ou d'atteinte que celles qui sont explicitement interdites par le décret (Doc., Parlement flamand, 2001-2002, no 967/1, p. 23).

Dès lors que le législateur décrétal a fixé lui-même les interdictions essentielles, il n'a pas porté atteinte de manière discriminatoire au principe de légalité en habilitant le Gouvernement flamand à prendre des mesures qui ne pouvaient pas être prévues lors de l'adoption du décret, mais qui apparaissent néanmoins nécessaires et qui, pour des raisons de conservation de la nature, ne peuvent être différées.

B.5.7. Le moyen ne peut être admis.

Par ces motifs, la Cour rejette le recours.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 3 mars 2004.

Le greffier, L. Potoms Le président, A. Arts

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