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Arrêt
publié le 20 septembre 2004

Extrait de l'arrêt n° 93/2004 du 26 mai 2004 Numéro du rôle : 2656 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 14 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, posée par le Conseil d'Etat. La Cour d'arbitrage, composée de après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédu(...)

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COUR D'ARBITRAGE


Extrait de l'arrêt n° 93/2004 du 26 mai 2004 Numéro du rôle : 2656 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 14 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, posée par le Conseil d'Etat.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges L. François, P. Martens, R. Henneuse, M. Bossuyt, E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman et E. Derycke, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président A. Arts, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par arrêt n° 116.419 du 25 février 2003 en cause de L. Goovaerts contre la Région de Bruxelles-Capitale, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 7 mars 2003, le Conseil d'Etat a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 14 des lois coordonnées du 12 janvier 1973 sur le Conseil d'Etat, modifié par la loi du 25 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 25/05/1999 pub. 22/06/1999 numac 1999000448 source ministere de l'interieur et ministere de la justice Loi modifiant les lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973, la loi du 5 avril 1955 relative aux traitements des titulaires d'une fonction au Conseil d'Etat, ainsi que le Code judiciaire fermer, viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution si cet article est interprété en ce sens que le Conseil d'Etat ne serait pas compétent pour connaître d'un recours en annulation et/ou en suspension introduit par un membre du Collège juridictionnel de la Région de Bruxelles-capitale contre une décision du Conseil de la Région de Bruxelles-capitale mettant fin à ses fonctions, bien que ce même Conseil l'ait désigné auparavant en cette qualité ? » (...) III. En droit (...) Quant à la recevabilité B.1.1. Le Conseil des ministres fait valoir que la question préjudicielle est irrecevable au motif qu'il n'est pas indiqué quelles catégories de personnes doivent être comparées en vue d'un contrôle au regard du principe constitutionnel d'égalité et de non-discrimination.

B.1.2. Le Conseil d'Etat interroge la Cour sur une discrimination éventuelle qui serait la conséquence de ce qu'il ne serait pas compétent pour connaître d'un recours en annulation et d'une demande de suspension d'une décision du Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale mettant fin à la fonction d'un membre du Collège juridictionnel de la Région de Bruxelles-Capitale, bien que ce même Conseil l'ait précédemment désigné en cette qualité. Il appert des motifs de l'arrêt de renvoi que la situation des membres du Collège juridictionnel doit être comparée avec celle des membres du personnel du Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale qui, en vertu de l'article 14, § 1er, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, modifiées par la loi du 25 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 25/05/1999 pub. 22/06/1999 numac 1999000448 source ministere de l'interieur et ministere de la justice Loi modifiant les lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973, la loi du 5 avril 1955 relative aux traitements des titulaires d'une fonction au Conseil d'Etat, ainsi que le Code judiciaire fermer, peuvent introduire des recours en annulation d'actes administratifs du Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale ou de ses organes les concernant.

B.1.3. L'exception est rejetée.

Quant au fond B.2.1. La question préjudicielle vise l'article 14, § 1er, des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973, telle que cette disposition a été modifiée par l'article 2 de la loi du 25 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 25/05/1999 pub. 22/06/1999 numac 1999000448 source ministere de l'interieur et ministere de la justice Loi modifiant les lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973, la loi du 5 avril 1955 relative aux traitements des titulaires d'une fonction au Conseil d'Etat, ainsi que le Code judiciaire fermer « modifiant les lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973, la loi du 5 avril 1955 relative aux traitements des titulaires d'une fonction au Conseil d'Etat, ainsi que le Code judiciaire ». A la suite de cette modification, l'article 14, § 1er, dispose désormais : « La section statue par voie d'arrêts sur les recours en annulation pour violation des formes soit substantielles, soit prescrites à peine de nullité, excès ou détournement de pouvoir, formés contre les actes et règlements des diverses autorités administratives, ainsi que contre les actes administratifs des assemblées législatives ou de leurs organes, en ce compris les médiateurs institués auprès de ces assemblées, de la Cour des comptes et de la Cour d'arbitrage, ainsi que des organes du pouvoir judiciaire et du Conseil supérieur de la Justice relatifs aux marchés publics et aux membres de leur personnel. » B.2.2. Sur la base de cette disposition, la section d'administration du Conseil d'Etat peut connaître des recours en annulation introduits contre « les actes administratifs des assemblées législatives ou de leurs organes » en ce qui concerne les membres de leur personnel.

B.2.3. La décision de renvoi considère que : « le Collège [juridictionnel], en dépit du soutien logistique dont il bénéficie de la part du Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale, ne doit pas être considéré comme un organe institué ' dans le cadre ' du Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale et qu'on ne peut pas non plus considérer que ses membres accomplissent des prestations au service du Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale; qu'il n'apparaît [dès lors] pas, au stade actuel de la procédure, que la nomination contestée des membres du Collège juridictionnel, par laquelle il a été mis fin notamment aux nominations du requérant et de la partie intervenante, constitue un acte administratif du Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale relatif aux ' membres de son personnel ' ».

Il en a été déduit que l'article 14 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat doit être interprété en ce sens que le Conseil d'Etat ne serait pas compétent pour connaître d'un recours en annulation et d'une demande de suspension introduits par un membre du Collège juridictionnel contre une décision du Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale mettant fin à ses fonctions. C'est dans cette interprétation que la Cour examine si la disposition en cause est ou non compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution.

B.3.1. Le Conseil d'Etat demande de comparer la situation d'un membre du Collège juridictionnel de la Région de Bruxelles-Capitale à la fonction duquel il est mis fin avec celle des membres du personnel du Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale.

B.3.2. Selon le Conseil des ministres, les deux catégories ne seraient pas comparables puisque les membres du Collège juridictionnel ne sont pas, comme tout membre du personnel, soit soumis à un statut de fonctionnaire fixé unilatéralement soit liés par un contrat de travail avec le Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale.

B.3.3. Ces différences n'empêchent pas que les catégories de personnes puissent être comparées en ce que les unes bénéficient d'un recours qui est refusé aux autres.

B.3.4. L'exception est rejetée.

B.4.1. Le Collège juridictionnel de la Région de Bruxelles-Capitale a été institué par l'article 83quinquies, § 2, de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises, en exécution de l'article 163, alinéa 2, de la Constitution. L'article 83quinquies, § 2, dispose : « Les missions juridictionnelles qui sont exercées dans les provinces par la députation permanente sont exercées, en ce qui concerne le territoire visé à l'article 2, § 1er, par un collège de 9 membres désignés par le Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale, sur proposition de son Gouvernement. Au moins trois membres appartiennent au groupe linguistique le moins nombreux.

Les membres de ce collège sont soumis aux mêmes incompatibilités que les membres de la députation permanente dans les provinces.

Dans la procédure devant le collège, les mêmes règles doivent être respectées que celles qui s'appliquent lorsque la députation permanente exerce une mission juridictionnelle dans les provinces. » B.4.2. La création du Collège juridictionnel est une conséquence du fait que, lors de la scission de la province de Brabant, l'arrondissement administratif de Bruxelles-Capitale a été soustrait à la division en provinces et ne possède dès lors ni conseil provincial ni députation permanente. Il a donc fallu prévoir une réglementation particulière pour les missions juridictionnelles exercées dans les provinces par la députation permanente. Le Collège s'est vu attribuer les compétences qu'exercent les députations permanentes en matière de missions juridictionnelles.

B.5.1. En modifiant l'article 14 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat par la loi du 25 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 25/05/1999 pub. 22/06/1999 numac 1999000448 source ministere de l'interieur et ministere de la justice Loi modifiant les lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973, la loi du 5 avril 1955 relative aux traitements des titulaires d'une fonction au Conseil d'Etat, ainsi que le Code judiciaire fermer, le législateur a voulu rétablir l'égalité entre les agents des autorités administratives et ceux des assemblées législatives ou de leurs organes, pour ce qui concerne les « actes administratifs » relatifs aux membres de leur personnel.

B.5.2. Les assemblées législatives posent toutefois aussi des actes qui ne portent pas sur les membres de leur personnel ou sur des marchés publics, tels que, notamment, la présentation ou la nomination de membres d'un organe juridictionnel ou consultatif.

B.5.3. Relève des principes de base de la structure démocratique de l'Etat, la règle selon laquelle les assemblées législatives, qui sont élues et détentrices du résidu de la souveraineté, disposent dans l'exercice de cette mission de la plus large indépendance.

Ce principe a pour effet que lorsque des assemblées législatives posent des actes qui sont liés à leur activité politique ou législative, ces actes peuvent être soustraits au contrôle juridictionnel du Conseil d'Etat.

B.5.4. Les membres du Collège juridictionnel ne sont ni des agents ni des membres du personnel du Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale mais des mandataires dont la fonction est en partie comparable à celle des députés permanents. En outre, les mêmes incompatibilités que celles applicables aux députés permanents s'appliquent à ces membres du Collège. Le Collège est soumis aux mêmes règles de procédure et de majorité applicables lorsque la députation permanente exerce ses compétences juridictionnelles.

B.5.5. La décision du Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale nommant un membre du Collège juridictionnel de la Région de Bruxelles-Capitale ou mettant fin à ses fonctions est donc d'une nature différente de celle d'un acte administratif du Conseil concernant les membres de son personnel. Contrairement aux décisions en matière de personnel, qui sont généralement prises par un organe de l'assemblée législative, cette décision est d'ailleurs prise par l'assemblée plénière.

B.5.6. En octroyant au Conseil le pouvoir de nomination des membres du Collège juridictionnel, le législateur spécial a voulu « que les différentes tendances existant au sein du Conseil [soient] également représentées au sein du collège de neuf membres » (Doc. parl., Sénat, 1992-1993, n° 558/5, p. 297). La nomination des membres du Collège juridictionnel est donc liée à l'activité politique du Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale.

Lorsque le Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale désigne les membres du Collège, il pose un acte qui, pour les motifs exprimés en B.5.3, peut être soustrait à la compétence du Conseil d'Etat.

B.6. La différence de traitement décrite dans la question préjudicielle étant raisonnablement justifiée, cette question appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 14, § 1er, des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973, interprété en ce sens que le Conseil d'Etat n'est pas compétent pour connaître du recours en annulation introduit par un membre du Collège juridictionnel de la Région de Bruxelles-Capitale contre une décision du Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale mettant fin à ses fonctions, ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 26 mai 2004.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, A. Arts.

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