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Arrêt
publié le 05 octobre 2004

Extrait de l'arrêt n° 127/2004 du 7 juillet 2004 Numéro du rôle : 2959 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 100, alinéa 1 er , 1°, des lois sur la comptabilité de l'Etat, coordonnées par arrêté royal du 17 juil La Cour d'arbitrage, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges P. Martens, R.(...)

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05/10/2004
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COUR D'ARBITRAGE


Extrait de l'arrêt n° 127/2004 du 7 juillet 2004 Numéro du rôle : 2959 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 100, alinéa 1er, 1°, des lois sur la comptabilité de l'Etat, coordonnées par arrêté royal du 17 juillet 1991, posée par le Tribunal de première instance de Gand.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges P. Martens, R. Henneuse, M. Bossuyt, E. De Groot et J.-P. Moerman, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président A. Arts, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par jugement du 12 mars 2004 en cause de G. Verheugen contre la ville de Gand, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 25 mars 2004, le Tribunal de première instance de Gand a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 100, 1°, des lois sur la comptabilité de l'Etat, coordonnées par l'arrêté royal du 17 juillet 1991, viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution en tant qu'il ne prévoit pas un délai de prescription quinquennal pour les actions en réparation d'un dommage fondées sur la responsabilité extra-contractuelle d'une autorité communale ? » Le 21 avril 2004, en application de l'article 72, alinéa 1er, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, les juges-rapporteurs E. De Groot et J.-P. Moerman ont informé la Cour qu'ils pourraient être amenés à proposer à la Cour de rendre un arrêt de réponse immédiate. (...) III. En droit (...) B.1. L'article 100 des lois sur la comptabilité de l'Etat, coordonnées par l'arrêté royal du 17 juillet 1991, dispose : « Sont prescrites et définitivement éteintes au profit de l'Etat, sans préjudice des déchéances prononcées par d'autres dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles sur la matière : 1° les créances qui, devant être produites selon les modalités fixées par la loi ou le règlement, ne l'ont pas été dans le délai de cinq ans à partir du premier janvier de l'année budgétaire au cours de laquelle elles sont nées;2° les créances qui, ayant été produites dans le délai visé au 1°, n'ont pas été ordonnancées par les Ministres dans le délai de cinq ans à partir du premier janvier de l'année pendant laquelle elles ont été produites;3° toutes autres créances qui n'ont pas été ordonnancées dans le délai de dix ans à partir du premier janvier de l'année pendant laquelle elles sont nées. Toutefois, les créances résultant de jugements restent soumises à la prescription décennale; elles doivent être payées à l'intervention de la Caisse des dépôts et consignations. » B.2. Avant l'entrée en vigueur de la loi du 10 juin 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/06/1998 pub. 17/07/1998 numac 1998009557 source ministere de la justice Loi modifiant certaines dispositions en matière de prescription fermer modifiant certaines dispositions en matière de prescription, le délai de prescription de droit commun était de trente ans. Le nouvel article 2262bis, § 1er, du Code civil, inséré par la loi susdite, énonce que les actions personnelles sont prescrites par dix ans à l'exception des actions en réparation d'un dommage fondées sur une responsabilité extra-contractuelle qui se prescrivent par cinq ans à partir du jour qui suit celui où la personne lésée a eu connaissance du dommage ou de son aggravation et de l'identité de la personne responsable, ces actions se prescrivant en tout cas par vingt ans à partir du jour qui suit celui où s'est produit le fait qui a provoqué le dommage. Lorsque le droit d'agir a pris naissance avant l'entrée en vigueur de la loi du 10 juin 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/06/1998 pub. 17/07/1998 numac 1998009557 source ministere de la justice Loi modifiant certaines dispositions en matière de prescription fermer, l'article 10 de cette loi dispose, à titre de mesure transitoire, que les nouveaux délais de prescription qu'elle institue ne commencent à courir qu'à partir de son entrée en vigueur.

B.3. Aucun délai de prescription n'étant prévu pour les communes, leurs créances se prescrivent conformément aux dispositions de droit commun.

La Cour doit examiner s'il est justifié de soumettre les actions dirigées contre les communes à un délai de prescription différent des actions dirigées contre d'autres autorités publiques.

B.4. Ainsi que la Cour l'a exposé dans les arrêts nos 32/96, 75/97, 5/99, 85/2001, 42/2002, 64/2002, 37/2003, 1/2004 et 86/2004, en soumettant à la prescription quinquennale les actions dirigées contre l'Etat, le législateur avait pris une mesure en rapport avec le but poursuivi qui est de permettre de clôturer les comptes de l'Etat dans un délai raisonnable. Il a en effet considéré qu'une telle mesure était indispensable, parce qu'il faut que l'Etat puisse, à une époque déterminée, arrêter ses comptes : c'est une prescription d'ordre public et nécessaire au point de vue d'une bonne comptabilité (Pasin. 1846, p. 287).

Lors des travaux préparatoires de la loi du 6 février 1970, il fut rappelé que, « faisant pour plus de 150 milliards de dépenses par an, manoeuvrant un appareil administratif lourd et compliqué, submergé de documents et d'archives, l'Etat est un débiteur de nature particulière » et que « des raisons d'ordre imposent que l'on mette fin aussitôt que possible aux revendications tirant leur origine d'affaires arriérées » (Doc. parl., Chambre, 1964-1965, n° 971/1, p. 2; Doc. parl., Sénat, 1966-1967, n° 126, p. 4).

Sauf dans l'hypothèse où des personnes se trouvent dans l'impossibilité d'agir en justice dans le délai légal parce que leur dommage n'est apparu qu'après l'expiration du délai (arrêt n° 32/96), la Cour a constaté à chaque reprise que le législateur avait pris une mesure qui n'était pas disproportionnée au but poursuivi.

B.5. Il est vrai que les mêmes créances à l'égard des communes pourraient être soumises au délai de prescription quinquennale pour les motifs indiqués au B.4, mais cette considération n'est pas de nature à mettre en cause la constitutionnalité des dispositions litigieuses. En effet, les articles 10 et 11 de la Constitution n'impliquent pas que le législateur doive déroger aux règles de prescription du droit commun à l'égard de toutes les autorités administratives.

B.6. La question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 100, alinéa 1er, 1°, des lois sur la comptabilité de l'Etat, coordonnées par l'arrêté royal du 17 juillet 1991, ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution, en tant que le délai de prescription qu'il prévoit n'est pas applicable aux créances à charge des communes.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 7 juillet 2004.

Le greffier, L. Potoms.

Le président, A. Arts.

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