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Arrêt
publié le 24 février 2005

Extrait de l'arrêt n° 27/2005 du 2 février 2005 Numéros du rôle : 3111, 3144 à 3165, 3197, 3198, 3201, 3202, 3203 et 3211 à 3245 En cause : les questions préjudicielles concernant l'article 29 des lois relatives à la police de la circulatio La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges P. Martens, R.(...)

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COUR D'ARBITRAGE


Extrait de l'arrêt n° 27/2005 du 2 février 2005 Numéros du rôle : 3111, 3144 à 3165, 3197, 3198, 3201, 3202, 3203 et 3211 à 3245 En cause : les questions préjudicielles concernant l'article 29 des lois relatives à la police de la circulation routière, coordonnées par l'arrêté royal du 16 mars 1968, tel qu'il a été remplacé par l'article 6 de la loi du 7 février 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/02/2003 pub. 25/02/2003 numac 2003014044 source service public federal mobilite et transports Loi portant diverses dispositions en matière de sécurité routière fermer, posées par la Cour de cassation, le Tribunal de police de Marche-en-Famenne et le Tribunal de police de Termonde.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges P. Martens, R. Henneuse, M. Bossuyt, E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe et J.-P. Moerman, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles et procédure a. Par arrêt du 13 octobre 2004 en cause de C.Van Bedts, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 25 octobre 2004, la Cour de cassation a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 6 de la loi du 7 février 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/02/2003 pub. 25/02/2003 numac 2003014044 source service public federal mobilite et transports Loi portant diverses dispositions en matière de sécurité routière fermer portant diverses dispositions en matière de sécurité routière, remplaçant l'article 29 des lois relatives à la police de la circulation routière coordonnées le 16 mars 1968, viole-t-il les articles 12, alinéa 2, ou 14 de la Constitution, en ce qu'il délègue au Roi le pouvoir de désigner, par arrêté délibéré en Conseil des Ministres, les infractions qui entrent dans chacune des trois catégories d'infractions graves visées au premier paragraphe dudit article 29 ? » b. Par vingt-deux jugements du 22 novembre 2004 en cause du ministère public contre V.Materne et autres, dont les expéditions sont parvenues au greffe de la Cour d'arbitrage le 26 novembre 2004, le Tribunal de police de Marche-en-Famenne a posé la même question préjudicielle. c. Par deux jugements du 6 décembre 2004 en cause du ministère public contre P.Mathieu et autres, dont les expéditions sont parvenues au greffe de la Cour d'arbitrage le 15 décembre 2004, le Tribunal de police de Marche-en-Famenne a posé la même question préjudicielle. d. Par trois jugements du 10 décembre 2004 en cause de J.Boeykens et autres contre le ministère public, dont les expéditions sont parvenues au greffe de la Cour d'arbitrage le 16 décembre 2004, le Tribunal de police de Termonde a posé une question préjudicielle identique. e. Par trente-cinq jugements du 13 décembre 2004 en cause de G.Freres contre le ministère public et du ministère public contre J. Renard et autres, dont les expéditions sont parvenues au greffe de la Cour d'arbitrage le 22 décembre 2004, le Tribunal de police de Marche-en-Famenne a posé la même question préjudicielle.

Ces affaires, inscrites sous les numéros 3111, 3144 à 3165, 3197, 3198, 3201, 3202, 3203 et 3211 à 3245 du rôle de la Cour, ont été jointes. (...) III. En droit (...) B.1. Les juges a quo invitent la Cour à se prononcer sur la violation éventuelle des articles 12, alinéa 2, ou 14 de la Constitution, par l'article 6 de la loi du 7 février 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/02/2003 pub. 25/02/2003 numac 2003014044 source service public federal mobilite et transports Loi portant diverses dispositions en matière de sécurité routière fermer portant diverses dispositions en matière de sécurité routière, remplaçant l'article 29 des lois relatives à la police de la circulation routière, coordonnées le 16 mars 1968, en ce qu'il délègue au Roi le pouvoir de désigner, par arrêté délibéré en Conseil des Ministres, les infractions qui entrent dans chacune des trois catégories d'infractions graves visées au § 1er dudit article 29.

B.2. L'article 29, § 1er, précité dispose : « Les infractions graves de troisième degré aux règlements pris en exécution des présentes lois coordonnées, spécialement désignées comme telles par le Roi, par arrêté délibéré en Conseil des Ministres, sont punies d'une amende de 100 euros à 500 euros et d'une déchéance du droit de conduire un véhicule à moteur de huit jours au moins à cinq ans au plus.

Les infractions graves de deuxième degré aux règlements pris en exécution des présentes lois coordonnées, spécialement désignées comme telles par le Roi, par arrêté délibéré en Conseil des Ministres, sont punies d'une amende de 50 euros à 500 euros.

Les infractions graves de premier degré aux règlements pris en exécution des présentes lois coordonnées, spécialement désignées comme telles par le Roi, par arrêté délibéré en Conseil des Ministres, sont punies d'une amende de 50 euros à 250 euros. » L'article 12 de la Constitution prévoit : « La liberté individuelle est garantie.

Nul ne peut être poursuivi que dans les cas prévus par la loi, et dans la forme qu'elle prescrit. [...] » Quant à l'article 14 de la Constitution, il énonce : « Nulle peine ne peut être établie ni appliquée qu'en vertu de la loi. » B.3. En attribuant au pouvoir législatif la compétence, d'une part, de déterminer dans quels cas et dans quelle forme des poursuites pénales sont possibles, d'autre part, d'adopter la loi en vertu de laquelle une peine peut être établie et appliquée, les articles 12, alinéa 2, et 14 de la Constitution garantissent à tout citoyen qu'aucun comportement ne sera punissable et qu'aucune peine ne sera infligée qu'en vertu de règles adoptées par une assemblée délibérante, démocratiquement élue.

B.4. Les dispositions constitutionnelles précitées ne vont toutefois pas jusqu'à obliger le législateur à régler lui-même chaque aspect de la poursuite et de la sanction. Une délégation conférée au Roi n'est pas contraire au principe de légalité en matière pénale pour autant que l'habilitation soit définie de manière suffisamment précise et porte sur l'exécution de mesures dont les éléments essentiels sont fixés préalablement par le législateur.

B.5. La disposition en cause fait partie de la loi relative à la police de la circulation routière (ci-après dénommée la loi relative à la circulation routière), coordonnée par l'arrêté royal du 16 mars 1968. Il s'agit d'une loi-cadre qui fixe dans ses trois premiers titres les principes de base en matière de police de la circulation routière, de signalisation et de permis de conduire et qui en l'espèce confère au Roi, et pour certains aspects à d'autres autorités, le pouvoir de préciser ces règles. Sur la base de cette habilitation, le Roi a arrêté le règlement général sur la police de la circulation routière par l'arrêté royal du 1er décembre 1975. C'est dans ce règlement que sont réglés de manière détaillée la circulation sur la voie publique et l'usage de celle-ci par les piétons, les véhicules, ainsi que les animaux de trait, de charge ou de monture et les bestiaux.

Les infractions à ce règlement sont sanctionnées pénalement par l'article 29 de la loi relative à la circulation routière, qui fait partie du chapitre II (« Infractions aux règlements ») du titre IV de cette loi.

B.6. L'article 29, § 1er, de la loi relative à la circulation routière instaure trois catégories d'infractions graves aux règlements pris en exécution de cette loi et fixe pour chacune de ces catégories les peines minimums et maximums. Les infractions graves du troisième degré sont à cet égard sanctionnées plus lourdement que celles du deuxième degré, lesquelles sont à leur tour sanctionnées plus lourdement que celles du premier degré.

Le Roi est chargé de désigner, par arrêté délibéré en Conseil des Ministres, les infractions graves qui relèvent respectivement des troisième, deuxième ou premier degrés.

En vertu de l'article 29, § 2, alinéa 1er, les autres infractions aux règlements pris en exécution de la loi relative à la circulation routière sont punies d'une amende de 10 à 250 euros.

B.7. La disposition en cause s'abstient de fixer les critères qui doivent permettre au Roi d'opérer la distinction qu'Il est habilité à faire, de telle sorte qu'elle Lui délègue une compétence sans indiquer les éléments essentiels sur la base desquels elle doit s'exercer.

Cette méthode est d'autant moins admissible que la section de législation du Conseil d'Etat avait souligné qu'« il appartient au législateur de fixer les éléments essentiels permettant de répartir les infractions graves entre chacune des trois catégories » (Doc. parl., Chambre, 2001-2002, DOC 50-1915/001, p. 42), que des critères ont été décrits dans les travaux préparatoires (Doc. parl., Chambre, 2001-2002, DOC 50-1915/001, pp. 9 à 11; DOC 50-1915/006, pp. 8 et 9, p. 63, et annexe I, pp.107 à 109) et qu'un amendement avait proposé de les inscrire dans la loi (Doc. parl., Chambre, 2001-2002, DOC 50-1915/005, pp. 3 et 4).

B.8. Il s'ensuit que la disposition en cause pourrait ne pas satisfaire aux exigences constitutionnelles rappelées en B.3 et B.4.

B.9. Il convient toutefois d'examiner si cette constatation doit, en l'espèce, amener la Cour à répondre affirmativement aux questions préjudicielles.

Une telle réponse, non seulement tiendrait en échec les nombreuses poursuites intentées, mais elle rendrait aussi impossible, pendant un délai indéterminé, toute poursuite effectuée en application des dispositions en cause, au mépris de l'objectif de « réduire de 33 % le nombre de tués sur les routes à l'horizon 2006, et de 50 % à l'horizon 2010 comme le préconise la Commission européenne » (Doc. parl., Chambre, 2001-2002, DOC 50-1915/001, p. 6).

B.10. Cet objectif du législateur ne peut se réaliser que par des mesures qui nécessitent une évaluation et une adaptation permanentes, annoncées dans les travaux préparatoires. C'est ainsi qu'une « politique coordonnée sera suivie par la Commission fédérale pour la Sécurité routière qui sur base de l'évolution des indicateurs divers fera des propositions au Comité interministériel pour la Sécurité routière », lequel « adoptera des choix politiques qui seront ensuite traduits en dispositions par l'Etat fédéral et les régions, chacun selon leurs compétences » (ibid. ). Cette action s'accompagnerait d'un « plan d'action de la police fédérale et du Ministre de l'Intérieur », afin « d'augmenter de 10 % les contrôles » (Doc. parl., Chambre, 2001-2002, DOC 50-1915/006, p. 8). La classification des infractions devrait permettre « de déterminer les critères structurant l'action des parquets, qui pourront soit renvoyer l'affaire devant le tribunal, soit proposer une transaction ou une mesure de médiation » (ibid. ).

Le Ministre de l'Intérieur serait « également habilité à rédiger des directives contraignantes à l'attention des zones de police » (ibid., p. 10). B.11. De tels objectifs peuvent expliquer que, dans un premier temps, et afin de permettre l'adaptation des mesures aux nécessités révélées par l'évaluation de leur application, une délégation au pouvoir exécutif ait été considérée comme « un instrument plus flexible pour tenir compte des évolutions qui se produisent » (ibid., p. 66).

B.12. En outre, la loi elle-même détermine le minimum et le maximum des peines applicables aux infractions de chaque catégorie et la mission confiée au Roi concerne non pas la création de nouvelles incriminations mais le classement de celles qui existent déjà.

B.13. Compte tenu, d'une part, de ce que les dispositions en cause doivent permettre d'atteindre progressivement un objectif que le législateur s'est fixé, en respectant les échéances mentionnées en B.9, d'autre part, de ce que la technicité de la matière, la multiplicité des infractions qu'elle comporte et la nécessité de pouvoir les adapter à l'évolution du trafic routier, peuvent expliquer le recours à des dispositions réglementaires en raison de leur souplesse, et, enfin, de ce que le législateur, qui a opté pour une aggravation de la répression, doit pouvoir permettre au pouvoir exécutif de procéder à des adaptations en fonction des résultats obtenus, il peut être admis que la première phase de la réforme instaurée par la loi en cause ait fait l'objet de la délégation critiquée.

B.14. De tels éléments ne pourraient toutefois justifier que la classification des infractions en matière de circulation routière échappe à l'avenir au débat parlementaire. Il incombe au législateur d'inscrire, fût-ce en termes généraux, dans la loi elle-même, dès sa prochaine modification, les critères en fonction desquels doit se faire la répartition entre les catégories d'infractions selon leur gravité.

B.15. Sous la réserve indiquée en B.14, les questions préjudicielles appellent une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 29, § 1er, des lois relatives à la police de la circulation routière, coordonnées par l'arrêté royal du 16 mars 1968, remplacé par l'article 6 de la loi du 7 février 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/02/2003 pub. 25/02/2003 numac 2003014044 source service public federal mobilite et transports Loi portant diverses dispositions en matière de sécurité routière fermer portant diverses dispositions en matière de sécurité routière, ne viole pas les articles 12, alinéa 2, et 14 de la Constitution.

Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 2 février 2005.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, M. Melchior.

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