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Arrêt
publié le 10 mars 2005

Extrait de l'arrêt n° 10/2005 du 19 janvier 2005 Numéro du rôle : 2870 En cause : les questions préjudicielles relatives - aux articles 155 à 159 du Code wallon de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme et du patrimoine; - à l'article 67, §§ 1 er et 2, du Code wallon de l'aménagement du territoire, (...)

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COUR D'ARBITRAGE


Extrait de l'arrêt n° 10/2005 du 19 janvier 2005 Numéro du rôle : 2870 En cause : les questions préjudicielles relatives - aux articles 155 à 159 du Code wallon de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme et du patrimoine; - à l'article 67, §§ 1er et 2, du Code wallon de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme et du patrimoine, et à l'article 155, §§ 1er et 2, du même Code, tel qu'il a été modifié par le décret de la Région wallonne du 27 novembre 1997, posées par la Cour d'appel de Liège.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges P. Martens, R. Henneuse, M. Bossuyt, E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke et J. Spreutels, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles et procédure Par arrêt du 3 décembre 2003 en cause du ministère public et autres contre R.C. et A.S., dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 10 décembre 2003, la Cour d'appel de Liège a posé les questions préjudicielles suivantes : 1. « Les articles 155 à 159 du CWATUP [Code wallon de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme et du patrimoine] et toutes dispositions législatives de même portée violent-ils les articles 10 et 11 de la Constitution en ce que les modes de réparation qu'ils prévoient ne sont pas affectés de la moindre sanction en cas de dépassement du délai raisonnable tel que prévu par l'article 6, § 1er, de la Convention européenne des droits de l'homme, alors que pareil dépassement du délai raisonnable, pour les mêmes faits, peut être sanctionné sur le plan pénal par l'article 21 [lire : 21ter ] du Titre préliminaire du Code de procédure pénale ? » 2.« Les articles 10 et 11 de la Constitution, ainsi que l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sont-ils violés par les articles 67, §§ 1er et 2, du CWATUP, arrêté du 14 mai 1984, et 155, §§ 1er et 2, du CWATUP, décret du 21 novembre 1997, qui permettent au fonctionnaire délégué de l'administration de l'urbanisme et de l'aménagement du territoire d'intervenir au procès pénal pour y poursuivre, sans être titulaire de l'action publique et sans devoir se soumettre aux règles qui gouvernent la constitution de partie civile, une action qui ressortit à l'action publique et a pour objet une demande de caractère civil ? » (...) III. En droit (...) Quant à la première question préjudicielle B.1. Le juge a quo demande à la Cour si les articles 155 à 159 du Code wallon de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme et du patrimoine (CWATUP) violent les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'ils empêchent le juge de prendre en compte, lorsqu'il ordonne des mesures de réparation, le dépassement du délai raisonnable prévu à l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme, alors que l'article 21ter du titre préliminaire du Code de procédure pénale permet au juge d'en tenir compte sur le plan pénal.

B.2. L'article 21ter du titre préliminaire du Code de procédure pénale dispose : « Si la durée des poursuites pénales dépasse le délai raisonnable, le juge peut prononcer la condamnation par simple déclaration de culpabilité ou prononcer une peine inférieure à la peine minimale prévue par la loi.

Si le juge prononce la condamnation par simple déclaration de culpabilité, l'inculpé est condamné aux frais et, s'il y a lieu, aux restitutions. La confiscation spéciale est prononcée. » B.3. En vertu des dispositions litigieuses du CWATUP, le tribunal ordonne, « outre la pénalité », soit la remise en état des lieux ou la cessation de l'utilisation abusive, soit l'exécution d'ouvrages ou de travaux d'aménagement, soit le paiement d'une somme représentative de la plus-value acquise par le bien à la suite de l'infraction. Le fonctionnaire délégué ou le collège des bourgmestre et échevins peuvent également demander ces mêmes mesures de réparation devant le juge civil.

B.4. Les mesures de réparation en matière d'urbanisme sont spécifiquement liées aux infractions urbanistiques et peuvent exclusivement être prononcées dans l'intérêt du bon aménagement du territoire. Elles ne peuvent être demandées que par l'inspecteur délégué ou le collège des bourgmestre et échevins et ne peuvent pas être ordonnées d'office par le juge. Elles ne visent pas tant à atteindre l'auteur de l'infraction qu'à sauvegarder l'intérêt général en matière d'urbanisme. Les mesures de réparation peuvent être demandées tant devant le juge pénal que devant le juge civil et peuvent aussi être ordonnées alors même qu'aucune peine n'est prononcée.

B.5. Les mesures de réparation ne sont pas des peines. Etant donné qu'elles sont subordonnées à la constatation d'une infraction, la demande concernant ces mesures est liée à l'action publique. Elles entrent dans le concept de restitution utilisé par l'article 44 du Code pénal (Cass., 9 septembre 2004, R.G. C.03.0393.N, et Cour d'arbitrage, arrêt n° 154/2003 du 26 novembre 2003).

Bien qu'elle ait un caractère civil, la restitution est liée à l'ordre public et est, par certains aspects, un accessoire indivisiblement lié à la sanction pénale; en effet, elle est le prolongement de celle-ci puisqu'elle tend - au-delà de la condamnation pénale - à empêcher que subsiste une situation perpétuant l'infraction.

B.6. En ce qu'elle compare des personnes susceptibles d'être condamnées à une remise en état des lieux, selon qu'elles entrent ou non dans le champ d'application de l'article 21ter précité, la question préjudicielle ne dénonce pas un traitement différent.

L'alinéa 2 de l'article 21ter dispose que si, en raison du dépassement du délai raisonnable, le juge peut prononcer la condamnation par simple déclaration de culpabilité, il condamne néanmoins le prévenu « s'il y a lieu, aux restitutions ». La situation de la personne à laquelle s'applique cette disposition n'est pas différente de celle de la personne contre laquelle est demandée une condamnation à remettre des lieux en état dans le cadre d'un procès civil.

B.7. En ce que la question préjudicielle invite la Cour à comparer les personnes auxquelles s'applique l'alinéa 1er de l'article 21ter - qui peut leur permettre d'échapper à toute peine si le délai raisonnable est dépassé - et les personnes auxquelles s'applique l'alinéa 2 du même article - qui prévoit qu'elles peuvent être condamnées « aux restitutions » même lorsque le délai raisonnable est dépassé -, elle dénonce une différence de traitement qui n'est pas discriminatoire.

S'il est justifié qu'un prévenu puisse ne pas être condamné à une peine lorsque le juge est amené à statuer au delà du délai raisonnable, il ne s'ensuit pas que ce prévenu puisse conserver l'avantage retiré de l'infraction commise.

Le législateur a donc pu raisonnablement considérer que si l'écoulement du temps pouvait justifier qu'aucune peine ne soit infligée, la « simple déclaration de culpabilité » ne peut empêcher qu'il « puisse encore être statué sur les intérêts civils » (Doc. parl., Chambre, 1998-1999, n° 1961/5, pp. 6, 7 et 12; Sénat, 1999-2000, n° 2-279/3, pp. 5 et 6).

B.8. La première question préjudicielle appelle une réponse négative.

Quant à la seconde question préjudicielle B.9.1. L'article 67 du Code wallon de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme et du patrimoine dispose : « § 1er. Outre la pénalité, le tribunal ordonne, à la demande du fonctionnaire délégué ou du collège des bourgmestre et échevins, mais moyennant leur commun accord dans les cas visés aux 2° et 3° : 1° soit la remise en état des lieux ou la cessation de l'utilisation abusive;2° soit l'exécution d'ouvrages ou de travaux d'aménagement;3° soit le paiement d'une somme représentative de la plus-value acquise par le bien à la suite de l'infraction pour autant qu'il ne soit ni inscrit sur la liste de sauvegarde ni classé. Le tribunal fixe à cette fin un délai qui, dans les cas visés aux 1° et 2° ne peut dépasser un an.

En cas de condamnation au paiement d'une somme, le tribunal fixe celle-ci à tout ou partie de la plus-value acquise par le bien et ordonne que le condamné pourra s'exécuter valablement en remettant les lieux en état dans le délai d'un an. Le paiement de la somme se fait entre les mains du receveur de l'enregistrement à un compte spécial du budget.

Les droits de la partie civile sont limités pour la réparation directe à celle choisie par l'autorité compétente, sans préjudice du droit à l'indemnisation à charge du condamne. § 2. Sans préjudice de l'application du chapitre XXIII du livre IV de la quatrième partie du Code judiciaire, le jugement ordonne que, lorsque les lieux ne sont pas remis en état ou les travaux et ouvrages ne sont pas exécutés dans le délai prescrit, le fonctionnaire délégué, le collège et éventuellement la partie civile pourront pourvoir d'office à son exécution. L'administration ou le particulier qui exécute le jugement, a le droit de vendre les matériaux et objets résultant de la remise en état des lieux, de les transporter, de les entreposer et de procéder à leur destruction en un lieu qu'il choisit.

Le condamné est contraint au remboursement de tous les frais d'exécution, déduction faite du prix de la vente des matériaux et objets, sur présentation d'un état taxé et rendu exécutoire par le juge des saisies. § 2bis. Lorsque le jugement ordonne à la demande du fonctionnaire délégué ou du collège des bourgmestre et échevins conformément à l'article 67, § 1er, soit la remise en état des lieux, soit l'exécution d'ouvrages ou de travaux d'aménagement, ceux-ci sont exécutés par le condamné sans qu'il doive obtenir le permis prévu à l'article 41.

Toutefois, le condamné est tenu de prévenir le collège des bourgmestre et échevins, huit jours avant le début des travaux; le collège pourra imposer des conditions d'exécution, notamment en ce qui concerne la sécurité et la salubrité publique. § 3. Lorsque l'infraction ne consiste pas dans l'exécution de travaux ou l'accomplissement d'actes contraires aux prescriptions des plans d'aménagement, ces règlements pris en exécution du présent livre ou d'un permis de lotir et que des travaux et actes sont susceptibles de recevoir le permis requis eu égard au bon aménagement des lieux, l'exécutif ou le fonctionnaire délégué de commun accord avec le collège des bourgmestre et échevins peut transiger avec le contrevenant, moyennant paiement dans le délai qu'il indiquera d'une somme égale au double du montant de la taxe sur les bâtisses, laquelle reste néanmoins due à la commune. L'exécutif détermine les sommes à payer par catégories de travaux et d'actes qui ne sont pas soumis à la taxe sur les bâtisses.

Le versement se fait entre les mains du receveur de l'enregistrement à un compte spécial du budget. Il éteint l'action publique et le droit pour les autorités publiques à demander toute autre réparation. § 4. A la demande des acquéreurs ou des locataires, le tribunal peut annuler aux frais du condamné, leur titre d'acquisition ou de location, sans préjudice du droit à l'indemnisation à charge du coupable. » B.9.2. L'article 155 du CWATUP modifié par le décret du 27 novembre 1997, dispose : « § 1er. Le fonctionnaire délégué ou le collège des bourgmestre et échevins, d'initiative ou dans le délai que lui fixe le fonctionnaire délégué, peuvent poursuivre devant le tribunal correctionnel l'un des modes de réparation visés au § 2 et s'en informent simultanément. § 2. Outre la pénalité, le tribunal ordonne, à la demande du fonctionnaire délégué ou du collège des bourgmestre et échevins : 1. soit la remise en état des lieux ou la cessation de l'utilisation abusive;2. soit l'exécution d'ouvrages ou de travaux d'aménagement;3. soit le paiement d'une somme représentative de la plus-value acquise par le bien à la suite de l'infraction pour autant qu'il ne soit ni inscrit sur la liste de sauvegarde, ni classé. Le tribunal fixe à cette fin un délai qui, dans les cas visés aux 1° et 2°, ne peut dépasser un an.

En cas de condamnation au paiement d'une somme, le tribunal fixe celle-ci à tout ou partie de la plus-value acquise par le bien et ordonne que le condamné pourra s'exécuter valablement en remettant les lieux en état dans le délai d'un an. Le paiement de la somme se fait entre les mains du receveur de l'enregistrement à un compte spécial du budget de la Région. § 3. Les droits de la partie civile sont limités pour la réparation directe à celle choisie par l'autorité compétente, sans préjudice du droit à l'indemnisation à charge du condamné. § 4. Sans préjudice de l'application du chapitre XXIII du livre IV de la quatrième partie du Code judiciaire, le jugement ordonne que, lorsque les lieux ne sont pas remis en état ou les travaux et ouvrages ne sont pas exécutés dans le délai prescrit, le fonctionnaire délégué, le collège des bourgmestre et échevins et éventuellement la partie civile pourront pourvoir d'office à son exécution.

L'administration ou la partie civile qui exécute le jugement a le droit de vendre les matériaux et objets résultant de la remise en état des lieux, de les transporter, de les entreposer et de procéder à leur destruction en un lieu qu'elle choisit.

Le condamné est contraint au remboursement de tous les frais d'exécution, déduction faite du prix de la vente des matériaux et objets, sur présentation d'un état taxé et rendu exécutoire par le juge des saisies. § 5. Lorsque le jugement ordonne, à la demande du fonctionnaire délégué ou du collège des bourgmestre et échevins conformément au § 1er, soit la remise en état des lieux, soit l'exécution d'ouvrages ou de travaux d'aménagement, ceux-ci sont exécutés par le condamné sans qu'il doive obtenir le permis visé à l'article 84.

Toutefois, le condamné est tenu de prévenir le collège des bourgmestre et échevins, huit jours avant le début des travaux; le collège pourra imposer des conditions d'exécution, notamment en ce qui concerne la sécurité et la salubrité publique. § 6. Lorsque l'infraction ne consiste pas dans l'exécution de travaux ou l'accomplissement d'actes contraires aux prescriptions des plans d'aménagement, des règlements pris en exécution du présent livre ou d'un permis de lotir et que ces travaux et actes sont susceptibles de recevoir le permis d'urbanisme requis eu égard à la destination générale de la zone et à son caractère architectural, le Gouvernement ou le fonctionnaire délégué de commun accord avec le collège des bourgmestre et échevins peut transiger avec le contrevenant, moyennant paiement dans le délai qu'il indiquera d'une somme égale au double du montant de la taxe sur les bâtisses, laquelle reste néanmoins due à la commune. Le Gouvernement détermine les sommes à payer par catégorie de travaux et d'actes qui ne sont pas soumis à la taxe sur les bâtisses.

Le Gouvernement ou le fonctionnaire délégué ne peut proposer valablement une transaction qu'au cas où le procureur du Roi n'a pas marqué son intention de poursuivre dans les nonante jours de la demande qui lui est faite.

Le versement du montant de la transaction se fait entre les mains du receveur de l'enregistrement à un compte spécial du budget de la Région. Il éteint l'action publique et le droit pour les autorités publiques à demander toute autre réparation. § 7. A la demande des acquéreurs ou des locataires, le tribunal peut annuler leur titre d'acquisition ou de location, sans préjudice du droit à l'indemnisation à charge du coupable. » B.10. Les articles précités établissent une différence de traitement entre les personnes poursuivies du chef d'infraction au Code wallon de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme et du patrimoine et les autres justiciables, en ce qu'ils permettent au fonctionnaire délégué représentant l'administration régionale d'intervenir dans l'instance pénale à laquelle les premières sont parties. Cette intervention permettrait au fonctionnaire délégué, sans se constituer partie civile, de solliciter une mesure à caractère civil relevant de l'exercice de l'action publique. Elle priverait, faute de constitution de partie civile, le justiciable acquitté de la possibilité de demander des dommages et intérêts sur la base de l'article 191 du Code d'instruction criminelle, qui dispose : « Si le fait n'est réputé ni délit ni contravention de police, le tribunal annulera l'instruction, la citation et tout ce qui aura suivi, renverra le prévenu, et statuera sur les demandes en dommages-intérêts. » Il est donc reproché aux dispositions en cause de permettre qu'une mesure à caractère civil qui ressortit à l'exercice de l'action publique puisse être sollicitée sans constitution de partie civile, alors qu'une constitution de partie civile serait requise pour obtenir, dans d'autres matières, une mesure analogue.

B.11.1. Le pouvoir, conféré au fonctionnaire délégué, de poursuivre devant le tribunal correctionnel les mesures de réparation en cause a été inscrit à l'article 65 de la loi du 29 mars 1962 organique de l'aménagement du territoire et de l'urbanisme, dont le § 1er (dans la rédaction qui lui avait été donnée par la loi du 22 décembre 1970) prévoyait : « Outre la pénalité, le tribunal ordonne, à la demande du fonctionnaire délégué ou du collège des bourgmestre et échevins, mais moyennant leur commun accord dans les cas visés aux b et c : a) soit la remise en état des lieux;b) soit l'exécution d'ouvrages ou de travaux d'aménagement;c) soit le paiement d'une somme représentative de la plus-value acquise par le bien à la suite de l'infraction. Le tribunal fixe à cette fin un délai qui, dans les cas visés aux a et b, ne peut dépasser un an.

En cas de condamnation au paiement d'une somme, le tribunal fixe celle-ci à tout ou partie de la plus-value acquise par le bien et ordonne que le condamné pourra s'exécuter valablement en remettant les lieux en état dans le délai d'un an. Le paiement de la somme se fait entre les mains du receveur de l'enregistrement à un compte spécial du budget dont le Ministre a la gestion.

Les droits de la partie civile sont limités pour la réparation directe à celle choisie par l'autorité compétente, sans préjudice du droit à l'indemnisation à charge du condamné. » Ce faisant, cette disposition, entre-temps reprise dans les dispositions qui font l'objet de la question préjudicielle, subordonnait déjà à une demande, le cas échéant, du fonctionnaire délégué les mesures de réparation, autres que l'indemnisation, ordonnées par le tribunal correctionnel.

B.11.2. Le législateur qui, en 1962, n'avait prévu d'autre mode de réparation que la remise en état des lieux, avait entendu que la loi, grâce à la mesure en cause, ne reste pas lettre morte, d'autant que « pareille carence [...] porte toujours atteinte au prestige de l'autorité publique » (Doc. parl., Sénat, 1969-1970, n° 525, p. 66); il avait souligné la spécificité de la mesure en constatant : « Le système de la réparation des infractions, en matière de voirie notamment, est possible soit par un texte exprès, soit même en l'absence de toute disposition légale.

La jurisprudence estime, en effet, qu'en vertu de l'article 161 du Code d'instruction criminelle [...], le tribunal répressif prononçant la peine statue par le même jugement sur les demandes en restitution et en dommages-intérêts.

Il en résulte qu'en l'absence de texte exprès, le juge peut ordonner la remise des lieux en état, puisqu'aussi bien on ne saurait laisser perpétuer l'atteinte aux lois et règlements. L'on ne peut dès lors plus dire que cette réparation soit civile, puisqu'il s'agit surtout d'un intérêt de police, sans que ce soit une peine. C'est un accessoire de la peine comminée, faisant essentiellement partie de la répression de l'infraction. » (Doc. parl., Sénat, 1958-1959, n° 124, p. 81) Lors de la modification de l'article 65 précité en 1970, le ministre avait relevé « que l'on se trouve en matière de réparation et non de peine proprement dite » (Doc.parl., Sénat, 1969-1970, n° 525, p. 68).

Il s'agissait donc essentiellement de faire en sorte que force reste à la loi.

Le législateur a par ailleurs jugé que le fonctionnaire délégué faisait partie de ceux qui sont en mesure d'apprécier le caractère opportun et l'importance d'une réparation (Doc. parl., Sénat, 1968-1969, n° 559, p. 49).

B.11.3. Eu égard à ces éléments, le législateur a pu estimer que l'habilitation ainsi conférée au fonctionnaire délégué constituait une mesure pertinente au regard de l'objectif poursuivi; celui-ci ne requiert pas qu'il soit fait usage du mécanisme de l'action civile à laquelle se réfère la question, dès lors que cette action vise à permettre à la victime d'une infraction d'obtenir du juge pénal la réparation de son dommage; l'habilitation conférée au fonctionnaire délégué a pour fonction de lui permettre de remplir la mission d'intérêt général dont il est chargé, la réparation en cause étant fonction du bon aménagement des lieux et non du dommage subi par des personnes déterminées.

B.12. La mesure en cause ne porte pas une atteinte disproportionnée aux droits des prévenus : ceux-ci disposent, devant les juridictions répressives, des garanties juridictionnelles reconnues à tout justiciable; ils disposent en outre de celle consistant en l'octroi de dommages et intérêts sanctionnant une intervention du fonctionnaire délégué constituant une faute au sens de l'article 1382 du Code civil.

Les différences entre cette dernière action et les demandes de dommages et intérêts visées à l'article 191 du Code d'instruction criminelle peuvent être justifiées par les spécificités du pouvoir conféré au fonctionnaire délégué.

B.13. Il est également demandé à la Cour de contrôler les dispositions en cause au regard des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. Ce contrôle aboutit à la même conclusion en raison des considérations qui précèdent.

B.14. La seconde question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : Les articles 67, §§ 1er et 2, et 155 à 159 du Code wallon de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme et du patrimoine ne violent pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 19 janvier 2005.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, M. Melchior.

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