Etaamb.openjustice.be
Arrêt
publié le 07 juin 2005

Extrait de l'arrêt n° 95/2005 du 25 mai 2005 Numéros du rôle : 3084, 3087, 3090, 3091 et 3093 En cause : les recours en annulation de diverses dispositions du décret de la Région wallonne du 12 février 2004 organisant les provinces wallonne La Cour d'arbitrage, composée du juge P. Martens, faisant fonction de président, du président A.(...)

source
cour d'arbitrage
numac
2005201480
pub.
07/06/2005
prom.
--
moniteur
https://www.ejustice.just.fgov.be/cgi/article_body(...)
Document Qrcode

Extrait de l'arrêt n° 95/2005 du 25 mai 2005 Numéros du rôle : 3084, 3087, 3090, 3091 et 3093 En cause : les recours en annulation de diverses dispositions du décret de la Région wallonne du 12 février 2004 organisant les provinces wallonnes, introduits par X. Bossu et autres, le Conseil des ministres, R. Pankert et autres, la province de Hainaut et G. Lapierre.

La Cour d'arbitrage, composée du juge P. Martens, faisant fonction de président, du président A. Arts, et des juges R. Henneuse, M. Bossuyt, E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman et J. Spreutels, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le juge P. Martens, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des recours et procédure a. Par requêtes adressées à la Cour par lettres recommandées à la poste les 24 et 28 septembre 2004 et parvenues au greffe les 27 et 29 septembre 2004, un recours en annulation des articles 113 et 137 (partim ) du décret de la Région wallonne du 12 février 2004 organisant les provinces wallonnes (publié au Moniteur belge du 30 mars 2004) a été introduit respectivement par : - X.Bossu, demeurant à 6720 Hachy, rue St.-Amand 4, F.-J. Bournonville, demeurant à 5570 Winenne, rue des Ardennes 352, A. Clerinx, demeurant à 4020 Liège, Quai Van Beneden 10/13, M. Lejoly, demeurant à 4700 Eupen, rue de Verviers 10, M. Masset, demeurant à 6953 Lesterny, rue de Bure 24, et A. Stassen, demeurant à 4852 Hombourg, rue Laschet 8; - le Conseil des ministres. b. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 29 septembre 2004 et parvenue au greffe le 30 septembre 2004, un recours en annulation du même décret a été introduit par R.Pankert, demeurant à 4700 Eupen, Stendrich 131, R. Emonds, demeurant à 4700 Eupen, Rosenweg 16, A. Keutgen, demeurant à 4700 Eupen, Am Bahndamm 42, W. Dürnholz, demeurant à 4700 Eupen, Schilsweg 55, N. Scholzen, demeurant à 4700 Eupen, Lascheterfeld 5, D. Thielen, demeurant à 4700 Eupen, Simarstrasse 51, et C. Kohnenmergen, demeurant à 4750 Butgenbach, Wirtzfelderweg 45. c. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 28 septembre 2004 et parvenue au greffe le 30 septembre 2004, la province de Hainaut a introduit un recours en annulation des articles 32, § 1er, 60 et 129 à 133 du même décret.d. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 30 septembre 2004 et parvenue au greffe le 1er octobre 2004, G. Lapierre, demeurant à 6060 Gilly, rue des Moissons 53, a introduit un recours en annulation de l'article 128 du même décret.

Ces affaires, inscrites sous les numéros 3084, 3087, 3090, 3091 et 3093 du rôle de la Cour, ont été jointes. (...) II. En droit (...) Quant à la recevabilité des recours B.1.1. Le recours dans l'affaire n° 3090 est introduit par des citoyens germanophones résidant dans la région de langue allemande.

Ils sont directement et défavorablement affectés par les dispositions du décret qu'ils attaquent, en ce qu'elles ne prévoient pas l'utilisation de la langue allemande dans les travaux et les communications des organes provinciaux qu'elles organisent.

B.1.2. La province de Hainaut, requérante dans l'affaire n° 3091, est directement et défavorablement affectée par les dispositions du décret qu'elle attaque, et qui, soit restreignent les compétences des provinces, soit concernent leur mode d'organisation.

B.1.3. Le recours dans l'affaire n° 3093 est introduit par une personne faisant partie du personnel contractuel de la province de Hainaut. Elle est susceptible d'être directement et défavorablement affectée par la disposition du décret qui transfère le personnel, dont elle fait partie, de la province à la Région wallonne.

B.1.4. Les recours sont recevables.

B.2. Les recours dans les affaires n° 3084 et n° 3087 portent sur la même disposition et s'appuient sur des moyens similaires. Dès lors que le recours n° 3087 est introduit par le Conseil des Ministres, qui ne doit pas justifier de son intérêt à agir devant la Cour, il n'y a pas lieu d'examiner si les requérants dans l'affaire n° 3084 justifient de l'intérêt requis pour introduire leur recours.

Quant au fond En ce qui concerne la fonction de commissaire d'arrondissement (affaires nos 3084 et 3087) B.3.1. Les requérants dans les affaires n° 3084 et n° 3087 poursuivent l'annulation de l'article 113 du décret de la Région wallonne du 12 février 2004 organisant les provinces wallonnes, qui dispose : « Il peut y avoir, pour un ou plusieurs arrondissements administratifs, un commissaire du Gouvernement régional, qui porte le titre de commissaire d'arrondissement, qui assiste le gouverneur de la province dont relèvent le ou les arrondissements et dont toutes autres missions sont arrêtées par le Gouvernement.

Pour les cas où il n'y a aucun commissaire d'arrondissement dans la province, ces missions sont exercées par le gouverneur de la province ».

Ils demandent également l'annulation partielle de l'article 137 du même décret, qui abroge la loi provinciale du 30 avril 1836 et établit une liste d'articles de cette loi qui ne sont pas abrogés, en ce que cette disposition abroge l'article 132 de la loi provinciale précitée.

L'article 132 de la loi provinciale dispose : « A l'exception de l'arrondissement administratif de Bruxelles-capitale, il y a, pour un ou plusieurs arrondissements administratifs, un commissaire du Gouvernement fédéral, qui porte le titre de commissaire d'arrondissement ».

B.3.2. Il ressort des travaux préparatoires du décret que l'intention du législateur décrétal wallon est de rendre la fonction de commissaire d'arrondissement facultative, puisqu'elle « est maintenue, mais plus obligatoirement requise » (Doc. parl., Parlement wallon, 2003-2004, n° 613/1, p. 11), et que le ministre a précisé, au cours des travaux préparatoires, qu'il « existe, en effet, aujourd'hui des commissaires d'arrondissement, mais sans garantie pour l'avenir » (Doc. parl., Parlement wallon, 2003-2004, n° 613/5, p. 14).

B.4. Les moyens dénoncent une violation, par les articles 113 et 137 du décret attaqué, de l'article 39 de la Constitution et de l'article 6, § 1er, VIII, alinéa 1er, 1°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles.

B.5.1. En vertu de l'article 6, § 1er, VIII, alinéa 1er, 1°, de la loi spéciale de réformes institutionnelles, les régions sont compétentes pour « la composition, l'organisation, la compétence et le fonctionnement des institutions provinciales et communales », sous réserve d'une série d'exceptions énumérées par cette disposition. La même disposition précise : « Les gouverneurs des provinces, le gouverneur et le vice-gouverneur de l'arrondissement administratif de Bruxelles-capitale, l'adjoint du gouverneur de la province de Brabant flamand, les commissaires d'arrondissement et les commissaires d'arrondissement adjoints sont nommés et révoqués par le Gouvernement de région concerné, sur l'avis conforme du Conseil des Ministres ».

B.5.2. Cette disposition précise aussi : « Les conseils communaux et provinciaux [...] statuent sur tout objet qui leur est soumis par l'autorité fédérale ou par les communautés ».

Il a aussi été affirmé au cours des travaux préparatoires : « En ce qui concerne les gouverneurs de province, le gouverneur et le vice-gouverneur de l'arrondissement administratif de Bruxelles-Capitale, l'adjoint du gouverneur de la province de Brabant flamand, les commissaires d'arrondissement et commissaires d'arrondissement adjoints; ces fonctions ne peuvent être supprimées mais il appartiendra au gouvernement régional, sur avis conforme du Conseil des Ministres fédéral, de les nommer ou de les révoquer » (Doc. parl., Sénat, 2000-2001, n° 2-709/7, p. 10).

B.6. Les commissaires d'arrondissement sont chargés de diverses tâches par le Gouvernement fédéral. La circulaire du Ministre de l'Intérieur du 20 décembre 2002 relative aux tâches exercées par les autorités provinciales pour le service public fédéral Intérieur distingue, parmi leurs missions fédérales, d'une part, les compétences qu'ils exercent en tant que commissaires du Gouvernement et sur la base des lois et règlements, d'autre part, les missions qui leur sont déléguées par le gouverneur en vertu de l'article 139bis de la loi provinciale, non abrogé par le décret en cause.

En tant que commissaires du Gouvernement fédéral, ils sont notamment chargés de veiller au maintien des lois et des règlements d'administration générale (article 133 de la loi provinciale, non abrogé par le décret en cause), de prendre inspection dans les communes des registres de l'état civil et de la population (article 135 de la loi provinciale, non abrogé par le décret en cause), et ils sont chargés de missions en matière de police et de maintien de l'ordre public (articles 128, 129 et 139 de la loi provinciale, non abrogés par le décret en cause). En outre, des tâches spécifiques fédérales sont confiées à certains commissaires d'arrondissement et commissaires d'arrondissement adjoints par des dispositions particulières (par exemple articles 15, 92bis et 93 du Code électoral; articles 63 et 64 des lois coordonnées sur l'emploi des langues en matière administrative; articles 76 et 77 de la loi du 31 décembre 1983Documents pertinents retrouvés type loi prom. 31/12/1983 pub. 11/12/2007 numac 2007000934 source service public federal interieur Loi de réformes institutionnelles pour la Communauté germanophone. - Coordination officieuse en langue allemande fermer de réformes institutionnelles pour la Communauté germanophone).

B.7. Il découle de ce qui précède qu'en attribuant aux régions la compétence de régler la composition, l'organisation, la compétence et le fonctionnement des institutions provinciales, la loi spéciale du 13 juillet 2001 modifiant la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980 n'a pas été jusqu'à leur permettre de supprimer unilatéralement une fonction dont le titulaire exerce des missions relevant des compétences de l'Etat fédéral.

B.8. En disposant que le commissaire d'arrondissement, qui était commissaire du Gouvernement fédéral, devient commissaire du Gouvernement régional, et en rendant de surcroît cette fonction facultative, le législateur décrétal outrepasse ses compétences en matière de pouvoirs subordonnés.

Les moyens sont fondés.

B.9. L'article 113 du décret de la Région wallonne du 12 février 2004 organisant les provinces wallonnes doit être annulé. L'article 137 du même décret doit être annulé dans la mesure où il abroge l'article 132 de la loi provinciale du 30 avril 1836.

En ce qui concerne l'absence de dispositions prescrivant l'usage de la langue allemande (affaire n° 3090) B.10. Les requérants dans l'affaire n° 3090 reprochent au législateur décrétal de ne pas avoir tenu compte de ce que la province de Liège est la seule sur le territoire de laquelle deux communautés sont présentes, et de ne pas avoir adopté de dispositions spécifiques garantissant l'usage de la langue allemande lors des séances publiques du conseil provincial et dans les conseils participatifs éventuels, dans les publications provinciales et dans les communications entre les citoyens et les autorités provinciales. Ils estiment que le décret viole les articles 10 et 11 de la Constitution à l'égard des citoyens germanophones, qui sont défavorisés par rapport aux citoyens francophones de la province.

B.11. Aucune disposition constitutionnelle ou législative n'a attribué la compétence de régler l'emploi des langues en matière administrative aux régions. En vertu de l'article 129, § 2, deuxième tiret, de la Constitution, qui excepte de la compétence en matière d'emploi des langues attribuée aux Communautés française et flamande, « les services dont l'activité s'étend au-delà de la région linguistique dans laquelle ils sont établis », le législateur fédéral est demeuré compétent pour régler l'emploi des langues dans les services de la province de Liège, dont l'activité s'étend au-delà de la région de langue française.

B.12. Il s'ensuit que la Région wallonne est sans compétence pour régler cette matière et qu'elle n'aurait pu adopter les dispositions prescrivant l'emploi de la langue allemande que les requérants appellent de leurs voeux sans violer les règles établies par la Constitution ou en vertu de celle-ci pour déterminer les compétences respectives de l'Etat, des communautés et des régions.

B.13. Le moyen n'est pas fondé.

En ce qui concerne la motion de méfiance constructive à l'égard du collège provincial (affaire n° 3091, premier moyen) B.14. La province de Hainaut demande l'annulation de l'article 60 du décret de la Région wallonne du 12 février 2004 organisant les provinces wallonnes, qui dispose : « § 1er. Le collège provincial, de même que chacun de ses membres, est responsable devant le conseil provincial.

Le conseil peut, à tout moment, adopter une motion de méfiance à l'égard du collège provincial ou d'un ou de plusieurs de ses membres.

Cette motion n'est recevable que si elle présente un successeur au collège provincial, à un ou à plusieurs de ses membres, selon le cas.

Le vote sur la motion ne peut intervenir qu'à l'expiration d'un délai de trois jours minimum à compter de la prise d'acte de son dépôt en séance du conseil provincial. Elle ne peut être adoptée qu'à la majorité des membres du conseil.

L'adoption de la motion emporte la démission du collège ou du ou des membres contestés, ainsi que l'installation du nouveau collège ou du ou des nouveaux membres. § 2. Le collège provincial peut décider à tout moment de poser la question de confiance sous la forme d'une motion.

Le vote sur cette motion ne peut intervenir qu'après un délai de trois jours minimum à compter de la prise d'acte de son dépôt en séance du conseil provincial.

La motion n'est adoptée que si la majorité des membres du conseil y souscrit.

Si la confiance est refusée, le collège provincial est démissionnaire de plein droit. § 3. Si le collège provincial ou si l'un ou plusieurs de ses membres sont démissionnaires, il est pourvu sans délai à leur remplacement.

Tant qu'il n'a pas été remplacé, le collège provincial démissionnaire expédie les affaires courantes ».

B.15. Le moyen est pris à la fois de la violation des règles répartitrices de compétences entre l'Etat, les communautés et les régions et de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution combinés avec, notamment, l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme.

B.16. Le collège provincial est une institution hybride chargée principalement de missions politiques et également de certaines missions juridictionnelles.

B.17. En ce qu'il exerce des fonctions politiques, le collège provincial doit satisfaire aux règles qui concernent la composition, le fonctionnement et la responsabilité des organes politiques. Quand il exerce des fonctions juridictionnelles, le même collège doit satisfaire aux exigences d'indépendance et d'impartialité propres à tout organe juridictionnel.

Il faut nécessairement apprécier le respect de ces exigences en faisant une distinction selon que le collège exerce l'une ou l'autre fonction.

B.18. Lorsqu'il exerce ses fonctions politiques, le collège assume une responsabilité politique qu'il revient au législateur compétent d'organiser. Cette responsabilité et sa mise en oeuvre obéissent à des règles qui diffèrent nécessairement de celles qui s'appliquent aux juridictions. Les garanties propres à l'indépendance et à l'impartialité des magistrats ne peuvent dès lors être appliquées à un organe politique que lorsqu'il exerce ses missions juridictionnelles.

B.19. Le collège provincial ne pourrait donc se voir appliquer de manière permanente, dans sa composition et dans son fonctionnement, les exigences relatives aux juridictions. La loi provinciale tient compte de cette impossibilité en formulant des exigences propres à ces fonctions en ce qui concerne le vote (article 104, alinéas 2 et 8) et la procédure (article 104bis ).

B.20. Dès lors, ce n'est que lorsqu'il exerce des fonctions juridictionnelles que le collège doit être indépendant et impartial.

Il conviendra d'apprécier, lors de chaque application particulière des règles relatives à la responsabilité des membres du collège, si elles ont été appliquées de manière telle qu'il est porté atteinte à ces exigences, et d'en tirer à ce moment les conséquences.

B.21. Il découle de ce qui précède que, en adoptant la disposition attaquée qui règle la responsabilité politique des membres du collège, le législateur décrétal n'a pas violé l'article 161 de la Constitution et n'a pas porté atteinte, de manière discriminatoire, aux exigences d'indépendance et d'impartialité des juges.

Le moyen ne peut être accueilli.

En ce qui concerne les compétences des provinces (affaire n° 3091, deuxième moyen) B.22. La province de Hainaut demande l'annulation des articles 32, § 1er, et 129 à 133 du décret en cause.

L'article 32, § 1er, dispose : « Sous réserve de l'application du Titre XIV du présent décret, de l'article 2 du décret du 12 février 2004 organisant les provinces wallonnes dans les matières réglées en vertu de l'article 138 de la Constitution, ainsi que des autres dispositions spéciales légales ou décrétales, le conseil provincial règle, dans le respect du principe de subsidiarité, tout ce qui est d'intérêt provincial ».

Les articles 129 à 133 du même décret, qui forment son titre XIV, disposent : «

Art. 129.A l'article 1er du décret du 27 janvier 1998 instituant une police de la conservation du domaine public routier régional et en réglementant les conditions d'exercice, ajouter in fine deux alinéas rédigés comme suit : ' Les voiries provinciales sont transférées dans le domaine public routier régional.

Les conseils et les collèges provinciaux ne peuvent, en vertu de l'intérêt provincial, prendre de délibérations ayant pour objet l'aménagement, l'entretien et la gestion des voiries publiques. '

Art. 130.Un article 26, rédigé comme suit, est ajouté à la loi du 28 décembre 1967Documents pertinents retrouvés type loi prom. 28/12/1967 pub. 17/08/2007 numac 2007000737 source service public federal interieur Loi relative aux cours d'eau non navigables fermer relative aux cours d'eau non navigables : '

Art. 26.Les conseils et les collèges provinciaux ne peuvent, en vertu de l'intérêt provincial, prendre de délibérations ayant pour objet la gestion des cours d'eau non navigables. '

Art. 131.Un article 21, rédigé comme suit, est ajouté au chapitre V (dispositions finales) du décret du [11 mars 2004] relatif aux incitants régionaux en faveur des grandes entreprises : '

Art. 21.Les conseils et les collèges provinciaux ne peuvent, en vertu de l'intérêt provincial, prendre de délibérations ayant pour objet des aides à l'investissement en faveur des grandes entreprises. '

Art. 132.Un article 25, rédigé comme suit, est ajouté au chapitre V du décret du 11 mars 2004 relatif aux incitants régionaux en faveur des petites et moyennes entreprises : '

Art. 25.Les conseils et les collèges provinciaux ne peuvent, en vertu de l'intérêt provincial, prendre de délibérations ayant pour objet des aides à l'investissement, à la consultance ou à la rédaction de plans d'affaires en faveur des petites et moyennes entreprises. '

Art. 133.Un article 14, rédigé comme suit, est ajouté à la loi du 15 février 1961 portant création d'un Fonds d'investissement agricole : '

Art. 14.Les conseils et collèges provinciaux ne peuvent, en vertu de l'intérêt provincial, prendre de délibérations ayant pour objet des aides à l'investissement et à l'installation en faveur des agriculteurs et horticulteurs. ' ».

B.23. La requérante estime que ces dispositions violent les articles 41 et 162, alinéa 2, 2°, de la Constitution et l'article 6, § 1er, VIII, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, en ce que le législateur décrétal aurait limité de manière disproportionnée la notion d'intérêt provincial.

L'article 41, alinéa 1er, de la Constitution dispose : « Les intérêts exclusivement communaux ou provinciaux sont réglés par les conseils communaux ou provinciaux, d'après les principes établis par la Constitution ».

L'article 162, alinéas 1er et 2, 2°, de la Constitution dispose : « Les institutions provinciales et communales sont réglées par la loi.

La loi consacre l'application des principes suivants : [...] 2° l'attribution aux conseils provinciaux et communaux de tout ce qui est d'intérêt provincial et communal, sans préjudice de l'approbation de leurs actes, dans les cas et suivant le mode que la loi détermine; ».

Enfin, l'article 6, § 1er, VIII, alinéa 1er, 1°, de la loi spéciale du 8 août 1980, qui attribue aux régions la compétence relative à la composition, l'organisation, la compétence et le fonctionnement des institutions provinciales et communales, dispose en son alinéa 3 : « Les conseils communaux ou provinciaux règlent tout ce qui est d'intérêt communal ou provincial [...] ».

B.24. Le principe d'autonomie locale suppose que les autorités locales puissent se saisir de tout objet qu'elles jugent relever de leur intérêt, et le réglementer comme elles l'estiment opportun. Ce principe ne porte cependant pas atteinte à l'obligation des provinces, lorsqu'elles agissent au titre de l'intérêt provincial, de respecter la hiérarchie des normes. Il en découle que lorsque l'Etat fédéral, une communauté ou une région réglemente une matière qui relève de sa compétence, les provinces sont soumises à cette réglementation lors de l'exercice de leur compétence en cette même matière. En l'espèce, lorsque la Région wallonne agit dans l'une des matières visées par les articles en cause, elle limite par là l'autonomie des provinces, qui ne peuvent se saisir de ces domaines que dans le respect, et en complément de la législation régionale.

B.25. Le principe d'autonomie locale ne porte pas atteinte non plus à la compétence de l'Etat fédéral, des communautés ou des régions, de juger du niveau le plus adéquat pour réglementer une matière qui leur revient. Ainsi, ces autorités peuvent confier aux collectivités locales la réglementation d'une matière qui sera mieux appréhendée à ce niveau. Elles peuvent aussi considérer qu'une matière sera, à l'inverse, mieux servie à un niveau d'intervention plus général, de façon à ce qu'elle soit réglée de manière uniforme pour l'ensemble du territoire pour lequel elles sont compétentes, et en conséquence, interdire aux autorités locales de s'en saisir. C'est ce que font les dispositions attaquées, qui définissent « a contrario, [de] l'intérêt provincial, en excluant expressément de son contenu, une série d'actions et de responsabilités qui ne relèvent donc plus de la compétence des provinces », et en rappelant « qu'en tant que pouvoir intermédiaire, la province doit agir subsidiairement par rapport à la Région et aux communes » (Doc. parl., Parlement wallon, 2003-2004, n° 613/1, p. 3).

B.26. L'atteinte à la compétence des provinces, et par voie de conséquence, au principe de l'autonomie locale que comporte toute intervention, qu'elle soit positive ou négative, de l'Etat fédéral, des communautés ou des régions, dans une matière qui relève de leurs compétences, ne serait contraire aux dispositions citées au moyen qui garantissent la compétence des provinces pour tout ce qui concerne l'intérêt provincial, que si elle était manifestement disproportionnée. Tel serait le cas, par exemple, si elle aboutissait à priver les provinces de tout, ou de l'essentiel de leurs compétences, ou si la limitation de la compétence ne pouvait être justifiée par le fait que celle-ci serait mieux gérée à un autre niveau de pouvoir.

B.27. En l'espèce, les dispositions attaquées n'ont pas pour effet de priver les provinces wallonnes de toutes leurs compétences, ou d'une part essentielle de celles-ci. L'exposé des motifs du décret en cause montre, pour chaque compétence retirée aux provinces, que le législateur décrétal estime qu'elle sera mieux exercée au niveau régional, en fonction « d'objectifs variés, relatifs tantôt à la rationalisation du territoire, à l'implémentation d'exigences européennes, à la non-contrariété entre deux régimes d'aides portant sur les mêmes objets mais fixant des modalités différentes ou démultipliées, à la simplification, à la rationalisation des coûts de gestion, au respect de la règle européenne du de minimis, etc ... » (Doc. parl., Parlement wallon, 2003-2004, n° 613/1, p. 7). L'atteinte au principe de l'autonomie locale qu'elles comportent ne peut donc être considérée comme disproportionnée.

B.28. Le moyen n'est pas fondé.

En ce qui concerne le transfert du personnel (affaire n° 3093) B.29. La requérante dans l'affaire n° 3093 demande l'annulation de l'article 128 du décret de la Région wallonne du 12 février 2004 organisant les provinces wallonnes, qui dispose : « Des membres du personnel des administrations provinciales sont, par arrêté du Gouvernement, transférés au Gouvernement en vue de l'exercice des compétences soustraites aux provinces.

Le Gouvernement détermine, après négociation au sein du comité secteur XVI et du Comité C, avec les organisations syndicales représentatives et avis des collèges provinciaux, la date et les modalités de transfert des membres du personnel visé à l'alinéa 1er.

Les membres de ce personnel sont transférés en leur qualité et dans un grade équivalent. Ils sont soumis dès leur transfert aux statuts administratif et pécuniaire de la Région. Toutefois, ils conservent au moins la rétribution et l'ancienneté qu'ils avaient ou auraient obtenues s'ils avaient continué à exercer dans leur service d'origine la fonction correspondant au grade dont ils étaient titulaires définitivement au moment de leur transfert.

Ils conservent de même les avantages acquis au moment de leur transfert du régime de pension qui leur était applicable jusqu'à ce moment ».

B.30. La requête comprend quatre moyens. La Cour examine d'abord les moyens qui dénoncent une violation des règles établies par la Constitution ou en vertu de celle-ci pour déterminer les compétences respectives de l'Etat, des communautés et des régions.

B.31. La requérante prend un premier moyen de la violation du décret de la Région wallonne du 29 janvier 2004 habilitant le Gouvernement wallon à codifier la législation relative aux pouvoirs locaux.

B.32. Il découle de l'article 142 de la Constitution et de l'article 1er de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage que la Cour n'est pas compétente pour connaître d'un moyen qui dénonce la violation du décret précité.

B.33. La requérante prend un deuxième moyen de la violation de l'article 35, alinéa 2, de la Constitution.

B.34. En l'absence de mesure d'exécution de l'article 35 de la Constitution, la Cour ne peut opérer aucun contrôle au regard de cette disposition.

B.35. La requérante prend un quatrième moyen de la violation de l'article 162 de la Constitution, en ce que cette disposition réserverait au législateur fédéral la compétence de régler les matières provinciales.

B.36. Pour les motifs exprimés dans l'arrêt n° 35/2003, l'utilisation des termes « par la loi » dans l'article 162 de la Constitution ne permet pas d'en déduire que le Constituant ait voulu réserver cette matière au législateur fédéral. En vertu de l'article 6, § 1er, VIII, de la loi spéciale du 8 août 1980, les régions sont compétentes pour régler les pouvoirs subordonnés, dont font partie les provinces.

B.37. Le moyen n'est pas fondé.

B.38. Enfin, la requérante prend un troisième moyen de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution. Elle estime être discriminée en ce qu'elle perd son emploi par la simple application de la disposition qu'elle attaque, alors qu'elle aurait pu être réaffectée, à la province, dans d'autres fonctions.

B.39. L'article 128 du décret attaqué ne désigne pas les catégories de membres du personnel provincial qui seront transférés dans l'administration régionale, puisqu'il se limite à prévoir le principe et les modalités du transfert pour « des membres du personnel ». Son alinéa 2 prévoit que ce transfert ne peut être décidé par le Gouvernement régional qu'après négociation syndicale et avis des collèges provinciaux. Il n'impose pas que tous les membres de l'administration provinciale qui sont employés dans un service compétent pour une matière retirée à la province soient automatiquement transférés à l'administration régionale.

B.40. La disposition attaquée n'implique dès lors pas nécessairement que la requérante soit transférée à l'administration régionale contre son souhait, ni qu'elle perde son emploi auprès de la province. Elle n'interdit pas non plus qu'elle soit affectée auprès d'un autre service de la province. Il appartiendra aux autorités chargées d'organiser ce transfert de respecter les droits des personnes concernées, et, le cas échéant, au Conseil d'Etat de sanctionner les atteintes à ces droits.

B.41. Le moyen n'est pas fondé.

Par ces motifs, la Cour : - annule l'article 113 et, en ce qu'il abroge l'article 132 de la loi provinciale du 30 avril 1836, l'article 137 du décret de la Région wallonne du 12 février 2004 organisant les provinces wallonnes; - rejette les recours pour le surplus.

Ainsi prononcé en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 25 mai 2005.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président f.f., P. Martens.

^