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Arrêt
publié le 29 juillet 2005

Extrait de l'arrêt n° 120/2005 du 6 juillet 2005 Numéro du rôle : 3079 En cause : le recours en annulation de l'article 6 du décret de la Région flamande du 13 février 2004 portant des mesures de préservation de paysages patrimoniaux, intro La Cour d'arbitrage, composée du président A. Arts, du juge P. Martens, faisant fonction de prés(...)

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Extrait de l'arrêt n° 120/2005 du 6 juillet 2005 Numéro du rôle : 3079 En cause : le recours en annulation de l'article 6 du décret de la Région flamande du 13 février 2004 portant des mesures de préservation de paysages patrimoniaux, introduit par l'a.s.b.l. « Vlaams Overleg voor Ruimtelijke Ordening en Huisvesting » et l'a.s.b.l. « Landelijk Vlaanderen, vereniging van Bos-, Land- en Natuureigenaars ».

La Cour d'arbitrage, composée du président A. Arts, du juge P. Martens, faisant fonction de président, et des juges R. Henneuse, M. Bossuyt, E. De Groot, L. Lavrysen et J.-P. Snappe, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président A. Arts, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 14 septembre 2004 et parvenue au greffe le 15 septembre 2004, un recours en annulation de l'article 6 du décret de la Région flamande du 13 février 2004 portant des mesures de préservation de paysages patrimoniaux (publié au Moniteur belge du 18 mars 2004), a été introduit par l'a.s.b.l. « Vlaams Overleg voor Ruimtelijke Ordening en Huisvesting », dont le siège est établi à 1000 Bruxelles, rue du Lombard 42, et l'a.s.b.l. « Landelijk Vlaanderen, vereniging van Bos-, Land- en Natuureigenaars », dont le siège est établi à 1000 Bruxelles, Galerie du Centre, bloc 2. (...) II. En droit (...) Quant aux dispositions entreprises B.1.1. L'article 6 du décret de la Région flamande du 13 février 2004 portant des mesures de préservation de paysages patrimoniaux ajoute au décret du 16 avril 1996 « portant la protection des sites ruraux » (ci-après : décret sur les paysages) un chapitre IV « Préservation de paysages patrimoniaux ».

Ce chapitre prévoit une procédure et une réglementation nouvelles en vue de protéger les paysages patrimoniaux. Il ressort des travaux préparatoires que le législateur décrétal a de la sorte voulu intégrer la protection des paysages dans l'aménagement du territoire (Doc., Parlement flamand, 2002-2003, n° 1804/1, pp.3 et 4), sans porter atteinte à la procédure et à la réglementation de protection des « sites » contenues dans les chapitres II et III du décret sur les paysages (ibid., p. 5). Cette réglementation a été laissée intacte afin « de mieux garantir la possibilité de préservation de certains paysages de très grande valeur ou de sauvegarder les paysages fragiles, là où les instruments juridiques issus de la planification spatiale seraient insuffisants à la préservation du paysage » (ibid., n° 1804/5, p.6).

B.1.2. Le chapitre IV entrepris du décret sur les paysages est libellé comme suit : « CHAPITRE IV. - Préservation de paysages patrimoniaux Section 1ère. - 1er Volet : Désignation de lieux d'ancrage

Article 15.Le Gouvernement flamand peut désigner comme lieu d'ancrage un paysage d'intérêt général en raison de sa valeur dans les domaines des sciences naturelles, historique, esthétique, socioculturel ou [sur le plan du caractère structurant du point de vue spatial].

Article 16.La désignation de lieux d'ancrage peut s'effectuer soit par lieu d'ancrage, soit pour plusieurs lieux d'ancrage.

Article 17.Le Gouvernement flamand arrête provisoirement la désignation.

Ledit arrêté mentionne par lieu d'ancrage : 1° la dénomination du lieu d'ancrage;2° les valeurs qui ont donné lieu à la désignation;3° les caractéristiques paysagers typiques du lieu d'ancrage, y compris les caractéristiques spatiales propres aux valeurs;4° une délimitation du lieu d'ancrage à l'échelle 1/25 000. L'arrêté portant désignation provisoire est publié par extrait au Moniteur belge.

Article 18.L'arrêté portant désignation provisoire est annulé de plein droit à défaut d'arrêté portant désignation définitive dans un délai maximum de douze mois.

Article 19.L'arrêté portant désignation provisoire est soumis, sous pli recommandé, à l'avis des entités administratives compétentes en matière d'aménagement du territoire, d'aménagement de l'espace rural, d'économie, de conservation de la nature, de gestion forestière, d'agriculture, de gestion de l'eau, de tourisme et de récréation, d'infrastructure, et des communes et provinces en question. Au sein du Ministère de la Communauté flamande, la lettre recommandée peut être remplacée par une communication électronique. Le Gouvernement flamand peut déterminer les modalités à cet effet.

Ces avis sont rendus dans les quatre-vingt-dix jours, à compter de la date de remise à La Poste ou de la date du message électronique, sinon ils sont censés être favorables.

L'arrêté de désignation provisoire peut être consulté à la maison communale.

Article 20.Ensuite, l'arrêté portant désignation provisoire, accompagné des avis de la Commission royale, est remis au Gouvernement flamand pour avis motivé, sous pli recommandé ou par message électronique.

Cet avis est rendu dans les quatre-vingt-dix jours, à compter de la date de remise à La Poste ou de la date du message électronique, sinon il est censé être favorable.

Article 21.Le Gouvernement flamand prend l'arrêté portant désignation définitive.

Ledit arrêté mentionne par lieu d'ancrage : 1° la dénomination du lieu d'ancrage;2° les valeurs qui ont donné lieu à la désignation;3° les caractéristiques paysagères typiques du lieu d'ancrage, y compris les caractéristiques spatiales propres aux valeurs;4° une délimitation du lieu d'ancrage à l'échelle 1/25 000. L'arrêté portant désignation définitive est publié par extrait au Moniteur belge.

L'arrêté portant désignation définitive est transmis aux communes et aux provinces sous pli recommandé.

L'arrêté de désignation définitive peut être consulté à la maison communale.

Article 22.Le Gouvernement flamand peut abroger ou modifier, en tout en partie, un arrêté de désignation provisoire ou définitive. A cet effet, il est fait appel à la même procédure que celle qui s'applique à la désignation provisoire ou définitive.

Jusqu'à la publication au Moniteur belge de l'arrêté de modification ou d'abrogation définitive, les effets juridiques de l'arrêté antérieur restent en vigueur.

Article 23.A partir de la date de publication au Moniteur belge jusqu'à la désignation définitive, les effets juridiques visés à l'article 26 et à l'article 30 du présent article sont en vigueur pour l'autorité administrative en tant qu'instance de décision en ce qui concerne les demandes de l'autorité administrative.

Article 24.Les arrêtés de désignation provisoire ou définitive comme lieu d'ancrage sont complémentaires et apportent des précisions aux législations sectorielles. Ils ne peuvent cependant fixer des restrictions absolues ni interdire ou rendre impossibles des actions conformes aux plans d'aménagement ou aux plans d'exécution spatiaux, ni empêcher la réalisation de ces plans et de leurs prescriptions d'affectation, ni rendre impossible la réalisation des plans directeurs de la nature définitivement fixés.

Article 25.§ 1er. Tant que les lieux d'ancrage ne sont pas repris dans les plans d'exécution spatiaux ou les plans d'aménagement, ils ne constituent pas de base d'appréciation pour les travaux et actions visés aux articles 99 et 101, ni pour l'extrait urbanistique et le certificat d'urbanisme visés à l'article 135, ni pour l'attestation planologique visée à l'article 145ter, ni pour l'autorisation urbanistique visée à l'article 193, § 2, du décret du 18 mai 1999 portant organisation de l'aménagement du territoire, ni pour le certificat d'urbanisme visé à l'article 63, § 1er, 5°, du décret relatif à l'aménagement du territoire, cordonné le 22 octobre 1996, excepté lorsqu'il s'agit d'une demande de l'autorité administrative. § 2. Tant que les lieux d'ancrage ne sont pas repris dans les plans d'exécution spatiaux ou les plans d'aménagement, ils ne constituent pas de base d'appréciation pour l'autorisation environnementale visée par le décret du 28 juin 1985 relatif à l'autorisation anti-pollution, excepté lorsqu'il s'agit d'une demande de l'autorité administrative. § 3. Tant que les lieux d'ancrage ne sont pas repris dans les plans d'exécution spatiaux ou les plans d'aménagement, ils ne constituent pas de base d'appréciation pour l'autorisation d'aménagement de la nature visée par les articles 9 et 13 du décret du 21 octobre 1997 concernant la conservation de la nature et le milieu naturel, excepté lorsqu'il s'agit d'une demande d'autorisation de l'autorité administrative.

Article 26.L'autorité administrative doit, dans toutes ses décisions concernant des travaux ou des actes propres, ou concernant l'adjudication de marchés à cet effet, ou concernant un plan ou un règlement propres, susceptibles de porter préjudice à un lieu d'ancrage : 1° éviter des préjudices évitables à une caractéristique paysagère d'un lieu d'ancrage;2° en prenant des mesures limitatrices de préjudices, limiter le plus possible les préjudices significatifs portés au lieu d'ancrage et, si ce n'est pas possible, les réparer et compenser. L'autorité administrative indique dans ses décisions comment elle a tenu compte des obligations du présent article.

Le Gouvernement flamand arrête les modalités à cet effet. Section 2. - Second Volet : Paysages patrimoniaux

Article 27.Les lieux d'ancrage désignés définitivement conformément à l'article 21 du présent chapitre sont les propositions sectorielles pour les plans d'exécution spatiaux et autres plans politiques.

Lors de l'élaboration de plans d'exécution spatiaux ou de plans d'aménagement, les lieux d'ancrage désignés définitivement conformément à l'article 21 du présent chapitre constituent notamment la base de la désignation des paysages patrimoniaux.

Tout paysage patrimonial délimité en surimpression conformément à la législation relative à l'aménagement du territoire dans des plans d'exécution spatiaux ou dans des plans d'aménagement est considéré de plein droit comme paysage patrimonial au sens du présent décret.

Le lieu d'ancrage désigné définitivement conformément à l'article 21 est annulé de plein droit tant en ce qui concerne la partie pour laquelle un plan d'exécution spatial entre en vigueur ultérieurement qu'en ce qui concerne la partie reprise dans la fixation provisoire, mais non conservée dans la fixation définitive du plan d'exécution spatial ou du plan d'aménagement.

Article 28.Tous ceux qui exécutent des travaux ou des actes ou passent des marchés à cet effet respecteront le plus possible les valeurs et les caractéristiques paysagères typiques d'un paysage patrimonial telles que définies dans le plan d'exécution spatial ou le plan d'aménagement applicable.

Article 29.§ 1er. L'autorité ne peut entreprendre des travaux et actes, ni autoriser une activité susceptibles de détruire totalement ou partiellement un paysage patrimonial ou qui peut porter un préjudice significatif aux valeurs et aux caractéristiques paysagères typiques de celui-ci. § 2. L'autorité administrative doit, dans toutes ses décisions concernant des travaux ou des actions propres, ou concernant l'adjudication de marchés à cet effet, ou concernant un plan ou un règlement propres, susceptibles de porter préjudice à un paysage patrimonial : 1° éviter des préjudices évitables à une caractéristique paysagère de celui-ci, telle que fixée dans le plan d'exécution spatial ou le plan d'aménagement applicable;2° en prenant des mesures limitatrices de préjudices, limiter le plus possible les préjudices significatifs portés au paysage patrimonial et, si ce n'est pas possible, les réparer et compenser. L'autorité administrative indique dans ses décisions comment elle a tenu compte des obligations du présent article.

Le Gouvernement flamand arrête les modalités à cet effet. § 3. Par dérogation au § 1er, une activité qui nécessite un permis ou une autorisation, qui détruit totalement ou partiellement un paysage patrimonial ou qui est susceptible de porter un préjudice significatif aux valeurs ou à une caractéristique paysagère typique, peut néanmoins être autorisée ou exécutée, en absence d'alternative, pour des motifs impérieux de grand intérêt public, en ce compris des motifs d'ordre social ou économique. En ce cas, il y a lieu de prendre toutes les mesures limitatrices de préjudice et compensatoires.

Article 30.Le présent chapitre ne porte aucun préjudice aux prescriptions plus sévères établies pour des sites provisoirement ou définitivement protégés par ou en vertu de l'article 14 du présent décret ».

Quant à la recevabilité B.2.1. Le Gouvernement flamand soutient que les parties requérantes ne justifient pas de l'intérêt requis.

B.2.2. La Constitution et la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage imposent à toute personne physique ou morale qui introduit un recours en annulation de justifier d'un intérêt. Ne justifient de l'intérêt requis que les personnes dont la situation pourrait être affectée directement et défavorablement par la norme entreprise.

B.2.3. Lorsqu'une association sans but lucratif se prévaut d'un intérêt collectif, il est requis que son objet social soit d'une nature particulière et, dès lors, distinct de l'intérêt général; que l'intérêt collectif ne soit pas limité aux intérêts individuels de ses membres; que la norme entreprise soit susceptible d'affecter l'objet social; qu'il n'apparaisse pas, enfin, que cet objet social n'est pas ou n'est plus réellement poursuivi.

B.2.4. L'a.s.b.l. Landelijk Vlaanderen a pour objet, aux termes de l'article 3 de ses statuts, de « promouvoir et défendre les intérêts communs de tous ses membres en ce qui concerne leurs droits en matière immobilière au sens le plus large du terme ». Selon cette même disposition, l'association peut poser à cette fin tout acte qui concourt directement ou indirectement à cet objectif.

B.2.5. Le chapitre IV attaqué du décret sur les paysages prévoit une procédure de préservation des paysages patrimoniaux en deux phases. La première phase concerne la désignation d'un paysage en tant que « lieu d'ancrage ». Le « lieu d'ancrage » est, dans un premier temps, désigné de manière provisoire au moyen d'un arrêté du Gouvernement flamand, publié par extrait au Moniteur belge et soumis à l'avis des instances mentionnées aux articles 19 et 20 (articles 15 à 20). Le « lieu d'ancrage » peut ensuite être désigné de manière définitive au moyen d'un arrêté du Gouvernement flamand, également publié par extrait au Moniteur belge (article 21). La seconde phase concerne la désignation en tant que paysage patrimonial. Les « lieux d'ancrage » désignés définitivement constituent la base de la désignation de paysages patrimoniaux, qui sont délimités en surimpression dans des plans d'exécution spatiaux ou des plans d'aménagement, conformément à la législation relative à l'aménagement du territoire (article 27).

Le chapitre attaqué contient également des dispositions relatives aux effets juridiques liés aux « lieux d'ancrage » et aux paysages patrimoniaux. Alors que les « lieux d'ancrage » n'ont d'effets juridiques que pour les autorités administratives (articles 23 à 26), les paysages patrimoniaux ont également des effets juridiques pour les personnes physiques et les personnes morales de droit privé (articles 28 et 29).

B.2.6. La deuxième partie requérante démontre qu'une partie au moins des propriétés appartenant à la catégorie de personnes dont elle défend les intérêts pourrait être désignée comme faisant partie d'un « lieu d'ancrage » ou d'un paysage patrimonial. L'association a un intérêt à attaquer les restrictions découlant des dispositions entreprises quant à l'utilisation des immeubles situés dans ces zones.

Elle a également un intérêt à attaquer la procédure qui peut mener à des restrictions du droit de propriété, d'autant plus qu'un de ses griefs concerne l'absence d'organisation d'une enquête publique.

B.2.7. Dès lors que l'intérêt de la deuxième partie requérante est établi, le recours en annulation est recevable et il n'y a pas lieu d'examiner si la première partie requérante justifie également de l'intérêt requis.

B.3. En tant que le Gouvernement flamand affirme que les parties requérantes négligent d'exposer en quoi chacune des dispositions entreprises violerait les articles et principes cités dans leurs moyens, l'examen de la recevabilité se confond avec l'examen du fond.

Quant au fond Quant au premier moyen B.4. Le premier moyen est pris de la violation des articles 10, 11 et 16 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme ainsi qu'avec le principe de la sécurité juridique, et est dirigé, ainsi qu'il ressort de son exposé, contre les dispositions de la section 1ère « 1er Volet : Désignation de lieux d'ancrage » (articles 15 à 26).

B.5. Dans une première branche, les parties requérantes soutiennent que les dispositions attaquées conduisent à une différence de traitement non justifiée entre les propriétaires d'immeubles, selon que ces immeubles sont situés dans un « site protégé » en vertu des chapitres II et III du décret sur les paysages ou dans un « lieu d'ancrage » désigné en vertu du chapitre IV attaqué, en ce que, dans le premier cas, les propriétaires ont la possibilité de faire valoir leurs observations et objections lors d'une enquête publique et n'ont pas cette possibilité dans le second cas.

B.6.1. Le chapitre IV attaqué du décret sur les paysages ne contient aucune disposition sur la base de laquelle une enquête publique doit être organisée lors de la désignation de « lieux d'ancrage ». Cette absence a été commentée comme suit durant les travaux préparatoires : « La désignation de lieux d'ancrage s'opère en deux temps : une désignation provisoire, puis une désignation définitive. Durant la phase entre la désignation provisoire et la désignation définitive, il est prévu un avis administratif, mais pas d'enquête publique. Cela signifie que la désignation de lieux d'ancrage n'a pas d'effets juridiques pour le citoyen. Elle n'a d'effets juridiques que pour les autorités administratives, mais ceci seulement après la désignation définitive » (Doc., Parlement flamand, 2002-2003, n° 1804/5, p. 5).

B.6.2. Il résulte en effet des articles 23 à 26, insérés dans le décret sur les paysages par le décret entrepris, que les arrêtés de désignation définitive de « lieux d'ancrage » n'ont d'effets juridiques que pour les autorités administratives et n'en ont donc pas pour les personnes physiques et les personnes morales de droit privé.

Ce n'est que lorsque les « lieux d'ancrage » sont délimités en tant que paysages patrimoniaux dans des plans d'exécution spatiaux ou des plans d'aménagement qu'ils peuvent également avoir des effets juridiques pour les personnes physiques et les personnes morales de droit privé (articles 28 et 29). La délimitation de paysages patrimoniaux dans des plans d'exécution spatiaux ou dans des plans d'aménagement est régie par les procédures du décret du 18 mai 1999 portant organisation de l'aménagement du territoire ou du décret relatif à l'aménagement du territoire coordonné le 22 octobre 1996, qui prévoient tous deux l'organisation d'une enquête publique.

B.6.3. Contrairement aux arrêtés de désignation définitive de « lieux d'ancrage », les arrêtés de protection provisoire et définitive de « sites » pris en vertu des chapitres II et III du décret sur les paysages ont non seulement des effets juridiques pour les autorités administratives, mais également pour les personnes physiques et les personnes morales de droit privé (articles 8, 12 et 14).

B.7. Compte tenu de cette différence d'effets juridiques, la différence de traitement dénoncée n'est pas dénuée de justification raisonnable. Puisqu'une enquête publique est organisée à l'occasion de la délimitation des paysages patrimoniaux dans des plans d'exécution spatiaux ou des plans d'aménagement, les dispositions entreprises ne portent en outre pas atteinte de manière disproportionnée aux droits des propriétaires concernés.

Le moyen, en sa première branche, ne peut être accueilli.

B.8. Dans une deuxième branche, les parties requérantes affirment que les dispositions entreprises violent les articles et principes cités dans le moyen, en ce qu'elles ne prévoient pas de limitation de temps pour la désignation définitive de « lieux d'ancrage », ce qui pourrait laisser les propriétaires concernés dans l'incertitude pour une durée indéterminée quant aux charges liées à leur propriété.

B.9. En vertu de l'article 27, alinéa 4, du décret sur les paysages, le « lieu d'ancrage » désigné définitivement conformément à l'article 21 est annulé de plein droit tant en ce qui concerne la partie pour laquelle un plan d'exécution spatial ou un plan d'aménagement entre en vigueur ultérieurement qu'en ce qui concerne la partie figurant dans la fixation provisoire, mais non conservée dans la fixation définitive du plan d'exécution spatial ou du plan d'aménagement. Selon l'article 22, le Gouvernement flamand peut abroger en tout ou en partie un arrêté de désignation définitive d'un « lieu d'ancrage ».

Un arrêté de désignation définitive d'un « lieu d'ancrage » conserve par conséquent sa force juridique tant que le Gouvernement flamand ne l'abroge pas et tant qu'il n'est pas satisfait aux conditions d'annulation de plein droit mentionnées à l'article 27, alinéa 4, du décret sur les paysages.

B.10. Bien que les propriétaires concernés ne soient pas expropriés, les dispositions constitutionnelles et conventionnelles invoquées s'opposent à ce que l'autorité publique impose à une catégorie déterminée de personnes des charges qui excèdent celles qu'un particulier peut devoir supporter dans l'intérêt général.

B.11. Puisque les arrêtés de désignation définitive de « lieux d'ancrage » n'ont d'effets juridiques que pour les autorités administratives, le fait qu'il ne soit pas prévu de limitation de temps pour la désignation définitive de « lieux d'ancrage » ne conduit pas à des charges qui excèdent celles qu'un particulier peut être censé supporter dans l'intérêt général.

B.12. Le premier moyen, en sa seconde branche, ne peut être accueilli.

Quant au deuxième moyen B.13. Le deuxième moyen est également pris de la violation des articles 10, 11 et 16 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, et est dirigé, comme il ressort de son exposé, contre les dispositions de la section 2 « Second Volet : Paysages patrimoniaux » (articles 27 à 30).

Les parties requérantes affirment en substance que ces dispositions, en ce qu'elles ne prévoient pas de régime d'indemnisation adapté, violent le droit de propriété et le principe d'égalité.

B.14. C'est au législateur compétent qu'il appartient de déterminer les cas dans lesquels une limitation du droit de propriété peut donner lieu à une indemnité et les conditions auxquelles cette indemnité peut être octroyée, sous réserve du contrôle exercé par la Cour quant au caractère raisonnable et proportionné de la mesure prise.

B.15. La Cour doit au préalable examiner en quoi les dispositions entreprises pourraient conduire à des restrictions du droit de propriété.

B.16.1. L'article 3, 12°, du décret sur les paysages définit un paysage patrimonial comme un « lieu d'ancrage » ou une partie d'un « lieu d'ancrage » qui, selon les procédures du décret du 18 mai 1999 portant organisation de l'aménagement du territoire ou du décret relatif à l'aménagement du territoire coordonné le 22 octobre 1996, est indiqué dans les plans d'exécution spatiaux ou les plans d'aménagement. En vertu de l'article 27, alinéa 3, un paysage patrimonial est délimité « en surimpression » dans ces plans.

B.16.2. Selon l'article 28 du décret sur les paysages, tous ceux qui exécutent des travaux ou des actes ou passent des marchés à cet effet respecteront le plus possible les valeurs et les caractéristiques paysagères typiques d'un paysage patrimonial tel qu'il est défini dans le plan d'exécution spatial ou le plan d'aménagement applicable. Cette disposition a été commentée de la manière suivante durant les travaux préparatoires : « Dans cet article, on introduit un devoir de diligence à l'égard des paysages patrimoniaux. Ce devoir de diligence implique une obligation de moyens. [...] Dans ce cadre, l'objectif est notamment que les nouvelles constructions, pour autant qu'elles puissent être autorisées, s'intègrent bien dans le paysage.

Les différentes autorités compétentes en matière de permis et les autorités de tutelle [...] doivent veiller à la protection du paysage patrimonial tant dans le cadre du contrôle que dans l'exécution de leurs propres travaux. Ce souci doit également être pris en considération lors de l'octroi de permis. Il convient également de tendre à l'aménagement et à la construction les plus adaptés au paysage patrimonial visé » (Doc., Parlement flamand, 2002-2003, n° 1804/1, p. 11).

Selon l'article 29, § 1er, l'autorité administrative ne peut, sauf lorsqu'il est satisfait aux conditions déterminées au paragraphe 3 du même article, entreprendre des travaux et actes, ni autoriser une activité de nature à détruire totalement ou partiellement un paysage patrimonial ou de porter un préjudice significatif aux valeurs et aux caractéristiques paysagères typiques de celui-ci. Au cours des travaux préparatoires, cette disposition a été commentée comme suit : « [...] Il faudra apprécier au cas par cas de quelles interventions il s'agit, en tenant compte notamment des caractéristiques paysagères typiques reprises dans l'arrêté du Gouvernement flamand. Vu le caractère varié des paysages patrimoniaux, il est impossible et même insensé de détailler davantage cette prescription dans l'avant-projet de décret. [...] Lors de l'établissement des plans d'exécution spatiaux ou des plans d'aménagement dans lesquels des paysages patrimoniaux sont délimités, cette disposition générale sera traduite en prescriptions urbanistiques. A partir de ce moment, la législation en matière d'aménagement du territoire sera applicable » (ibid. ).

B.16.3. Il ressort de ce qui précède que les articles 28 et 29 ne peuvent limiter le droit de propriété qu'après avoir été « traduits » en prescriptions urbanistiques dans le cadre des plans d'exécution spatiaux ou des plans d'aménagement.

Cette déduction découle également de l'article 40, § 3, du décret sur les paysages, où il est question de « prescriptions urbanistiques liées à la désignation en tant que paysage patrimonial dans un plan d'exécution spatial ou un plan d'aménagement », et à propos duquel il a été dit au cours des travaux préparatoires que les « dispositions spécifiques à chaque paysage patrimonial comme les valeurs, caractéristiques paysagères typiques et caractéristiques spatiales propres à ces valeurs, [...] doivent être traduites et fixées dans les prescriptions urbanistiques » (Doc., Parlement flamand, 2002-2003, n° 1804/5, p. 13) et que c'est de cette manière que « le devoir de diligence sera rendu opérationnel » (ibid. ).

B.17. Le chapitre IV attaqué du décret sur les paysages ne contient aucune disposition prévoyant une indemnisation pour les restrictions du droit de propriété décrites en B.16.2 et B.16.3. Le régime d'indemnisation prévu à l'article 35 du décret susvisé s'applique uniquement aux propriétaires d'immeubles situés dans un « site protégé » en vertu des chapitres II et III et ne s'applique dès lors pas aux propriétaires d'immeubles situés dans un paysage patrimonial.

Il ressort des travaux préparatoires que le législateur décrétal n'a pas étendu l'application du régime d'indemnisation contenu dans cet article 35 « parce que le régime des dommages résultant du plan, relevant de l'aménagement du territoire, est d'application » (Doc., Parlement flamand, 2002-2003, n° 1804/1, p. 12).

B.18. Le législateur décrétal a fait dépendre la protection des paysages patrimoniaux désignés en vertu du chapitre IV et les restrictions du droit de propriété y afférentes, contrairement à la protection des sites désignés en vertu du chapitre II et aux restrictions du droit de propriété y afférentes, d'une intégration dans les plans d'exécution spatiaux ou les plans d'aménagement. Par conséquent, il n'est pas déraisonnable de déclarer le régime d'indemnisation contenu dans l'article 35 du décret sur les paysages non applicable, étant donné que le régime des dommages résultant du plan contenu dans les décrets relatifs à l'aménagement du territoire est d'application.

B.19. En tant que les prescriptions urbanistiques visées en B.16.3 conduiraient à ce qu'une parcelle n'entre plus en ligne de compte pour un permis de bâtir ou de lotir, les propriétaires concernés ont droit, dans les limites et les conditions déterminées dans les décrets relatifs à l'aménagement du territoire, à l'indemnisation de dommages résultant du plan prévue dans ces décrets.

En tant que ces prescriptions urbanistiques, dans les limites instaurées par les articles 28 et 29 du décret sur les paysages, conduiraient à d'autres restrictions et réglementations de l'usage de la propriété, celles-ci ne sauraient être considérées comme des charges qui excèdent celles qu'un particulier peut devoir supporter dans l'intérêt général. Si les prescriptions devaient conduire à une diminution de valeur dépassant la moitié de la valeur d'achat, le propriétaire pourrait par ailleurs, en vertu de l'article 34 du décret sur les paysages, en exiger l'acquisition par la Région. Les décisions de refus prises sur la base des prescriptions urbanistiques peuvent de surcroît être attaquées devant le Conseil d'Etat. Dès lors qu'en raison de leur nature et des garanties offertes, on ne saurait raisonnablement considérer que ces mesures portent atteinte de manière disproportionnée aux droits des propriétaires concernés, il convient de considérer ces restrictions comme des restrictions que l'autorité impose au droit de propriété dans l'intérêt général et qui n'ont pas pour effet que cette autorité serait tenue à indemnisation.

B.20. Les dispositions attaquées ne sauraient, en ce qui concerne le régime d'indemnisation des restrictions du droit de propriété qui en découlent, être considérées comme déraisonnables.

B.21. Le deuxième moyen ne peut être accueilli.

Par ces motifs, la Cour rejette le recours.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 6 juillet 2005.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, A. Arts.

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