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Arrêt
publié le 05 août 2005

Extrait de l'arrêt n° 134/2005 du 19 juillet 2005 Numéros du rôle : 3102 et 3105 En cause : les recours en annulation des articles 20 et 27 du décret de la Communauté française du 3 mars 2004 portant diverses mesures urgentes en matière d'e La Cour d'arbitrage, composée du juge P. Martens, faisant fonction de président, du président A.(...)

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05/08/2005
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Extrait de l'arrêt n° 134/2005 du 19 juillet 2005 Numéros du rôle : 3102 et 3105 En cause : les recours en annulation des articles 20 et 27 du décret de la Communauté française du 3 mars 2004 portant diverses mesures urgentes en matière d'enseignement non obligatoire, introduits par C. Debauve et A. Colson.

La Cour d'arbitrage, composée du juge P. Martens, faisant fonction de président, du président A. Arts et des juges R. Henneuse, M. Bossuyt, E. De Groot, J.-P. Snappe et E. Derycke, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le juge P. Martens, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des recours et procédure Par requêtes adressées à la Cour par lettres recommandées à la poste les 15 et 18 octobre 2004 et parvenues au greffe les 18 et 20 octobre 2004, C. Debauve, demeurant à 1080 Bruxelles, boulevard E. Machtens 92/11, et A. Colson, demeurant à 1300 Limal, rue du Petit Sart 35, ont introduit un recours en annulation des articles 20 et 27 du décret de la Communauté française du 3 mars 2004 portant diverses mesures urgentes en matière d'enseignement non obligatoire (publié au Moniteur belge du 19 avril 2004).

Ces affaires, inscrites sous les numéros 3102 et 3105 du rôle de la Cour, ont été jointes. (...) II. En droit (...) Quant aux dispositions attaquées B.1.1. L'article 20 du décret de la Communauté française du 3 mars 2004 « portant diverses mesures urgentes en matière d'enseignement non obligatoire » substitue, à l'article 5, alinéa 1er, de l'arrêté royal du 15 avril 1958 « portant statut pécuniaire du personnel enseignant, scientifique et assimilé du Ministère de l'Instruction publique », les mots « Par dérogation aux dispositions des b), c) et e) ci-dessus, » aux mots « Par dérogation aux dispositions des b) et c) ci-dessus, ».

Ainsi modifié, cet article dispose : «

Art. 5.Pour l'application du présent arrêté : L'expression ' fonction accessoire ' désigne la fonction, qu'elle soit ou non à prestations complètes, qu'exerce dans une ou plusieurs écoles ou institutions régies par le présent statut, l'agent : a) qui exerce déjà une fonction à prestations complètes dans une ou plusieurs autres écoles ou institutions régies par le présent statut; b) qui exerce déjà une profession indépendante comportant une activité professionnelle qui exige au moins 60 p.c. des prestations hebdomadaires fournies par celui qui exerce la même activité de manière exclusive.

L'application de la présente disposition exclut l'application du littera c du présent article; c) qui bénéficie, du chef de toute autre occupation et/ou du chef de la jouissance d'une pension à charge du Trésor public, de revenus bruts dont le montant est égal ou supérieur à celui de la rémunération brute qu'il obtiendrait s'il exerçait sa fonction comme fonction principale à prestations complètes, mais calculée sur la base du minimum de l'échelle de traitement. Par ' autre occupation ', il faut entendre une occupation autre que : 1° une profession indépendante;2° des prestations dans l'enseignement de plein exercice ou dans l'enseignement de promotion sociale ou à horaire réduit, pour lesquelles une rémunération à charge du Trésor public est accordée;d) qui exerce également une fonction à prestations complètes dans l'enseignement de promotion sociale ou à horaire réduit;e) qui bénéficie d'un traitement ou d'une pension de retraite du chef d'un emploi exercé dans le secteur privé ou public, dont l'horaire normal est de nature à absorber complètement une activité professionnelle normale, sauf si le montant est inférieur au minimum de l'échelle de traitement la moins élevée de la fonction de surveillant-éducateur;f) qui exerce une fonction non exclusive dans l'enseignement de plein exercice, pour laquelle il bénéficie d'un traitement complet, dont le montant brut est égal ou supérieur au minimum de son échelle de traitement. Par dérogation aux dispositions des b), c) et e) ci dessus, les enseignants des Ecoles supérieures des Arts qui exercent une profession à caractère artistique soit comme indépendant, soit sous contrat d'emploi, conservent le bénéfice de la fonction principale quels que soient les montants de leurs revenus et le volume horaire de leur activité artistique.

L'expression ' fonction principale ' désigne la fonction qu'elle soit ou non à prestations complètes, qu'exerce, dans une ou plusieurs écoles ou institutions régies par le présent statut, l'agent qui ne se trouve dans aucune des trois situations visées sous a), b), c), d), e) et f), ci-dessus [...] ».

B.1.2. L'article 27 du même décret insère un article 77bis dans la loi du 24 décembre 1976 relative aux propositions budgétaires 1976-1977.

Cet article dispose : « Les membres du personnel enseignant des Ecoles supérieures des Arts qui exercent en dehors de l'enseignement une profession à caractère artistique soit comme indépendant, soit sous contrat d'emploi, ne peuvent bénéficier d'aucune rémunération pour des prestations dans l'enseignement qui dépassent une fonction à prestations complètes ».

Quant à l'intérêt à agir des requérants B.2. Les requérants exercent des fonctions au sein d'un conservatoire de musique relevant de la Communauté française. Ils font valoir que les articles 20 et 27 du décret attaqué fixent les rémunérations que l'exercice de ces fonctions leur permet d'obtenir lorsqu'ils cumulent ces rémunérations avec d'autres revenus.

Etant donné que l'intérêt des requérants dépend de la portée des dispositions attaquées, son examen se confond avec celui du fond de l'affaire.

Quant au fond B.3.1. Les requérants invoquent la violation des articles 10, 11 et 24, § 4, de la Constitution, à laquelle ils ajoutent la méconnaissance de l'autorité de la chose jugée par l'arrêt n° 7/2004, en ce que les dispositions attaquées établiraient une discrimination entre les enseignants des écoles supérieures des arts qui exercent une activité artistique selon qu'ils exercent cette activité sous contrat d'emploi ou comme indépendant, d'une part, ou sous statut, d'autre part.

Seuls les enseignants de la première catégorie pourraient cumuler les rémunérations afférentes à leur activité artistique avec celles qu'ils obtiennent en raison de l'exercice d'une fonction principale dans l'enseignement artistique.

B.3.2. Tel qu'il a été modifié par l'article 473 du décret du 20 décembre 2001 « fixant les règles spécifiques à l'Enseignement supérieur artistique organisé en Ecoles supérieures des Arts (organisation, financement, encadrement, statut des personnels, droits et devoirs des étudiants) », l'article 5, alinéa 1er, de l'arrêté royal du 15 avril 1958 limitait aux seuls artistes qui exerçaient leur activité sous contrat d'emploi ou comme indépendant le droit de cumuler les revenus afférents à leur activité artistique avec ceux qu'ils obtenaient en raison de l'exercice d'une fonction principale dans l'enseignement.

B.3.3. Une telle distinction entre les enseignants selon qu'ils exercent leur activité artistique sous contrat d'emploi ou comme indépendant, d'une part, ou sous statut, d'autre part, a été jugée discriminatoire par la Cour. Dans son arrêt n° 7/2004 du 21 janvier 2004, celle-ci a considéré : « B.4.4. Le régime antérieur de cumul dans l'enseignement supérieur artistique s'étant écarté de son but initial et ayant donné lieu à des abus, le législateur décrétal a décidé de soumettre désormais l'enseignement artistique aux règles générales qui sont en vigueur dans l'enseignement supérieur et dans lesquelles une distinction est faite entre les fonctions principales et les fonctions accessoires.

L'option ayant été prise d'aligner l'enseignement artistique sur cette réglementation générale, il n'est pas déraisonnable que le législateur ne prévoie de dérogation que lorsqu'il existe des motifs spécifiques pour ce faire.

La genèse de la disposition attaquée fait apparaître que le législateur juge important d'attirer des artistes de renom dans l'enseignement artistique et qu'il entend créer les conditions pour que ces artistes puissent poursuivre leurs activités artistiques à côté de leur mission d'enseignement, parce que cela améliore la qualité de l'enseignement artistique (Doc., Parlement de la Communauté française, 2001-2002, n° 207/1, pp. 7 et 8).

B.4.5. Eu égard à cet objectif, la Communauté française n'établit pas et la Cour n'aperçoit pas en quoi il serait justifié de ne pas encourager, chez les enseignants des écoles supérieures des arts, la pratique artistique effectivement exercée dans un régime statutaire.

En ne prenant en compte que celle exercée à titre d'indépendant ou de salarié, la disposition attaquée est discriminatoire. » B.3.4. L'article 20 du décret attaqué vise, notamment, à remédier à la discrimination causée par l'article 473 du décret de la Communauté française du 20 décembre 2001 entre les enseignants des écoles supérieures des arts.

Il ressort des travaux préparatoires du décret attaqué que le législateur décrétal a tenu à préciser ou compléter le cadre juridique défini par le décret du 20 décembre 2001 : « Ces dispositions permettent, par leur précision, de régler certaines situations, d'en asseoir les bases juridiques ou apportent des précisions nécessaires à la bonne application de la réforme de ce type d'enseignement » (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2003-2004, n° 486/1, p. 2).

B.3.5. L'article 5, alinéa 1er, in fine, de l'arrêté royal du 15 avril 1958 dispose : « Par dérogation aux dispositions des b), c) et e) ci- dessus, les enseignants des Ecoles supérieures des Arts qui exercent une profession à caractère artistique soit comme indépendant, soit sous contrat d'emploi, conservent le bénéfice de la fonction principale quels que soient les montants de leurs revenus et le volume horaire de leur activité artistique ».

Cette disposition permet dès lors de déroger, sous certaines conditions, à l'interdiction de cumuler une fonction principale d'enseignement avec l'une des tâches énumérées à l'article 5, alinéa 1er, du même arrêté royal.

L'article 20 du décret attaqué étend formellement le champ d'application de cette dérogation à certaines des personnes qui bénéficient, en raison de l'exercice d'une activité artistique dans le secteur privé ou public, d'un traitement ou d'une pension de retraite.

Cette modification est justifiée notamment par la volonté d'autoriser des travailleurs du secteur public à exercer leur art tout en enseignant en fonction principale (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2003-2004, n° 486/1, p. 4).

B.3.6. La seconde partie de l'article 5, alinéa 1er, in fine, insérée par l'article 473 du décret du 20 décembre 2001, continue toutefois à exclure du bénéfice de la dérogation les enseignants qui exercent leur art sous statut.

L'article 20 du décret entrepris ne constitue donc pas une mesure pertinente au regard de l'objectif du législateur qui consiste à étendre cette dérogation aux enseignants des écoles supérieures des arts exerçant une activité artistique sous statut.

B.3.7. En tant qu'il vise l'article 20 du décret entrepris, le moyen est fondé.

B.4.1. L'article 27 du décret attaqué entend, pour sa part, introduire dans la loi du 24 décembre 1976 « une disposition qui permet aux artistes praticiens d'exercer une fonction enseignante complète dans les Ecoles supérieures des arts sans toutefois dépasser une charge complète dans l'enseignement » (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2003-2004, n° 486/1, p. 7).

Cette disposition exclut cependant du bénéfice de la mesure les personnes qui exercent leur pratique artistique, non sous contrat d'emploi ou comme indépendant, mais sous statut.

B.4.2. Pour les mêmes raisons que celles qui sont évoquées au B.3.3, la Cour n'aperçoit pas en quoi il serait justifié de ne pas encourager, chez les enseignants des écoles supérieures des arts, la pratique artistique effectivement exercée dans un régime statutaire.

En ne prenant en compte que celle qui est exercée à titre d'indépendant ou de salarié, la disposition attaquée est discriminatoire.

B.4.3. La discrimination réside donc dans l'interdiction qui est faite à l'enseignant qui exerce une activité artistique sous statut de cumuler les revenus de cette activité avec la rémunération qui est liée à la fonction d'enseignant qu'il assume, sans pour autant dépasser une charge complète d'enseignement.

B.4.4. Afin de ne pas créer de vide juridique pendant le temps nécessaire au législateur décrétal pour rendre les dispositions annulées compatibles avec les articles 10, 11 et 24, § 4, de la Constitution, il convient, en application de l'article 8, alinéa 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, d'en maintenir les effets.

Par ces motifs, la Cour - annule les articles 20 et 27 du décret de la Communauté française du 3 mars 2004 portant diverses mesures urgentes en matière d'enseignement non obligatoire; - maintient les effets des dispositions annulées jusqu'à l'entrée en vigueur de nouvelles dispositions et au plus tard jusqu'au 31 mars 2006.

Ainsi prononcé en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 19 juillet 2005, par le président M. Melchior, en remplacement du juge P. Martens, légitimement empêché d'assister au prononcé du présent arrêt.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, M. Melchior.

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