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Arrêt
publié le 23 décembre 2005

Extrait de l'arrêt n° 190/2005 du 14 décembre 2005 Numéros du rôle : 3205 En cause : le recours en annulation des articles 4, 5 et 12, alinéa 2, de l'ordonnance de la Commission communautaire commune du 13 mai 2004 « relative aux résidences La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges M. Bossuyt, A.(...)

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Extrait de l'arrêt n° 190/2005 du 14 décembre 2005 Numéros du rôle : 3205 En cause : le recours en annulation des articles 4, 5 et 12, alinéa 2, de l'ordonnance de la Commission communautaire commune du 13 mai 2004 « relative aux résidences-services et aux complexes résidentiels en Région de Bruxelles-Capitale régis par le régime de la copropriété forcée et qui proposent des services aux personnes âgées », introduit par la s.a. Restel Residences et autres.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges M. Bossuyt, A. Alen, J.-P. Snappe, E. Derycke et J. Spreutels, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 15 décembre 2004 et parvenue au greffe le 17 décembre 2004, un recours en annulation des articles 4, 5 et 12, alinéa 2, de l'ordonnance de la Commission communautaire commune du 13 mai 2004 « relative aux résidences-services et aux complexes résidentiels en Région de Bruxelles-Capitale régis par le régime de la copropriété forcée et qui proposent des services aux personnes âgées » (publiée au Moniteur belge du 16 juin 2004, deuxième édition) a été introduit par la s.a.

Restel Residences, dont le siège social est établi à 9051 Sint-Denijs-Westrem, Derbystraat 40, l'a.s.b.l. Le Cercle Trianon, dont le siège social est établi à 1200 Bruxelles, avenue de Woluwe-Saint-Lambert 71, O. Bonbled, demeurant à 1050 Bruxelles, chaussée de Boitsfort 15, P. Meyers et D. van Caloen, demeurant à 1150 Bruxelles, Val des Seigneurs 32, M.-C. Van Reeth, demeurant à 5101 Namur, Allée des Mésanges 3, B. Van Reeth, demeurant à 1180 Bruxelles, avenue des Aubépines 26A, D. Van Reeth, demeurant à 6700 Arlon, Drève de l'Arc-en-ciel 20, J.-M. Lebon, demeurant à 1180 Bruxelles, avenue J. et P. Carsoel 89, T. Flament, demeurant à 1860 Meise, Meidoornlaan 11, M. Caenen, demeurant à 9000 Gand, Franklin Rooseveltlaan 151, C. Grisard, demeurant à 1180 Bruxelles, avenue de Messidor 207, A. Wittamer, demeurant à 1640 Rhode-Saint-Genèse, avenue Astrid 79, M. Delahaut et S. Van Mollekot, demeurant à 1640 Rhode-Saint-Genèse, avenue Jan Van Ruusbroec 3, M. Levin, demeurant à 1180 Bruxelles, avenue J. et P. Carsoel 89, et B. de Haan, demeurant à 1370 Jodoigne, rue Sainte-Gertrude 1. (...) II. En droit (...) Quant aux dispositions entreprises B.1. Les parties requérantes introduisent un recours contre les articles 4, 5 et 12, alinéa 2, de l'ordonnance de la Commission communautaire commune du 13 mai 2004 « relative aux résidences-services et aux complexes résidentiels en Région de Bruxelles-Capitale régis par le régime de la copropriété forcée et qui proposent des services aux personnes âgées ».

Ces dispositions énoncent : «

Art. 4.Chaque gestionnaire-prestataire de services d'un établissement visé à l'article 2, 2° est agréé par le Collège réuni, après avis de la section, pour une période renouvelable de six ans.

Pour être agréés, les services proposés dans les établissements doivent répondre aux normes arrêtées par le Collège réuni, après avis de la section.

Ces normes se rapportent au moins aux éléments suivants : 1° l'interdiction de toute discrimination sur la base de l'origine ou de considérations politiques, culturelles, philosophiques, religieuses ou d'orientation sexuelle;2° le respect de la vie privée et des droits individuels de la personne;3° l'obligation de remplir ses missions au bénéfice des usagers indépendamment de leur appartenance linguistique;4° les modalités de participation des usagers des services par le biais d'un conseil des habitants à créer dans chaque établissement;5° les conditions de l'aide aux personnes;6° la qualité, à savoir l'ensemble des propriétés et caractéristiques de l'aide ou des services nécessaires à la satisfaction des besoins déterminés ou évidents de l'usager;7° la qualification du directeur et du personnel chargés de l'ensemble des services proposés ainsi que leur obligation de respecter le secret professionnel;8° le contrat spécifique qui est conclu dans les établissements, visés à l'article 2, 2°, après avis du conseil des habitants, entre les copropriétaires ou leur mandataire et le candidat gestionnaire-prestataire de services. [...]

Art. 5.Le Collège réuni accorde un agrément au gestionnaire-prestataire de services pour l'établissement visé à l'article 2, 2° pour autant que cette demande réponde aux nonnes [lire : normes] fixées par le Collège, après avis de la section.

A la demande d'agrément est joint un dossier descriptif, dont le contenu est arrêté par le Collège réuni, après avis de la section.

L'agrément est accordé pour une période de six ans. Il est notifié au gestionnaire-prestataire de services et aux copropriétaires de l'établissement ou à leur mandataire dans les soixante jours de l'introduction de la demande ». «

Art. 12.[...] Cette surveillance comporte notamment le droit de visiter, à tout moment, dans le respect de l'inviolabilité du domicile, les parties communes des établissements mis à la disposition du gestionnaire-prestataire de services et de prendre connaissance, sans déplacement, de l'ensemble des pièces et documents ».

B.2. Selon les développements de la proposition d'ordonnance entreprise, celle-ci s'applique seulement aux résidences-services régies par le régime de la copropriété forcée et qui proposent des services, à l'exclusion du logement. C'est l'offre de ces services qui rend le séjour dans de tels établissements attrayant. Il semblait dès lors légitime de veiller à la qualité de ces services et d'imposer le respect de normes de qualité. Pour parvenir à ce résultat, l'ordonnance entreprise prévoit notamment que le prestataire de ces services doit répondre aux conditions d'agrément fixées par l'ordonnance et par un arrêté d'exécution qui devra être pris par le Collège réuni (Doc. parl., Assemblée réunie de la Commission communautaire commune, 2002-2003, B-97/1, pp. 1 à 4).

Quant au fond En ce qui concerne le premier moyen B.3.1. Le premier moyen est pris de la violation par les articles 4 et 5 de l'ordonnance précitée des articles 1er, 10, 11, 23, 39, 134 et 135 de la Constitution, combinés avec les articles 60, 68 et 69 de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises et avec les articles 20 et 78 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles. En accordant une délégation de compétence, les dispositions entreprises violeraient les règles répartitrices de compétences entre l'Assemblée réunie de la Commission communautaire commune et son Collège réuni ainsi que le principe de légalité aux termes duquel les pouvoirs qui sont délégués par une assemblée législative à un organe exécutif doivent être suffisamment précisés dans la norme qui opère cette attribution de compétence.

B.3.2. La Cour n'est pas compétente pour censurer une disposition qui violerait la répartition des compétences entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif, sauf si cette violation méconnaît les règles répartitrices de compétences entre l'Etat, les communautés et les régions ou si un législateur, en imposant à une autorité administrative de prendre une mesure qui ne relève pas de la compétence de celle-ci, prive ainsi une catégorie de personnes de l'intervention d'une assemblée démocratiquement élue, prévue par la Constitution.

B.3.3. En l'espèce, les parties requérantes n'invoquent pas une violation des règles répartitrices de compétences entre l'Etat, les communautés et les régions. En outre, la matière qui fait l'objet de l'ordonnance entreprise n'est pas de nature telle que la Constitution exige l'intervention d'une assemblée démocratiquement élue.

B.3.4. Le moyen ne peut être accueilli.

En ce qui concerne le deuxième moyen B.4.1. Le deuxième moyen est pris de la violation de l'article 577-7 du Code civil dans la mesure où la matière réglée par les articles 4 et 5 de l'ordonnance entreprise empiéterait sur les pouvoirs de l'Etat fédéral, à qui revient la compétence de légiférer en matière de copropriété.

B.4.2. Aux termes de l'article 1er de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, la Cour statue par voie d'arrêt sur les recours en annulation des lois, des décrets ou des ordonnances uniquement pour cause de violation des règles de compétences respectives de l'Etat, des communautés et des régions ou des articles du titre II « Des Belges et de leurs droits » ainsi que des articles 170, 172 et 191 de la Constitution.

B.4.3. L'article 577-7 du Code civil, tel qu'il a été inséré par l'article 2 de la loi du 30 juin 1994Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/06/1994 pub. 14/01/2009 numac 2008001061 source service public federal interieur Loi relative au droit d'auteur et aux droits voisins. - Traduction allemande de dispositions modificatives et d'exécution type loi prom. 30/06/1994 pub. 23/04/2013 numac 2013000250 source service public federal interieur Loi relative à la protection de la vie privée contre les écoutes, la prise de connaissance et l'enregistrement de communications et de télécommunications privées. - Coordination officieuse en langue allemande type loi prom. 30/06/1994 pub. 29/01/2013 numac 2013000051 source service public federal interieur Loi transposant en droit belge la directive européenne du 14 mai 1991 concernant la protection juridique des programmes d'ordinateur. - Coordination officieuse en langue allemande fermer, dispose comme suit : « § 1er. Sous réserve de conditions plus strictes fixées par le règlement de copropriété, l'assemblée générale décide : 1° à la majorité des trois quarts des voix : a) de toute modification aux statuts pour autant qu'elle ne concerne que la jouissance, l'usage ou l'administration des parties communes;b) de tous travaux affectant les parties communes, à l'exception de ceux qui peuvent être décidés par le syndic;c) de la création et de la composition d'un conseil de gérance qui a pour mission d'assister le syndic et de contrôler sa gestion;2° à la majorité des quatre cinquième des voix : a) de toute autre modification aux statuts, en ce compris la modification de la répartition des charges de copropriété;b) de la modification de la destination de l'immeuble ou d'une partie de celui-ci;c) de la reconstruction de l'immeuble ou de la remise en état de la partie endommagée en cas de destruction partielle;d) de toute acquisition des biens immobiliers destinés à devenir communs;e) de tous actes de disposition de biens immobiliers communs. § 2. En cas de destruction totale ou partielle, les indemnités représentatives de l'immeuble détruit sont affectées par priorités à la reconstruction lorsque celle-ci est décidée.

Sans préjudice des actions exercées contre le propriétaire, l'occupant ou le tiers, responsable du sinistre, les copropriétaires sont tenus, en cas de reconstruction ou de remise en état, de participer aux frais en proportion de leur quote-part dans la copropriété. § 3. Il est statué à l'unanimité des voix de tous les copropriétaires sur toute modification de la répartition des quotes-parts de copropriété, ainsi que sur toute décision de l'assemblée générale de reconstruction totale de l'immeuble ».

B.4.4. En elle-même, la disposition précitée n'établit aucune règle de répartition de compétences entre l'Etat fédéral, les communautés et les régions. Elle n'entre pas dans le champ des règles que la Cour est habilitée à faire respecter.

B.4.5. Les parties requérantes reprochent cependant à l'ordonnance de réglementer la copropriété et d'empiéter sur une compétence fédérale.

La matière de la copropriété forcée relève du pouvoir résiduaire de l'Etat fédéral. Les travaux préparatoires de l'ordonnance entreprise montrent toutefois qu'elle n'a nullement voulu empiéter sur cette compétence. Ainsi, on peut lire, dans le rapport, qu'il est nécessaire « d'opérer une distinction claire entre les compétences bicommunautaires et fédérales, ce dernier niveau de pouvoir restant compétent pour l'ensemble des dispositions du Code civil relatives au droit de propriété » (Doc. parl., Assemblée réunie de la Commission communautaire commune, 2003-2004, B-97/2, p. 9).

Il est cependant précisé : « [...] les contrats de prestations de services sont signés au même moment que le contrat de copropriété et sont modifiés selon les mêmes règles que celles régissant la copropriété, c'est-à-dire moyennant une décision prise lors d'une réunion avec un quorum requis des deux tiers. Cette situation pose souvent des problèmes, notamment lorsqu'un propriétaire décède et laisse plusieurs héritiers. Si les utilisateurs - qui ne sont pas nécessairement des propriétaires - se plaignent des services offerts dans l'établissement, il faudra convoquer l'assemblée des copropriétaires. Les héritiers qui viennent augmenter le nombre de copropriétaires pourraient avoir d'autres intérêts et le quorum risque donc de ne pas être atteint. Il importe donc de ne plus appliquer le régime actuel de la copropriété aux contrats de prestations de services » (ibid., pp. 9-10).

L'auteur de la proposition d'ordonnance rappelle que celle-ci « vise à créer un organe chargé de contrôler la qualité des services offerts : les dispositions du Code civil en matière de copropriété ne sont pas modifiées » (ibid. ).

Pour le surplus, il faut considérer qu'en déléguant au Collège réuni le pouvoir d'arrêter les normes d'agrément des gestionnaires-prestataires de services (article 4), la Commission communautaire commune ne pourrait pas habiliter cet organe à violer les règles répartitrices de compétences. Il appartient le cas échéant aux cours et tribunaux ou au Conseil d'Etat de contrôler le respect par le Collège réuni de ces règles.

B.4.6. Les parties requérantes reprochent enfin à l'ordonnance entreprise de violer les articles 10 et 11 de la Constitution parce que les gestionnaires et les copropriétaires de résidences-services seraient traités autrement que ceux des deux autres régions.

B.4.7. Une différence de traitement dans des matières où les communautés et les régions disposent de compétences propres est la conséquence possible de politiques distinctes permises par l'autonomie qui leur est accordée par la Constitution ou en vertu de celle-ci; une telle différence ne peut en soi être jugée contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution. Cette autonomie serait dépourvue de signification si le seul fait qu'il existe des différences de traitement entre les destinataires de règles s'appliquant à une même matière dans les diverses communautés et régions était jugé contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution.

B.4.8. Le moyen ne peut être accueilli.

En ce qui concerne le troisième moyen B.5.1. Le troisième moyen est pris de la violation par l'article 12, alinéa 2, de l' ordonnance du 13 mai 2004Documents pertinents retrouvés type ordonnance prom. 13/05/2004 pub. 16/06/2004 numac 2004031270 source commission communautaire commune de la region de bruxelles-capitale Ordonnance relative aux résidences-services et aux complexes résidentiels en Région de Bruxelles-Capitale régis par le régime de la copropriété forcée et qui proposent des services aux personnes âgées fermer des articles 15 et 22 de la Constitution, lus en combinaison avec ses articles 10 et 11 ainsi qu'avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.

En accordant au Collège réuni un pouvoir d'enquête dans les parties communes des résidences-services mises à la disposition du gestionnaire-prestataire de services et de prendre connaissance, sans déplacement, de l'ensemble des pièces et documents, l'Assemblée réunie aurait violé la vie privée et le domicile des personnes privées qui y résident.

B.5.2. Il résulte de l'article 12, alinéa 2, de l'ordonnance entreprise que le pouvoir d'enquête accordé aux fonctionnaires désignés par le Collège réuni ne peut s'exercer que dans les parties communes des résidences-services mises à la disposition du prestataire de services par l'association des copropriétaires.

Ceci n'empêche pas l'application des dispositions constitutionnelles et conventionnelles invoquées par les parties requérantes, soit dans le chef des habitants des résidences-services ou des complexes résidentiels, soit dans le chef des gestionnaires-prestataires de services.

B.5.3. La disposition entreprise précise cependant explicitement que le droit de visite - qui n'est pas qualifié par elle de droit de perquisition - ne peut s'exercer que « dans le respect de l'inviolabilité du domicile ».

B.5.4. Pour le surplus, il y a lieu de constater que la disposition entreprise s'inscrit dans la compétence qu'ont les fonctionnaires désignés par le Collège réuni de surveiller l'application des dispositions de l'ordonnance et des arrêtés pris en exécution de celle-ci (article 12, alinéa 1er). L'ordonnance ayant pour objet de régler la qualité des services qui sont offerts dans les résidences à des personnes qui, par ailleurs et de manière distincte, sont propriétaires ou louent des logements privés, il est raisonnablement justifié de prévoir un droit de visite qui a pour seul objectif de contrôler cette qualité.

B.5.5. Le moyen ne peut être accueilli.

Par ces motifs, la Cour rejette le recours.

Ainsi prononcé en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 14 décembre 2005.

Le greffier, L. Potoms.

Le président, M. Melchior.

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