Etaamb.openjustice.be
Arrêt
publié le 06 février 2006

Extrait de l'arrêt n° 188/2005 du 14 décembre 2005 Numéros du rôle : 3177, 3178, 3179, 3184 et 3189 En cause : les questions préjudicielles concernant les articles 3, 27 et 28 du décret de la Région wallonne du 6 février 2003 « modifiant le La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges R. Henneuse, L(...)

source
cour d'arbitrage
numac
2006200227
pub.
06/02/2006
prom.
--
moniteur
https://www.ejustice.just.fgov.be/cgi/article_body(...)
Document Qrcode

COUR D'ARBITRAGE


Extrait de l'arrêt n° 188/2005 du 14 décembre 2005 Numéros du rôle : 3177, 3178, 3179, 3184 et 3189 En cause : les questions préjudicielles concernant les articles 3, 27 et 28 du décret de la Région wallonne du 6 février 2003 « modifiant le décret du 5 juin 1997 relatif aux maisons de repos, résidences-services et aux centres d'accueil de jour pour personnes âgées et portant création du Conseil wallon du troisième âge », posées par le Conseil d'Etat.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges R. Henneuse, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe et E. Derycke, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles et procédure a) Par arrêts nos 137.700, 137.720, 137.678 et 137.679 du 26 novembre 2004 en cause respectivement de la s.p.r.l. unipersonnelle « Résidence Biernaux », la s.c.r.l. « Les Mille Feuillages », C. Lorange et la s.a. « Résidence Les Pommiers » contre la Région wallonne, dont les expéditions sont parvenues au greffe de la Cour d'arbitrage les 3, 6 et 7 décembre 2004, le Conseil d'Etat a posé les questions préjudicielles suivantes : « 1) Le décret wallon du 6 février 2003 modifiant le décret du 5 juin 1997 relatif aux maisons de repos, résidences-services et aux centres d'accueil de jour pour personnes âgées et portant création du Conseil wallon du troisième âge, publié au Moniteur belge le 12 mars 2003 et entré en vigueur à cette date, ne viole-t-il pas les articles 10 et 11 de la Constitution, dans la mesure où, par ses articles 3, 27 et 28, il a pour effet de rendre irrecevable, à défaut d'intérêt, un recours en annulation d'une décision de refus opposé à une demande d'accord de principe à l'extension d'une maison de repos pour personnes âgées, introduit avant son entrée en vigueur, et où il prive ainsi la catégorie de personnes (citoyens) à laquelle appartient le (la) requérant(e) d'une garantie juridictionnelle offerte à la généralité de celles-ci (ceux-ci) ? 2) Le même décret ne méconnaît-il pas les normes répartitrices de compétences entre l'Etat fédéral, les Communautés et les Régions en ce que, par ses articles 27 et 28, il impose une programmation des maisons de repos pour personnes âgées sans tenir compte des dispositions fédérales en matière de financement des soins en maison de repos pour personnes âgées, visées à l'article 4, § 1er, alinéa 4, du décret du 5 juin 1997, précité, et non prises en compte dans la programmation prévue à l'article 4 de l'arrêté du Gouvernement wallon du 3 décembre 1998 [portant exécution du décret du 5 juin 1997], précité ? ». b) Par arrêt n° 137.721 du 26 novembre 2004 en cause de Y. Ninanne contre la Région wallonne, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 3 décembre 2004, le Conseil d'Etat a posé, outre les deux questions préjudicielles précédentes, la question préjudicielle suivante : « 3) Le même décret ne méconnaît-il pas les articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec le principe de la liberté du commerce et de l'industrie, en ce que, par ses articles 27 et 28, il impose une programmation des maisons de repos pour personnes âgées aux termes de laquelle 29 % au minimum des lits sont réservés au secteur public, 21 % au minimum au secteur privé non lucratif et 50 % au maximum au secteur privé commercial ? ».

Ces affaires, inscrites sous les numéros 3177, 3178, 3179, 3184 et 3189 du rôle de la Cour, ont été jointes. (...) III. En droit (...) Quant aux dispositions en cause B.1.1. L'article 4, § 1er, du décret de la Région wallonne du 5 juin 1997 « relatif aux maisons de repos, résidences-services et aux centres d'accueil de jour pour personnes âgées et portant création du Conseil wallon du troisième âge » établit les conditions dans lesquelles le Gouvernement wallon peut répartir, par secteurs, le nombre de lits disponibles en maisons de repos dans la région de langue française.

Telle qu'elle a été modifiée par l'article 3 du décret en cause, cette disposition établit : « Le Gouvernement fixe le programme d'implantation et de capacité des maisons de repos et des centres d'accueil de jour.

En outre, le Gouvernement peut fixer le programme d'implantation et de capacité des résidences-services.

Ce programme tient compte de la répartition géographique des établissements, du nombre de personnes âgées dans l'arrondissement concerné, des dispositions fédérales en matière de financement des soins en maisons de repos; il respecte un équilibre entre les établissements relevant du secteur public, ceux relevant du secteur privé sans but lucratif et ceux relevant du secteur commercial.

Le Gouvernement peut, selon les règles qu'il fixe, s'écarter du programme des maisons de repos en vue d'octroyer des accords de principe permettant de redistribuer, dans le secteur dont ils proviennent, les lits récupérés à la suite d'une décision de réduction de capacité prise sur la base de l'article 13bis ou en raison de l'expiration du délai de validité d'un accord de principe visé à l'article 30, alinéa 1er.

L'administration fournit à toute personne qui en fait la demande les données détaillées relatives à l'état actualisé des programmes d'implantation.

Ces données reprennent la situation par rapport aux dispositions fixées par l'autorité fédérale en matière de financement des soins en maison de repos et, par arrondissement, l'application du programme d'implantation par rapport aux données démographiques, ainsi que le nombre de lits, de logements et de places d'accueil disponibles par secteur ».

B.1.2. L'article 27 du décret en cause énonce : « Sans préjudice de la délégation octroyée au Gouvernement par l'article 4, § 1er, du décret du 5 juin 1997 relatif aux maisons de repos, résidences-services et aux centres d'accueil de jour pour personnes âgées et portant création du Conseil wallon du troisième âge : 1° le programme relatif au nombre de lits de maison de repos est fixé pour l'ensemble de la Région wallonne à 6,8 lits par cent habitants âgés de soixante ans au moins.La programmation se réalise par arrondissement afin de permettre à chaque arrondissement de disposer de 6,3 lits par cent habitants âgés de soixante ans au moins. Dans ce programme, 29 % au minimum des lits sont réservés au secteur public, 21 % au minimum au secteur privé non lucratif et 50 % au maximum au secteur privé commercial [...] ».

Cet article doit être interprété comme une dérogation transitoire à l'article 4, § 1er, du décret du 5 juin 1997. Le législateur décrétal y fixe en effet lui-même le pourcentage de lits disponibles en maisons de repos dans chaque secteur. Cette programmation vaut dans l'attente de son éventuelle adaptation par le Gouvernement wallon, qui agira dans le respect des conditions édictées à l'article 4, § 1er, du décret du 5 juin 1997.

B.1.3. L'article 28 du décret en cause dispose : « Sous réserve de l'alinéa 2, le Gouvernement fixe la date d'entrée en vigueur du présent décret.

Les articles 3, point 2, et 27 entrent en vigueur le jour de la publication du présent décret au Moniteur belge ».

B.1.4. Bien que les questions préjudicielles portent aussi bien sur l'article 27 que sur les articles 3 et 28 du décret en cause, il ressort de leur formulation et de la motivation des décisions de renvoi que seul l'article 27 est en réalité visé. La Cour, qui doit déterminer la portée des questions préjudicielles en fonction des éléments contenus dans les décisions de renvoi, limite par conséquent son examen à cette disposition.

Quant à la recevabilité des questions préjudicielles B.2.1. Le Gouvernement wallon conteste la recevabilité de la deuxième question préjudicielle en ce qu'elle ne préciserait ni les règles répartitrices de compétences ni les dispositions fédérales adoptées dans le cadre de la compétence exclusive de l'Etat fédéral qui seraient violées par les articles du décret en cause.

Dès lors que les termes de la question et les motifs des décisions de renvoi précisent les dispositions du décret en cause qui sont soumises au contrôle de la Cour et qu'ils indiquent que ces dispositions pourraient violer les règles répartitrices de compétences en ne tenant pas compte des règles fédérales en matière de financement des soins en maisons de repos, la deuxième question préjudicielle est recevable.

B.2.2. Le Gouvernement wallon conteste encore la recevabilité de la troisième question préjudicielle en ce qu'elle n'expose pas les différentes catégories de personnes sujettes à comparaison.

Le libellé de la question préjudicielle ainsi que les motifs de la décision de renvoi font toutefois apparaître de façon incontestable les catégories de personnes qui doivent être comparées en l'espèce ainsi que celle d'entre elles, à savoir les exploitants des maisons de repos du secteur privé commercial, qui serait discriminée par les dispositions du décret en cause. L'exception d'irrecevabilité est rejetée.

Quant au fond B.3. L'examen de la conformité d'une disposition législative aux règles répartitrices de compétences doit précéder l'examen de sa compatibilité avec les dispositions du titre II de la Constitution et avec les articles 170, 172 et 191 de celle-ci.

Quant à la deuxième question préjudicielle B.4.1. La Cour est interrogée sur le point de savoir si l'article 27 du décret en cause méconnaît les règles répartitrices de compétences en ce qu'il impose une programmation des maisons de repos pour personnes âgées sans tenir compte des dispositions fédérales en matière de financement des soins en maisons de repos pour personnes âgées.

B.4.2. L'article 5, § 1er, I, 1°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles inclut dans les matières personnalisables visées à l'article 128, § 1er, de la Constitution et, ce faisant, attribue aux communautés « la politique de dispensation de soins dans et au dehors des institutions de soins », à l'exception, notamment, de l'assurance maladie-invalidité et des règles de base relatives à la programmation.

Quant à l'article 5, § 1er, II, 5°, de la même loi spéciale, il attribue aux communautés : « La politique du troisième âge à l'exception de la fixation du montant minimum, des conditions d'octroi et du financement du revenu légalement garanti aux personnes âgées ».

Sous les réserves des exceptions mentionnées dans la loi spéciale, toute la politique de dispensation des soins et toute la politique du troisième âge ont été transférées aux communautés.

En ce qui concerne la Communauté française et dans les limites de la région de langue française, ces compétences sont exercées par la Région wallonne, en application de l'article 138 de la Constitution et de l'article 3, 6° et 7°, des décrets II des 19 et 22 juillet 1993, adoptés respectivement par la Communauté française et la Région wallonne.

B.4.3. Selon le protocole n° 2 conclu le 1er janvier 2003, « entre le Gouvernement fédéral et les autorités visées aux articles 128, 130, 135 et 138 de la Constitution concernant la politique de santé à mener à l'égard des personnes âgées », l'Etat fédéral, les communautés et les régions s'engagent à se concerter de manière approfondie afin d'assurer, à long terme, un financement équilibré de la sécurité sociale, en maîtrisant l'évolution de l'offre de soins tout en garantissant aux personnes âgées des services de qualité et accessibles. A cet effet, tout usage inefficace de lits agréés doit être évité grâce à une optimalisation de l'offre de lits en maisons de repos pour personnes âgées.

L'Etat fédéral est chargé de fixer une programmation générale déterminant la capacité d'accueil globale des maisons de repos sises en région de langue française.

B.4.4. Le décret en cause, qui entend donner application à ce protocole, respecte la programmation générale établie au niveau fédéral et en fait la base de la programmation particulière qu'il instaure entre les différentes catégories de maisons de repos.

Compte tenu de ce qui précède, il n'apparaît pas que le législateur décrétal a excédé ses compétences.

B.4.5. La deuxième question préjudicielle appelle une réponse négative.

Quant à la première question préjudicielle B.5.1. La Cour est interrogée sur le point de savoir si l'article 27 du décret en cause viole les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il aurait pour effet de priver les parties requérantes devant le juge a quo d'une garantie juridictionnelle offerte à la généralité des citoyens.

Les termes de la question préjudicielle et les motifs des décisions de renvoi font apparaître que le juge a quo interprète cette intervention décrétale comme privant les requérants agissant devant lui de tout intérêt à obtenir l'annulation de la décision refusant l'augmentation de leur capacité d'accueil.

Pareille annulation ne leur permettrait en effet pas d'obtenir ultérieurement une décision plus favorable dès lors que l'article 27 du décret impose la même programmation que celle qui avait été établie par un arrêté du Gouvernement qui, en vertu de l'article 159 de la Constitution, a été jugé inapplicable.

La Cour répond à la question préjudicielle dans cette interprétation.

B.5.2. En exécution de l'article 4, § 1er, du décret du 5 juin 1997, le Gouvernement wallon a adopté, le 3 décembre 1998, un arrêté dont l'article 4 disposait : « Le programme relatif au nombre de lits de maisons de repos est fixé pour l'ensemble de la Région wallonne à 6,8 lits par 100 habitants âgés de 60 ans au moins.

La programmation se réalise par arrondissement afin de permettre à chaque arrondissement de disposer de 6,3 lits par 100 habitants âgés de 60 ans au moins.

Dans ce programme, 29 % au minimum des lits sont réservés au secteur public, 21 % au minimum au secteur privé non lucratif et 50 % au maximum au secteur privé commercial ».

B.5.3. Suite au rejet, par le Gouvernement wallon, des recours introduits par les parties requérantes et relatifs à l'extension de leur capacité d'accueil, ces dernières poursuivent devant le Conseil d'Etat l'annulation de ces décisions de refus.

Le Gouvernement wallon soulève cependant, à l'encontre de ces recours, une exception d'irrecevabilité pour défaut d'intérêt en ce que, dans l'hypothèse où l'acte attaqué ferait l'objet d'une annulation par le Conseil d'Etat, l'autorité compétente ne pourrait qu'opposer un nouveau refus aux éventuelles nouvelles demandes émanant des parties requérantes et ce, en vertu de l'article 4 de l'arrêté du 3 décembre 1998.

Toutefois, après avoir constaté l'incompatibilité de cet article avec l'article 4, § 1er, alinéa 4, du décret du 5 juin 1997, lequel imposait au Gouvernement de prendre en compte les dispositions fédérales en matière de financement des soins en maisons de repos, le Conseil d'Etat refuse d'appliquer cette disposition réglementaire aux litiges pendants devant lui (Voy., notamment, C.E., 19 septembre 2003, n° 123.067, s.p.r.l. Résidence Biernaux c. Région wallonne ).

B.5.4. L'article 27 du décret impose, à titre transitoire, une programmation législative qui reprend les critères dégagés par l'article 4 de l'arrêté du 3 décembre 1998.

B.5.5. Cet article entend remédier à l'irrégularité de la programmation prévue par l'arrêté du Gouvernement wallon du 3 décembre 1998.

On peut en effet lire dans les travaux préparatoires du décret en cause que : « compte tenu de l'incertitude concernant la validité actuelle de la programmation établie en 1999 (celle-ci n'ayant pas été revue au terme du délai de deux ans indiqué à l'article 4, alinéa 3, du décret du 5 juin 1997, d'une part, et, d'autre part, cette même programmation n'ayant pas pris en considération les besoins spécifiques, par arrondissement, des personnes âgées), il serait souhaitable, par sécurité juridique, qu'une nouvelle programmation soit établie dès l'entrée en vigueur du présent projet de décret. [L'article 27] insère dès lors une disposition reprenant textuellement les dispositions de la programmation actuelle, sous réserve de ce que le programme relatif au nombre de places d'accueil des centres d'accueil du jour sera désormais fixé à deux places pour cent - et non plus pour mille - personnes âgées de plus de soixante ans au moins pour chaque arrondissement [...].

Le Gouvernement conservera sa compétence pour toute adaptation ultérieure de la programmation » (Doc. parl., Parlement wallon, 2002-2003, n° 413/1, p. 9).

B.5.6. Il s'ensuit que rien ne laisse apparaître que la disposition en cause avait comme finalité d'intervenir dans des procès en cours. A supposer qu'elle ait un tel effet, les motifs ayant déterminé l'intervention du législateur décrétal et tenant à la conception qu'il se fait de la politique du troisième âge, sont des considérations impérieuses d'intérêt général en vertu desquelles une ingérence du législateur décrétal dans l'administration de la justice peut être justifiée, même si elle a pour effet d'influer sur le dénouement judiciaire du litige (voy., notamment, Cour européenne des droits de l'homme, Building Societies c. Royaume-Uni, 23 octobre 1997, § 112;

Zielinski et Pradal c. France, 28 octobre 1999, § 57; Agoudimos et Cefallonian Sky Shipping Co. c. Grèce, 28 juin 2001, § 30; Gorriaz Lizarraga c. Espagne, 27 avril 2004, § 64).

B.5.7. En déterminant dans un décret la répartition de la capacité d'accueil maximale des maisons de repos en fonction du secteur auquel elles appartiennent, le législateur décrétal a entendu exercer lui-même une compétence qui lui appartient. La seule existence de recours devant le Conseil d'Etat n'empêche pas que les irrégularités dont pourraient être entachés les actes attaqués puissent être redressées avant même qu'il soit statué sur lesdits recours.

En l'espèce, l'arrêté du Gouvernement wallon, sur lequel se fondent les décisions de refus attaquées devant le Conseil d'Etat, est contesté en ce qu'il n'aurait pas eu égard aux dispositions fédérales en matière de financement des soins en maisons de repos alors que le législateur décrétal l'imposait. Cette irrégularité, à la supposer établie, n'a pu faire naître, en faveur des parties qui contestaient cet arrêté devant le Conseil d'Etat, le droit intangible d'être dispensées de l'application de la programmation qu'il établissait alors même que son application serait fondée sur un acte nouveau dont la constitutionnalité serait incontestable.

L'existence même des actuelles questions préjudicielles démontre que, si l'intervention du législateur décrétal est susceptible d'empêcher ces personnes de faire censurer par le Conseil d'Etat l'éventuelle irrégularité de la décision de refus prise sur la base de l'arrêté du Gouvernement wallon, elle ne les prive pas du droit de soumettre à une juridiction l'inconstitutionnalité du décret par lequel le législateur décrétal a exercé la compétence qu'il avait initialement déléguée.

Cette catégorie de justiciables n'a donc pas été privée de son droit à un recours effectif.

B.5.8. Pour le surplus, les dispositions décrétales n'ont pas d'effet rétroactif et ne contiennent aucune disposition nouvelle qui s'écarte de celles qui figuraient dans l'arrêté du Gouvernement wallon, de telle sorte que le législateur décrétal n'a fait que consolider des dispositions dont les destinataires connaissaient la portée.

B.5.9. La première question préjudicielle appelle une réponse négative.

Quant à la troisième question préjudicielle B.6.1. La troisième question préjudicielle tend à savoir si l'article 27 du décret en cause méconnaît les articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec le principe de la liberté de commerce et d'industrie, en ce qu'il impose une programmation des maisons de repos pour personnes âgées aux termes de laquelle 29 p.c. au minimum des lits sont réservés au secteur public, 21 p.c. au minimum au secteur privé non lucratif et 50 p.c. au maximum au secteur privé commercial.

B.6.2. La différence de traitement en cause repose sur un critère objectif, à savoir le secteur d'activités auquel appartient la maison de repos.

En effet, les travaux préparatoires du décret du 5 juin 1997 disposent : « Cette programmation doit également tenir compte des particularités du secteur des maisons de repos en Région wallonne, notamment de l'importance relative du secteur privé commercial qui représente quelque 55 % du total des lits agréés, contre 19,1 % pour le secteur privé associatif et 25 % pour le secteur public.

Cette répartition influence la nature des services offerts à la population âgée. Elle peut également handicaper le choix des personnes désireuses de trouver à proximité du lieu de vie qu'elles quittent une maison de repos ne poursuivant pas de but de lucre.

Une programmation devrait donc permettre un rééquilibrage de l'offre de lits de maison de repos entre le secteur commercial et le secteur non lucratif, et ce, en tenant compte d'une répartition géographique harmonieuse et, pour les structures publiques ou privées non lucratives bénéficiant de subsides à l'infrastructure, que cette répartition évite double emploi et gaspillage » (Doc. Parl., Parlement wallon, 1996-1997, n° 213/1, p. 6).

En reprenant, dans le décret en cause, les pourcentages établis par l'arrêté du Gouvernement wallon du 3 décembre 1998, le législateur décrétal a adopté une mesure en rapport avec l'objectif poursuivi, dans le cadre de la politique de dispensation de soins et de la politique du troisième âge, depuis le décret du 5 juin 1997 et qui consiste en une rationalisation de l'offre de lits disponibles afin d'offrir un choix effectif quant à la nature et à la localisation des soins offerts à la population âgée.

B.6.3. La Cour doit cependant examiner si la mesure en cause n'entraîne pas une atteinte disproportionnée à la liberté de commerce et d'industrie des exploitants de maisons de repos.

La liberté de commerce et d'industrie ne peut pas être conçue comme une liberté absolue. Elle ne fait pas obstacle à ce que le décret règle l'activité économique des personnes et des entreprises. Le législateur décrétal ne violerait la liberté de commerce et d'industrie que s'il limitait celle-ci sans qu'existe une quelconque nécessité pour ce faire ou si cette limitation était manifestement disproportionnée au but poursuivi.

B.6.4. Le législateur décrétal peut légitimement veiller à répartir équitablement le nombre de lits disponibles en maison de repos. La circonstance qu'il soit prévu en l'espèce une limitation du nombre de lits disponibles pour le secteur privé commercial est justifiée par les objectifs poursuivis par le législateur décrétal.

Il n'est en effet pas dépourvu de justification de pratiquer une politique qui tend notamment à la maîtrise des dépenses et qui, à cette fin, décourage le développement excessif de maisons de repos poursuivant un but de lucre et qui, bien qu'averties depuis 1997 de l'objectif de la Région wallonne, ont néanmoins poursuivi une politique de croissance.

B.6.5. La troisième question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 27 du décret de la Région wallonne du 6 février 2003 « modifiant le décret du 5 juin 1997 relatif aux maisons de repos, résidences-services et aux centres d'accueil de jour pour personnes âgées et portant création du Conseil wallon du troisième âge » ne viole ni les règles établies par la Constitution ou en vertu de celle-ci pour déterminer les compétences respectives de l'Etat, des communautés et des régions, ni les articles 10 et 11 de la Constitution, lus ou non en combinaison avec le principe de la liberté de commerce et d'industrie.

Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 14 décembre 2005.

Le greffier, L. Potoms.

Le président, M. Melchior.

^