Etaamb.openjustice.be
Arrêt
publié le 09 mai 2006

Extrait de l'arrêt n° 56/2006 du 19 avril 2006 Numéro du rôle : 3727 En cause : le recours en annulation du décret de la Région flamande du 17 décembre 2004 « portant confirmation des autorisations urbanistiques accordées par le Gouvernemen La Cour d'arbitrage, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges P. Martens, R.(...)

source
cour d'arbitrage
numac
2006201407
pub.
09/05/2006
prom.
--
moniteur
https://www.ejustice.just.fgov.be/cgi/article_body(...)
Document Qrcode

Extrait de l'arrêt n° 56/2006 du 19 avril 2006 Numéro du rôle : 3727 En cause : le recours en annulation du décret de la Région flamande du 17 décembre 2004 « portant confirmation des autorisations urbanistiques accordées par le Gouvernement flamand le 12 novembre 2004 en application du décret du 14 décembre 2001 pour quelques permis de bâtir auxquels s'appliquent des raisons obligatoires de grand intérêt public », introduit par la commune de Beveren et autres.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges P. Martens, R. Henneuse, M. Bossuyt, E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke et J. Spreutels, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président A. Arts, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 18 juin 2005 et parvenue au greffe le 20 juin 2005, un recours en annulation du décret de la Région flamande du 17 décembre 2004 « portant confirmation des autorisations urbanistiques accordées par le Gouvernement flamand le 12 novembre 2004 en application du décret du 14 décembre 2001 pour quelques permis de bâtir auxquels s'appliquent des raisons obligatoires de grand intérêt public » (publié au Moniteur belge du 20 décembre 2004, deuxième édition) a été introduit par la commune de Beveren, J. Creve, demeurant à 9130 Kieldrecht, Oud Arendberg 111, M. Vergauwen, demeurant à 9130 Doel, Camermanstraat 12, R. Van Buel, demeurant à 9130 Doel, Engelsesteenweg 80, M. Rijssens, demeurant à 9130 Doel, Engelsesteenweg 80, L. Adriaenssen, demeurant à 9130 Doel, Vissersstraat 11, G. Adriaenssen, demeurant à 9130 Doel, Vissersstraat 11, I. Tempelaer, demeurant à 9130 Doel, Vissersstraat 11, C. Coolen, demeurant à 9130 Doel, Scheldemolenstraat 87, H. Van Reeth, demeurant à 9130 Kieldrecht, Oud Arendberg 111, J. Soetens, demeurant à 9130 Doel, Camermanstraat 12, G. Van De Walle, demeurant à 9130 Doel, Scheldemolenstraat 61, M. Apers, demeurant à 9130 Doel, Scheldemolenstraat 61, I. De Paepe, demeurant à 9130 Doel, Scheldemolenstraat 65, H. Barbieres, demeurant à 9130 Doel, Hooghuisstraat 13, E. Peeters, demeurant à 9130 Doel, Hooghuisstraat 13, C. Kimpe, demeurant à 9130 Doel, Vissersstraat 21, J. Malcorps, demeurant à 9130 Doel, Camermanstraat 11, C. De Wael, demeurant à 9130 Doel, Pastorijstraat 28, W. De Nijs, demeurant à 9130 Doel, Pastorijstraat 28, H. Orleans, demeurant à 9130 Doel, Camermanstraat 11, S. Collier, demeurant à 9130 Doel, Engelsesteenweg 100, Jeanne De Paepe, demeurant à 9130 Doel, Scheldemolenstraat 65, Jerome De Paepe, demeurant à 9130 Doel, Scheldemolenstraat 65, C. De Cleene, demeurant à 9130 Doel, Engelsesteenweg 62, P. Loncelle, demeurant à 9130 Doel, Engelsesteenweg 44, G. Maesen, demeurant à 9130 Doel, Engelsesteenweg 68, R. Van Mol, demeurant à 9130 Doel, Hertog Prosperstraat 4, F. Verhulst, demeurant à 9130 Doel, Hertog Prosperstraat 4, O. Van As, demeurant à 9130 Doel, Engelsesteenweg 63, B. De Bock, demeurant à 9130 Doel, Zoetenberm 26, A. Collier, demeurant à 9130 Kieldrecht, Oud Arendberg 118, J. De Vriendt, demeurant à 9130 Doel, Engelsesteenweg 8, G. Gillis, demeurant à 9130 Doel, Vissersstraat 33, et B. Brijs, demeurant à 9130 Doel, Scheldemolenstraat 51. (...) II. En droit (...) Quant aux dispositions attaquées B.1. Le recours en annulation est dirigé contre le décret de la Région flamande du 17 décembre 2004 « portant confirmation des autorisations urbanistiques accordées par le Gouvernement flamand le 12 novembre 2004 en application du décret du 14 décembre 2001 pour quelques permis de bâtir auxquels s'appliquent des raisons obligatoires de grand intérêt public » (Moniteur belge du 20 décembre 2004, deuxième édition). Ce décret est libellé comme suit : «

Article 1er.Le présent décret règle une matière régionale.

Art. 2.Les [...] autorisations urbanistiques [suivantes] accordées par le Gouvernement flamand le 12 novembre 2004, sont confirmées : 1° l'autorisation urbanistique pour l'exécution de travaux de voirie et d'égouts parmi lesquels : - aménagement d'un rond-point 'St.-Antoniusweg' y compris le tunnel pour cyclistes et raccordement sud au ring; - réaménagement du 'St.-Antoniusweg' y compris le carrefour sud 'Molenweg' et aménagement d'une piste cyclable; - aménagement d'une route parallèle au sud du 'St.-Antoniusweg' réaménagé; - réaménagement (déplacement partiel) 'Geslecht, Molenweg et St.-Annalaan'; - aménagement d'égouts à l'ouest d'Indaver, par le rond-point vers la darse nord y compris la construction d'une construction d'évacuation des eaux; - aménagement d'une assise de chemin de fer au sud du 'St.-Antoniusweg'; 2° l'autorisation urbanistique pour l'aménagement d'un rond-point au carrefour du 'Hazopweg' et la 'Steenlandlaan' y compris le [dépavage] d'une partie de la 'Steenlandlaan' en vue du désenclavement de la 'Waaslandhaven Zuid';3° l'autorisation urbanistique pour l'aménagement d'une route de communication entre le 'Geslecht' et la digue de l'Escaut et pour l'aménagement d'une voie en cul-de-sac à partir du faisceau 'Kalis' (assise et rails); 4° l'autorisation urbanistique pour l'aménagement d'une zone de prairies destinées à l'avifaune 'Doelpolder Noord' et de la crique dans le 'Buffer Noord', la réalisation d'une construction d'entrée et de sortie des [...] eaux de l'Escaut dans la digue de l'Escaut, un pont à travers la crique au droit du 'Oostlangeweg', l'aménagement d'une digue et d'un fossé de polder. En vue de la gestion des eaux de la zone, deux barrages sont construits entre la crique et la zone de prairies destinées à l'avifaune, l'évacuation des eaux existante est fermée et un nouveau conduit d'évacuation des eaux usées vers le sud est aménagé le long du 'Oostlangeweg' ».

Quant à l'exception d'irrecevabilité B.2.1. Le Gouvernement flamand fait valoir que les parties requérantes n'ont aucun intérêt au recours en annulation parce qu'on ne peut apercevoir en quoi les préjudices allégués par elles seraient causés par le décret de confirmation attaqué.

B.2.2. Le recours en annulation des parties requérantes contient un exposé des faits dont il doit apparaître qu'il est porté atteinte à leurs intérêts. Le préjudice qu'elles décrivent ne porte pas seulement sur leurs intérêts en matière de conditions de logement, d'environnement, de santé, de sécurité et de viabilité, mais également sur leurs intérêts en ce qui concerne la procédure qui a été suivie pour octroyer les permis de bâtir, dont le décret de confirmation entrepris constitue un élément indissociable. Il découle de l'article 5 du décret du 14 décembre 2001, qui constitue le fondement de la confirmation, le 17 décembre 2004, des permis d'urbanisme délivrés, qu'en cas d'annulation du décret de confirmation, les permis d'urbanisme en question, devenus normes législatives, devront eux aussi être réputés n'avoir pas été délivrés.

B.2.3. Selon le Gouvernement flamand, les parties requérantes ne peuvent être lésées par des permis qui ont été délivrés aux fins de permettre les mesures de compensations environnementales prévues par le décret attaqué.

B.2.4. Le décret du 14 décembre 2001, le décret attaqué et les permis de bâtir que ce dernier confirme ainsi que toutes les mesures décrétales et autres prises pour respecter et exécuter en particulier les directives concernant les oiseaux et les habitats naturels font apparaître la corrélation entre, d'une part, les permis de bâtir visant à réaliser les objectifs qui ont eu pour effet de déclarer « de grand intérêt général et stratégique obligatoire » les travaux, opérations et aménagements destinés à construire et rendre opérationnel le « Deurganckdok » afin de justifier une dérogation aux procédures existantes et, d'autre part, les permis de bâtir destinés à réaliser des mesures de compensations environnementales et de viabilité. En outre, les griefs ne sont pas exclusivement dirigés contre les objectifs matériels des permis litigieux délivrés, mais tout autant contre la procédure qui a été suivie, dont le caractère discriminatoire est allégué.

B.2.5. L'exception est rejetée.

Quant au fond Premier moyen B.3. Dans le premier moyen, les parties requérantes font valoir que l'article 2 du décret attaqué viole les articles 10, 11, 13, 22 et 23 de la Constitution, lus ou non en combinaison avec les articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, avec l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et avec l'interdiction du détournement de pouvoir.

Le premier moyen se compose de deux branches; la deuxième branche comprend deux sous-branches.

Première branche B.4. Dans une première branche, les parties requérantes dénoncent la violation des articles 10 et 11 de la Constitution par l'article 2 du décret attaqué, en ce que, du fait de la confirmation décrétale des permis d'urbanisme, il est dérogé, sans justification objective et raisonnable, aux règles de droit commun en matière de modification des plans d'aménagement et d'octroi des permis d'urbanisme et d'autres autorisations.

B.5. Par le décret attaqué, et en particulier son article 2, le législateur décrétal flamand a appliqué la procédure de confirmation prescrite par l'article 5 du décret du 14 décembre 2001 « pour quelques permis de construire pour lesquels valent des raisons [impérieuses] d'intérêt général ». Ce décret a déjà été attaqué par des recours en annulation que la Cour a rejetés par son arrêt n° 94/2003 du 2 juillet 2003.

B.6.1. Ainsi que la Cour l'a jugé dans cet arrêt et l'a répété dans l'arrêt n° 151/2003, il n'était pas incompatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution que le législateur décrétal prévoie une procédure dans laquelle le Gouvernement flamand et, le cas échéant, d'autres autorités compétentes pour délivrer des permis, soient autorisés à déroger aux affectations prévues par les plans d'aménagement, lors de l'octroi de permis d'urbanisme et d'autres permis pour une série de travaux, d'opérations et d'aménagements permettant de construire et de rendre opérationnel le « Deurganckdok », et qui, pour les motifs mentionnés en B.9.2 de l'arrêt n° 94/2003, avaient été déclarés « de grand intérêt général et stratégique obligatoire ». Cette autorisation a toutefois été accordée uniquement « en raison de l'intérêt général et stratégique exceptionnel des travaux limitativement énumérés » (Doc. parl., Parlement flamand, 2001-2002, n° 872/1, p. 17). En outre, l'autorisation accordée était limitée, d'une part, quant à son objet et, d'autre part, quant à sa durée de validité (ibid., p. 5).

La Cour a aussi jugé que les articles 10 et 11 de la Constitution n'étaient pas non plus violés en tant que l'article 5 du décret précité du 14 décembre 2001 prescrivait une procédure particulière de contrôle par le Parlement flamand, sous forme de confirmation, laquelle peut à son tour être contestée par un recours en annulation auprès de la Cour.

B.6.2. Les parties requérantes critiquent la manière dont le Parlement flamand a utilisé, lors de la confirmation des permis d'urbanisme, le pouvoir de contrôle qui lui était conféré par le décret du 14 décembre 2001.

La Cour constate, à l'instar de ce qu'elle a déjà fait dans l'arrêt n° 151/2003, que le Parlement flamand a appliqué la procédure de confirmation prescrite par l'article 5 du décret du 14 décembre 2001, dans le respect des conditions y afférentes. Il ressort des travaux préparatoires (Doc. parl., Parlement flamand, 2004-2005, n° 125/2, p. 12) que chacun des différents permis de bâtir à confirmer a pu faire l'objet d'un débat de fond.La Cour n'est pas compétente pour juger de la rigueur du contrôle exercé par une assemblée législative, ni en principe pour se prononcer sur son fonctionnement interne.

B.7.1. Les parties requérantes soutiennent encore qu'il ne serait plus raisonnable, trois ans après l'adoption du décret du 14 décembre 2001, d'encore délivrer et confirmer des permis de bâtir sur la base de ce décret. Dans ces circonstances, il ne pourrait plus être question d'une durée de validité limitée de l'autorisation de faire une exception aux affectations des plans d'aménagement - comme il est indiqué dans les arrêts nos 94/2003 et 151/2003.

En outre, le plan d'exécution spatial régional « Waaslandhaven fase 1 en omgeving » a été provisoirement fixé le jour de la délivrance des permis d'urbanisme, à savoir le 12 novembre 2004. Selon les parties requérantes, il n'aurait dès lors plus été nécessaire d'agir dans l'urgence, puisque la procédure de droit commun - qui prévoit déjà une procédure dérogatoire pour de tels travaux (article 103 du décret du 18 mai 1999 portant organisation de l'aménagement du territoire) - aurait également conduit à délivrer dans les délais les permis requis.

Par ailleurs, selon les parties requérantes, le Gouvernement flamand aurait pu fixer un plan d'exécution spatial depuis longtemps déjà.

B.7.2. En tant que les parties requérantes critiquent le choix fait par le législateur décrétal d'appliquer, en lieu et place de la procédure de droit commun prévue par le décret précité du 18 mai 1999, la procédure fixée par le décret du 14 décembre 2001, il n'apparaît pas en quoi les dispositions citées dans le moyen auraient ainsi été violées.

En tant que la critique des parties requérantes est dirigée contre le mode d'élaboration du plan d'exécution spatial « Waaslandhaven fase l en omgeving », la Cour n'est pas compétente pour en connaître, étant donné que ce grief ne porte pas sur une norme que la Cour peut contrôler.

Pour le reste, on ne saurait déduire du constat que l'autorisation, prévue dans le décret du 14 décembre 2001, de faire une exception aux affectations des plans d'aménagement a une durée de validité limitée, que celle-ci aurait été excédée en l'espèce. Indépendamment du fait que le décret du 14 décembre 2001 n'a pas fixé de délai dans lequel cette autorisation devait être utilisée, un délai d'environ trois ans ne saurait être qualifié de déraisonnable. Il en est d'autant plus ainsi lorsqu'on tient compte de la complexité de l'affaire.

B.8. Le premier moyen en sa première branche ne peut être accueilli.

Deuxième branche, sous-branche A B.9.1. Les parties requérantes dénoncent la violation, par le décret attaqué, de l'article 13 de la Constitution, lu ou non en combinaison avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, en ce que, par suite de la confirmation décrétale, elles ne pourraient plus s'adresser à leurs « juges naturels ». Ces dispositions exigeraient que, lorsqu'un législateur soumet des justiciables à une autre juridiction, cette dérogation fasse l'objet d'une loi matérielle et non d'une loi purement formelle. A défaut d'une loi matérielle, les parties requérantes se verraient privées d'une manière inconstitutionnelle de l'accès au Conseil d'Etat et au juge ordinaire.

B.9.2. Le législateur décrétal n'intervient pas dans des procédures juridictionnelles pendantes, étant donné que le décret attaqué ne confirme aucun permis d'urbanisme qui était attaqué devant une instance juridictionnelle au moment de la confirmation.

Le décret attaqué confirme seulement les permis d'urbanisme qui pouvaient être délivrés sur la base de l'habilitation conférée par le décret du 14 décembre 2001. Les tiers intéressés ne sont en outre pas privés du droit d'attaquer devant la Cour les permis d'urbanisme confirmés et ils ont du reste usé de cette faculté en introduisant l'actuel recours.

Les parties requérantes ne se voient donc pas privées de leur droit à une protection juridictionnelle effective.

Concernant le grief des parties requérantes selon lequel une loi matérielle serait requise pour garantir la protection juridique visée - une loi purement formelle ne suffisant pas -, la Cour considère, ainsi qu'elle l'a déjà jugé dans son arrêt n° 151/2003, que le décret attaqué constitue la disposition de droit interne requise, ayant une portée générale et impersonnelle, accessible aux parties requérantes et énoncée de manière précise, de sorte qu'elles ont pu y adapter leur comportement.

B.9.3. Le premier moyen en la sous-branche A de sa deuxième branche ne peut être accueilli.

Deuxième branche, sous-branche B B.10.1. Les parties requérantes dénoncent la violation, par le décret attaqué, des articles 22 et 23, 4°, de la Constitution, lus ou non en combinaison avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, en ce que le décret de confirmation attaqué enlèverait la protection juridique offerte par les dispositions précitées.

B.10.2. Dans son arrêt n° 151/2003 du 26 novembre 2003, la Cour a examiné un moyen analogue pris contre le décret de la Région flamande du 29 mars 2002 et l'a rejeté dans les termes suivants : « B.15.1. Les parties requérantes allèguent également la violation des articles 10 et 11 combinés avec l'article 22 de la Constitution et avec l'article 8 de la Convention européenne des Droits de l'Homme.

B.15.2. L'article 22 de la Constitution dispose : ' Chacun a droit au respect de sa vie privée et familiale, sauf dans les cas et conditions fixés par la loi.

La loi, le décret ou la règle visée à l'article 134 garantissent la protection de ce droit. ' L'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme dispose : ' Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ' B.15.3. Le droit au respect de la vie privée et familiale a pour but essentiel de protéger les personnes contre les ingérences dans leur vie privée, leur vie familiale, leur domicile et leur correspondance.

La proposition qui a précédé l'adoption de l'article 22 de la Constitution insistait sur ' la protection de la personne, la reconnaissance de son identité, l'importance de son épanouissement et celui de sa famille ' et soulignait la nécessité de protéger la vie privée et familiale des ' risques d'ingérence que peuvent constituer, notamment par le biais de la modernisation constante des techniques de l'information, les mesures d'investigation, d'enquête et de contrôle menées par les pouvoirs publics et organismes privés, dans l'accomplissement de leurs fonctions ou de leurs activités ' (Doc. parl., Sénat, S.E. 1991-1992, n° 100-4/2°, p. 3).

B.15.4. Il ressort en outre des travaux préparatoires de l'article 22 de la Constitution que le Constituant a cherché ' le plus possible la [...] concordance avec l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales [...], afin d'éviter toute contestation sur le contenu respectif de l'article de la Constitution et de l'article 8 de la [Convention] ' (Doc. parl., Chambre, 1993-1994, n° 997/5, p. 2).

B.15.5. Il résulte du texte même de l'article 22 de la Constitution que les régions, dans l'exercice de leurs compétences, doivent garantir le respect de la vie privée.

B.15.6. Aucune des mesures confirmées par le décret attaqué ne peut être considérée comme une violation directe de cette disposition ou une ingérence injustifiée dans l'épanouissement personnel ou familial des parties requérantes.

Les mesures en cause exercent certes sur celui-ci une influence, laquelle est en particulier la conséquence des restrictions précitées imposées au droit de propriété. Ceci ne suffit toutefois pas pour conclure à la violation des droits fondamentaux cités dans le moyen.

En effet, le législateur décrétal remplit toutes les conditions formelles et matérielles susceptibles de justifier une ingérence.

C'est ainsi que le décret attaqué prévoit la disposition de droit interne requise, ayant une portée générale et impersonnelle, accessible aux parties requérantes et énoncée de manière précise, de sorte qu'elles ont pu y adapter leur comportement. En outre, le décret attaqué témoigne du caractère nécessaire, dans une société démocratique, de l'ingérence, dans l'intérêt du bien-être économique de la région qui, comme il a déjà été démontré dans l'arrêt n° 94/2003, est aussi recherché en l'espèce.

B.16.1. Les parties requérantes dénoncent enfin la violation des articles 10 et 11 combinés avec l'article 23 de la Constitution, en tant que cet article garantit le droit à la protection d'un environnement sain.

B.16.2. L'article 23 de la Constitution dispose : ' Chacun a le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine.

A cette fin, la loi, le décret ou la règle visée à l'article 134 garantissent, en tenant compte des obligations correspondantes, les droits économiques, sociaux et culturels, et déterminent les conditions de leur exercice.

Ces droits comprennent notamment : [...] 4° le droit à la protection d'un environnement sain; [...]. ' B.16.3. Conformément à l'article 23 de la Constitution, qui range le droit à la protection d'un environnement sain parmi les droits économiques, sociaux et culturels, il appartient au législateur compétent de déterminer les conditions d'exercice de ces droits.

La manière dont le décret d'habilitation comme le décret de confirmation ont été adoptés fait apparaître que le législateur décrétal a pris les mesures nécessaires pour concilier le droit à la protection d'un environnement sain avec l'objectif qui était à la base des permis de bâtir confirmés. La confirmation des permis de bâtir ne peut dès lors pas être considérée comme une mesure disproportionnée qui autoriserait à conclure à une discrimination des parties requérantes dans l'exercice de leur droit à la protection d'un environnement sain ».

B.10.3. Il n'existe, en l'espèce, aucune raison de statuer autrement.

B.10.4. Le premier moyen en la sous-branche B de sa deuxième branche ne peut être accueilli.

Second moyen B.11. Les parties requérantes allèguent que le décret attaqué viole les règles répartitrices de compétences et les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec la répartition constitutionnelle de compétences entre les pouvoirs législatif et exécutif, laquelle trouve notamment son expression dans les articles 33, 36, 37, 39, 107, 115, § 2, et 121, § 2, de la Constitution.

B.12.1. Dans son arrêt n° 151/2003, la Cour a examiné un moyen analogue dirigé contre le décret de la Région flamande du 29 mars 2002 et l'a rejeté dans les termes suivants : « B.9.1. La Cour n'est pas compétente pour censurer une disposition qui violerait la répartition des compétences entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif, sauf si cette violation méconnaît les règles répartitrices de compétences entre l'Etat, les communautés et les régions ou si un législateur, en imposant à une autorité administrative de prendre une mesure qui ne relève pas de la compétence de celle-ci, prive ainsi une catégorie de personnes de l'intervention d'une assemblée démocratiquement élue, prévue par la Constitution.

B.9.2. Les parties requérantes se bornent à soutenir que le législateur décrétal flamand aurait exercé une compétence appartenant au Gouvernement flamand, mais elles n'indiquent pas en quoi elles auraient été privées, de manière discriminatoire, d'une garantie constitutionnelle, l'intervention d'une autorité législative étant, au contraire, de nature à renforcer leur protection juridique.

B.9.3. Les articles 36, 37 et 39 de la Constitution, invoqués dans le moyen, concernent les compétences respectives des pouvoirs fédéraux.

Quant aux articles 33, 115, § 2, et 121, § 2, de la Constitution, ils n'impliquent par eux-mêmes aucune règle répartitrice de compétences au sens de l'article 1er, 1°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage. Les parties requérantes n'indiquent pas quelles autres règles constitutionnelles répartitrices de compétences, pour lesquelles la Cour est compétente, seraient violées ».

B.12.2. En tant que le moyen dénonce la différence de protection juridique qui résulte de la confirmation par le décret attaqué des permis délivrés par le Gouvernement flamand, il se confond avec la sous-branche A de la deuxième branche du premier moyen, déjà examinée en B.9.2.

B.12.3. Au sujet de la violation alléguée de l'article 107 de la Constitution, les parties n'exposent pas et la Cour n'aperçoit pas en quoi cette disposition de la Constitution pourrait être violée par le décret attaqué. Au demeurant, l'article 107 de la Constitution concerne des compétences de l'autorité fédérale.

B.12.4. Le renvoi par les parties requérantes à l'arrêt n° 99/2004 n'est pas pertinent, étant donné que cet arrêt porte sur une intervention du législateur dans un litige pendant, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

B.13. Le second moyen ne peut être accueilli.

Par ces motifs, la Cour rejette le recours.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 19 avril 2006.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, A. Arts.

^