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Arrêt
publié le 29 septembre 2006

Extrait de l'arrêt n° 137/2006 du 14 septembre 2006 Numéro du rôle : 3764 En cause : le recours en annulation des articles 52, 54, 55, 87 et 138 du décret-programme de la Région wallonne du 3 février 2005 de relance économique et de simplif La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges P. Martens, R.(...)

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COUR D'ARBITRAGE


Extrait de l'arrêt n° 137/2006 du 14 septembre 2006 Numéro du rôle : 3764 En cause : le recours en annulation des articles 52, 54, 55, 87 et 138 du décret-programme de la Région wallonne du 3 février 2005 de relance économique et de simplification administrative, introduit par l'ASBL Inter-Environnement Wallonie.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges P. Martens, R. Henneuse, M. Bossuyt, E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke et J. Spreutels, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 31 août 2005 et parvenue au greffe le 1er septembre 2005, l'ASBL Inter-Environnement Wallonie, dont le siège social est établi à 5000 Namur, boulevard du Nord 6, a introduit un recours en annulation des articles 52, 54, 55, 87 et 138 du décret-programme de la Région wallonne du 3 février 2005 de relance économique et de simplification administrative (publié au Moniteur belge du 1er mars 2005).

Le Gouvernement wallon a introduit un mémoire, la partie requérante a introduit un mémoire en réponse et le Gouvernement wallon a également introduit un mémoire en réplique.

Par ordonnance du 1er mars 2006, la Cour a déclaré l'affaire en état et fixé l'audience au 22 mars 2006 après avoir invité la partie requérante à s'exprimer dans un mémoire complémentaire à introduire le 17 mars 2006 au plus tard - et dont elle en enverra une copie à l'autre partie dans le même délai - sur l'incidence sur son recours de la modification de l'article 127, § 3, du Code wallon de l'Aménagement du Territoire, de l'Urbanisme et du Patrimoine par l'article 5 du décret du 27 octobre 2005 modifiant les articles 6, 21, 110bis et 127 de ce Code. (...) II. En droit (...) Quant à la demande de désistement partiel et à la portée du recours B.1. Par lettres recommandées à la poste du 20 septembre 2005 et du 26 octobre 2005, l'association requérante a porté à la connaissance de la Cour qu'elle se désistait du recours introduit en ce qu'il concernait les articles 52 et 54 et l'article 138 du décret-programme du 3 février 2005 de relance économique et de simplification administrative.

B.2. Rien n'empêche la Cour de décréter le désistement. Elle n'examine donc le recours qu'en tant qu'il vise les articles 55 et 87 du décret-programme précité.

Quant aux modifications apportées au CWATUP par le décret-programme du 3 février 2005 B.3. En insérant, dans le décret-programme du 3 février 2005 précité, un chapitre consacré aux modifications du CWATUP, la Région wallonne a voulu, de manière générale, selon les travaux préparatoires, « supprimer les entraves administratives à la création d'activités ».

Les objectifs exposés par le Ministre du Développement territorial sont ainsi définis : « renouveler le CWATUP », « maîtriser l'évolution du paysage », « simplifier les outils de conception de l'aménagement », « accélérer les procédures de réalisation de grandes infrastructures », « mettre à disposition des zones urbanisables destinées aujourd'hui à l'aménagement différé », « accélérer les procédures d'octroi des permis », « assurer la sécurité juridique », « protéger les fonctions faibles » et « renforcer la participation des citoyens », et, enfin, permettre à l'autorité de recours de « vivre les recours de manière proactive » (Doc. parl., Parlement wallon, 2004-2005, n° 74-1, projet de décret-programme, exposé des motifs, p. 1, et n° 74-45, rapport, pp. 13-15).

Quant à l'article 55 attaqué B.4.1. Avant sa modification par l'article 55 du décret-programme de la Région wallonne du 3 février 2005 de relance économique et de simplification administrative, l'article 34 du CWATUP disposait : « La zone d'aménagement différé à caractère industriel est destinée à recevoir les activités visées à l'article 30, alinéa 2, ou à l'article 31.

Cette zone comporte un périmètre ou un dispositif d'isolement.

Le logement de l'exploitant ou du personnel de gardiennage peut y être admis pour autant que la sécurité ou la bonne marche de l'entreprise l'exige. Il fait partie intégrante de l'exploitation.

La mise en oeuvre de la zone d'aménagement différé à caractère industriel est subordonnée à l'existence d'un plan communal d'aménagement couvrant la totalité de la zone.

A défaut, la zone d'aménagement différé à caractère industriel ne peut être mise en oeuvre ».

B.4.2. L'article 55 attaqué du décret-programme précité du 3 février 2005 remplace l'article 34 du CWATUP par la disposition suivante : « La zone d'aménagement différé à caractère industriel est destinée à recevoir les activités visées à l'article 30 et à l'article 31, à l'exception des activités agroéconomiques de proximité et des activités de grande distribution.

Cette zone comporte un périmètre ou un dispositif d'isolement.

Le logement de l'exploitant ou du personnel de gardiennage peut y être admis, pour autant que la sécurité ou la bonne marche de l'entreprise l'exige. Il fait partie intégrante de l'exploitation.

La mise en oeuvre de la zone d'aménagement différé à caractère industriel est déterminée en fonction de la localisation de la zone, de son voisinage, des coûts et des besoins pour la région concernée, des infrastructures de transport existantes, tout en veillant à développer des potentialités en termes de multimodalité ainsi que des synergies avec les zones attenantes ».

B.4.3. Cette disposition a, dans l'exposé des motifs, été justifiée comme suit : « Il est proposé de convertir, par la voie décrétale, les zones d'aménagement différé à caractère industriel en zones d'activité économique mixte et en zones d'activité économique industrielle. En fonction de sa localisation et du voisinage, toute zone pourra, par ailleurs, revêtir un caractère mixte et être divisée en ' sous-zones ' et ainsi permettre l'accueil d'activités industrielles et artisanales.

En tout état de cause, les activités agroéconomiques de proximité et les activités de grande distribution ne pourront y être admises.

Le choix quant à l'une ou l'autre option contenue à l'article 30 du Code sera opéré de façon définitive par l'opérateur économique lors du dépôt de sa demande relative à la création des infrastructures liées à la mise en oeuvre de la zone elle-même. Son choix sera déterminé en fonction de la localisation de la zone, de son voisinage, des coûts et des besoins pour la région concernée, des infrastructures de transport existantes, tout en veillant à développer des potentialités en termes de multimodalité ainsi que des synergies avec les zones attenantes.

Cette mesure permettra de libérer des espaces urbanisables en vue de développer les activités de petites et moyennes entreprises, voire d'accueillir des pôles industriels performants et créateurs d'emplois, mais aussi d'assurer le positionnement stratégique de la Région wallonne au sein de l'Union européenne, et ce, dans le respect du principe de la gestion parcimonieuse du sol et de protection de la fonction faible qui caractérise, en matière d'aménagement du territoire, l'ensemble des zones non urbanisables » (Doc. parl., Parlement wallon, 2004-2005, n° 74-1, p. 28).

B.5. La partie requérante reproche à la disposition décrétale attaquée de supprimer le plan communal d'aménagement (PCA) en tant qu'instrument de mise en oeuvre de la zone d'aménagement différé à caractère industriel (ZADI) et de n'y substituer aucun document équivalent. Cette suppression et cette omission constitueraient une régression dans les garanties procédurales et violeraient ainsi l'obligation de standstill en matière de droit à un environnement sain tel qu'il est garanti par l'article 23 de la Constitution. En outre, les articles 10 et 11 de la Constitution seraient aussi violés, dans la mesure où les habitants concernés par une ZADI ne bénéficieraient pas d'un aménagement normatif et réglementaire de ce territoire, ni d'aucune évaluation environnementale des mesures de programmation de ladite zone ni, enfin, d'aucune participation du public dans la définition de l'aménagement de cette zone.

B.6. Il résulte de l'article 55 attaqué du décret-programme que, contrairement à sa dénomination, l'aménagement de la zone « d'aménagement à caractère différé » n'est plus différé : en effet, la mise en oeuvre de la zone n'est plus subordonnée, comme le prévoyait l'article 34 du CWATUP avant sa modification par l'article 55 du décret attaqué, à l'approbation d'un plan communal d'aménagement et n'est pas subordonnée à l'adoption d'un document équivalent. Par ailleurs, la vocation de cette zone qui, comme avant cette modification, reste destinée à l'urbanisation à caractère économique, est étendue à toutes les activités économiques, non seulement industrielles, mais aussi à l'artisanat, aux services, à la distribution, à la recherche, à l'exception toutefois des activités agro-économiques et des activités de grande distribution.

B.7.1. L'article 23 de la Constitution implique, en ce qui concerne la protection de l'environnement, une obligation de standstill qui s'oppose à ce que le législateur compétent réduise sensiblement le niveau de protection offert par la législation applicable sans qu'existent pour ce faire des motifs liés à l'intérêt général.

Il y a lieu d'examiner si la suppression du plan communal d'aménagement comme condition préalable de l'aménagement des zones en question et la possibilité d'étendre les ZADI à d'autres activités économiques que des activités industrielles, sans qu'il faille évaluer préalablement les incidences sur l'environnement de l'aménagement de ces zones dans leur ensemble et sans qu'il faille organiser une enquête publique à ce sujet, violent l'article 23 de la Constitution en tenant compte des articles 3 à 6 de la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement ainsi que des articles 7 et 8 de la Convention sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement signée à Aarhus le 25 juin 1998 et ratifiée par la Belgique le 21 janvier 2003.

B.7.2. La directive 2001/42/CE précitée concerne l'évaluation environnementale des plans et programmes qui sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement. En vertu de l'article 3, paragraphe 2, sous a), de cette directive, tous les plans et programmes qui sont élaborés pour l'aménagement du territoire ou l'affectation des sols et qui peuvent former le cadre de l'octroi des futurs permis mentionnés aux annexes I et II de la directive 85/337/CEE du Conseil du 27 juin 1985 « concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement » doivent être soumis à une évaluation environnementale conformément aux exigences de la directive mentionnée en premier lieu. Eu égard à la destination économique des zones visées, il n'est nullement exclu que les projets visés aux annexes I et II de la directive 85/337/CEE soient réalisés dans ces zones et que, dès lors, l'aménagement de telles zones soit soumis au respect des prescriptions de la directive 2001/42/CE. La directive 2001/42/CE fixe les exigences minimales auxquelles doit répondre ladite évaluation environnementale. L'évaluation environnementale doit être effectuée pendant l'élaboration et avant l'adoption du plan ou du programme en question (article 4, paragraphe 1). L'évaluation comprend l'établissement d'un rapport environnemental qui doit répondre au moins aux exigences de l'article 5, la consultation des autorités environnementales compétentes et du public sur le projet de plan ou de programme et le rapport environnemental (article 6) ainsi que l'obligation de prendre en considération le rapport environnemental et les résultats de la consultation pendant l'élaboration du plan ou du programme (article 8).

L'article 7 de la Convention d'Aarhus, quant à lui, impose l'obligation de soumettre à une procédure de participation du public, dont il fixe certaines modalités, « l'évaluation des plans et des programmes relatifs à l'environnement ». Plus précisément, des dispositions pratiques et/ou autres voulues doivent être prises pour que le public participe à leur élaboration, dans un cadre transparent et équitable, après lui avoir fourni les informations nécessaires.

B.7.3. Sous la législation antérieure, l'aménagement d'une zone à caractère industriel dont la destination n'est pas encore établie était soumis à un plan communal d'aménagement pour la totalité de la zone. Un tel plan communal d'aménagement, même s'il prenait la forme d'un plan communal d'aménagement simplifié (article 49, alinéa 2, du CWATUP), était soumis à l'évaluation des incidences sur l'environnement conformément aux exigences des articles 50 à 53 du CWATUP, en ce compris la nécessité de faire appel à un auteur de projet agréé, l'obligation de recueillir l'avis d'autorités spécialisées, l'intervention du conseil communal et l'obligation d'organiser une enquête publique. En l'absence de ce plan communal d'aménagement, élaboré dans le respect des garanties précitées, la zone à caractère industriel dont la destination n'est pas encore établie ne pouvait être aménagée.

Les garanties qu'y substitue la disposition attaquée, plus précisément l'obligation de motivation à la lumière des éléments mentionnés à l'alinéa 4 de la disposition entreprise, ne sauraient compenser la suppression des garanties de contenu et de procédure qui sont liées à l'établissement d'un plan communal d'aménagement.

Dès lors, les riverains de ces zones sont confrontés à une régression sensible du niveau de protection offert par la législation antérieure qui, en raison des dispositions de droit européen et international précitées, ne saurait se justifier par les motifs d'intérêt général se trouvant à la base de la disposition attaquée.

B.8. Le moyen est fondé en ce que l'article 55 attaqué ne prévoit pas une procédure d'évaluation environnementale correspondant aux exigences de la directive 2001/42/CE précitée et de l'article 7 de la Convention d'Aarhus précitée.

B.9. Afin de prévenir toute insécurité juridique, il convient, en application de l'article 8, alinéa 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, de maintenir les effets de la disposition annulée comme indiqué dans le dispositif.

Quant à l'article 87 attaqué B.10.1. Au moment de l'introduction du recours, l'article 127 du CWATUP, tel qu'il avait été modifié par l'article 87 du décret-programme attaqué, disposait comme suit : « § 1er. Par dérogation aux articles 84 et 89, le permis est délivré par le Gouvernement ou le fonctionnaire délégué : 1° lorsqu'il est sollicité par une personne de droit public;2° lorsqu'il concerne des actes et travaux d'utilité publique;3° lorsqu'il concerne des actes et travaux s'étendant sur le territoire de plusieurs communes;4° lorsqu'il concerne les actes et travaux situés dans la zone visée à l'article 28;5° lorsqu'il concerne des actes et travaux situés dans les périmètres visés aux articles 168, § 1er, alinéa 1er, et 182;6° lorsqu'il concerne des actes et travaux situés dans le périmètre visé à l'article 1er, 5°, du décret relatif aux infrastructures d'accueil des activités économiques. Le Gouvernement arrête : 1° la liste des personnes de droit public visées au présent paragraphe;2° la liste des actes et travaux d'utilité publique visés au présent paragraphe;3° la liste des actes et travaux d'utilité publique ou dont il reconnaît l'intérêt régional et pour lesquels aucune délégation n'est accordée. [...] § 3. Lorsqu'il s'agit d'actes et travaux visés au paragraphe 1er, alinéa 1er, 1°, 2°, 4° et 5°, le permis peut être accordé sur la base de l'article 110 ou en s'écartant d'un plan communal d'aménagement, d'un règlement communal d'urbanisme ou d'un plan d'alignement ».

B.10.2. Depuis l'introduction du recours, l'article 127, § 3, précité du CWATUP a été remplacé par l'article 5, alinéa 3, du décret du 27 octobre 2005 « modifiant les articles 6, 21, 110bis et 127 du Code wallon de l'Aménagement du Territoire, de l'Urbanisme et du Patrimoine ». Il dispose désormais en ces termes : « Pour autant que la demande soit préalablement soumise aux mesures particulières de publicité déterminées par le Gouvernement ainsi qu'à la consultation visée à l'article 4, alinéa 1er, 3°, lorsqu'il s'agit d'actes et travaux visés au § 1er, alinéa 1er, 1°, 2°, 4°, 5° et 7°, et qui soit respectent, soit structurent, soit recomposent les lignes de force du paysage, le permis peut être accordé en s'écartant du plan de secteur, d'un plan communal d'aménagement, d'un règlement communal d'urbanisme ou d'un plan d'alignement ».

B.10.3. Par ailleurs, l'article 3 du même décret du 27 octobre 2005 abroge l'article 110 du CWATUP. B.10.4. La Cour examine l'article 127 du CWATUP tel qu'il a été modifié par l'article 87 du décret-programme et tel qu'il a été appliqué avant sa nouvelle modification par l'article 5, alinéa 3, du décret précité du 27 octobre 2005.

B.11. L'article 87 du décret entrepris avait été justifié comme suit dans l'exposé des motifs : « Le texte en projet vise également une simplification administrative en faveur des permis issus ou liés à l'action opérationnelle du Gouvernement dans le domaine de l'aménagement du territoire. Ainsi, il étend la notion de ' permis public ' à tous les actes et travaux projetés, soit dans le périmètre reconnu par le Gouvernement pour les zones d'activité économique au sens du décret relatif aux infrastructures d'accueil des activités économiques, soit dans le périmètre de zones d'aménagement différé à caractère industriel, soit dans le périmètre d'un site d'activité économique désaffecté, soit encore dans la zone de services publics et d'équipements communautaires du plan de secteur.

Le texte en projet vise à ce que ces périmètres et zones, au sein desquels d'importants budgets régionaux sont consentis, puissent relever d'une véritable politique foncière du Gouvernement en les ouvrant à des projets auxquels s'attache la procédure spécifique du permis public, en ce compris les mécanismes dérogatoires dont celui-ci bénéficie » (Doc. parl., Parlement wallon, 2004-2005, n° 74-1, pp. 10 et 108).

L'article en projet fit l'objet du commentaire suivant : « L'article 127 organise la procédure particulière de délivrance, par le Gouvernement ou le fonctionnaire délégué, des permis relatifs à des travaux publics ou introduits par des personnes publiques.

Il est proposé d'étendre le champ d'application de l'article 127 aux cas suivants : 1. lorsque des actes et travaux sont envisagés dans une zone d'équipements communautaires;2. lorsqu'il s'agit d'actes et travaux situés dans un site d'activité économique désaffecté dont le périmètre a été adopté provisoirement ou dans un site de réhabilitation paysagère et environnementale;3. lorsqu'il s'agit d'actes et travaux relatifs à la mise en oeuvre d'un zoning d'activités économiques. Le dispositif en projet précise qu'il revient au Gouvernement de reconnaître l'intérêt régional de certains actes et travaux, auquel cas il n'est pas accordé de délégation au fonctionnaire délégué.

L'article en projet fait suite à l'avis du Conseil d'Etat en ce qu'il rend applicable l'article 110 du Code à la délivrance de certains permis assimilés aux permis publics au sein de l'article 127 » (ibid., pp. 32 et 126-127).

B.12. Dans une première branche, la partie requérante critique la disposition précitée parce que les trois nouvelles hypothèses dans lesquelles le fonctionnaire délégué est compétent pour délivrer un permis méconnaîtraient le principe d'égalité et de non-discrimination à défaut de justifier cette attribution de compétence de manière objective et raisonnable. Dans une deuxième branche, elle soutient que l'article 127, § 3, nouveau du CWATUP, issu de l'article 87 du décret-programme du 3 février 2005, prévoit que, dans deux hypothèses visées dans la première branche, le fonctionnaire délégué ou le Gouvernement peuvent délivrer le permis soit sur la base de l'article 110 du CWATUP, soit en s'écartant d'un plan communal d'aménagement, d'un règlement communal d'urbanisme ou d'un plan d'aménagement.

L'article attaqué porterait aussi atteinte à l'article 23 de la Constitution.

B.13.1. Jusqu'à sa modification par l'article 87 du décret-programme du 3 février 2005, l'article 127 du CWATUP réservait le régime particulier de délivrance des permis « publics », qui institue une procédure allégée conférant aux communes un rôle consultatif et facilitant les dérogations, à trois hypothèses : celle des permis sollicités par une personne de droit public énumérés par le Gouvernement, celle qui a pour objet des actes et travaux d'utilité publique et celle qui concerne des actes et travaux s'étendant sur le territoire de plusieurs communes. L'article 87 entrepris étend le champ d'application de ces permis à trois nouvelles hypothèses : celle des actes et travaux situés dans la zone de services publics et d'équipements communautaires du plan de secteur, visée par l'article 28 du CWATUP, celle des actes et travaux situés dans les périmètres de sites d'activités économiques à réhabiliter, visés aux articles 168, § 1er, alinéa 1er, et 182 du CWATUP, celle, enfin, des actes et travaux situés dans le périmètre visé à l'article 1er, 5°, du décret du 11 mars 2004 relatif aux infrastructures d'accueil des activités économiques. Dans ces trois hypothèses, les travaux entrepris peuvent l'être et le sont souvent à l'initiative de personnes privées. En outre, la même disposition étend le champ d'application des dérogations à celles prévues par l'article 110 du CWATUP. Elle permet également de s'écarter des documents communaux d'aménagement (plan communal, règlement communal d'urbanisme, plan d'alignement).

B.13.2. La double extension du champ d'application de l'article 127 du CWATUP opérée par l'article 87 entrepris du décret-programme du 3 février 2005 a pour objectif, comme il a été rappelé en B.11, une simplification administrative en faveur des permis issus ou liés à l'action opérationnelle du Gouvernement dans le domaine de l'aménagement du territoire. La disposition attaquée, qui ouvre le bénéfice de l'article 110 aux demandes de permis visées par l'article 127 nouveau du CWATUP, ne peut s'interpréter comme une régression sensible par rapport à la protection du droit à l'environnement sain puisqu'aux termes de l'article 110, les dérogations à la division en zones du plan de secteur étaient déjà permises pour les « constructions et équipements de services publics ou communautaires ».

Les trois hypothèses nouvelles instituées par l'article 87 entrepris paraissent relever toutes les trois de ce type d'actes et travaux. A cela s'ajoute que l'article 110 du CWATUP a lui aussi été modifié et qu'il précise que des dérogations pour les actes et travaux sont admissibles « pour autant soit qu'ils respectent, soit structurent, soit recomposent les lignes de force du paysage ». Enfin, l'article 114 du CWATUP étant applicable à l'article 110, c'est « à titre exceptionnel » que, conformément à cette disposition, des dérogations peuvent être délivrées par le Gouvernement concernant l'implantation de ce type de constructions. Il appartiendra à l'autorité administrative de motiver ses décisions en se référant, dans chacune des demandes de permis, aux éléments objectifs permettant de justifier raisonnablement la condition de dérogation nouvelle.

Enfin, les trois nouvelles hypothèses dans lesquelles des dérogations sont admises sont raisonnablement justifiées eu égard aux objectifs du législateur décrétal rappelés en B.11 et visent des situations de droit suffisamment spécifiques pour admettre une réglementation différente des autres situations prévues par le CWATUP. B.14. En tant qu'il vise l'article 87, le moyen ne peut être accueilli.

Par ces motifs, la Cour - annule l'article 55 du décret-programme de la Région wallonne du 3 février 2005 de relance économique et de simplification administrative; - maintient les effets de la disposition annulée à l'égard des permis délivrés en application de cette disposition qui ont reçu exécution avant la date de publication du présent arrêt au Moniteur belge ; - rejette le recours pour le surplus.

Ainsi prononcé en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 14 septembre 2006.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, M. Melchior.

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