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Arrêt
publié le 30 janvier 2007

Extrait de l'arrêt n° 14/2007 du 17 janvier 2007 Numéro du rôle : 4000 En cause : le recours en annulation totale ou partielle du décret de la Communauté flamande du 16 décembre 2005 « portant création de l'agence autonomisée externe de dro La Cour d'arbitrage, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges P. Martens, R.(...)

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30/01/2007
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COUR D'ARBITRAGE


Extrait de l'arrêt n° 14/2007 du 17 janvier 2007 Numéro du rôle : 4000 En cause : le recours en annulation totale ou partielle du décret de la Communauté flamande du 16 décembre 2005 « portant création de l'agence autonomisée externe de droit public ' Vlaamse Regulator voor de Media ' (Régulateur flamand des Médias) et modifiant certaines dispositions des décrets relatifs à la radiodiffusion et à la télévision, coordonnés le 4 mars 2005 », introduit par J. Verstrepen.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges P. Martens, R. Henneuse, M. Bossuyt, E. De Groot et J.-P. Moerman, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président A. Arts, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 15 juin 2006 et parvenue au greffe le 16 juin 2006, J. Verstrepen, demeurant à 2610 Wilrijk, Pater Damiaanstraat 24, a introduit un recours en annulation totale ou partielle du décret de la Communauté flamande du 16 décembre 2005 « portant création de l'agence autonomisée externe de droit public ' Vlaamse Regulator voor de Media ' (Régulateur flamand des Médias) et modifiant certaines dispositions des décrets relatifs à la radiodiffusion et à la télévision, coordonnés le 4 mars 2005 » (publié au Moniteur belge du 30 décembre 2005, deuxième édition). (...) II. En droit (...) B.1.1. Le requérant demande l'annulation totale ou partielle du décret flamand du 16 décembre 2005 « portant création de l'agence autonomisée externe de droit public ' Vlaamse Regulator voor de Media ' (Régulateur flamand des Médias) et modifiant certaines dispositions des décrets relatifs à la radiodiffusion et à la télévision, coordonnés le 4 mars 2005 ».

B.1.2. La Cour doit déterminer l'étendue du recours en annulation sur la base du contenu de la requête et en particulier sur la base de l'exposé des moyens. La Cour constate que le moyen unique est exclusivement dirigé contre les articles 176, § 1er, 4°, et 176quinquies, § 1er, 3°, des décrets flamands relatifs à la radiodiffusion et à la télévision, coordonnés le 4 mars 2005, insérés par l'article 2 du décret attaqué, de sorte que l'examen doit être limité à ces dispositions.

B.1.3. L'article 176 des décrets coordonnés sur les médias énonce : « § 1er. Si, dans les limites de ses compétences énumérées à l'article 169, § 2, des présents décrets, la chambre générale constate une infraction aux dispositions des présents décrets, elle peut imposer les sanctions suivantes au diffuseur, au réseau câblé ou au réseau de radiodiffusion ou de télévision concernés : 1° l'avertissement comportant l'ordre de mettre fin à l'infraction;2° l'ordre de diffuser le prononcé sous la forme et au moment que détermine la chambre générale, aux frais du contrevenant.Si le prononcé n'est pas diffusé au moment et sous la forme tel qu'imposé, une amende administrative sera infligée tel que prévu au 4°; 3° la publication obligatoire de la décision dans des journaux et/ou hebdomadaires, aux frais du contrevenant.Si la décision n'est pas publiée tel que prévu, une amende administrative sera infligée tel que prévu au 4°; 4° l'imposition d'une amende administrative [jusqu']à 125 000 euros inclus;5° la suspension ou le retrait de l'autorisation d'émission;6° la suspension ou le retrait de l'agrément du diffuseur. § 2. En cas de non-usage ou de mauvais usage des possibilités d'émission assignées, la chambre générale peut suspendre ou retirer l'agrément d'un radiodiffuseur privé ».

L'article 176quinquies dispose : « § 1er. Le ' Vlaamse Regulator voor de Media ' peut disposer des recettes suivantes : 1° dotations;2° les droits d'inscription de candidats d'un agrément et les indemnités pour le maintien de l'agrément, visés à l'article 39;3° les amendes administratives, visées aux articles 176 et 176bis ;4° des prélèvements fiscaux dans la mesure où ils sont attribués par décret au ' Vlaamse Regulator voor de Media ';5° des rétributions dans la mesure où elles sont attribuées par décret au ' Vlaamse Regulator voor de Media '; § 2. Sauf dispositions contraires dans un décret, les recettes mentionnées au § 1er sont considérées comme des recettes destinées aux dépenses communes ».

B.2.1. Dans un moyen unique, le requérant soutient que les dispositions attaquées violent les articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. Etant donné que le Régulateur flamand des médias est financé notamment au moyen des amendes administratives visées à l'article 176, § 1er, 4°, des décrets coordonnés sur les médias, la chambre générale, lorsqu'elle inflige une amende administrative sur la base de cette disposition, ne satisferait pas à l'exigence d'impartialité et d'indépendance contenue dans la disposition conventionnelle précitée.

B.2.2. Quoique la requête soit très sommaire, la portée des griefs peut être déterminée avec suffisamment de certitude. Il relève en outre de la compétence de la Cour de connaître du moyen qui dénonce la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec une disposition de droit international. Les exceptions soulevées à ce propos par le Gouvernement flamand ne peuvent être accueillies.

B.3.1. Le Régulateur flamand des médias est une agence « autonomisée » externe de droit public au sens de l'article 13 du décret-cadre flamand du 18 juillet 2003 relatif à la politique administrative, et il constitue un organe de l'administration active.

En vertu de l'article 169 des décrets coordonnés sur les médias, cette institution a pour mission « le maintien de la réglementation en matière de médias au sein de la Communauté flamande, le règlement des litiges relatifs à la réglementation en matière de médias, et la délivrance des agréments et des autorisations médiatiques, conformément à la réglementation ».

B.3.2. L'institution comporte deux chambres : une « chambre générale » et une « chambre pour l'impartialité et la protection des mineurs ».

Leurs compétences respectives sont énumérées à l'article 169 des décrets coordonnées sur les médias. Lorsque la chambre générale, dans les limites de sa compétence, constate une infraction aux dispositions de la réglementation en matière de médias, elle peut imposer au diffuseur, au réseau câblé ou au réseau de radiodiffusion et de télévision concerné les sanctions visées à l'article 176, § 1er, des décrets coordonnés sur les médias.

B.3.3. Les amendes visées à l'article 176, § 1er, 4°, des décrets coordonnés sur les médias ont été explicitement conçues par le législateur décrétal comme des amendes administratives. Les amendes sont infligées par la chambre générale - soit d'office, soit après dépôt d'une plainte - pour cause de manquement aux obligations prescrites par la réglementation flamande en matière de médias. Elles ont pour objet de sanctionner les infractions commises par des diffuseurs, des réseaux câblés ou des réseaux de radiodiffusion ou de télévision, sans distinction. Les intéressés, qui connaissent à l'avance la sanction qu'ils encourent, seront incités à respecter leurs obligations. Les amendes, qui peuvent s'élever à 125 000 euros, présentent un caractère préventif et répressif et sont pénales au sens de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, de sorte que les justiciables auxquels elles sont infligées doivent pouvoir prétendre aux garanties contenues dans cette disposition conventionnelle.

B.4.1. Les griefs du requérant ne sont pas dirigés contre la composition ou le fonctionnement de la chambre générale, mais exclusivement contre le fait que les amendes infligées par la chambre générale font partie des moyens de financement du Régulateur flamand des médias.

B.4.2. Les amendes que la chambre générale peut infliger ne lui profitent pas directement, mais reviennent à l'institution en tant que telle. Les membres de la chambre générale ne représentent pas l'institution mais siègent et statuent en leur propre nom. L'article 173 des décrets coordonnés sur les médias dispose expressément que le conseil d'administration, compétent pour le budget et les comptes généraux, n'a aucun pouvoir concernant les décisions que la chambre générale peut prendre dans les limites de sa sphère de compétence. Les amendes contestées ne sont pas non plus la seule ni la principale source de revenus du Régulateur flamand des médias et ne sont dès lors pas déterminantes pour le fonctionnement de l'institution, qui est financée principalement par une dotation (Doc. parl., Parlement flamand, 2004-2005, n° 464/1, p. 11).

B.4.3. Les amendes administratives litigieuses ne peuvent être infligées que pour cause de violation de la réglementation en matière de médias, donc en cas de violation objectivement constatable d'une norme juridique, imputable au comportement personnel du contrevenant.

Le décret prévoit expressément que le droit d'être entendu contradictoirement, l'obligation de motivation et les principes de la publicité de l'administration doivent être garantis. Au demeurant, l'autorité administrative doit en règle générale respecter les principes généraux de bonne administration lorsqu'elle prend ses décisions.

B.4.4. Un processus décisionnel transparent est ainsi organisé et les justiciables se voient offrir des garanties qui doivent empêcher que la chambre générale prenne des décisions arbitraires ou qui ne répondent pas aux exigences d'indépendance et d'impartialité dont elle doit faire preuve. L'obligation de motivation suppose un exposé suffisant des motifs qui fondent les décisions de la chambre générale, de façon à ce que les justiciables puissent apprécier s'il y a lieu d'exercer les voies de recours dont ils disposent.

B.5.1. Pour apprécier si les principes d'indépendance et d'impartialité ont été suffisamment pris en compte, il convient d'avoir égard à l'ensemble de la procédure.

B.5.2. La décision par laquelle la chambre générale inflige une amende administrative peut faire l'objet d'un recours en annulation auprès du Conseil d'Etat.

B.5.3. Dans les matières soumises au pouvoir de décision du Régulateur flamand des médias, le Conseil d'Etat exerce un contrôle juridictionnel approfondi, tant au regard de la loi qu'au regard des principes généraux du droit. Le Conseil d'Etat examine à cet égard si la décision de l'autorité soumise à son contrôle est fondée en fait, si elle procède de qualifications juridiques correctes et si la mesure n'est pas manifestement disproportionnée. Lorsqu'il annule cette dernière, l'autorité est tenue de se conformer à l'arrêt du Conseil d'Etat : si l'autorité prend une nouvelle décision, elle ne peut méconnaître les motifs de l'arrêt annulant la première décision; si elle s'en tient à l'annulation, l'acte attaqué est réputé ne pas avoir existé.

Les justiciables disposent donc d'un recours effectif, devant une juridiction indépendante et impartiale, contre la sanction administrative qui peut leur être infligée par la chambre générale du Régulateur flamand des médias.

B.6. Eu égard à ce qui précède, le mode de financement critiqué ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme.

B.7. Le moyen unique n'est pas fondé.

Par ces motifs, la Cour rejette le recours.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 17 janvier 2007.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, A. Arts.

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