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Arrêt
publié le 24 avril 2007

Extrait de l'arrêt n° 34/2007 du 7 mars 2007 Numéro du rôle : 3947 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 198bis du décret de la Région flamande du 18 mai 1999 portant organisation de l'aménagement du territoire, tel qu' La Cour d'arbitrage, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges R. Henneuse, M(...)

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COUR D'ARBITRAGE


Extrait de l'arrêt n° 34/2007 du 7 mars 2007 Numéro du rôle : 3947 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 198bis du décret de la Région flamande du 18 mai 1999 portant organisation de l'aménagement du territoire, tel qu'il a été inséré par l'article 11 du décret du 4 juin 2003, posée par la Cour d'appel d'Anvers.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges R. Henneuse, M. Bossuyt, J.-P. Snappe, E. Derycke et J. Spreutels, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président A. Arts, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par arrêt du 22 mars 2006 en cause du ministère public contre Edgar Flament, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 28 mars 2006, la Cour d'appel d'Anvers a posé la question préjudicielle suivante : « L'alinéa 2 de l'article 198bis du décret du 18 mai 1999 [portant organisation de l'aménagement du territoire], inséré par l'article 11 du décret du 4 juin 2003, viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il établit une distinction selon que les actions introduites pour des infractions datent d'avant ou d'après le 1er mai 2000 ? ». (...) III. En droit (...) B.1. L'article 198bis du décret du 18 mai 1999 portant organisation de l'aménagement du territoire, inséré par l'article 11 du décret du 4 juin 2003 « modifiant le décret du 18 mai 1999 portant organisation de l'aménagement du territoire en ce qui concerne la politique de maintien », dispose : « Les dispositions relatives à l'avis conforme du Conseil supérieur de la Politique de Réparation, tel que visé à l'article 149, § 1er, et à l'article 153, n'entrent en vigueur qu'après que le Conseil supérieur de la Politique de Réparation a été créé et que le règlement d'ordre intérieur a été approuvé.

Le juge peut encore soumettre à l'avis conforme du Conseil supérieur de la Politique de Réparation des actions introduites pour des infractions datant d'avant le 1er mai 2000 mais qui n'ont pas encore été soumises à l'avis conforme du Conseil supérieur de la Politique de Réparation ».

B.2. La juridiction a quo demande si cette disposition est contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'elle « établit une distinction selon que les actions introduites pour des infractions datent d'avant ou d'après le 1er mai 2000 ».

B.3. Selon le Gouvernement flamand, la question préjudicielle n'appellerait aucune réponse, étant donné que la juridiction a quo constate, dans l'instance principale, que l'infraction est antérieure au 1er mai 2000. Dès lors, la disposition litigieuse n'empêcherait pas cette juridiction de soumettre l'action relative à cette infraction à l'avis du Conseil supérieur de la Politique de Réparation.

B.4.1. C'est au juge qui pose la question préjudicielle qu'il appartient en principe d'apprécier si la réponse à cette question est utile à la solution du litige qu'il doit trancher. Ce n'est que lorsque ce n'est manifestement pas le cas que la Cour peut décider que la question n'appelle pas de réponse. En outre, pour répondre aux questions préjudicielles, la Cour examine la norme à contrôler, en principe, dans l'interprétation du juge a quo.

B.4.2. La décision de renvoi fait apparaître que le litige soumis à la juridiction a quo porte sur une action intentée après le 1er mai 2000 relativement à une infraction en matière d'urbanisme. En tant que la disposition en cause permet au juge de soumettre au Conseil supérieur de la Politique de Réparation « des actions introduites pour des infractions datant d'avant le 1er mai 2000 », la juridiction a quo a pu raisonnablement considérer que la disposition litigieuse s'opposerait à ce que l'action relative à une telle infraction soit soumise pour avis au Conseil supérieur de la Politique de Réparation.

B.4.3. Il faut du reste constater que, en tant que l'infraction en matière d'urbanisme s'est poursuivie jusqu'au 1er juillet 2001 au moins, la disposition en cause empêcherait, même dans l'interprétation du Gouvernement flamand, que l'action relative à cette infraction soit soumise pour avis au Conseil supérieur de la Politique de Réparation.

B.4.4. L'exception est rejetée.

B.5.1. Selon le Gouvernement flamand, les termes « datant d'avant le 1er mai 2000 » figurant dans la disposition litigieuse seraient sans objet, étant donné que la Cour, dans son arrêt n° 14/2005, les a annulés aux articles 149 et 153 du décret du 18 mai 1999.

B.5.2. Du fait de cette annulation, l'avis du Conseil supérieur de la Politique de Réparation est requis tant pour les actions en réparation intentées par l'inspecteur urbaniste ou par le collège des bourgmestre et échevins (article 149, § 1er, alinéa 1er) que pour l'exécution d'office de décisions de justice par l'inspecteur urbaniste (article 153, alinéa 2), que les infractions soient antérieures ou postérieures au 1er mai 2000. Cela n'empêche cependant pas que, dans l'interprétation donnée par le juge a quo à la disposition litigieuse en ce qui concerne les actions déjà intentées, le juge ne puisse demander l'avis du Conseil supérieur de la Politique de Réparation que pour les actions antérieures au 1er mai 2000.

B.6. L'article 198bis litigieux du décret du 18 mai 1999 est une disposition transitoire.

Conformément à l'alinéa 1er de cette disposition, l'article 149, § 1er, alinéa 1er, du décret du 18 mai 1999 entre en vigueur après la création du Conseil supérieur de la Politique de Réparation et après l'approbation du règlement d'ordre intérieur. A partir de cette date, l'avis du Conseil supérieur est requis pour les actions en réparation intentées par un inspecteur urbaniste ou par le collège des bourgmestre et échevins.

L'alinéa 2 de cette disposition porte sur les actions en réparation qui avaient déjà été intentées au moment où l'article 149, § 1er, alinéa 1er, du décret du 18 mai 1999 est entré en vigueur et qui n'avaient donc pas encore été soumises pour avis au Conseil supérieur de la Politique de Réparation. Conformément à la disposition litigieuse, le juge peut encore soumettre ces actions à cet organe pour autant qu'il s'agisse d'« actions relatives à des infractions datant d'avant le 1er mai 2000 ».

B.7. Au cours des travaux préparatoires, la disposition litigieuse a été justifiée comme suit : « Plusieurs dispositions transitoires avaient été oubliées.

Le nouvel article 198bis prévoit deux mesures transitoires : - en premier lieu, le Conseil supérieur ne peut évidemment émettre un avis conforme tant qu'il n'a pas été créé et que son règlement d'ordre intérieur n'a pas été approuvé; - pour les actions pendantes, qui n'ont pas encore fait l'objet d'un jugement ou d'un arrêt, le juge peut décider souverainement de demander ou non l'avis du Conseil supérieur de la Politique de Réparation » (Doc. parl., Parlement flamand, 2002-2003, n° 1566/5, p. 6).

B.8. La disposition litigieuse permet dès lors au Conseil supérieur de la Politique de Réparation de se prononcer, lorsque le juge l'invite à le faire, sur des actions en réparation qui avaient déjà été intentées au moment où l'article 149, § 1er, alinéa 1er, du décret du 18 mai 1999 est entré en vigueur, pour autant que, dans l'interprétation du juge a quo, ces actions soient antérieures au 1er mai 2000.

B.9. L'article 149, § 1er, alinéa 1er, du décret du 18 mai 1999, auquel se réfère la disposition litigieuse, énonçait : « Outre la peine, le tribunal peut ordonner de remettre le lieu en son état initial ou de cesser l'utilisation contraire, et/ou d'exécuter des travaux de construction ou d'adaptation et/ou de payer une amende égale à la plus-value acquise par le bien suite à l'infraction. Ceci se fait sur requête de l'inspecteur urbaniste, ou du collège des bourgmestre et échevins de la commune sur le territoire de laquelle les travaux, opérations ou modifications visés à l'article 146 ont été exécutés. Lorsque ces infractions datent d'avant le 1er mai 2000, un avis conforme préalable du Conseil supérieur de la Politique de Réparation est requis ».

B.10. Par son arrêt n° 14/2005 du 19 janvier 2005, la Cour a, notamment à l'article 149, § 1er, alinéa 1er, du décret du 18 mai 1999, annulé les mots « avant le 1er mai 2000 » en vertu des considérations suivantes : « B.52. En vertu de l'article 149, § 1er, alinéa 1er, dernière phrase, remplacé par l'article 8 entrepris, du décret du 18 mai 1999 portant organisation de l'aménagement du territoire, les demandes de réparation relatives à des infractions antérieures au 1er mai 2000 doivent désormais faire l'objet d'un avis conforme du Conseil supérieur de la Politique de Réparation.

B.53. Le Conseil supérieur de la Politique de Réparation compte sept membres, dont quatre ont exercé pendant cinq ans au moins - et au moins dix ans en ce qui concerne le président - les fonctions de magistrat près les cours et tribunaux ou au Conseil d'Etat et dont les trois autres ont une expérience pertinente de cinq ans au moins en matière d'aménagement du territoire.

La création du Conseil supérieur de la Politique de Réparation répond au besoin d'un 'organe autonome et indépendant, détaché de toute influence politique, qui évalue les décisions de l'inspecteur urbaniste régional et qui les contrôle au regard du principe d'égalité et du principe du raisonnable' (Doc., Parlement flamand, 2002-2003, n° 1566/1, p. 7).

B.54. Il relève de la liberté d'appréciation du législateur décrétal de laisser le choix de la mesure de réparation en matière d'aménagement du territoire à l'autorité jugée la plus apte à cette fin. Il doit toutefois, ce faisant, respecter les articles 10 et 11 de la Constitution.

B.55. Si le législateur décrétal juge qu'il est nécessaire à la cohérence de la politique de réparation que la demande de réparation soit précédée d'un avis conforme du Conseil supérieur de la Politique de Réparation, la Cour n'aperçoit pas pourquoi cette exigence s'appliquerait à certaines infractions et non à d'autres.

Comme l'indiquent les travaux préparatoires, la date du 1er mai 2000 est certes 'une date objective [...], à savoir la date à laquelle le décret du 18 mai 1999 portant organisation de l'aménagement du territoire est entré en vigueur' (Doc., Parlement flamand, 2002-2003, n° 1566/7, p.16), mais cette date n'a aucun lien avec le but de la disposition en cause. On n'aperçoit pas, en particulier, pour quels motifs une politique de réparation cohérente serait plus nécessaire pour les infractions commises avant le 1er mai 2000 que pour celles commises après cette date.

B.56. Il en va de même à l'égard de l'article 153, alinéa 2, du décret du 18 mai 1999, tel qu'il a été inséré par l'article 9, 1°, entrepris, en vertu duquel pour les infractions datant d'avant le 1er mai 2000, l'exécution d'office du jugement ou de l'arrêt par l'inspecteur urbaniste ne peut être entamée qu'après avis conforme du Conseil supérieur de la Politique de Réparation. Ainsi qu'il a été observé au B.30, le législateur décrétal entendait, à travers cette disposition, s'agissant des infractions antérieures au 1er mai 2000, que l'exécution d'office des arrêts et jugements soit uniforme et juste.

De nouveau, l'on n'aperçoit pas en quoi, pour les infractions antérieures au 1er mai 2000, une politique de réparation cohérente serait plus nécessaire que pour les infractions commises après cette date.

B.57. L'article 149, § 1er, alinéa 1er, dernière phrase, du décret du 18 mai 1999, remplacé par l'article 8, 1°, entrepris du décret du 4 juin 2003, et l'article 153, alinéa 2, du décret du 18 mai 1999, tel qu'il a été inséré par l'article 9, 1°, entrepris, du décret du 4 juin 2003, violent les articles 10 et 11 de la Constitution, en tant qu'ils font référence à la date du 1er mai 2000 ».

B.11. La possibilité que, dans l'interprétation du juge a quo, la disposition litigieuse offre au juge en ce qui concerne les actions antérieures au 1er mai 2000, mais qui n'ont pas encore été soumises au Conseil supérieur de la Politique de Réparation, de demander néanmoins l'avis de cet organe est dictée par les mêmes motifs que ceux qui fondent l'article 149, § 1er, alinéa 1er, du décret du 18 mai 1999, à savoir la cohérence de la politique de réparation.

B.12. Si le législateur décrétal estime qu'il est nécessaire, pour la cohérence de la politique de réparation, que le juge ait la possibilité de demander l'avis conforme du Conseil supérieur de la Politique de Réparation en ce qui concerne les actions en réparation déjà introduites au moment où l'article 149, § 1er, alinéa 1er, du décret du 18 mai 1999 est entré en vigueur, la Cour n'aperçoit pas pourquoi cette possibilité s'appliquerait à certaines infractions et non à d'autres.

Comme la Cour l'a relevé dans l'arrêt précité en ce qui concerne l'article 149, § 1er, alinéa 1er, du décret du 18 mai 1999, la date du 1er mai 2000 n'a aucun lien avec le but de la disposition en cause. On n'aperçoit pas, en particulier, pour quels motifs une politique de réparation cohérente serait plus nécessaire pour les infractions commises ou les actions intentées avant le 1er mai 2000 que pour les infractions commises ou les actions intentées après cette date.

B.13. Il découle de ce qui précède que le juge peut encore soumettre pour avis au Conseil de la Politique de Réparation tant les actions intentées pour des infractions antérieures au 1er mai 2000 que les actions en réparation intentées pour des infractions commises à partir du 1er mai 2000 (Cass., 5 septembre 2006, P060543N).

B.14. La question préjudicielle appelle une réponse affirmative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 198bis du décret de la Région flamande du 18 mai 1999 « portant organisation de l'aménagement du territoire », tel qu'il a été inséré par l'article 11 du décret du 4 juin 2003 modifiant le décret du 18 mai 1999 « portant organisation de l'aménagement du territoire en ce qui concerne la politique de maintien », viole les articles 10 et 11 de la Constitution en tant qu'il limite la possibilité dont dispose le juge de demander l'avis du Conseil supérieur de la Politique de Réparation aux « actions introduites pour des infractions datant d'avant le 1er mai 2000 ».

Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 7 mars 2007.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, A. Arts.

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