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Arrêt
publié le 06 juillet 2007

Extrait de l'arrêt n° 87/2007 du 20 juin 2007 Numéro du rôle : 3994 En cause : le recours en annulation de l'article 5 du décret de la Région wallonne du 27 octobre 2005 « modifiant les articles 6, 21, 110bis et 127 du Code wallon de l'Amé La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges P. Marte(...)

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Extrait de l'arrêt n° 87/2007 du 20 juin 2007 Numéro du rôle : 3994 En cause : le recours en annulation de l'article 5 du décret de la Région wallonne du 27 octobre 2005 « modifiant les articles 6, 21, 110bis et 127 du Code wallon de l'Aménagement du Territoire, de l'Urbanisme et du Patrimoine », introduit par l'ASBL « Inter-Environnement Wallonie ».

La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges P. Martens, R. Henneuse, M. Bossuyt, E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke et J. Spreutels, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 22 mai 2006 et parvenue au greffe le 23 mai 2006, l'ASBL « Inter-Environnement Wallonie », dont le siège social est établi à 5000 Namur, boulevard du Nord 6, a introduit un recours en annulation de l'article 5 du décret de la Région wallonne du 27 octobre 2005 « modifiant les articles 6, 21, 110bis et 127 du Code wallon de l'Aménagement du Territoire, de l'Urbanisme et du Patrimoine » (publié au Moniteur belge du 23 novembre 2005). (...) II. En droit (...) Quant aux dispositions attaquées B.1.1. Le recours en annulation porte sur l'article 5, alinéas 1er à 3, du décret du 27 octobre 2005 « modifiant les articles 6, 21, 110bis et 127 du Code wallon de l'Aménagement du Territoire, de l'Urbanisme et du Patrimoine ».

Les dispositions attaquées modifient l'article 127, § § 1er et 3, du « Code wallon de l'Aménagement du Territoire, de l'Urbanisme et du Patrimoine » (ci-après : CWATUP) qui, avant l'entrée en vigueur du décret du 27 octobre 2005 - le 3 décembre 2005 -, était rédigé comme suit : « § 1er. Par dérogation aux articles 84 et 89, le permis est délivré par le Gouvernement ou le fonctionnaire délégué : 1° lorsqu'il est sollicité par une personne de droit public;2° lorsqu'il concerne des actes et travaux d'utilité publique;3° lorsqu'il concerne des actes et travaux s'étendant sur le territoire de plusieurs communes;4° lorsqu'il concerne les actes et travaux situés dans la zone visée à l'article 28;5° lorsqu'il concerne des actes et travaux situés dans les périmètres visés aux articles 168, § 1er, alinéa 1er, et 182;6° lorsqu'il concerne des actes et travaux situés dans le périmètre visé à l'article 1er, 5°, du décret relatif aux infrastructures d'accueil des activités économiques. Le Gouvernement arrête : 1° la liste des personnes de droit public visées au présent paragraphe;2° la liste des actes et travaux d'utilité publique visés au présent paragraphe;3° la liste des actes et travaux d'utilité publique ou dont il reconnaît l'intérêt régional et pour lesquels aucune délégation n'est accordée. [...] § 3. Lorsqu'il s'agit d'actes et travaux visés au paragraphe 1er, alinéa 1er, 1°, 2°, 4° et 5°, le permis peut être accordé sur la base de l'article 110 ou en s'écartant d'un plan communal d'aménagement, d'un règlement communal d'urbanisme ou d'un plan d'alignement ».

B.1.2. L'article 5, alinéa 1er, du décret du 27 octobre 2005 remplace, dans l'article 127, § 1er, alinéa 1er, 4°, du CWATUP, les mots « dans la zone visée à l'article 28 » par les mots « dans une zone à laquelle s'applique la prescription visée à l'article 28 ou dans les domaines des infrastructures ferroviaires ou aéroportuaires et des ports autonomes visés à l'article 21 ».

L'article 5, alinéa 2, du décret du 27 octobre 2005 complète le même alinéa de l'article 127, § 1er, du CWATUP par le texte suivant : « 7° lorsqu'il concerne les constructions et équipements de service public ou communautaires ».

L'article 5, alinéa 3, du même décret remplace l'article 127, § 3, du CWATUP par le texte suivant : « § 3. Pour autant que la demande soit préalablement soumise aux mesures particulières de publicité déterminées par le Gouvernement ainsi qu'à la consultation visée à l'article 4, alinéa 1er, 3°, lorsqu'il s'agit d'actes et travaux visés au § 1er, alinéa 1er, 1°, 2°, 4°, 5° et 7°, et qui soit respectent, soit structurent, soit recomposent les lignes de force du paysage, le permis peut être accordé en s'écartant du plan de secteur, d'un plan communal d'aménagement, d'un règlement communal d'urbanisme ou d'un plan d'alignement ».

Quant au moyen unique B.2. Le moyen unique est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, combinés ou non avec l'article 23 de la Constitution, avec l'article 10 du Traité instituant la Communauté européenne, avec les articles 1er à 7 de la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, avec les articles 3 à 6 de la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement et avec les articles 7 et 8 de la Convention sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement, signée à Aarhus le 25 juin 1998, ainsi que de la violation de l'article 23 de la Constitution.

B.3. Deux griefs sont formulés. Selon le premier grief, l'article 5, alinéa 3, du décret du 27 octobre 2005 étend sensiblement les possibilités prévues par l'article 127, § 3, du CWATUP de déroger aux prescriptions réglementaires en matière d'aménagement du territoire, en particulier au plan de secteur, sans que cette réduction sensible du niveau de protection d'un environnement sain soit justifiée par des motifs impérieux et pertinents d'intérêt général. Selon le second grief, l'extension des cas dans lesquels un permis peut être délivré par le fonctionnaire délégué ou le Gouvernement, sans tenir compte des prescriptions du plan de secteur, a pour effet qu'au regard de la compétence de principe du collège des bourgmestre et échevins en matière de délivrance des permis, une différence de traitement non justifiée est instaurée entre les tiers concernés ainsi qu'entre les demandeurs de permis.

B.4. Les règles constitutionnelles de l'égalité et de la non-discrimination n'excluent pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée.

L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

B.5. L'article 23, alinéa 1er, alinéa 2 et alinéa 3, 4°, de la Constitution dispose : « Chacun a le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine.

A cette fin, la loi, le décret ou la règle visée à l'article 134 garantissent, en tenant compte des obligations correspondantes, les droits économiques, sociaux et culturels, et déterminent les conditions de leur exercice.

Ces droits comprennent notamment : [...] 4° le droit à la protection d'un environnement sain ». Cette disposition contient une obligation de standstill qui interdit au législateur compétent de réduire sensiblement le niveau de protection offert par la législation applicable, sans qu'existent pour ce faire des motifs d'intérêt général.

B.6. La Cour est invitée à dire si les dispositions attaquées portent atteinte, directement ou de manière discriminatoire, au droit à la protection d'un environnement sain des personnes dont l'environnement peut être affecté par la délivrance d'un permis d'urbanisme ou d'un permis de lotir portant sur des actes et travaux situés dans une zone à laquelle s'applique la prescription visée à l'article 28 du CWATUP, dans l'un des domaines visés à l'article 21 du CWATUP, ou concernant des constructions et équipements de service public ou communautaires.

B.7.1.1. L'article 28 du CWATUP, remplacé par l'article 13 du décret du 18 juillet 2002 « modifiant le Code wallon de l'Aménagement du Territoire, de l'Urbanisme et du Patrimoine », dispose : « § 1er. Sans préjudice de leur implantation en zone d'habitat ou en zone d'habitat à caractère rural, la zone de services publics et d'équipements communautaires est destinée aux activités d'utilité publique ou d'intérêt général.

Elle ne peut comporter que des constructions ou aménagements destinés à satisfaire un besoin social assuré par une personne publique ou une personne privée à laquelle les pouvoirs publics ont confié la gestion d'un service public. Elle peut également comporter des constructions ou aménagements qui ont pour finalité de promouvoir l'intérêt général. § 2. La zone de services publics et d'équipements communautaires marquée de la surimpression ' C.E.T. ' est principalement destinée à accueillir l'implantation et l'exploitation d'un centre d'enfouissement technique visée par la législation relative aux déchets ainsi que les installations de regroupement de déchets préalables à cette exploitation. Elle peut, en outre, être destinée à d'autres activités de gestion de déchets pour autant que ces activités soient liées à l'exploitation du centre d'enfouissement technique autorisé ou n'en compromettent pas l'exploitation. Au terme de l'exploitation, la zone devient une zone d'espaces verts et sa réhabilitation, en tout ou en partie, est fixée par le permis délivré pour l'exploitation de l'installation concernée.

Dans les zones ou parties de zone marquées de la surimpression ' C.E.T. ' non encore exploitées, d'autres actes et travaux peuvent être autorisés pour une durée limitée pour autant qu'ils ne soient pas de nature à mettre en péril l'exploitation future du centre d'enfouissement technique.

La zone de services publics et d'équipements communautaires marquée de la surimpression ' C.E.T.D. ' est exclusivement destinée au maintien d'un centre d'enfouissement technique désaffecté visé par la législation relative aux déchets, dans laquelle des restrictions peuvent être imposées aux actes et travaux dans le but de garantir le maintien et la surveillance des ouvrages et travaux réalisés pour la remise en état des sites pollués.

Les immeubles de bureau ou de surveillance nécessaires à l'exploitation et au maintien des zones visées au présent paragraphe peuvent être admis.

Les zones visées au présent paragraphe comportent un périmètre ou un dispositif d'isolement ».

B.7.1.2. L'article 6, § 1er, 4, du décret du 27 novembre 1997 « modifiant le Code wallon de l'Aménagement du Territoire, de l'Urbanisme et du Patrimoine » dispose : « Dans les plans de secteur en vigueur, sont d'application : [...] 4. à la zone d'équipement communautaire et d'utilité publique, aux domaines militaires ainsi qu'aux autres zones d'équipement, de services publics et d'infrastructures, la prescription visée à l'article 28;».

La zone d'équipement communautaire et d'utilité publique - aussi appelée « zone d'équipement communautaire et de services publics » - et le domaine militaire sont deux « zones destinées à d'autres occupations du territoire », visées respectivement par les articles 167, alinéa 2, 6.2, et 182, 6.2, du CWATUP et par les articles 167, alinéa 2, 6.1, et 182, 6.1, du même Code, ces quatre dispositions ayant été abrogées par l'article 4.1 du décret du 27 novembre 1997.

Ni le décret du 27 novembre 1997 ni ses travaux préparatoires ne permettent de définir avec certitude les « autres zones d'équipement, de services publics et d'infrastructures » (CE, n° 140.483, 10 février 2005).

B.7.2. Avant l'entrée en vigueur du décret du 27 octobre 2005, les articles 110 à 114 du CWATUP - rassemblés dans la section 2 (« Des dérogations ») du Titre V, chapitre III, de ce Code - disposaient : « Sous-section 1re. - Des dérogations au plan de secteur

Art. 110.En dehors des zones qui leur sont plus spécialement réservées, les constructions et équipements de service public ou communautaires peuvent être admis, pour autant soit qu'ils respectent, soit structurent, soit recomposent les lignes de force du paysage.

Art. 110bis.En dehors des zones d'extraction, peut être autorisé pour une durée limitée, sur avis de la Commission visée à l'article 5, l'établissement destiné à l'extraction ou à la valorisation de roches ornementales à partir d'une carrière ayant été exploitée et nécessaire à un chantier de rénovation, de transformation, d'agrandissement ou de reconstruction d'un immeuble dans le respect du site bâti.

Art. 111.Les constructions, les installations ou les bâtiments existants avant l'entrée en vigueur du plan de secteur, dont l'affectation actuelle ou future ne correspond pas aux prescriptions du plan de secteur peuvent faire l'objet de travaux de transformation, d'agrandissement ou de reconstruction.

Pour des besoins économiques, les bâtiments existant avant l'entrée en vigueur du plan de secteur, dont l'affectation est conforme aux prescriptions du plan de secteur peuvent faire l'objet de travaux de transformation ou d'agrandissement impliquant une dérogation à l'affectation d'une zone contiguë, à l'exclusion des zones naturelles, des zones de parcs et des périmètres de point de vue remarquable.

La construction, l'installation ou le bâtiment tel que transformé, agrandi ou reconstruit doit s'intégrer au site bâti ou non bâti.

Art. 112.A l'exclusion des zones naturelles, des zones de parcs et des périmètres de point de vue remarquable, un permis d'urbanisme peut être octroyé dans une zone du plan de secteur qui n'est pas compatible avec l'objet de la demande pour autant que : 1° le terrain soit situé entre deux habitations construites avant l'entrée en vigueur du plan de secteur et distantes l'une de l'autre de 100 mètres maximum;2° ce terrain et ces habitations soient situés à front de voirie et du même côté d'une voie publique suffisamment équipée en eau, électricité et égouttage, pourvue d'un revêtement solide et d'une largeur suffisante, compte tenu de la situation des lieux;3° les constructions, transformations, agrandissements ou reconstructions s'intègrent au site bâti ou non bâti et ne compromettent pas l'aménagement de la zone. Toutefois, aucun permis ne peut être délivré pour des terrains situés à front de voies publiques divisées en quatre bandes de circulation au moins.

Sous-section 2. - Des autres dérogations

Art. 113.Un permis d'urbanisme peut être octroyé en dérogation aux prescriptions d'un plan communal d'aménagement, d'un permis de lotir ou d'un règlement régional ou communal d'urbanisme dans une mesure compatible avec la destination générale de la zone considérée, son caractère architectural et l'option urbanistique visée par lesdites prescriptions.

Un permis de lotir peut, dans les mêmes conditions, déroger aux prescriptions d'un plan communal d'aménagement ou d'un règlement régional ou communal d'urbanisme.

Sous-section 3. - Des dispositions communes

Art. 114.Pour toute demande de permis impliquant l'application des dispositions de la présente section, le Gouvernement ou le fonctionnaire délégué peut à titre exceptionnel accorder des dérogations, pour autant que la demande soit préalablement soumise aux mesures particulières de publicité déterminées par le Gouvernement ainsi qu'à la consultation visée à l'article 4, alinéa 1er, 3° ».

L'article 3 du décret du 27 octobre 2005 abroge l'article 110 précité, tandis que, selon l'article 4 du même décret, l'article 110bis précité devient l'article 110 du CWATUP. B.7.3.1. Avant l'entrée en vigueur du décret du 27 octobre 2005, les permis d'urbanisme et les permis de lotir relatifs à des actes et travaux situés dans une zone à laquelle s'applique la prescription visée à l'article 28 du CWATUP ne pouvaient déroger au plan de secteur que dans les limites étroites fixées par les articles 110bis, 111 et 112 précités du CWATUP et dans le respect des conditions prévues par l'article 114 précité du CWATUP. B.7.3.2. Tel qu'il a été modifié par l'article 5, alinéa 3, du décret du 27 octobre 2005, l'article 127, § 3, du CWATUP permet la délivrance de tels permis dérogatoires au plan de secteur au-delà de ces limites.

L'autorité compétente peut désormais délivrer ces permis à propos d'autres actes et travaux situés dans une telle zone et non conformes à la prescription visée par l'article 28 du CWATUP, si ces actes et travaux respectent, structurent ou recomposent les lignes de force du paysage. Cette dernière condition relative aux lignes de force du paysage - identique à celle que formulait l'article 110 du CWATUP, abrogé par l'article 3 du décret du 27 octobre 2005 - vise à assurer l'exécution de la Convention européenne du paysage, signée à Florence le 20 octobre 2000 (Doc . parl., Parlement wallon, 2004-2005, n° 208/1, p. 4; ibid ., n° 208/5, pp. 4-11; C.R.I., Parlement wallon, 26 octobre 2005, n° 6, p. 18).

L'article 127, § 3, du CWATUP précise aussi désormais que ces permis ne peuvent être délivrés que si la demande de permis a été soumise aux « mesures particulières de publicité déterminées par le Gouvernement » ainsi qu'à la « consultation visée à l'article 4, alinéa 1er, 3° » du CWATUP. B.8.1. A la suite de sa modification par l'article 2 du décret du 27 octobre 2005, l'article 21 du CWATUP dispose : « Sauf pour les domaines des infrastructures ferroviaires ou aéroportuaires et des ports autonomes qu'il n'affecte pas, après avis de la commission régionale, le Gouvernement désigne les secteurs d'aménagement qui font l'objet d'un plan ».

B.8.2. Les domaines visés par cette disposition sont des parties du territoire de la Région wallonne qui sont occupées par des infrastructures ferroviaires, des infrastructures aéroportuaires ou par les infrastructures d'un port autonome et à propos desquelles les plans de secteur ne contiennent aucune indication graphique (teinte de fond, surimpression, tracé), ni aucune prescription littérale, de sorte que ces parties de territoire sont dépourvues de toute affectation selon ces plans (Doc. parl., Parlement wallon, 2004-2005, n° 208/1, pp.2-4).

Il n'est dès lors pas possible qu'un permis d'urbanisme ou un permis de lotir délivré pour des actes et travaux situés dans l'un de ces domaines puisse déroger au plan de secteur.

Par conséquent, pour les domaines visés à l'article 21 du CWATUP, en ce qu'elle autorise la délivrance de permis qui dérogent au plan de secteur, la disposition attaquée ne constitue pas une réduction sensible du niveau de protection de l'environnement sain des personnes dont l'environnement peut être affecté par la délivrance de permis d'urbanisme ou de permis de lotir relatifs à des actes et travaux situés dans ces domaines. Elle ne peut non plus engendrer la différence de traitement dénoncée.

B.9.1. Tel qu'il a été modifié par l'article 5, alinéa 3, du décret du 27 octobre 2005, l'article 127, § 3, du CWATUP multiplie les cas dans lesquels l'autorité qui délivre un permis d'urbanisme ou un permis de lotir peut déroger aux règles énoncées par l'article 28 du CWATUP, de manière telle que la portée des prescriptions qui s'attachent aux zones concernées s'en trouve fortement amoindrie.

De plus, à la différence de l'article 114 du CWATUP qui s'appliquait aux dérogations au plan de secteur prévues par les articles 110bis, 111 et 112 précités du CWATUP, cette disposition ne précise pas que les dérogations au plan de secteur qu'elle autorise ne peuvent être accordées qu'à titre exceptionnel (Doc . parl., Parlement wallon, 2004-2005, n° 208/1, p. 3).

La disposition attaquée constitue dès lors une réduction sensible du niveau de protection de l'environnement sain des personnes dont l'environnement peut être affecté par la délivrance d'un permis d'urbanisme ou d'un permis de lotir portant sur des actes et travaux situés dans une zone à laquelle s'applique la prescription visée à l'article 28 du CWATUP. B.9.2. Les dispositions attaquées visent à « revivifier les villes en réurbanisant les centres », à « renforcer et [...] relever la mixité entre les logements, les commerces, les infrastructures pour la culture ou encore les transports en commun [...] au coeur des villes et des villages », à « disposer de ZACC [zones d'aménagement communal concerté] réellement ouvertes à différentes fonctions dans le respect de la cohérence régionale et des conditions d'urbanisation », sans « pour autant [...] ouvrir de nouvelles zones excentrées », et à respecter davantage « la destination originelle des zones d'activité économique » (Doc. parl ., Parlement wallon, 2004-2005, n° 208/5, p. 3).

Les dispositions attaquées sont aussi présentées comme une « occasion de valoriser le patrimoine commun » et une « excellente aubaine pour les communes et les villes » en raison du caractère public de la majorité des propriétés situées dans les zones auxquelles s'applique la prescription de l'article 28 du CWATUP. Elles permettent de surcroît la mise à disposition rapide des « moyens privés importants » qui sont actuellement disponibles en vue d'investir au coeur des villes et villages dans le cadre de partenariats public-privé. Elles autorisent le « recyclage des zones déjà destinées à l'urbanisation [...] qui se trouvent le plus souvent au milieu des zones urbanisables mais qui, aujourd'hui ne coïncident plus aux attentes ou besoins pour lesquels elles ont été inscrites dans les plans de secteur » (ibid ., p. 3). La surface des terrains disponibles dans les zones auxquelles s'applique la prescription de l'article 28 du CWATUP serait de 9 523 hectares. La mise à disposition de ces terrains supplémentaires au coeur de la cité permettrait aux villes et communes de se protéger « de ' l'appétit ' et [de] la pression des promoteurs, tant de logements que de commerces, sur les zones en périphérie, dans les ZACC, voire même des demandes de modification de plans de secteur ». La surface des terres déjà urbanisables relevant des « zones de domaine militaire » et « zones de domaine militaire (champ d'aviation) » s'élèverait respectivement à 10 566 hectares et 1 563 hectares. La restitution de ces surfaces à la collectivité au coeur des cités, combinée à un allégement des procédures, permettrait « d'accompagner [...] plus rapidement les nombreux projets qui existent déjà dans [les] villes, [...] sans avoir à toucher aux terrains éventuellement disponibles en périphérie » (ibid ., p. 4).

Les dispositions attaquées visent, en définitive, à répondre à un besoin de « terrains à vocation économique », de terrains « à vocation commerciale » et de « terrains à vocation de logements », tout en encourageant la revitalisation des centres urbains, la rénovation, le retour des habitants au coeur des villes et la création en son sein d'une « mixité fonctionnelle, du commerce, de la culture, de l'éducation, du logement » public et privé (C.R.I ., Parlement wallon, 26 octobre 2005, n° 6, pp. 15 à 17).

B.9.3. Il ressort de ce qui précède que des motifs d'intérêt général justifient les dispositions attaquées, de sorte que la réduction, certes sensible, du niveau de protection de l'environnement qu'elles causent ne porte pas atteinte à l'article 23, alinéa 1er, alinéa 2 et alinéa 3, 4°, de la Constitution.

La différence de traitement dénoncée n'est pas non plus dépourvue de justification raisonnable. A cet égard, il convient en particulier de souligner que l'article 127, § 3, du CWATUP - contrairement à ce que soutient la requérante - n'a pas pour objet de modifier la destination des zones auxquelles s'applique la prescription de l'article 28 du CWATUP. La disposition attaquée se limite à donner à l'autorité compétente pour délivrer les permis relatifs à des actes et travaux situés dans ces zones la faculté de déroger au plan de secteur, dans le respect des conditions déterminées par cette disposition. La délivrance de ces permis reste en principe soumise aux règles énoncées à l'article 28 du CWATUP. Des dispositions dérogatoires doivent du reste toujours s'interpréter de manière restrictive et leur application doit être dûment motivée.

La disposition attaquée n'affecte pas non plus le périmètre ou la localisation des zones auxquelles s'applique l'article 28 du CWATUP, figurant dans les plans de secteur applicables avant son entrée en vigueur.

La disposition attaquée ne peut donc être assimilée à une révision des plans de secteur.

B.10. Dès lors que la disposition attaquée ne peut être assimilée à une révision des plans de secteur, il n'est pas nécessaire d'examiner les dispositions de droit international et de droit européen qui se fondent sur cette hypothèse et qui sont invoquées par la requérante dans le moyen.

B.11.1. Avant l'entrée en vigueur du décret du 27 octobre 2005, les permis d'urbanisme et les permis de lotir concernant les constructions et équipements de service public ou communautaires ne pouvaient déroger au plan de secteur que dans les limites étroites fixées par l'article 110 précité du CWATUP et dans le respect des conditions prévues par l'article 114 précité du CWATUP. Les zones « plus spécialement réservées » à ces constructions et équipements, visées à l'article 110 précité du CWATUP, sont les zones de services publics et d'équipements communautaires visées à l'article 28 du CWATUP. B.11.2. Tel qu'il a été modifié par l'article 5, alinéa 3, du décret du 27 octobre 2005, l'article 127, § 3, du CWATUP permet la délivrance de tels permis dérogatoires au plan de secteur dans des limites similaires.

A l'instar de l'article 110 précité du CWATUP, il exige en effet que les constructions et équipements visés par ces permis respectent, structurent ou recomposent les lignes de force du paysage. La disposition attaquée reproduit aussi les conditions de publicité et de consultation formulées par cette disposition.

Par conséquent, la disposition attaquée ne constitue pas une réduction du niveau de protection de l'environnement sain des personnes dont l'environnement peut être affecté par la délivrance de permis d'urbanisme ou de permis de lotir relatifs à ces constructions et équipements.

B.12. Le moyen unique n'est pas fondé.

Par ces motifs, la Cour rejette le recours.

Ainsi prononcé en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989, à l'audience publique du 20 juin 2007.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, M. Melchior.

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