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Arrêt
publié le 25 octobre 2007

Extrait de l'arrêt n° 122/2007 du 26 septembre 2007 Numéro du rôle : 4210 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 100, alinéa 1 er , 1°, des lois sur la comptabilité de l'Etat, coordonnées par l'arrêté royal du 17 La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges M. Bossu(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 122/2007 du 26 septembre 2007 Numéro du rôle : 4210 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 100, alinéa 1er, 1°, des lois sur la comptabilité de l'Etat, coordonnées par l'arrêté royal du 17 juillet 1991, posée par le Tribunal de première instance de Bruxelles.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges M. Bossuyt, L. Lavrysen, J.-P. Snappe, E. Derycke et J. Spreutels, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président A. Arts, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par jugement du 18 mai 2007 en cause de la SA « Kodeva » contre la Région flamande, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 30 mai 2007, le Tribunal de première instance de Bruxelles a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 100, 1°, des lois sur la comptabilité de l'Etat, coordonnées par l'arrêté royal du 17 juillet 1991, viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution en ce que sont prescrites les créances visées par cette disposition qui résultent d'un acte illicite à charge des communautés et des régions et qui, devant être produites selon les modalités fixées par la loi ou les règlements, ne l'ont pas été dans le délai de cinq ans à partir du premier janvier de l'année budgétaire au cours de laquelle elles sont nées, et ce alors que la prescription des autres créances résultant d'un acte illicite ne prend cours qu'à partir du moment de la connaissance matérielle du dommage ou à partir du jour suivant celui auquel s'est effectivement produit le fait ayant provoqué le dommage ? ».

Le 20 juin 2007, en application de l'article 72, alinéa 1er, de la loi spéciale du 6 janvier 1989, les juges-rapporteurs L. Lavrysen et J.-P. Snappe ont informé la Cour qu'ils pourraient être amenés à proposer de rendre un arrêt de réponse immédiate. (...) III. En droit (...) B.1. L'article 1er de la loi du 6 février 1970 relative à la prescription des créances à charge ou au profit de l'Etat et des provinces forme désormais l'article 100 des lois sur la comptabilité de l'Etat, coordonnées par l'arrêté royal du 17 juillet 1991, qui dispose : « Sont prescrites et définitivement éteintes au profit de l'Etat, sans préjudice des déchéances prononcées par d'autres dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles sur la matière : 1° les créances qui, devant être produites selon les modalités fixées par la loi ou le règlement, ne l'ont pas été dans le délai de cinq ans à partir du premier janvier de l'année budgétaire au cours de laquelle elles sont nées;2° les créances qui, ayant été produites dans le délai visé au 1°, n'ont pas été ordonnancées par les Ministres dans le délai de cinq ans à partir du premier janvier de l'année pendant laquelle elles ont été produites;3° toutes autres créances qui n'ont pas été ordonnancées dans le délai de dix ans à partir du premier janvier de l'année pendant laquelle elles sont nées. Toutefois, les créances résultant de jugements restent soumises à la prescription décennale; elles doivent être payées à l'intervention de la Caisse des dépôts et consignations ».

Jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi du 16 mai 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 16/05/2003 pub. 25/06/2003 numac 2003003343 source service public federal budget et controle de la gestion et service public federal finances Loi fixant les dispositions générales applicables aux budgets, au contrôle des subventions et à la comptabilité des communautés et des régions, ainsi qu'à l'organisation du contrôle de la Cour des comptes type loi prom. 16/05/2003 pub. 30/07/2015 numac 2015000394 source service public federal interieur Loi fixant les dispositions générales applicables aux budgets, au contrôle des subventions et à la comptabilité des communautés et des régions, ainsi qu'à l'organisation du contrôle de la Cour des comptes. - Coordination officieuse en langue allemande fermer « fixant les dispositions générales applicables aux budgets, au contrôle des subventions et à la comptabilité des communautés et des régions, ainsi qu'à l'organisation du contrôle de la Cour des comptes », cette disposition reste également applicable, en vertu de l'article 71, § 1er, de la loi spéciale de financement du 16 janvier 1989, aux communautés et aux régions. En vertu de l'article 11 de la loi-programme (II) du 27 décembre 2006 (Moniteur belge du 28 décembre 2006, troisième édition), qui modifie l'article 17 de la loi précitée du 16 mai 2003, le Roi peut reporter l'entrée en vigueur de cette loi du 16 mai 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 16/05/2003 pub. 25/06/2003 numac 2003003343 source service public federal budget et controle de la gestion et service public federal finances Loi fixant les dispositions générales applicables aux budgets, au contrôle des subventions et à la comptabilité des communautés et des régions, ainsi qu'à l'organisation du contrôle de la Cour des comptes type loi prom. 16/05/2003 pub. 30/07/2015 numac 2015000394 source service public federal interieur Loi fixant les dispositions générales applicables aux budgets, au contrôle des subventions et à la comptabilité des communautés et des régions, ainsi qu'à l'organisation du contrôle de la Cour des comptes. - Coordination officieuse en langue allemande fermer au 1er janvier 2010 au plus tard.

B.2. Avant l'entrée en vigueur de la loi du 10 juin 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/06/1998 pub. 17/07/1998 numac 1998009557 source ministere de la justice Loi modifiant certaines dispositions en matière de prescription fermer modifiant certaines dispositions en matière de prescription, le délai de prescription de droit commun était de trente ans. Le nouvel article 2262bis, § 1er, du Code civil, inséré par la loi précitée, énonce que les actions personnelles sont prescrites par dix ans à l'exception des actions en réparation d'un dommage fondées sur une responsabilité extracontractuelle qui se prescrivent par cinq ans à partir du jour qui suit celui où la personne lésée a eu connaissance du dommage ou de son aggravation et de l'identité de la personne responsable, ces actions se prescrivant en tout état de cause par vingt ans à partir du jour qui suit celui où s'est produit le fait qui a provoqué le dommage. Lorsque l'action a pris naissance avant l'entrée en vigueur de la loi du 10 juin 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/06/1998 pub. 17/07/1998 numac 1998009557 source ministere de la justice Loi modifiant certaines dispositions en matière de prescription fermer, l'article 10 de cette loi dispose, à titre de mesure transitoire, que les nouveaux délais de prescription qu'elle institue ne commencent à courir qu'à partir de son entrée en vigueur.

B.3. La Cour est interrogée sur la compatibilité de l'article 100, alinéa 1er, 1°, des lois coordonnées sur la comptabilité de l'Etat avec les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il prévoit un délai de prescription quinquennal pour les créances fondées sur la responsabilité extracontractuelle des pouvoirs publics, à compter du 1er janvier de l'année budgétaire au cours de laquelle elles sont nées, alors que la prescription des créances de droit commun portant sur l'indemnisation d'un préjudice, fondées sur une responsabilité extracontractuelle, débute le jour qui suit celui où la personne lésée a eu connaissance du préjudice ou le jour qui suit celui où s'est effectivement produit le fait générateur du dommage.

B.4. Ainsi que la Cour l'a jugé dans les arrêts nos 32/96, 75/97, 5/99, 85/2001, 42/2002, 64/2002, 37/2003, 1/2004, 86/2004, 127/2004, 165/2004, 170/2004, 153/2006 et 90/2007 en soumettant à la prescription quinquennale les actions dirigées contre l'Etat, le législateur a pris une mesure en rapport avec le but poursuivi, qui est de permettre de clôturer les comptes de l'Etat dans un délai raisonnable. Il a en effet considéré qu'une telle mesure était indispensable, parce qu'il faut que l'Etat puisse, à une époque déterminée, arrêter ses comptes : c'est une prescription d'ordre public et nécessaire au point de vue d'une bonne comptabilité (Pasin., 1846, p. 287).

Lors des travaux préparatoires de la loi du 6 février 1970, il fut rappelé que, « faisant pour plus de 150 milliards de dépenses par an, manoeuvrant un appareil administratif lourd et compliqué, submergé de documents et d'archives, l'Etat est un débiteur de nature particulière » et que « des raisons d'ordre imposent que l'on mette fin aussitôt que possible aux revendications tirant leur origine d'affaires arriérées » (Doc. parl., Chambre, 1964-1965, n° 971/1, p. 2; Doc. parl., Sénat, 1966-1967, n° 126, p. 4). Des arguments analogues justifient également le délai de prescription particulier pour les créances contre la Région flamande.

La circonstance que le délai de prescription des créances contre l'Etat et la Région flamande prenne déjà cours le 1er janvier de l'année budgétaire au cours de laquelle elles sont nées - et dès lors effectivement presque toujours avant la naissance de la créance - découle par ailleurs du critère spécifique qui est utilisé pour calculer le délai de prescription. Le choix de ce critère est justifié par la spécificité de l'Etat, des communautés et des régions en tant que débiteurs de ces créances. Comme ce mode de calcul procure un délai de prescription concret d'au moins quatre ans après la naissance de la créance, c'est-à-dire à partir du moment où tous les éléments constitutifs sont présents, à savoir une faute, un dommage et le lien de cause à effet entre les deux, la mesure n'a en outre pas d'effets disproportionnés, compte tenu de son objectif.

B.5. La question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 100, alinéa 1er, 1°, des lois sur la comptabilité de l'Etat, coordonnées par l'arrêté royal du 17 juillet 1991, ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il prévoit un délai de prescription quinquennal pour les actions en indemnisation fondées sur la responsabilité extracontractuelle de l'Etat fédéral, des communautés et des régions, à compter du 1er janvier de l'année budgétaire au cours de laquelle la créance est née.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989, à l'audience publique du 26 septembre 2007.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, A. Arts.

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