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Arrêt
publié le 31 octobre 2007

Extrait de l'arrêt n° 119/2007 du 19 septembre 2007 Numéro du rôle : 4071 En cause : la question préjudicielle concernant les articles 2, 3, § 1 er , c, et 8, § 1 er , de l'ordonnance de la Région de Bruxelles-C La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges P. Marte(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 119/2007 du 19 septembre 2007 Numéro du rôle : 4071 En cause : la question préjudicielle concernant les articles 2, 3, § 1er, c, et 8, § 1er, de l'ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 23 juillet 1992 relative à la taxe régionale à charge des occupants d'immeubles bâtis et de titulaires de droits réels sur certains immeubles, posée par le Tribunal de première instance de Bruxelles.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges P. Martens, M. Bossuyt, E. De Groot, A. Alen et J.-P. Moerman, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président A. Arts, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par jugement du 7 novembre 2006 en cause de la SA « R+V Real Estate Belgium » contre la Région de Bruxelles-Capitale, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 16 novembre 2006, le Tribunal de première instance de Bruxelles a posé la question préjudicielle suivante : « Les articles 2, 3, § 1er, c, et 8, § 1er, de l'ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 23 juillet 1992 relative à la taxe régionale à charge des occupants d'immeubles bâtis et de titulaires de droits réels sur certains immeubles violent-ils l'article 170, § 2, de la Constitution, l'article 11 de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des communautés et des régions et l'article 1er de la loi du 23 janvier 1989Documents pertinents retrouvés type loi prom. 23/01/1989 pub. 22/04/2011 numac 2011000233 source service public federal interieur Loi sur la juridiction visée aux articles 92bis, § 5 et § 6, et 94, § 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles. - Coordination officieuse en langue allemande fermer relative à la compétence fiscale visée à l'article 110, §§ 1er et 2, de la Constitution, dans la mesure où un impôt régional est instauré à charge de certains titulaires de droits réels ou d'un droit d'usage sur des immeubles non affectés à la résidence, alors qu'il serait interdit aux régions de lever des impôts dans une matière qui est déjà imposée par le précompte immobilier ? ». (...) III. En droit (...) B.1.1. L'article 2 de l'ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 23 juillet 1992 relative à la taxe régionale à charge des occupants d'immeubles bâtis et de titulaires de droits réels sur certains immeubles dispose : « A partir de l'exercice 1993, il est établi une taxe annuelle à charge des occupants d'immeubles bâtis situés sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale et de titulaires de droits réels sur des immeubles non-affectés à la résidence; elle est due sur la base de la situation existante au 1er janvier de l'exercice d'imposition ».

B.1.2. L'article 3, § 1er, de cette même ordonnance dispose : « La taxe est à charge : a) de tout chef de ménage occupant, à titre de résidence principale ou secondaire, tout ou partie d'un immeuble bâti situé sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale. Constitue un ménage au sens de la présente ordonnance soit une personne vivant seule, soit la réunion de deux ou plusieurs personnes qui résident habituellement dans le même logement et y ont une vie commune.

En cas de contestation quant à la composition du ménage, la production d'un certificat de composition de ménage, délivré par l'administration communale, pourra être exigée à titre de preuve; b) de tout occupant de tout ou partie d'un immeuble bâti situé sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale et qui y exerce, pour son propre compte, une activité lucrative ou non, en ce compris une profession libérale, et de toute personne morale ou association de fait qui l'occupe à titre de siège social, administratif, d'exploitation ou d'activité. Constitue une association de fait le groupement de personnes physiques pour organiser entre elles, sur la base d'un contrat écrit, dans un même immeuble, et en partageant les frais, les services communs destiné à assurer l'exercice d'une même profession, et, le cas échéant, pour participer aux bénéfices qui pourraient en résulter; c) du propriétaire en pleine propriété ou, à défaut d'un propriétaire en plein propriété, de l'emphytéote, de l'usufruitier ou du titulaire du droit d'usage pour tout ou partie d'immeuble bâti, situé sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale, non affecté à l'usage sous a) ci-dessus ». B.1.3. Les redevables visés à l'article 3, § 1er, c), doivent, conformément à l'article 8, § 1er, de la même ordonnance, payer une taxe de 5 euros par immeuble bâti (6,36 euros à partir de l'exercice d'imposition 2002) le mètre carré de surface plancher au-delà des 300 premiers mètres carrés (au-delà des 2 500 premiers mètres carrés, s'il s'agit de surfaces affectées à des activités industrielles ou artisanales). Le montant ne peut toutefois dépasser 14 p.c. du revenu cadastral indexé afférent à la surface soumise à la taxe.

B.2. La question préjudicielle porte sur la compatibilité des dispositions précitées avec l'article 170, § 2, de la Constitution, avec l'article 11 de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des communautés et des régions et avec l'article 1er de la loi du 23 janvier 1989Documents pertinents retrouvés type loi prom. 23/01/1989 pub. 22/04/2011 numac 2011000233 source service public federal interieur Loi sur la juridiction visée aux articles 92bis, § 5 et § 6, et 94, § 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles. - Coordination officieuse en langue allemande fermer « relative à la compétence fiscale visée à l'article 110 [actuellement 170], §§ 1er et 2, de la Constitution ».

Pour répondre à cette question, la Cour prend en considération les règles répartitrices de compétences telles qu'elles étaient en vigueur au moment où l'ordonnance en cause a été adoptée.

B.3. Dans son avis concernant l'avant-projet de l'ordonnance en cause, la section de législation du Conseil d'Etat a estimé que l'article 11 de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des communautés et des régions et l'article unique de la loi du 23 janvier 1989Documents pertinents retrouvés type loi prom. 23/01/1989 pub. 22/04/2011 numac 2011000233 source service public federal interieur Loi sur la juridiction visée aux articles 92bis, § 5 et § 6, et 94, § 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles. - Coordination officieuse en langue allemande fermer portant exécution de l'article 110, § 2, alinéa 2, de la Constitution (actuellement l'article 1er de la loi du 23 janvier 1989Documents pertinents retrouvés type loi prom. 23/01/1989 pub. 22/04/2011 numac 2011000233 source service public federal interieur Loi sur la juridiction visée aux articles 92bis, § 5 et § 6, et 94, § 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles. - Coordination officieuse en langue allemande fermer « relative à la compétence fiscale visée à l'article 110 [actuellement 170], §§ 1er et 2, de la Constitution ») n'étaient pas violés.

Dans son arrêt n° 2/94 du 13 janvier 1994, la Cour a rejeté deux recours en annulation de l'ordonnance litigieuse. Bien que, dans cet arrêt, la compétence contestée était non celle d'instaurer la taxe en tant que telle, mais uniquement celle de prévoir des majorations d'impôt, la Cour a précisé qu'il ressort de l'article 170, § 2, de la Constitution et de l'article unique (à l'époque) de la loi du 23 janvier 1989Documents pertinents retrouvés type loi prom. 23/01/1989 pub. 22/04/2011 numac 2011000233 source service public federal interieur Loi sur la juridiction visée aux articles 92bis, § 5 et § 6, et 94, § 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles. - Coordination officieuse en langue allemande fermer relative à l'application de cette disposition constitutionnelle que les communautés et les régions disposent d'une compétence fiscale propre, mais qu'il leur est interdit de lever des impôts dans les matières qui font l'objet d'une imposition fédérale.

Toujours selon cet arrêt, cette compétence emporte celle de déterminer non seulement les éléments essentiels de l'impôt lui-même mais aussi les majorations et les intérêts qui en constituent les éléments accessoires. La Cour n'aperçoit pas pour quelles raisons elle en déciderait autrement.

B.4.1. En vertu de l'article 170, § 2, alinéa 2, de la Constitution, les communautés et les régions disposent d'une compétence fiscale propre. Cette disposition attribue toutefois au législateur fédéral le pouvoir de déterminer, en ce qui concerne la compétence fiscale des communautés et des régions, les exceptions « dont la nécessité est démontrée ». Le législateur fédéral peut dès lors déterminer quels impôts ne peuvent pas être levés par les communautés et les régions.

B.4.2. En application de l'article 1er, § 2, de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des communautés et des régions, la Région wallonne, la Région flamande et la Région de Bruxelles-Capitale disposent des moyens financiers suivants : a) les taxes instaurées sur la base de la fiscalité propre prévue par l'article 170, § 2, de la Constitution;b) les recettes non fiscales;c) les recettes fiscales visées par la loi spéciale précitée du 16 janvier 1989 (les « impôts régionaux »);d) les parties attribuées du produit d'impôts et de perceptions;e) une intervention de solidarité nationale;f) les emprunts. B.4.3. L'article 11, alinéa 2, de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des communautés et des régions dispose : « Sous la réserve des cas prévus par la présente loi, les Communautés et les Régions ne sont pas autorisées à lever des impôts dans les matières qui font l'objet d'une imposition visée par la présente loi ».

B.4.4. En application de l'article 170, § 2, alinéa 2, de la Constitution, l'article 1er de la loi du 23 janvier 1989Documents pertinents retrouvés type loi prom. 23/01/1989 pub. 22/04/2011 numac 2011000233 source service public federal interieur Loi sur la juridiction visée aux articles 92bis, § 5 et § 6, et 94, § 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles. - Coordination officieuse en langue allemande fermer dispose : « Dans les cas non prévus par l'article 11 de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des Communautés et des Régions, les Conseils ne sont pas autorisés à lever des impôts dans les matières qui font l'objet d'une imposition par l'Etat, ni à percevoir des centimes additionnels aux impôts et perceptions au profit de l'Etat, ni à accorder des remises sur ceux-ci ».

B.4.5. Il résulte de ce qui précède que : a) la Constitution elle-même attribue aux communautés et aux régions une compétence fiscale propre, sous la réserve que la loi n'ait pas déterminé ou ne détermine pas ultérieurement les exceptions dont la nécessité est démontrée;b) la loi spéciale du 16 janvier 1989 attribue en outre aux communautés et aux régions le produit de certains impôts fédéraux ainsi qu'une compétence fiscale complémentaire et limitée;c) les communautés et les régions ne sont cependant pas autorisées à percevoir des impôts à l'égard de matières qui font l'objet d'un impôt fédéral.Elles « peuvent lever des impôts dans des matières vierges » (Doc. parl., Sénat, 1988-1989, n° 562-2, p. 160).

B.5. La Cour doit dès lors examiner si l'ordonnance litigieuse frappe une matière qui fait déjà l'objet d'une imposition fédérale.

B.6. La matière imposable est l'élément générateur de l'impôt, la situation ou le fait qui donne lieu à la débition de l'impôt. La matière imposable se distingue de la base imposable, qui est le montant sur lequel est calculé l'impôt. C'est à l'égard de matières qui font déjà l'objet d'un impôt fédéral que les communautés et les régions ne sont pas autorisées à établir une imposition nouvelle.

B.7. Le précompte immobilier est un « impôt régional » (article 3, alinéa 1er, 5°, de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des communautés et des régions).

Les régions sont compétentes pour modifier le taux d'imposition, les exonérations et, depuis le 1er janvier 2002, également la base d'imposition du précompte immobilier (article 4, § 2, de la même loi).

B.8. La matière imposable du précompte immobilier sont les revenus d'immeubles situés en Belgique (article 249 du CIR 1992). La base d'imposition est le revenu cadastral. Le revenu cadastral est censé correspondre au revenu moyen normal net d'une année, que serait susceptible de procurer un bien immobilier selon l'estimation de l'Administration du cadastre.

B.9. La matière imposable visée par les dispositions en cause est le droit réel sur tout ou partie d'un bien immobilier situé sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale. Etant donné que cette matière n'est pas imposée par le législateur fédéral, la Région de Bruxelles-Capitale a pu valablement l'imposer.

B.10. La question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : Les articles 2, 3, § 1er, c, et 8, § 1er, de l'ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 23 juillet 1992 relative à la taxe régionale à charge des occupants d'immeubles bâtis et de titulaires de droits réels sur certains immeubles ne violent ni l'article 170, § 2, de la Constitution, ni l'article 11 de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des communautés et des régions, ni l'article 1er de la loi du 23 janvier 1989Documents pertinents retrouvés type loi prom. 23/01/1989 pub. 22/04/2011 numac 2011000233 source service public federal interieur Loi sur la juridiction visée aux articles 92bis, § 5 et § 6, et 94, § 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles. - Coordination officieuse en langue allemande fermer « relative à la compétence fiscale visée à l'article 110 [actuellement 170], §§ 1er et 2, de la Constitution ».

Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989, à l'audience publique du 19 septembre 2007.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, A. Arts.

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