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Arrêt
publié le 23 avril 2008

Extrait de l'arrêt n° 32/2008 du 28 février 2008 Numéro du rôle : 4217 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 25 du décret flamand du 22 décembre 1995 contenant diverses mesures d'accompagnement du budget 1996, posée par La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et M. Melchior, et des juges R. He(...)

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23/04/2008
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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 32/2008 du 28 février 2008 Numéro du rôle : 4217 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 25 du décret flamand du 22 décembre 1995 contenant diverses mesures d'accompagnement du budget 1996, posée par le Tribunal de première instance de Termonde.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et M. Melchior, et des juges R. Henneuse, E. De Groot, L. Lavrysen, J.-P. Snappe et E. Derycke, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Bossuyt, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par jugement du 18 mai 2007 en cause d'Etienne Verbeeck contre la commune de Tamise, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 11 juin 2007, le Tribunal de première instance de Termonde a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 25 du décret du 22 décembre 1995 contenant diverses mesures d'accompagnement du budget 1996, fondamentalement réformé par le décret du 7 mai 2004 (décret du 22 décembre 1995, Moniteur belge du 30 décembre 1995, modifié par le décret du 8 juillet 1996, Moniteur belge du 19 octobre 1996; décret du 8 juillet 1997, Moniteur belge du 22 octobre 1997; décret du 7 juillet 1998, Moniteur belge du 28 août 1998; décret du 18 mai 1999, Moniteur belge du 8 juin 1999; décret du 30 juin 2000, Moniteur belge du 17 août 2000; décret du 6 juillet 2001, Moniteur belge du 10 octobre 2001 et décret du 7 mai 2004, Moniteur belge du 5 août 2004), ne viole-t-il pas le principe constitutionnel d'égalité et de non-discrimination (violation des articles 10 et 11 de la Constitution), dès lors que cette disposition décrétale permet aux communes d'avoir leur propre règlement de taxation, ce qui a pour effet, selon la circulaire B.A. 92/9 du 29 avril 1996 relative à la redevance visant à lutter contre la désaffectation et la dégradation des bâtiments et/ou habitations, que les possibilités suivantes peuvent se présenter : - une commune sans règlement n'établit pas de centimes additionnels : seule la taxe régionale est due; - une commune sans règlement établit des centimes additionnels : taxe régionale + centimes additionnels; - une commune sans règlement instaure son propre règlement : taxe régionale + taxe communale; - une commune ayant un règlement maintient celui-ci : taxe régionale + taxe communale; - une commune ayant un règlement retire celui-ci : seule la taxe régionale est due; - une commune ayant un règlement passe aux centimes additionnels : taxe régionale + centimes additionnels (+ retrait du règlement !) compte tenu, en outre, du constat que l'assiette et le mode de calcul de cette taxe communale ne doivent pas correspondre au mode de calcul prévu et détaillé dans l'article 36 du décret précité ? ». (...) III. En droit (...) B.1. Le décret du 22 décembre 1995 « contenant diverses mesures d'accompagnement du budget 1996 » a instauré une taxe régionale sur les bâtiments désaffectés et/ou laissés à l'abandon et les habitations désaffectées, laissées à l'abandon, inadaptées et/ou inhabitables.

L'article 25 de ce décret disposait à cet égard, au moment des faits soumis au juge a quo : « La Région flamande impose une redevance relative aux bâtiments désaffectés et/ou laissés à l'abandon et les habitations désaffectées, laissées à l'abandon, inadaptées et/ou inhabitables figurant à l'inventaire visé par la sous-section 3 de la présente section. » B.2. Avant l'instauration de la taxe régionale par le décret du 22 décembre 1995, un certain nombre de villes et de communes avaient déjà leur propre taxe d'inoccupation ou taxe sur les taudis. Dans les travaux préparatoires du décret du 22 décembre 1995, il est dit à propos de la relation entre la taxe régionale d'inoccupation et les éventuelles taxes communales : « Au niveau communal, il existe déjà depuis bien plus longtemps des règlements en vue de combattre la taudisation et l'inoccupation. Le présent règlement en a tenu compte dans la mesure du possible. [...] La Région flamande ne porte pas atteinte au pouvoir autonome des communes de taxer elles-mêmes l'inoccupation ou la taudisation, mais leur offre la possibilité de lever, sans aucune limite, des centimes additionnels à la taxe régionale. Bien que le projet ne le prévoie pas expressément, il est tout de même évident qu'elles ne peuvent combiner les centimes additionnels avec une taxe levée en vertu d'un règlement communal sur l'inoccupation ou la taudisation, parce que cela serait contraire à la règle 'non bis in idem '. En d'autres termes, les communes doivent choisir entre les centimes additionnels à la taxe régionale ou le maintien du règlement communal » (Doc. parl., Conseil flamand, 1995-1996, n° 147/1, p. 18).

B.3. Dans la circulaire BA 92/9 du Ministère de la Communauté flamande du 29 avril 1996 « relative à la redevance visant à lutter contre la désaffectation et la dégradation des bâtiments et/ou habitations », la relation entre la taxe régionale et une éventuelle taxe communale a été expliquée comme suit : « La Région flamande ne porte nullement atteinte au pouvoir autonome des communes de taxer elles-mêmes l'inoccupation et la taudisation.

Les communes demeurent donc totalement libres de conserver leur propre règlement.

Mais le décret offre la possibilité d'établir des centimes additionnels à la taxe régionale. Ce n'est que dans le cas où cette solution est choisie que le règlement communal doit être abrogé (application de la règle 'non bis in idem ' : une même situation ou un même objet ne peuvent pas être taxés deux fois par une même autorité à charge du même contribuable).

En résumé, les possibilités suivantes peuvent se présenter : - une commune sans règlement n'établit pas de centimes additionnels : seule la taxe régionale est due; - une commune sans règlement établit des centimes additionnels : taxe régionale + centimes additionnels; - une commune sans règlement instaure son propre règlement : taxe régionale + taxe communale; - une commune ayant un règlement maintient celui-ci : taxe régionale + taxe communale; - une commune ayant un règlement retire celui-ci : seule la taxe régionale est due; - une commune ayant un règlement passe aux centimes additionnels : taxe régionale + centimes additionnels (+ retrait du règlement !) ».

B.4. Le juge a quo demande en substance si la disposition en cause est compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce que cette disposition n'empêche pas les communes de conserver ou d'instaurer une taxe d'inoccupation en sus de la taxe d'inoccupation régionale. Ceci aurait pour conséquence de faire naître une différence de traitement entre les habitants des communes selon que celles-ci décident 1°) de lever des centimes additionnels à la taxe régionale d'inoccupation, 2°) d'imposer une taxe communale d'inoccupation en sus de la taxe régionale, 3°) de ne prévoir ni une taxe d'inoccupation communale, ni des centimes additionnels à la taxe d'inoccupation régionale.

B.5. Les travaux préparatoires du décret du 22 décembre 1995 font apparaître que le législateur décrétal considérait qu'il n'était pas compétent pour supprimer une taxe établie par une commune. Il a été dit à ce sujet : « La Région flamande est compétente pour imposer des taxes visant à combattre l'inoccupation et l'abandon sur la base de l'article 6, § 1er, I, 4° et 5° (matières concernant la rénovation urbaine et la rénovation des sites d'activité économique désaffectés) et de l'article 6, § 1er, IV (matières concernant le logement).

En adoptant les règles proposées, le législateur décrétal n'a pas l'intention d'intervenir dans la fiscalité des provinces, des communes, des agglomérations ou fédérations de communes et respecte les règles de compétence en la matière. En effet, les communes ne sont pas obligées d'adhérer au système régional. Elles ont la liberté d'établir des centimes additionnels à la taxe. Le législateur décrétal ne prend aucune disposition juridique visant à supprimer - totalement ou partiellement - des taxes qui ont été établies par un pouvoir subordonné. Les communes conservent la compétence autonome de décider de se rallier au système régional ou de conserver leurs propres règlements sur l'inoccupation et la taudisation. L'article 170, § 3, de la Constitution coordonnée est respecté » (Doc. parl., Parlement flamand, 1995-1996, n° 147/1, pp. 18-19).

B.6. A l'époque où le législateur décrétal a adopté la disposition en cause, c'est-à-dire le 22 décembre 1995, le pouvoir de déterminer des exceptions à l'égard des impôts provinciaux et communaux sur la base de l'article 170, § 4, de la Constitution devait effectivement être considéré comme étant réservé par la Constitution au législateur fédéral, de sorte que les communautés et les régions pouvaient régler cette matière pour autant seulement que cela fût nécessaire à l'exercice de leur compétence (article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles).

B.7. Compte tenu des objections formulées par la section de législation du Conseil d'Etat dans son avis du 17 février 1994 (Doc. parl., Conseil flamand, 1993-1994, n° 591/1, pp. 58-60) concernant un projet de décret antérieur qui remplaçait la taxe d'inoccupation communale par une taxe régionale sur laquelle les communes pouvaient lever des centimes additionnels, il ne peut être reproché en l'espèce au législateur décrétal de ne pas avoir souhaité user de la compétence que lui confère l'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980.

B.8. Compte tenu de ce qui précède, il ne peut pas non plus être reproché au législateur décrétal de ne pas empêcher les communes de maintenir ou d'instaurer une taxe sur l'inoccupation, en sus de la taxe d'inoccupation régionale instaurée par le décret du 22 décembre 1995.

Par ailleurs, une différence de traitement dans des matières pour lesquelles les communes disposent d'une compétence propre est la conséquence légitime de politiques distinctes et ne peut, en soi, être jugée contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution.

B.9. La question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 25 du décret flamand du 22 décembre 1995 contenant diverses mesures d'accompagnement du budget 1996 ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989, à l'audience publique du 28 février 2008.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, M. Bossuyt.

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