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Arrêt
publié le 11 août 2008

Extrait de l'arrêt n° 106/2008 du 17 juillet 2008 Numéro du rôle : 4316 En cause : le recours en annulation des articles 22 à 26 du décret fiscal de la Région wallonne du 22 mars 2007 favorisant la prévention et la valorisation des déchets La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Melchior et M. Bossuyt, et des juges P. Ma(...)

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Extrait de l'arrêt n° 106/2008 du 17 juillet 2008 Numéro du rôle : 4316 En cause : le recours en annulation des articles 22 à 26 du décret fiscal de la Région wallonne du 22 mars 2007 favorisant la prévention et la valorisation des déchets en Région wallonne et portant modification du décret du 6 mai 1999 relatif à l'établissement, au recouvrement et au contentieux en matière de taxes régionales directes, introduit par l'ASBL « FEBELAUTO » et autres.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Melchior et M. Bossuyt, et des juges P. Martens, R. Henneuse, E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, J. Spreutels et T. Merckx-Van Goey, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 23 octobre 2007 et parvenue au greffe le 24 octobre 2007, un recours en annulation des articles 22 à 26 du décret fiscal de la Région wallonne du 22 mars 2007 favorisant la prévention et la valorisation des déchets en Région wallonne et portant modification du décret du 6 mai 1999 relatif à l'établissement, au recouvrement et au contentieux en matière de taxes régionales directes (publié au Moniteur belge du 24 avril 2007) a été introduit par l'ASBL « FEBELAUTO », dont le siège est établi à 1200 Bruxelles, boulevard de la Woluwe 46, l'ASBL « VALORFRIT », dont le siège est établi à 1040 Bruxelles, avenue des Arts 43, l'ASBL « VALORLUB », dont le siège est établi à 1040 Bruxelles, avenue des Arts 39/2, l'ASBL « Recytyre », dont le siège est établi à 1140 Bruxelles, avenue Jules Bordet 164, l'ASBL « RECYBAT », dont le siège est établi à 1200 Bruxelles, boulevard de la Woluwe 46, l'ASBL « Fonds pour la Collecte des Piles », dont le siège est établi à 1932 Woluwe-Saint-Etienne, Woluwelaan 28, l'ASBL « RECUPEL », dont le siège est établi à 1930 Zaventem, Excelsiorlaan 91, l'ASBL « FOST Plus », dont le siège est établi à 1200 Bruxelles, rue Martin V 40, l'ASBL « VAL-I-PAC », dont le siège est établi à 1780 Wemmel, avenue Reine Astrid 59, et l'ASBL « Fonds d'intervention vieux papier », dont le siège est établi à 1160 Bruxelles, avenue Edmond Van Nieuwenhuyse 8. (...) II. En droit (...) Quant aux dispositions attaquées B.1. Le recours en annulation est dirigé contre les articles 22 à 26 du décret fiscal de la Région wallonne du 22 mars 2007 favorisant la prévention et la valorisation des déchets en Région wallonne et portant modification du décret du 6 mai 1999 relatif à l'établissement, au recouvrement et au contentieux en matière de taxes régionales directes (ci-après : le décret fiscal du 22 mars 2007).

B.2. Les articles 22 à 26 du décret fiscal du 22 mars 2007 constituent le chapitre VI « Taxe sur les déchets soumis à une obligation de reprise » du décret. Ils disposent : «

Art. 22.Il est établi une taxe sur les déchets pour lesquels existe en Région wallonne une obligation de reprise prévue par un accord de coopération interrégional, par une législation wallonne ou par une convention environnementale prise en exécution de ceux-ci.

Art. 23.Le redevable de la taxe est la personne physique ou morale soumise à l'obligation de reprise ou, en cas d'adhésion à une convention environnementale ou à un organisme agréé chargé de l'exécution de l'obligation de reprise, l'organisme assurant la gestion de l'obligation de reprise.

Art. 24.La base de la taxe est le nombre de tonnes de déchets résultant des produits mis sur le marché en Région wallonne et qui doivent, en vertu de l'obligation de reprise, faire l'objet d'une collecte, d'un recyclage et/ou d'une valorisation.

Le redevable de la taxe est exonéré pour le nombre de tonnes de déchets effectivement collectées, recyclées et/ou valorisées au cours de l'exercice en exécution de l'obligation de reprise.

Art. 25.Le montant de la taxe est fixé à 150 euros/tonne de déchets.

La taxe n'est pas due les deux premières années de l'entrée en vigueur effective de l'obligation de reprise.

Art. 26.Le Gouvernement fixe la méthode pour la détermination du poids total des déchets résultant des produits mis sur le marché en Région wallonne proportionnellement à la population résidant en Région wallonne par rapport à la population belge, et pour la détermination du poids total des déchets collectés, recyclés ou valorisés, pour lesquels il existe une obligation de reprise ».

Le décret fiscal du 22 mars 2007 est entré en vigueur, en vertu de son article 72, le 1er janvier 2008.

B.3. Les parties requérantes sont des associations sans but lucratif donc l'objet social consiste en la gestion et l'organisation de l'obligation de reprise de biens ou de déchets imposée à leurs membres ou adhérents; elles sont, en vertu de l'article 23 attaqué, les redevables de la taxe sur les déchets soumis à une obligation de reprise.

B.4.1. L'accord de coopération du 30 mai 1996 concernant la prévention et la gestion des déchets d'emballages, conclu entre les trois régions et approuvé par le décret wallon du 16 janvier 1997, impose une obligation de reprise à charge des responsables d'emballages : cette obligation de reprise vise à faire supporter aux responsables d'emballages le coût réel et complet de la collecte, de la valorisation et de l'élimination des déchets d'emballages, dans les limites et modalités décrites dans l'accord de coopération (article 3, § 1er, 4°, de l'accord).

La mise en oeuvre de cette obligation peut être confiée à un organisme agréé aux conditions prévues par l'accord de coopération.

Les ASBL « FOST PLUS » et « VAL-I-PAC » - huitième et neuvième parties requérantes - ont été agréées par la Commission interrégionale de l'emballage, respectivement pour les déchets d'emballages ménagers et les déchets d'emballages d'origine industrielle.

B.4.2. L'organisme agréé doit constituer une sûreté financière (article 11 de l'accord), est soumis au contrôle de la Commission interrégionale de l'emballage (articles 14 et 15 de l'accord), et, s'il n'atteint pas les pourcentages de recyclage et de valorisation fixés par l'accord de coopération, peut encourir des amendes administratives fixées par le secrétariat permanent de la Commission interrégionale de l'emballage, ainsi que le retrait ou la suspension de l'agrément (articles 29 et 30 de l'accord).

B.5.1. Outre l'obligation de reprise pour les déchets d'emballages, prévue par l'accord de coopération précité, l'article 1er du décret du 20 décembre 2001 « modifiant le décret du 27 juin 1996 relatif aux déchets en vue de l'instauration d'une obligation de reprise de certains biens ou déchets » a inséré dans le décret du 27 juin 1996 relatif aux déchets un article 8bis, qui prévoit que le Gouvernement peut imposer une obligation de reprise de certains biens ou déchets mis sur le marché.

En ce qui concerne cette disposition, les travaux préparatoires exposent : « [...] l'obligation de reprise dans son mécanisme permet d'augmenter le tri, la sélection et le recyclage des déchets dans le cadre d'une politique qui se veut préventive et surtout s'inscrit dans la perspective du développement durable qui constitue un principe fort vers lequel il convient de s'orienter de plus en plus » (Doc. parl., Parlement wallon, 2002-2002, n° 265/4, p. 3).

L'article 8bis du décret du 27 juin 1996, tel qu'il a été modifié par l'article 13 du décret du 22 mars 2007 « modifiant le décret du 27 juin 1996 relatif aux déchets », dispose : « § 1er. Le Gouvernement peut imposer aux producteurs une obligation de reprise de biens ou déchets résultant de la mise sur le marché ou de l'utilisation pour leur usage propre de biens, matières premières ou produits en vue d'assurer la prévention, la réutilisation, le recyclage, la valorisation et/ou une gestion adaptée de ces biens ou déchets et d'internaliser tout ou partie des coûts de gestion.

L'obligation de reprise consiste en une obligation de prendre des mesures de prévention des déchets et de reprendre ou de faire reprendre, de collecter ou de faire collecter, de réutiliser ou de faire réutiliser, de valoriser ou de faire valoriser, d'éliminer ou de faire éliminer les biens ou déchets visés par l'obligation de reprise.

Elle comporte la couverture des coûts y afférents, en ce compris le financement du coût des audits et des contrôles financiers imposés par le Gouvernement. § 2. Le Gouvernement désigne les biens ou déchets concernés par une obligation de reprise et détermine dans chaque cas les personnes tenues de respecter les règles communes et spécifiques relatives : 1° aux objectifs de prévention, de réutilisation, de collecte sélective, de recyclage et de valorisation;2° aux modalités de gestion applicables aux biens ou déchets soumis à l'obligation de reprise;3° aux obligations d'information à caractère statistique liées à la mise en oeuvre de l'obligation de reprise;4° aux obligations d'information vis-à-vis du consommateur et de l'Office;5° aux conditions et modalités de couverture des coûts de gestion des déchets soumis à l'obligation de reprise, notamment la liste des coûts à prendre en compte lorsque les personnes soumises à l'obligation de reprise s'appuient en tout ou en partie sur le réseau public de collecte, de regroupement, de valorisation et d'élimination des déchets ménagers;6° aux modalités de contrôle des obligations de reprise. Il peut imposer la constitution d'une sûreté visant à garantir la Région du respect de l'obligation de reprise. § 3. En vue de respecter leur obligation de reprise, les personnes visées au § 1er peuvent : 1° soit élaborer et exécuter un plan de prévention et de gestion de l'obligation de reprise;2° soit faire exécuter cette obligation par un organisme agréé conformément au présent décret, auquel elles ont adhéré;3° soit exécuter une convention environnementale visée par le décret du 20 décembre 2001 relatif aux conventions environnementales et confier dans ce cadre l'exécution de tout ou partie des obligations à un organisme de gestion répondant aux conditions fixées par le Gouvernement. Le Gouvernement peut restreindre, pour certains biens ou déchets qu'il détermine, les modalités suivant lesquelles l'obligation peut être exercée à un ou deux des modes visés à l'alinéa 1er. Dans tous les cas, le mode d'exécution visé à l'alinéa 1er, 1°, est maintenu. § 4. Le Gouvernement arrête le contenu du plan de prévention et de gestion visé au paragraphe 3, alinéa 1er, 1°, la procédure suivant laquelle il est introduit et approuvé, et la durée de validité de celui-ci. Cette durée de validité ne peut excéder dix ans. § 5. Le Gouvernement détermine : 1° les conditions d'octroi d'agrément de l'organisme visé au paragraphe 3, alinéa 1er, 2°;2° la procédure suivant laquelle l'agrément est octroyé;3° les conditions et la procédure suivant lesquelles l'agrément peut être modifié, suspendu ou retiré;4° les dispositions minimales que fixe l'agrément concernant les obligations auxquelles est soumis l'organisme agréé dans l'exercice de son obligation de reprise;5° la durée de validité de l'agrément qui ne peut toutefois pas excéder cinq ans. Les conditions d'octroi d'agrément de l'organisme peuvent notamment porter sur la forme de celui-ci et sur les moyens dont il dispose pour remplir ses obligations.

Les dispositions visées à l'alinéa 1er, 4°, portent notamment sur : 1° les modalités de collecte des biens ou déchets soumis à l'obligation de reprise;2° les modalités de perception des cotisations des adhérents pour couvrir les coûts de l'obligation de reprise;3° la transmission à l'Office des bilans et comptes de résultat de l'année écoulée;4° la présentation à l'Office d'un plan de prévention;5° l'acceptation par l'organisme agréé de conclure un contrat précisant les modalités de transmission de l'obligation de reprise avec toute personne, visée par l'obligation de reprise pour laquelle l'agrément est octroyé, qui le sollicite. La mise en oeuvre de l'agrément peut être subordonnée par l'autorité que le Gouvernement désigne à la constitution d'une sûreté visant à garantir la Région du respect de l'obligation de reprise.

Toute décision d'agrément est publiée au Moniteur belge . § 6. Le plan de gestion, les conditions d'octroi d'agrément de l'organisme et la convention environnementale visés au paragraphe 3, alinéa 1er, précisent les mesures utiles pour favoriser les emplois à finalité sociale dans les associations et sociétés concernées par la collecte, le tri, le recyclage et la valorisation des biens ou déchets visés ».

Les articles 48 et 55bis du décret du 27 juin 1996 relatif aux déchets, respectivement modifié et inséré par les articles 5 et 6 du décret précité du 20 décembre 2001, prévoient des amendes administratives et des sanctions pénales en cas de méconnaissance de l'article 8bis ou des règles prises pour son exécution.

B.5.2. En exécution de l'article 8bis du décret du 27 juin 1996, l'arrêté du Gouvernement wallon du 25 avril 2002 « instaurant une obligation de reprise de certains déchets en vue de leur valorisation ou de leur gestion », modifié par un arrêté du Gouvernement wallon du 10 mars 2005, détermine les titulaires de l'obligation de reprise comme étant « les personnes responsables du déchet par le fait d'avoir mis sur le marché, à titre professionnel, des biens, matières premières ou produits en les produisant, important ou commercialisant » (article 3).

Il détermine également les déchets soumis à une obligation de reprise (article 3), ainsi que la date à laquelle entre en vigueur l'obligation de reprise.

L'arrêté précité du 25 avril 2002 définit par ailleurs pour les différentes catégories de déchets soumis à l'obligation de reprise les taux respectifs de collecte, de recyclage ou de valorisation à atteindre.

B.5.3. L'article 10, 4°, de l'arrêté du Gouvernement wallon du 25 avril 2002 prévoit que l'organisme agréé pour remplir l'obligation de reprise des déchets est tenu de « percevoir, de manière non discriminatoire, auprès de ses contractants les cotisations indispensables pour couvrir les coûts de l'ensemble des obligations qui lui incombent ».

Le financement de l'exécution, par un organisme agréé, de cette obligation de reprise est donc supporté par les producteurs, importateurs et distributeurs de produits soumis à l'obligation de reprise, sous réserve que ceux-ci peuvent en répercuter le montant dans le prix des produits qu'ils vendent.

Les cotisations ainsi perçues par l'organisme agréé sont donc la contrepartie de l'exécution, par celui-ci, de l'obligation de reprise, et contribuent en conséquence à atteindre les taux de collecte, de recyclage ou de valorisation fixés dans l'arrêté précité du 25 avril 2002.

B.6.1. L'obligation de reprise peut donc être exécutée par un des trois modes suivants : en recourant (1) à un organisme agréé par le Gouvernement ou (2) à un organisme de gestion désigné dans une convention environnementale, ou (3) en exécutant un plan de gestion.

Cette obligation de reprise est le plus souvent exécutée par le biais d'une convention environnementale conclue avec la Région wallonne.

B.6.2. L'article 1er du décret du 20 décembre 2001 relatif aux conventions environnementales dispose : « Par convention environnementale, il faut entendre toute convention passée entre la Région wallonne, dénommée ci-après la Région, qui est représentée à cet effet par le Gouvernement wallon, d'une part, et un ou plusieurs organismes représentatifs d'entreprises, dénommés ci-après l'organisme, d'autre part, en vue de prévenir la pollution de l'environnement, d'en limiter ou neutraliser les effets ou de promouvoir une gestion efficace de l'environnement.

La convention environnementale indique notamment : 1° son objet, en ce compris les dispositions législatives européennes ou régionales qu'elle vise à mettre en oeuvre ainsi que les objectifs à atteindre en ce compris, le cas échéant, les objectifs intermédiaires;2° les modalités suivant lesquelles elle peut être modifiée conformément aux règles édictées par le présent décret;3° les modalités suivant lesquelles elle peut être renouvelée conformément aux règles édictées par le présent décret;4° les modalités suivant lesquelles elle peut être résiliée conformément aux règles édictées par le présent décret;5° les modalités suivant lesquelles, en cas de résiliation de la convention, la partie qui résilie la convention se conforme aux dispositions décrétales et réglementaires que la convention vise à mettre en oeuvre;6° les modalités de contrôle quant au respect de ses dispositions;7° les modalités suivant lesquelles sont tranchées les difficultés quant à l'interprétation des clauses de la convention;8° les clauses pénales en cas d'inexécution de la convention environnementale;9° les motifs pour lesquels et les conditions dans lesquelles il peut être mis fin à la convention. La convention environnementale peut formaliser la manière dont la ou les parties contractantes met ou mettent en oeuvre leurs obligations.

Le Gouvernement peut préciser le contenu des conventions environnementales qu'il détermine ».

Les conventions environnementales sont obligatoires pour les parties contractantes dix jours après leur publication au Moniteur belge (article 4 du décret); elles sont conclues pour une période limitée (article 7 du décret du 20 décembre 2001 et article 22 de l'arrêté du Gouvernement wallon du 25 avril 2002).

L'article 3 du même décret dispose : « La Région ne prend, pendant la durée de la convention environnementale, aucune disposition réglementaire par voie d'arrêté qui établirait relativement aux questions réglées par la convention environnementale des conditions plus restrictives que celles fixées par celle-ci. La Région conserve cependant, moyennant une consultation préalable des parties à la convention environnementale, le pouvoir de prendre les dispositions réglementaires requises lorsque l'urgence ou l'intérêt général le requièrent, ou afin de satisfaire à des obligations de droit international ou européen.

La Région reste habilitée, même pendant la durée de validité de la convention environnementale, à intégrer dans un arrêté tout ou partie des dispositions d'une convention environnementale ».

Par ailleurs, l'article 26 de l'arrêté précité du Gouvernement wallon du 25 avril 2002 dispose : « La convention environnementale vaut respect des obligations relevant des chapitre [s] II à X pour les parties contractantes et les membres des organismes contractants représentant des responsables de déchets pendant la durée de validité de la convention ».

B.7. Le décret fiscal du 22 mars 2007 remplace et abroge le décret wallon du 25 juillet 1991 relatif à la taxation des déchets en Région wallonne : « Inscrit dans la nouvelle orientation de la politique des déchets, ce nouvel outil décrétal vise avant tout à prévenir la production des déchets, à soutenir le recyclage et la plus grande valorisation de ceux-ci. La taxation est organisée de façon à mettre en oeuvre les principes d'une politique hiérarchisée des déchets, conformément à l'article 3 de la directive 2006/12/CE relative aux déchets, et à responsabiliser les producteurs et les opérateurs de gestion des déchets » (Doc. parl., Parlement wallon, 2006-2007, n° 546/1, p. 2).

Adoptés le même jour, le décret fiscal et le décret du 22 mars 2007 traduisent « la volonté d'initier une véritable politique de développement durable au niveau de la Région wallonne en matière de gestion des déchets » (C.R.I., Parlement wallon, 2006-2007, n° 15, séance du 21 mars 2007, p. 10).

Dans cette optique, le décret fiscal du 22 mars 2007 instaure un système de taxation hiérarchisé qui « doit donc favoriser, par ordre de priorité, la prévention, la réutilisation, le recyclage, la valorisation des déchets et la récupération de chaleur à partir [de ceux-ci] » (Doc. parl., Parlement wallon, 2006-2007, n° 546/1, p. 3).

Afin de promouvoir, par le biais de la taxation, la prévention et la valorisation des déchets, le décret fiscal établit une taxe sur les différents modes de gestion des déchets (mise en décharge, incinération et co-incinération), une taxe subsidiaire sur la collecte et le traitement des déchets et une taxe favorisant la collecte sélective des déchets ménagers, une taxe sur les déchets soumis à une obligation de reprise, une taxe sur la détention des déchets, une taxe sur l'abandon des déchets et accorde enfin diverses réductions de taxes.

B.8.1. En ce qui concerne la taxe sur les déchets soumis à obligation de reprise, qui fait l'objet du recours, l'exposé des motifs explique : « La taxe sur les déchets soumis à une obligation de reprise est une des nouveautés du présent projet de décret. Elle s'inscrit totalement dans le cadre des objectifs poursuivis par les législations et les réglementations qui établissent ces obligations. En effet, elle a pour objet de renforcer les obligations de reprise en luttant contre les effets pervers qu'elles ont générés. A ce titre, le présent projet de décret soumet à la taxe les producteurs de déchets assujettis à une telle obligation de reprise lorsqu'ils méconnaissent leurs obligations.

La taxe n'est pas due si le redevable atteint les taux de collecte, de recyclage ou de valorisation imposés par la législation ou la réglementation.

La taxe s'inscrit donc tout à fait dans le sens de l'objectif de l'accord de coopération : elle poursuit un objectif identique, mais avec des moyens complémentaires, à savoir l'exercice de la compétence fiscale. En définitive, la taxe soutient la réalisation des objectifs de l'accord de coopération » (Doc. parl., Parlement wallon, 2006-2007, n° 546/1, p.4).

B.8.2.1. En ce qui concerne l'article 22 attaqué, les travaux préparatoires exposent : « Un certain nombre de produits ou de déchets font l'objet d'une obligation de reprise. C'est le cas, par exemple, des déchets d'emballages, en vertu de l'accord de coopération du 30 mai 1996 concernant la prévention et la gestion des déchets d'emballages. C'est le cas également des déchets visés par l'arrêté du Gouvernement du 25 avril 2002 instaurant une obligation de reprise de certains déchets en vue de leur valorisation ou de leur gestion (par exemple, les piles et accumulateurs, les pneus usés, les huiles usagées à usage non alimentaire, etc.).

La disposition en projet a ainsi pour objet d'établir une taxe sur les déchets pour lesquels il existe une obligation de reprise en vertu du décret du 27 juin 1996 relatif aux déchets et de toute autre législation » (Doc. parl., Parlement wallon, 2006-2007, n° 546/1, p. 10).

B.8.2.2. En ce qui concerne l'article 23 attaqué, les travaux préparatoires exposent : « Cette disposition définit le redevable de la taxe. Il s'agit de la personne sur laquelle pèse concrètement l'obligation de reprise. Si une convention a été passée entre les producteurs, distributeurs, importateurs ou détaillants, d'une part, et un organisme agréé chargé d'exécuter les obligations des premiers, d'autre part, c'est l'organisme agréé qui sera redevable de la taxe. De même, si les premiers adhèrent à une convention environnementale ayant pour effet la mise en place d'un organisme de gestion de l'obligation de reprise, c'est cet organisme qui est redevable de la taxe » (Doc. parl., Parlement wallon, 2006-2007, n° 546/1, p. 10).

B.8.2.3. En ce qui concerne l'article 24 attaqué, les travaux préparatoires exposent : « Cette disposition définit la base imposable de la taxe, à savoir le nombre de tonnes de déchets résultant de l'utilisation de produits soumis à une obligation de reprise. Seuls sont visés les produits mis sur le marché en Région wallonne. Il convient toutefois de soustraire de l'application de la taxe les quantités de déchets ayant été effectivement collectées, recyclées ou valorisées au cours de l'exercice en application de l'obligation de reprise définie, selon le cas, dans l'accord de coopération, le décret ou la convention environnementale. Il serait en effet contre-productif de taxer le redevable qui fait l'effort de se conformer à l'obligation qui lui est imposée en termes de reprise de déchets. Cela constituerait un mauvais signal adressé aux acteurs du marché.

De la sorte, la taxe tient compte des efforts réalisés par les personnes soumises à une obligation de reprise, en vue d'atteindre, voire de dépasser, le taux de collecte, recyclage ou valorisation que la législation, la réglementation ou, le cas échéant, une convention environnementale leur impose.

Ce faisant, le texte en projet offre un outil à la Région en vue d'assurer l'exécution effective des impositions de taux de collecte, recyclage et/ou valorisation formulées dans le cadre des obligations de reprise.

Il s'inscrit tout à fait dans les objectifs de l'accord de coopération du 30 mai 1996, qui tend à une valorisation maximale des déchets.

Pour ce qui concerne les obligations de reprise énoncées dans l'arrêté du Gouvernement du 25 avril 2002 précité, celles-ci sont à l'heure actuelle mises en oeuvre dans la plupart des cas par des conventions environnementales. Le décret du 20 décembre 2001 relatif aux conventions environnementales dispose, en son article 3, ce qui suit : ' La Région ne prend, pendant la durée de la convention environnementale, aucune disposition réglementaire par voie d'arrêté qui établirait relativement aux questions réglées par la convention environnementale des conditions plus restrictives que celles fixées par celle-ci. La Région conserve cependant, moyennant une consultation préalable des parties à la convention environnementale, le pouvoir de prendre les dispositions réglementaires requises lorsque l'urgence ou l'intérêt général le requièrent ou afin de satisfaire à des obligations de droit international ou européen. '.

Un décret fiscal n'est toutefois pas une ' disposition réglementaire par voie d'arrêté '; rien n'empêche donc la Région d'établir la taxe en projet.

Enfin, tel qu'il est rédigé, l'article en projet répond à l'objection de la section de législation du Conseil d'Etat selon laquelle une taxe ne peut en principe avoir pour seul fait générateur un comportement illicite » (Doc. parl., Parlement wallon, 2006-2007, n° 546/1, pp. 10-11).

B.8.2.4. En ce qui concerne l'article 25 attaqué, les travaux préparatoires exposent : « L'article 25 détermine le taux de la taxe.

Il prévoit par ailleurs que la taxe visée n'est pas due les deux premières années de l'entrée en vigueur effective de l'obligation de reprise. Par ' entrée en vigueur effective ', on entend l'entrée en vigueur du texte - décret, arrêté et, la plupart du temps, convention environnementale - en vertu duquel le redevable est concrètement soumis à l'obligation de reprise » (Doc. parl., Parlement wallon, 2006-2007, n° 546/1, p. 11).

B.8.2.5. En ce qui concerne l'article 26 attaqué, les travaux préparatoires exposent : « La disposition en projet charge le Gouvernement de déterminer les modalités d'application de la taxe visée. Il s'agit, d'une part, de fixer une méthode pour calculer le poids total des produits mis sur le marché en Région wallonne et, d'autre part, de déterminer le mode de calcul du poids total des déchets soumis à l'obligation de reprise.

Pour cette dernière méthode, il convient en effet de tenir compte notamment des produits dont le poids total diffère entre leur mise sur le marché et leur transformation à l'état de déchet - en raison, par exemple, de leur disparition à l'occasion de leur utilisation » (Doc. parl., Parlement wallon, 2006-2007, n° 546/1, p. 11).

Quant au fond En ce qui concerne le premier moyen B.9. Le premier moyen, dirigé contre les articles 24 et 26 du décret fiscal du 22 mars 2007, est pris de la violation des articles 170, § 2, et 172, alinéa 2, de la Constitution.

Les parties requérantes estiment que la taxe attaquée est un impôt, dont les éléments essentiels ne sont pas définis de manière précise par le décret. L'article 26 attaqué délègue ainsi au Gouvernement, sans qu'une confirmation législative soit prévue, le soin de définir une méthode de calcul du poids taxé et du poids exonéré, en tenant compte de critères qui font que le poids taxé et le poids exonéré ne correspondront pas au poids effectif des déchets soumis à une obligation de reprise et des déchets effectivement collectés en exécution de cette obligation.

B.10. Comme l'ensemble des taxes visées par le décret fiscal du 22 mars 2007, la taxe sur les déchets soumis à une obligation de reprise est perçue au profit de la Région wallonne (article 43 du décret fiscal) et son produit est affecté à un fonds budgétaire dénommé « Fonds pour la gestion des déchets » (article 44 du décret fiscal).

La taxe attaquée ne constitue nullement la contrepartie d'un service rendu au redevable considéré individuellement; il s'agit par conséquent d'un impôt.

B.11.1. Le principe de légalité en matière fiscale inscrit aux articles 170, § 2, et 172, alinéa 2, de la Constitution exige que nul ne soit soumis à un impôt sans que celui-ci ait été décidé par une assemblée délibérante démocratiquement élue, seule compétente pour instaurer l'impôt et établir les éléments essentiels de celui-ci.

En réservant aux assemblées délibérantes démocratiquement élues la décision d'établir une imposition et la fixation des éléments essentiels de celle-ci, l'article 170, § 2, de la Constitution constitue une garantie essentielle qui ne peut, en principe, être retirée à certains citoyens sans justification.

B.11.2. Les dispositions constitutionnelles précitées ne vont toutefois pas jusqu'à obliger le législateur à régler lui-même chacun des aspects d'un impôt ou d'une exemption. Une délégation conférée à une autre autorité n'est pas contraire au principe de légalité, pour autant qu'elle soit définie de manière suffisamment précise et qu'elle porte sur l'exécution de mesures dont les éléments essentiels sont fixés préalablement par le législateur.

B.12. Font partie des éléments essentiels de l'impôt, la désignation des contribuables, la matière imposable, la base d'imposition, le taux d'imposition et les éventuelles exonérations d'impôt.

B.13.1. En vertu de l'article 22 du décret fiscal, la taxe attaquée porte sur les déchets soumis à une obligation de reprise « prévue par un accord de coopération interrégional, par une législation wallonne ou par une convention environnementale prise en exécution de ceux-ci ».

La base de la taxe est, en vertu de l'article 24, « le nombre de tonnes de déchets résultant des produits mis sur le marché en Région wallonne et qui doivent, en vertu de l'obligation de reprise, faire l'objet d'une collecte, d'un recyclage et/ou d'une valorisation ».

La base de l'exonération est, en vertu du même article, « le nombre de tonnes de déchets effectivement collectées, recyclées et/ou valorisées au cours de l'exercice en exécution de l'obligation de reprise ».

B.13.2. Le système de taxation mis en place par l'article 24 a donc pour effet de taxer la différence de poids (en tonnes) entre, d'une part, les déchets de produits mis sur le marché en Région wallonne et qui sont soumis à une obligation de reprise (la base imposable), et, d'autre part, les déchets qui ont été effectivement collectés, recyclés et/ou valorisés en exécution de cette obligation (l'exonération).

Il ressort des travaux préparatoires cités précédemment que l'objectif de la taxe est d'inciter au respect de l'obligation de reprise (Doc. parl., Parlement wallon, 2006-2007, n° 546/1, p. 10).

La taxe ne porte donc que sur le poids des déchets qui auraient dû être collectés, recyclés et/ou valorisés conformément à l'obligation de reprise, mais qui ne l'ont pas été. La taxe finalement due a donc pour effet de porter sur un poids théorique de déchets, ce qui ne signifie toutefois pas que ce poids ne puisse être déterminé de manière précise.

B.13.3. La base de la taxe ne prend en effet en considération que le poids des déchets qui, compte tenu des taux de collecte, de recyclage et de valorisation imposés dans le cadre de l'obligation de reprise, doivent être collectés, recyclés ou valorisés.

Le taux de collecte est, pour chaque catégorie de déchets, le poids relatif des déchets collectés par rapport au poids total des biens mis à la consommation durant l'année calendrier visée, exprimé en pourcentage.

Le taux de recyclage ou de valorisation est, pour chaque catégorie de déchets, le poids relatif des déchets effectivement recyclés ou valorisés par rapport au poids total des déchets collectés, exprimé en pourcentage.

Dans le cadre de l'exécution de l'obligation de reprise, les producteurs, organismes agréés ou organismes de gestion qui exécutent l'obligation de reprise doivent par ailleurs fournir, chaque année, à l'Office wallon des déchets différentes données portant sur l'année écoulée, notamment le poids des déchets collectés, recyclés ou valorisés, ainsi que, pour certaines catégories de déchets, le poids des produits mis sur le marché en Région wallonne et une estimation de ce poids pour l'année en cours.

De ce qui est exposé en B.5 à B.8 au sujet du cadre normatif en matière d'obligation de reprise, il résulte que la base imposable et la base de l'exonération sont des données que le redevable de la taxe attaquée est capable de déterminer de manière suffisamment précise.

B.14.1. Par ailleurs, puisque c'est le Gouvernement wallon qui détermine, conformément à l'article 8bis du décret du 27 juin 1996 relatif aux déchets, les taux de collecte, de recyclage et de valorisation, il est par conséquent cohérent avec le régime de l'obligation de reprise de déléguer également au Gouvernement wallon le soin de déterminer une méthode de calcul du poids total des produits mis sur le marché en Région wallonne, et du poids total des déchets collectés, recyclés et valorisés, pour lesquels existe une obligation de reprise.

La délégation contenue dans l'article 26 ne porte en effet que sur une mesure de nature purement technique et dont on ne peut exiger, pour des raisons pratiques, car cela dépend des spécificités de chaque catégorie de déchets, qu'elle soit confiée au pouvoir législatif.

B.14.2. Pour le surplus, le fait pour le Gouvernement de tenir compte, dans sa méthode de calcul, de la proportion de la population résidant en Région wallonne par rapport à la population belge, ou, comme les travaux préparatoires précités l'évoquent, de la transformation du produit à l'état de déchet, ne sont que des critères qui permettent de déterminer de manière précise et transparente le poids des déchets qui doivent être collectés, recyclés et/ou valorisés en vertu d'une obligation de reprise, lequel constitue la base de la taxe, elle-même établie par le législateur décrétal à l'article 24 du décret fiscal.

B.14.3. L'impôt et l'exonération instaurés par l'article 24 attaqué satisfont donc aux exigences des articles 170, § 2, et 172, alinéa 2, de la Constitution.

B.15. Le premier moyen n'est pas fondé.

En ce qui concerne le deuxième moyen B.16. Le deuxième moyen, dirigé contre les articles 22, 23, 24 et 26 du décret fiscal du 22 mars 2007, est pris de la violation de l'article 12 de la Constitution et des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec le principe général de droit en matière pénale non bis in idem.

Les parties requérantes estiment que la « taxe » est conçue de manière telle qu'elle ne vise en réalité que les situations illicites et constitue par conséquent une sanction pénale qui méconnaîtrait, pour les raisons invoquées dans le premier moyen, le principe de légalité en matière pénale et qui, s'ajoutant à d'autres sanctions pénales et administratives déjà existantes en cas de méconnaissance de l'obligation de reprise, méconnaîtrait également le principe non bis in idem.

B.17.1. L'article 12 de la Constitution dispose : « La liberté individuelle est garantie.

Nul ne peut être poursuivi que dans les cas prévus par la loi, et dans la forme qu'elle prescrit. [...] ».

B.17.2. En attribuant au pouvoir législatif la compétence de déterminer dans quels cas et dans quelle forme des poursuites pénales sont possibles, l'article 12, alinéa 2, de la Constitution garantit à tout citoyen qu'aucun comportement ne sera punissable que sur la base de règles adoptées par une assemblée délibérante, démocratiquement élue.

B.17.3. Le principe non bis in idem est violé lorsqu'une même personne, après avoir été déjà condamnée ou acquittée en raison d'un comportement, est à nouveau poursuivie, en raison du même comportement, pour des infractions dont les éléments essentiels sont identiques (CEDH, 29 mai 2001, Franz Fischer c. Autriche, § § 25-27;

CEDH, 7 décembre 2006, Hauser-Sporn c. Autriche, §§ 42-46).

B.17.4. Pour que le principe de légalité en matière pénale et le principe non bis in idem s'appliquent à la taxe attaquée, encore convient-il que cette taxe constitue, outre un impôt, une mesure de nature pénale.

B.18.1. A cet égard, la section de législation du Conseil d'Etat a fait remarquer, au sujet de la formulation initiale de la taxe attaquée : « Plusieurs des taxes qu'envisage d'établir l'avant-projet frappent exclusivement et de manière spécifique des situations qui se caractérisent par le fait qu'elles sont illicites.

Ainsi en va-t-il de la ' taxe sur les déchets soumis à une obligation de reprise ', prévue par le chapitre VI. [...] [...] En l'espèce, dès lors que la ' taxe sur les déchets soumis à une obligation de reprise ' et les ' taxes sur les incivilités environnementales ' sont conçues en ce sens qu'elles frappent exclusivement et de manière spécifique des situations illicites, il ne peut raisonnablement être soutenu que les objectifs de dissuasion ou d'incitation qui sont poursuivis le seraient à titre accessoire.

De ce fait, les ' taxes ' envisagées présentent davantage les caractéristiques d'une peine - laquelle se définit comme étant un mal infligé à titre de sanction d'un acte que la loi défend - plutôt que celles d'un impôt : en effet, l'impôt se différencie de la peine par la circonstance qu'il ne suppose pas que l'acte qu'il frappe est illicite et que, s'il poursuit des objectifs de dissuasion, ces objectifs ne peuvent présenter qu'un caractère accessoire » (Doc. parl., Parlement wallon, 2006-2007, n° 546/1, pp. 34-35).

B.18.2. Afin de tenir compte de cette observation, l'article 24 du projet de décret a été modifié (Doc. parl., Parlement wallon, 2006-2007, n° 546/1, p. 11).

B.19.1. Comme il a été précisé dans les travaux parlementaires précités, la taxe attaquée s'inscrit dans un décret fiscal qui a pour objectif essentiel de favoriser la prévention des déchets par rapport à leur gestion, en instaurant un système de taxation visant à responsabiliser les producteurs et les opérateurs de déchets.

B.19.2. En matière de taxation des déchets, il apparaît indissociable de l'objectif fiscal qu'il poursuit, que le législateur décrétal s'efforce d'influencer le comportement des contribuables, en vue de dissuader de manière générale la production de déchets et de maximiser leur élimination. Le décret fiscal du 22 mars 2007 poursuit donc un objectif essentiellement incitatif.

B.19.3.1. La taxe sur les déchets soumis à une obligation de reprise ne peut être considérée comme une mesure pénale, puisque, d'une part, le fait générateur de la taxe n'est pas conçu de manière spécifique comme une infraction, et, d'autre part, le redevable de la taxe n'est pas toujours le titulaire de l'obligation de reprise.

B.19.3.2. La base de la taxe attaquée est en effet conçue comme étant le poids total des déchets soumis à une obligation de reprise.

Le législateur décrétal a toutefois estimé nécessaire de ne pas taxer les situations dans lesquelles l'obligation de reprise de déchets a été respectée : « Il serait en effet contre-productif de taxer le redevable qui fait l'effort de se conformer à l'obligation qui lui est imposée en termes de reprise de déchets. Cela constituerait un mauvais signal adressé aux acteurs du marché » (Doc. parl., Parlement wallon, 2006-2007, n° 546/1, p. 10).

Si cette mesure au profit de ceux qui respectent l'obligation de reprise a pour conséquence que seules seront taxées les situations dans lesquelles l'obligation de reprise n'est pas respectée, elle ne peut toutefois être qualifiée de pénale.

B.19.3.3. Par ailleurs, comme il a été rappelé en B.5.2, le titulaire de l'obligation de reprise est le professionnel (producteur, importateur ou distributeur) qui met sur le marché des biens, matières premières ou produits, même s'il confie l'exécution de cette obligation à un organisme de gestion, alors que, dans le système de taxation attaqué, le redevable de la taxe est celui qui exécute l'obligation de reprise - soit le producteur, soit l'organisme de gestion.

B.19.4. La taxe attaquée constitue par conséquent un instrument fiscal essentiellement incitatif qui tend au respect de l'obligation de reprise.

Il résulte de ce qui précède que la taxe attaquée n'a pas de caractère répressif prédominant et ne constitue donc pas une peine à laquelle s'appliqueraient les dispositions visées dans le moyen.

B.19.5. Le deuxième moyen n'est pas fondé.

En ce qui concerne le troisième moyen B.20. Le troisième moyen, dirigé contre les articles 22, 23 et 24 du décret fiscal du 22 mars 2007, est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Les parties requérantes estiment que la « taxe » instaurée est une sanction pénale, de sorte que le redevable de cette « taxe » serait privé, de manière discriminatoire, des garanties juridictionnelles consacrées en matière pénale par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.

B.21.1. Sans qu'il soit besoin d'examiner dans quelle mesure les garanties juridictionnelles consacrées en matière pénale par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme pourraient s'appliquer à la taxe attaquée qui, pour les raisons exposées en B.19, ne constitue pas une mesure de nature pénale, la Cour constate que les redevables de la taxe sur les déchets soumis à une obligation de reprise ne sont aucunement privés d'un recours effectif devant un juge exerçant un contrôle de pleine juridiction.

En effet, l'article 48 du décret fiscal du 22 mars 2007 a intégré les taxes du décret fiscal dans la procédure fiscale existante en matière de taxes régionales wallonnes, organisée par le décret wallon du 6 mai 1999 « relatif à l'établissement, au recouvrement et au contentieux en matière de taxes régionales directes ».

Les articles 25 à 28 du décret précité du 6 mai 1999, tels qu'ils ont notamment été modifiés par le décret fiscal du 22 mars 2007, prévoient ainsi la possibilité d'un recours administratif et d'un recours judiciaire, de sorte que le redevable n'est pas privé de son droit à un recours effectif.

B.21.2. Le troisième moyen n'est pas fondé.

En ce qui concerne le quatrième moyen B.22. Le quatrième moyen, dirigé contre l'article 24 du décret fiscal du 22 mars 2007, est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution.

Les parties requérantes estiment que la taxe instaurée crée trois différences de traitement injustifiées entre redevables.

B.23.1. Selon les parties requérantes, il existerait tout d'abord une différence de traitement injustifiée entre les personnes soumises à l'obligation de reprise selon qu'elles collectent, recyclent ou valorisent des déchets de produits mis sur le marché exclusivement en Région wallonne ou également mis sur le marché ailleurs, les secondes pouvant être davantage exonérées que les premières.

B.23.2. L'article 22 du décret fiscal précise que la taxe porte sur les déchets « pour lesquels existe en Région wallonne une obligation de reprise ».

En vertu de l'article 24, la base de la taxe et celle de l'exonération constituent, respectivement, le poids des déchets mis sur le marché en Région wallonne et qui doivent « en vertu de l'obligation de reprise » être collectés, recyclés et/ou valorisés et le poids des déchets qui ont été effectivement collectés, recyclés et/ou valorisés « en exécution de l'obligation de reprise ».

Dès lors que la taxe attaquée ne concerne - et ne peut concerner - que l'obligation de reprise en Région wallonne, la base de l'exonération ne peut prendre en considération que les déchets collectés en Région wallonne.

Il s'ensuit que la différence de traitement invoquée par les parties requérantes n'existe pas.

B.24.1. Selon les parties requérantes, il existerait également une différence de traitement injustifiée entre les personnes qui collectent la plupart des déchets provenant de produits mis sur le marché en Région wallonne, qui sont susceptibles d'être complètement exonérées de la taxe, et celles qui ne peuvent, en raison de la nature des produits destinés à être exportés, en collecter qu'une partie, et par conséquent, devront payer une taxe plus élevée.

B.24.2. Comme il a été exposé précédemment, les taux de collecte, de recyclage et de valorisation imposés dans le cadre de l'obligation de reprise sont définis pour chaque catégorie de déchets en fonction des spécificités des produits et de la possibilité de collecter totalement ou partiellement ces déchets.

La base de la taxe ne prend en considération que le poids des déchets qui, compte tenu des taux de collecte, de recyclage et de valorisation imposés dans le cadre de l'obligation de reprise, doivent être collectés, recyclés ou valorisés.

La différence de traitement invoquée, quant aux possibilités d'exonération, n'existe donc pas, puisque les caractéristiques des différents déchets sont prises en compte dans la détermination des différents taux imposés dans le cadre de l'obligation de reprise, et qui constituent l'aune de la base imposable.

B.25.1. Enfin, selon les parties requérantes, « si la taxe est appliquée sur la différence entre le poids total des déchets présumés sur les produits mis sur le marché en Région wallonne » et le poids total des déchets collectés, recyclés ou valorisés au cours du même exercice, elle créerait une différence de traitement injustifiée à l'égard de la personne soumise à l'obligation de reprise qui ne collecte, recycle ou valorise les déchets résultant de produits qu'au cours d'un exercice postérieur à celui au cours duquel les produits ont été mis sur le marché.

B.25.2. La taxe attaquée instaure un système de taxation annuelle.

Les articles 49 et 50 du décret fiscal du 22 mars 2007, tels qu'ils ont été modifiés par le décret du 19 décembre 2007, disposent : «

Art. 49.[...] § 2. Pour ce qui concerne la taxe due en application des chapitres VI, VII et IX, tout redevable est tenu de déposer auprès de l'Office une déclaration établissant le montant des taxes dues au cours d'une année civile. Cette déclaration comporte tous les éléments nécessaires au contrôle de la perception de chacune des taxes dues dans son chef au cours de la période concernée.

La déclaration doit être envoyée ou remise au siège de l'Office, au plus tard le 20 du quatrième mois qui suit l'année civile à laquelle se rapporte la déclaration ». «

Art. 50.[...] § 3. Pour ce qui concerne la taxe due en application des chapitres VI, VII et IX, la taxe relative à une déclaration est payable, à l'initiative du redevable, au plus tard le 20 du quatrième mois de l'année qui suit l'année civile à laquelle se rapporte la déclaration de l'article 49, § 2 ».

En fixant comme période imposable une année civile, le décret fiscal utilise un critère objectif.

Dès lors que l'année civile constitue la période imposable, il est cohérent de ne prendre en considération, pour la détermination du montant dû, que, d'une part, le poids des déchets de produits mis sur le marché en Région wallonne au cours de l'année civile, ainsi que, d'autre part, le poids des déchets effectivement collectés, recyclés ou valorisés au cours de cette même année.

B.25.3. La différence de traitement invoquée, à supposer qu'elle soit établie, est par conséquent justifiée par le critère objectif que constitue une année civile, et n'a, pour le surplus, pas d'effets disproportionnés.

En effet, si au cours de la première année de débition de la taxe, un « décalage » lié à la durée de vie des produits était établi, il serait compensé à terme par l'équilibre résultant, d'une part, du flux de produits neufs et, d'autre part, du flux de déchets provenant de produits de même nature.

B.26. Le quatrième moyen n'est pas fondé.

Par ces motifs, la Cour rejette le recours.

Ainsi prononcé en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989, à l'audience publique du 17 juillet 2008.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, M. Melchior.

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