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Arrêt
publié le 16 septembre 2008

Extrait de l'arrêt n° 121/2008 du 1 er septembre 2008 Numéro du rôle : 4256 En cause : le recours en annulation de l'article 48, § 2, 15°, du décret de la Région flamande du 2 juillet 1981 relatif à la prévention et à la gest La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et M. Melchior, et des juges P. Ma(...)

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Extrait de l'arrêt n° 121/2008 du 1er septembre 2008 Numéro du rôle : 4256 En cause : le recours en annulation de l'article 48, § 2, 15°, du décret de la Région flamande du 2 juillet 1981 relatif à la prévention et à la gestion des déchets, tel qu'il a été inséré par l'article 46 du décret flamand du 22 décembre 2006 contenant diverses mesures d'accompagnement du budget 2007, introduit par l'ASBL « FEBELCEM » et autres.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et M. Melchior, et des juges P. Martens, E. De Groot, A. Alen, J.-P. Moerman et E. Derycke, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Bossuyt, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 29 juin 2007 et parvenue au greffe le 3 juillet 2007, un recours en annulation de l'article 48, § 2, 15°, du décret de la Région flamande du 2 juillet 1981 relatif à la prévention et à la gestion des déchets, tel qu'il a été inséré par l'article 46 du décret flamand du 22 décembre 2006 contenant diverses mesures d'accompagnement du budget 2007 (publié au Moniteur belge du 29 décembre 2006, quatrième édition) a été introduit par l'ASBL « FEBELCEM », dont le siège social est établi à 1050 Bruxelles, rue Volta 8, la SA « Holcim Belgique », dont le siège social est établi à 7034 Obourg, rue des Fabriques 2, la SA « Compagnie des Ciments belges », dont le siège social est établi à 7530 Gaurain-Ramecroix, Grand-Route 260, la SA « Cimenteries CBR », dont le siège social est établi à 1170 Bruxelles, chaussée de la Hulpe 185, et la SA « Geocycle », dont le siège social est établi à 7034 Obourg, rue des Fabriques 2. (...) II. En droit (...) En ce qui concerne la disposition attaquée B.1.1. Les parties requérantes demandent l'annulation partielle de l'article 46 du décret du 22 décembre 2006 contenant diverses mesures d'accompagnement du budget 2007, qui dispose : « Le chapitre IX du décret du 2 juillet 1981 relatif à la prévention et à la gestion des déchets, remplacé par le décret du 20 décembre 1989 et modifié par les décrets des 21 décembre 1990, 25 juin 1992, 18 décembre 1992, 22 décembre 1993, 21 décembre 1994, 22 décembre 1995, 20 décembre 1996, 19 décembre 1997, 19 décembre 1998, 6 juillet 2001, 21 décembre 2001, 5 juillet 2002, 20 décembre 2002, 27 juin 2003 et 19 décembre 2003, est remplacé par ce qui suit : ' CHAPITRE IX. - Redevances écologiques [...]

Art. 48.[...] § 2. Le montant des redevances écologiques visées au § 1 est, dépendant de la nature des déchets et du mode de traitement, fixé comme suit : [...] 15° 7 euros par tonne, pour la co-incinération de déchets dans une installation autorisée à cet effet. En dérogation aux points 14° et 15°, le tarif de redevance de 2 euros/tonne s'applique à l'incinération ou à la co-incinération de résidus de recyclage de déchets de papier et de carton à partir de l'année d'imposition 2007; [...] ' ».

B.1.2. La disposition attaquée aligne la taxe frappant la coïncinération des déchets sur celle frappant leur incinération. Cette disposition a été justifiée comme suit : « La présente proposition instaure un tarif de taxation uniforme pour l'incinération et la coïncinération des déchets, dans l'attente d'une taxe générale sur les émissions. De ce fait, la différence de prix nécessaire est obtenue par l'augmentation simultanée de la taxe sur le déversement de déchets combustibles, de sorte que le déversement de ces déchets devient plus cher que leur incinération. Pour la coïncinération, le principe est maintenu, selon lequel la taxe ne s'applique pas aux déchets qui remplacent des matières premières primaires dans le processus de production.

La simplification est une première étape sur la voie d'une taxe générale sur les émissions. La taxe sur les émissions dans l'air taxera effectivement les émissions (output ), alors que la taxe d'environnement frappant l'incinération/la coïncinération taxe l'input. Les connaissances sont toutefois insuffisantes à ce jour pour instaurer une taxe générale sur les émissions. On observera, subsidiairement, que l'incinération neutre en CO2, dans le cadre des objectifs de Kyoto, est gérée au moyen des certificats verts, de sorte que ceci ne doit pas se faire par le biais de la taxe sur les déchets.

En ce qui concerne l'incinération et la coïncinération, il n'est plus fait de distinction entre les déchets dangereux et non dangereux, en premier lieu parce que cette distinction n'est pas non plus faite pour le déversement et en second lieu parce que cette distinction a ici aussi un effet contraire. Le stimulant financier visant à faire disparaître la dangerosité des déchets par dilution ou d'autres méthodes ne sera plus renforcé par la taxe; en outre, l'incinération dans des installations spéciales pour déchets dangereux constitue généralement aussi la meilleure solution, qu'il ne faut pas décourager par une taxe plus élevée » (Doc. parl., Parlement flamand, 2006-2007, n° 965/1, pp.23-24).

En ce qui concerne le premier moyen B.2.1. Dans le premier moyen, les parties requérantes allèguent la violation de l'article 6, § 1er, VI, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles.

B.2.2. Selon les parties requérantes, la disposition attaquée violerait le principe de l'union économique et monétaire belge en ce qu'un tarif de taxation uniforme est instauré pour l'incinération et la coïncinération des déchets, sans tenir compte à cet égard des émissions dans l'air de ces deux formes de gestion des déchets. En effet, l'incinération neutre en CO2 serait déjà encouragée par les certificats verts, mais les producteurs d'électricité verte qui ne démontrent pas que celle-ci est produite en Région flamande ne peuvent obtenir des certificats verts.

B.3. L'article 6, § 1er, VI, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles dispose : « En matière économique, les Régions exercent leurs compétences dans le respect des principes de la libre circulation des personnes, biens, services et capitaux et de la liberté de commerce et d'industrie, ainsi que dans le respect du cadre normatif général de l'union économique et de l'unité monétaire, tel qu'il est établi par ou en vertu de la loi, et par ou en vertu des traités internationaux ».

B.4. L'exercice par une communauté ou une région de la compétence fiscale propre qui lui a été attribuée ne peut porter atteinte à la conception globale de l'Etat telle qu'elle se dégage des révisions constitutionnelles successives de 1970, 1980, 1988, 1993 et 2001 ainsi que des lois spéciales et ordinaires déterminant les compétences respectives de l'Etat, des communautés et des régions.

Il ressort de l'ensemble de ces dispositions, et notamment de celles de l'article 6, § 1er, VI, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 - insérées par l'article 4, § 8, de la loi spéciale du 8 août 1988 - et de l'article 49, § 6, alinéa 3, de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des communautés et des régions, que la structure de l'Etat belge repose sur une union économique et monétaire caractérisée par un marché intégré et l'unité de la monnaie.

Bien que l'article 6, § 1er, VI, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 s'inscrive dans l'attribution de compétences aux régions en ce qui concerne l'économie, cette disposition traduit la volonté du législateur spécial de maintenir une réglementation de base uniforme de l'organisation de l'économie dans un marché intégré.

L'existence d'une union économique implique au premier chef la libre circulation des marchandises et des facteurs de production entre les composantes de l'Etat. Sont incompatibles avec une union économique, en ce qui concerne les échanges de biens, les mesures établies de façon autonome par les composantes de l'union - en l'espèce les régions - qui entravent la libre circulation; il en va nécessairement de même pour tous droits de douane intérieurs et toutes taxes d'effet équivalent.

B.5.1. La Cour doit examiner si la taxe en cause, qui n'est pas un droit de douane interne, est ou non une taxe d'effet équivalent.

B.5.2. Sont soumis à la taxe litigieuse « les exploitants des établissements soumis à une autorisation visés à l'article 48, § 2, 1° à 16°, [...] », et la taxe s'applique aux « quantités de déchets telles qu'elles sont déversées, incinérées ou coïncinérées, y compris les additifs utilisés en vue du déversement, de l'incinération ou de la coïncinération des déchets » (article 48, § 1er, du décret relatif aux déchets).

B.5.3. Cette taxe ne se présente, ni en fonction de son objet, ni en fonction de l'opération à l'occasion de laquelle elle est due, ou de son mode de perception, comme une taxe d'effet équivalent à un droit de douane. En effet, les déchets qui sont destinés à être traités dans une région autre que la Région flamande ne sont pas frappés plus lourdement par la disposition attaquée que les déchets traités dans cette dernière.

B.6.1. Les parties requérantes font valoir que cette taxe serait une taxe d'effet équivalent à celui d'un droit de douane, en raison du fait que les entreprises établies en Région flamande peuvent compenser les effets de cette taxe en recourant aux certificats verts prévus par le décret de la Région flamande du 17 juillet 2000 relatif à l'organisation du marché de l'électricité, alors que les entreprises établies en Région wallonne ne peuvent prétendre à ces certificats verts.

B.6.2. Les articles 21 et 22 du décret de la Région flamande du 17 juillet 2000 relatif à l'organisation du marché de l'électricité disposent : «

Art. 21.Il est institué un système de certificats d'électricité écologique. Le Gouvernement flamand détermine la date de prise d'effet du système.

Art. 22.Pour l'électricité écologique dont le producteur démontre qu'elle a été produite en Région flamande [...], l'autorité de régulation délivre sur demande du demandeur un certificat d'électricité écologique par tranche de 1 000 kWh ».

B.6.3. Le régime des certificats verts a pour but d'encourager la production d'électricité respectueuse de l'environnement et son champ d'application est dès lors limité aux producteurs d'électricité. Le traitement des déchets par coïncinération dans des fours à ciment ne relève manifestement pas, comme tel, du champ d'application de ce régime.

B.7. Le premier moyen n'est pas fondé.

En ce qui concerne le deuxième moyen B.8.1. Dans le deuxième moyen, les parties requérantes allèguent la violation de l'article 23 de la Constitution, combiné avec les articles 2, 3, 6, 10, 174 et 175 du Traité CE, avec les articles 3 et 4 de la directive 2006/12/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2006 relative aux déchets (ci-après : la directive-cadre relative aux déchets), avec la Convention-cadre des Nations Unies du 9 mai 1992 sur les changements climatiques (ci-après : la Convention-cadre), avec la décision 94/69/CE du Conseil du 15 décembre 1993 concernant la conclusion de la convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, avec le Protocole de Kyoto à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (ci-après : le Protocole de Kyoto), avec la décision 2002/358/CE du Conseil du 25 avril 2002 relative à l'approbation, au nom de la Communauté européenne, du protocole de Kyoto à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques et l'exécution conjointe des engagements qui en découlent, avec l'article 1.2.1 du décret du 5 avril 1995 contenant des dispositions générales concernant la politique de l'environnement et avec l'article 5 du décret du 2 juillet 1981 relatif à la prévention et à la gestion des déchets.

B.8.2. Il ressort de la requête et de l'exposé du moyen que, contrairement à ce que soutient le Gouvernement flamand, la Cour n'est pas invitée à effectuer un contrôle direct au regard des dispositions précitées autres que l'article 23 de la Constitution, mais au regard de ce dernier, combiné avec ces dispositions.

B.9. Selon les parties requérantes, la disposition attaquée violerait l'article 23 de la Constitution parce que la taxe sur la coïncinération des déchets est alignée sur la taxe frappant l'incinération des déchets. De ce fait, l'incitation à la « valorisation des déchets » par leur coïncinération dans des fours à ciment disparaîtrait au profit de leur incinération. Ceci violerait l'obligation de standstill contenue dans la disposition constitutionnelle précitée.

B.10. L'article 23 de la Constitution dispose : « Chacun a le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine.

A cette fin, la loi, le décret ou la règle visée à l'article 134 garantissent, en tenant compte des obligations correspondantes, les droits économiques, sociaux et culturels, et déterminent les conditions de leur exercice.

Ces droits comprennent notamment : [...] 4° le droit à la protection d'un environnement sain; [...] ».

B.11.1. L'article 23 de la Constitution implique, en ce qui concerne la protection de l'environnement, une obligation de standstill qui s'oppose à ce que le législateur compétent réduise sensiblement le niveau de protection offert par la législation en vigueur sans qu'existent pour ce faire des motifs liés à l'intérêt général.

B.11.2. La Cour doit donc vérifier si la disposition attaquée, qui augmente la taxe sur la coïncinération des déchets, est compatible avec l'article 23 de la Constitution, combiné avec les articles précités du Traité CE et de la directive-cadre relative aux déchets, avec la Convention-cadre, avec le Protocole de Kyoto et avec les décisions précitées du Conseil.

B.12.1. L'alignement des taxes sur la coïncinération des déchets et sur l'incinération des déchets est dicté par des motifs liés à la protection de l'environnement. L'instauration de la taxe sur la coïncinération des déchets, par le décret du 22 avril 2005, a été justifiée par la considération, d'une part, que, par la coïncinération des déchets, « les déchets sont définitivement détruits » (Doc. parl., Parlement flamand, 2004-2005, n° 192/1, p. 7, voir également Doc. parl., Parlement flamand, 2004-2005, n° 192/4, p. 5) et, d'autre part, que, bien qu'il s'agisse d'une valorisation, la coïncinération des déchets pollue l'environnement par l'émission de matières polluantes (Doc. parl., Parlement flamand, 2004-2005, n° 192/4, p. 11).

L'alignement, par la disposition attaquée, du tarif de taxation applicable à la coïncinération sur celui de l'incinération des déchets se justifie, outre pour les motifs précités qui demeurent toujours valables, dans le but aussi de décourager le déversement de déchets, en soumettant cette forme de gestion des déchets à un tarif de taxation substantiellement plus élevé, et dans le but de simplifier la réglementation relative aux taxes sur les déchets (Doc. parl., Parlement flamand, 2006-2007, n° 965/1, p. 23).

Cette simplification constitue d'ailleurs « une première étape sur la voie d'une taxe générale sur les émissions ». Les travaux préparatoires affirment à ce sujet ce qui suit : « La taxe sur les émissions dans l'air taxera effectivement les émissions (ouput ), alors que la taxe d'environnement frappant l'incinération/la coïncinération taxe l'input. Les connaissances sont toutefois insuffisantes à ce jour pour instaurer une taxe générale sur les émissions » (Doc. parl., Parlement flamand, 2006-2007, n° 965/1, p. 24). En outre : « l'incinération dans des installations spéciales pour déchets dangereux constitue généralement aussi la meilleure solution, qu'il ne faut pas décourager par une taxe plus élevée » (Doc. parl., Parlement flamand, 2006-2007, n° 965/1, p. 24).

B.12.2. Eu égard au large pouvoir d'appréciation dont dispose le législateur décrétal pour arrêter sa politique en matière de protection de l'environnement, il n'est pas déraisonnable de soumettre la coïncinération des déchets à la même taxe d'environnement que celle frappant leur incinération.

B.13.1. Les parties requérantes font valoir que l'alignement du tarif de taxation applicable à la coïncinération, qui constitue une « valorisation des déchets », sur le tarif de taxation applicable à l'incinération, soit une forme d'« élimination des déchets », irait à l'encontre de la hiérarchie du traitement des déchets prévue par l'article 3 de la directive-cadre relative aux déchets.

B.13.2. Conformément à l'article 3, paragraphe 1, b), de la directive-cadre relative aux déchets, les Etats membres doivent prendre des mesures appropriées pour promouvoir la valorisation des déchets par recyclage, réemploi, récupération ou toute autre action visant à obtenir des matières premières secondaires, ou l'utilisation des déchets comme source d'énergie. Dans la directive-cadre, on entend par « valorisation » toute opération prévue à l'annexe II B (article premier, paragraphe 1, f), de la directive-cadre relative aux déchets).

Sur la base dudit article 3 de la directive-cadre relative aux déchets, l'article 5 du décret sur les déchets détermine la hiérarchie des mesures à prendre. Selon cette disposition : « La politique des déchets a pour but de préserver la santé de l'homme et l'environnement contre la nocivité des déchets et de combattre le gaspillage des matières premières et de l'énergie par : 1° en premier lieu, la prévention ou la réduction de la production des déchets et de leur nocivité;2° en deuxième lieu, la promotion de la valorisation des déchets;3° en dernier lieu, l'organisation de l'élimination des déchets dont la prévention ou la valorisation se révèle impossible ». Selon l'article 2 du décret sur les déchets, on entend par « valorisation », dans ce décret : « la récupération de matières premières, de produits ou d'énergie des déchets, l'utilisation directe et légale des déchets ainsi que les opérations fixées comme telles par le Gouvernement flamand conformément aux prescriptions européennes en vigueur ».

L'article 1.4.1 de l'arrêté du Gouvernement flamand du 5 décembre 2003 fixant le règlement flamand relatif à la prévention et à la gestion des déchets énumère une série d'opérations considérées comme des opérations de valorisation.

B.13.3. Force est de constater en l'espèce que le législateur décrétal, par la disposition attaquée, entend encourager d'autres formes de valorisation dont il considère qu'elles sont moins polluantes que la coïncinération des déchets. Il a été déclaré ce qui suit lors des travaux préparatoires du décret du 22 avril 2005 : « Cette taxe peut également constituer une incitation à continuer à trier et à recycler les flux résiduels à haute valeur calorifique, comme les déchets de tapis. Le développement de nouvelles techniques de recyclage restera impossible tant que l'option bon marché de l'incinération dans l'industrie cimentière se maintiendra » (Doc. parl., Parlement flamand, 2004-2005, n° 192/4, p. 12).

Ces motifs valent également pour la disposition attaquée, qui augmente la taxe sur la coïncinération des déchets et encourage ainsi le recyclage de ceux-ci. Ils concordent du reste avec la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, selon laquelle « parmi les différents modes de valorisation, le recyclage doit constituer une part importante de celle-ci et, avec la réutilisation, recevoir la préférence » (CJCE, 19 juin 2003, C-444/00, The Queen, à la demande de Mayer Parry Recycling Ltd, contre Environment Agency et Secretary of State for the Environment, Transport and the Regions, § 72).

B.13.4. Il faut constater en outre que, par la disposition attaquée, le législateur décrétal souhaitait décourager le déversement de déchets combustibles. Il a été observé ce qui suit à ce sujet dans les travaux préparatoires de la disposition attaquée : « L'objectif principal du décret modificatif proposé consiste à supprimer la différence de coût entre l'incinération et le déversement afin de décourager le déversement. Le prix du marché pour le déversement des déchets équivaut actuellement environ à la moitié du prix demandé par les exploitants d'incinérateurs. Les taxes doivent supprimer cette différence de prix ou mieux encore rendre l'incinération meilleur marché que le déversement, en particulier pour les déchets combustibles; dans le cadre de la politique des déchets, ceux-ci doivent être incinérés (ou recyclés) » (Doc. parl., Parlement flamand, 2006-2007, n° 965/1, p. 23).

Ces motifs s'appliquent aussi bien à l'incinération qu'à la coïncinération. Il n'est dès lors pas manifestement déraisonnable d'aligner les tarifs de taxation applicables à l'incinération et à la coïncinération des déchets.

B.13.5. Dans la mesure où une augmentation de la taxe sur une forme de valorisation des déchets est justifiée par la volonté d'encourager d'autres formes de valorisation davantage respectueuses de l'environnement, il ne saurait être reproché à la réglementation visée d'aller à l'encontre de la hiérarchie du traitement des déchets. Si la coïncinération constitue une « valorisation », alors que l'incinération est une forme d'« élimination », il n'en demeure pas moins que la coïncinération est un mode polluant de traitement des déchets.

Cet objectif est conforme à l'article 4 de la directive-cadre relative aux déchets, qui dispose que les Etats membres : « prennent les mesures nécessaires pour assurer que les déchets seront valorisés ou éliminés sans mettre en danger la santé de l'homme et sans que soient utilisés des procédés ou méthodes susceptibles de porter préjudice à l'environnement [...] ».

B.14.1. Les parties requérantes reprochent encore à la disposition attaquée d'avoir trop peu tenu compte des études scientifiques qui démontreraient que la coïncinération des déchets dans la production de ciment serait moins polluante pour l'environnement que la simple incinération des déchets.

B.14.2. En ce qui concerne la politique à mener, le législateur décrétal dispose d'un large pouvoir d'appréciation. La Cour ne peut sanctionner un choix politique et les motifs qui le fondent que s'ils reposent sur une erreur manifeste ou s'ils sont clairement déraisonnables.

Les travaux préparatoires de la disposition attaquée mentionnent : « La simplification est une première étape sur la voie d'une taxe générale sur les émissions. La taxe sur les émissions dans l'air taxera effectivement les émissions (output ), alors que la taxe d'environnement frappant l'incinération/la coïncinération taxe l'input. Les connaissances sont toutefois insuffisantes à ce jour pour instaurer une taxe générale sur les émissions » (Doc. parl., Parlement flamand, 2006-2007, n° 965/1, p. 24).

En mettant sur un pied d'égalité, dans l'attente de plus de connaissances scientifiques, les taxes sur l'incinération et sur la coïncinération des déchets, le législateur décrétal flamand n'a pas opéré un choix politique manifestement erroné ou déraisonnable, compte tenu des autres objectifs qu'il poursuivait en adoptant cette mesure.

B.15.1. Les parties requérantes demandent à la Cour de poser à la Cour de justice des Communautés européennes une question préjudicielle relative à l'interprétation des articles 3 et 4 de la directive-cadre relative aux déchets, combinés ou non avec les articles 2, 3, 6, 10, 174 et 175 du Traité CE. Elles souhaitent savoir si ces dispositions s'opposent à l'unification du tarif de taxation applicable, d'une part, à la coïncinération de déchets dans des fours à ciment, qui constitue, à leur estime, une « valorisation » des déchets et, d'autre part, à l'incinération de ces déchets, qui constitue, selon elles, une forme d'« élimination » des déchets.

B.15.2. En vertu de l'article 234 du Traité instituant la Communauté européenne, « la Cour de justice est compétente pour statuer, à titre préjudiciel : [...] b) sur la validité et l'interprétation des actes pris par les institutions de la Communauté et par la BCE [...] ».

La même disposition précise, en son troisième alinéa : « Lorsqu'une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne, cette juridiction est tenue de saisir la Cour de justice ».

Cette obligation ne s'applique pas, dans les cas où n'est en cause que l'interprétation d'une norme communautaire, si cette autorité judiciaire nationale « [a] constaté que la question soulevée n'est pas pertinente ou que la disposition communautaire en cause a déjà fait l'objet d'une interprétation de la part de la Cour ou que l'application correcte du droit communautaire s'impose avec une telle évidence qu'elle ne laisse place à aucun doute raisonnable » (Cour de justice, 6 octobre 1982, C-283/81, CILFIT, § 21).

B.15.3. Comme la Cour l'a constaté en B.13.5, le législateur décrétal flamand pouvait fonder la distinction entre les tarifs de taxation applicables au recyclage, à la coïncinération, à l'incinération et au déversement de déchets sur l'impact différent qu'exercent sur l'environnement ces formes de gestion des déchets plutôt que sur leur qualification dans la hiérarchie de traitement des déchets fixée par l'article 3 de la directive-cadre relative aux déchets.

En ce qu'elle est fondée sur la distinction entre la « valorisation » et l'« élimination » des déchets, qui est faite à l'article 3 de la directive-cadre relative aux déchets, la question préjudicielle suggérée n'est pas pertinente.

B.16. Le deuxième moyen n'est pas fondé.

En ce qui concerne le troisième moyen B.17.1. Dans le troisième moyen, les parties requérantes allèguent la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, combinés ou non avec les articles 3 et 4 de la directive-cadre relative aux déchets, avec le principe général communautaire du traitement égal, avec les articles 2, 3, 6, 10, 174 et 175 du Traité CE, avec l'article 23 de la Constitution ainsi qu'avec les principes de bonne gestion, d'utilisation prudente et rationnelle des ressources naturelles, de la correction, par priorité à la source, des atteintes à l'environnement, de proportionnalité et de précaution.

B.17.2. Contrairement à ce que soutient le Gouvernement flamand, il ressort de la requête et de l'exposé du moyen qu'il n'est pas demandé à la Cour de procéder à un contrôle direct au regard des dispositions et principes précités mais au regard des articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec ces dispositions. Dès lors que les parties requérantes font valoir que la disposition attaquée viole le principe d'égalité et de non-discrimination, la Cour est compétente pour vérifier si cette disposition est compatible avec ces dispositions constitutionnelles, combinées avec les articles précités du Traité CE ainsi qu'avec le principe de proportionnalité et de précaution.

B.18.1. Dans une première branche, les parties requérantes reprochent au législateur décrétal de porter atteinte « au niveau actuel des conditions du marché corrigées par voie de taxe d'environnement entre, d'une part, ceux qui proposent des services en matière de gestion des déchets par le biais d'une valorisation sous forme de coïncinération et, d'autre part, ceux qui proposent des services en matière de gestion des mêmes déchets par l'élimination de ceux-ci ».

B.18.2. On ne saurait déduire des articles 10 et 11 de la Constitution que la différence de niveau entre, d'une part, une taxe sur une forme de valorisation des déchets et, d'autre part, une taxe sur une forme d'élimination des déchets, doive être permanente ou qu'une augmentation de la première taxe doive nécessairement s'accompagner d'une augmentation équivalente de la seconde taxe.

B.18.3. En ce que les parties requérantes font valoir qu'elles bénéficiaient d'une inégalité correctrice qui serait réduite à néant par la disposition attaquée, il convient d'observer, à supposer qu'il ait pu être question d'une inégalité correctrice, que cette mesure doit être de nature temporaire.

B.19.1. Les parties requérantes demandent à la Cour de poser à la Cour de justice des Communautés européennes une question préjudicielle au sujet de l'interprétation du principe général de droit communautaire de l'égalité de traitement, des articles 2, 3, 6, 10, 174 et 175 du Traité CE et des articles 3 et 4 de la directive-cadre relative aux déchets. Elles souhaitent savoir si ces dispositions s'opposent à l'unification du tarif de taxation applicable, d'une part, à la coïncinération de déchets dans des fours à ciment, qui constitue, à leur estime, une « valorisation » des déchets et, d'autre part, à l'incinération de ces déchets qui constitue, selon elles, une forme d'« élimination » des déchets.

B.19.2. Pour les mêmes raisons que celles exprimées en B.15.3, la question préjudicielle n'est pas pertinente.

B.20.1. Dans une deuxième branche, les parties requérantes font valoir que la disposition attaquée, en contradiction avec les articles 10 et 11, combinés avec l'article 23 de la Constitution, démantèlerait progressivement « le niveau de protection de l'environnement et de développement durable juridiquement garanti qu'entendaient instaurer ces conditions du marché corrigées par voie de taxe ».

B.20.2. En ce que le moyen, en cette branche, fait grief à la disposition attaquée de réduire le niveau de protection offert par la législation antérieure, il se confond avec le deuxième moyen et doit être rejeté pour les mêmes motifs.

B.21.1. Dans une troisième branche, les parties requérantes font valoir qu'en contradiction avec les articles 10 et 11 de la Constitution, la disposition attaquée justifie l'uniformisation des tarifs de taxation applicables à l'incinération et à la conïncinération des déchets à la lumière de l'existence du régime de certificats verts.

B.21.2. Il découle des travaux préparatoires mentionnés en B.1.2 et B.12.1 que l'unification des deux tarifs de taxation est justifiée, d'une part, sur la base du constat que la coïncinération des déchets affecte elle aussi l'environnement et, d'autre part, par la volonté de décourager le déversement des déchets combustibles et d'en encourager le recyclage.

En ce que le moyen, en cette branche, postule que l'unification des deux tarifs de taxation est justifiée à la lumière du régime des certificats verts, il n'est pas fondé.

B.22. Le troisième moyen n'est pas fondé.

En ce qui concerne le quatrième moyen B.23. Dans le quatrième moyen, les parties requérantes allèguent la violation des articles 170 et 172 de la Constitution, en ce que la disposition attaquée aurait négligé de définir avec précision le terme de « coïncinération ». Cette disposition aurait ainsi laissé au pouvoir exécutif le soin de déterminer un élément essentiel d'un impôt, à savoir la matière imposable.

B.24. Dans une première branche, les parties requérantes font valoir que l'absence d'une définition de la notion de « coïncinération » a pour conséquence une insécurité juridique.

B.25. Il se déduit des articles 170, § 2, et 172, alinéa 2, de la Constitution qu'aucun impôt ne peut être levé et qu'aucune exemption d'impôt ne peut être accordée sans qu'ait été recueilli le consentement des contribuables, exprimé par leurs représentants. Il s'ensuit que la compétence fiscale autonome des régions est une compétence que la Constitution réserve à la règle visée à l'article 134 de la Constitution et que toute délégation qui porte sur la détermination de l'un des éléments essentiels de l'impôt est, en principe, inconstitutionnelle.

B.26.1. Les parties requérantes se réfèrent à des déclarations faites lors des travaux préparatoires de la disposition attaquée, selon lesquelles la taxe ne frapperait pas la coïncinération dont l'objet est de remplacer des matières premières primaires. Sur la base de ces déclarations, certains redevables seraient exonérés de la taxe.

B.26.2. Dans l'exposé des motifs du projet de décret qui est devenu la disposition attaquée, il a effectivement été déclaré ce qui suit : « En ce qui concerne la coïncinération, le principe est maintenu, en vertu duquel la taxe ne s'applique pas aux déchets qui remplacent des matières premières primaires dans le processus de production » (Doc. parl., Parlement flamand, 2006-2007, n° 965/1, p. 23; voy. également Doc. parl., Parlement flamand, 2004-2005, n° 192/4, p. 5, et Ann., Parlement flamand, 13 avril 2005, n° 13, p. 22).

B.26.3. Une déclaration faite lors des travaux préparatoires ne peut toutefois servir à accorder une exonération fiscale qui ne trouve aucun fondement juridique dans un décret.

B.26.4. Il faut observer en l'espèce que la disposition attaquée ne fait pas de distinction selon que les déchets sont coïncinérés pour remplacer des combustibles primaires ou pour remplacer des matières premières. Cette disposition ne soumet à un tarif de taxation inférieur que les résidus du recyclage des déchets de papier et de carton.

B.27.1. Pour le surplus, la notion de « coïncinération » est restreinte par le fait qu'il s'agit d'une valorisation des déchets. La « valorisation » est définie comme suit à l'article 2, 7°, du décret sur les déchets : « la récupération des matières premières, de produits ou d'énergie des déchets, l'utilisation directe et légale des déchets ainsi que les opérations fixées comme telles par le Gouvernement flamand conformément aux prescriptions européennes en vigueur ».

La coïncinération de déchets en tant que forme de valorisation est par conséquent axée sur l'obtention de matières premières, de produits ou d'énergie ou sur tout autre usage des déchets relevant de la disposition précitée.

B.27.2. En outre, la coïncinération s'opère dans « une installation autorisée à cet effet ». Cette notion vise les installations non spécialisées qui incinèrent des déchets en même temps que des combustibles réguliers et qui disposent d'une autorisation à cette fin. Conformément à l'article 3, point 5, de la directive 2000/76/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 décembre 2000 sur l'incinération des déchets, une installation de coïncinération est définie comme suit : « une installation fixe ou mobile dont l'objectif essentiel est de produire l'énergie ou des produits matériels et : - qui utilise des déchets comme combustible habituel ou d'appoint, ou - dans laquelle les déchets sont soumis à un traitement thermique en vue de leur élimination.

Si la coïncinération a lieu de telle manière que l'objectif essentiel de l'installation n'est pas de produire de l'énergie ou des produits matériels, mais plutôt d'appliquer aux déchets un traitement thermique, l'installation doit être considérée comme une installation d'incinération au sens du point 4. [...] ».

Cette définition a été reprise à l'article 1.1.2 de l'arrêté du Gouvernement flamand du 1er juin 1995 fixant les dispositions générales et sectorielles en matière d'hygiène de l'environnement (titre II du VLAREM).

B.27.3. Etant donné que, conformément à l'article 48, § 1er, du décret relatif aux déchets, la taxe est due par les exploitants des établissements autorisés visés à l'article 48, § 2, 15°, il ne peut y avoir de doute quant à savoir qui est le redevable.

Etant donné que dans une installation de coïncinération, seuls peuvent être incinérés les déchets figurant dans l'autorisation susvisée, il ne saurait pas davantage y avoir de doute sur ce que serait la matière imposable.

B.27.4. Dès lors, il est satisfait au principe de légalité contenu dans les articles 170, § 2, et 172, alinéa 2, de la Constitution.

B.28. Dans une deuxième branche, les parties requérantes font valoir que le fait d'avoir négligé de préciser le terme de « coïncinération » a pour effet que la « Openbare Vlaamse Alvalstoffenmaatschappij » (ci-après : OVAM) obtient un pouvoir discrétionnaire pour exonérer certains redevables de la taxe d'environnement sur la coïncinération des déchets. Une inégalité apparaîtrait ainsi entre les coïncinérateurs de déchets pour lesquels l'OVAM estime que la valorisation des déchets n'a pas pour but principal de remplacer des matières premières primaires dans le processus et les coïncinérateurs de déchets pour lesquels l'OVAM estime que la valorisation des déchets a effectivement pour but principal de remplacer des matières premières primaires dans le processus.

B.29. Ce grief n'est pas dirigé contre la disposition attaquée, qui satisfait, comme l'a constaté la Cour, aux exigences du principe de légalité, mais contre son application par l'OVAM. Une violation qui n'est pas imputable à la norme législative mais à une application éventuellement illégale de celle-ci ne relève pas de la compétence de la Cour.

B.30. Le quatrième moyen n'est pas fondé.

Par ces motifs, la Cour rejette le recours.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989, à l'audience publique du 1er septembre 2008.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, M. Bossuyt.

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