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Arrêt
publié le 19 septembre 2008

Extrait de l'arrêt n° 127/2008 du 1 er septembre 2008 Numéro du rôle : 4299 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 75, 3°, du Code des impôts sur les revenus 1992, posée par le Tribunal de première instance de N La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Melchior et M. Bossuyt, et des juges P. Ma(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 127/2008 du 1er septembre 2008 Numéro du rôle : 4299 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 75, 3°, du Code des impôts sur les revenus 1992, posée par le Tribunal de première instance de Namur.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Melchior et M. Bossuyt, et des juges P. Martens, R. Henneuse, E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, J. Spreutels et T. Merckx-Van Goey, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par jugement du 19 septembre 2007 en cause de la SA « Pic Epeiche » contre l'Etat belge, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 1er octobre 2007, le Tribunal de première instance de Namur a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 75, 3°, du CIR/1992 viole-t-il les dispositions des articles 10, 11 et 172 de la Constitution lorsque : En excluant du bénéfice des dispositions des articles 68 et suivants du CIR/1992 les sociétés qui, en raison de l'exercice de leur activité sociale, ont cédé à un tiers autre qu'une personne physique qui affecte ces immobilisations à la réalisation de bénéfices ou de profits l'usage des immobilisations acquises, il établit une distinction arbitraire et non justifiée raisonnablement et objectivement entre les sociétés qui, bénéficiant des mêmes dispositions, ont cédé à des tiers l'usage des immobilisations qu'elles ont acquises et celles qui ne les ont pas cédées;

En excluant du bénéfice des dispositions des articles 68 et suivants du CIR/1992 les sociétés qui, en raison de l'exercice de leur activité sociale, ont cédé à un tiers autre qu'une personne physique qui affecte ces immobilisations à la réalisation de bénéfices ou de profits l'usage des immobilisations acquises, il établit une distinction arbitraire et non justifiée raisonnablement et objectivement entre les sociétés qui, bénéficiant des mêmes dispositions, ont cédé à une personne physique qui affecte ces immobilisations à la réalisation de bénéfices ou de profits et celles qui les ont cédées à un tiers autre qu'une personne physique qui affecte ces immobilisations à la réalisation de bénéfices ou de profits;

En admettant que le bénéfice de la déduction pour investissement soit maintenu lorsque l'usage de l'immobilisation est cédé à un tiers, personne physique, qui l'affecte à la réalisation de bénéfices ou de profits, il exclut le bénéfice de la déduction pour investissement lorsque l'usage de l'immobilisation est cédé à une personne morale qui, par hypothèse, l'affecte également à son activité professionnelle, sans justification raisonnable et objective;

Il traite de manière identique, sans justification raisonnable et objective, une société qui donne en location une immobilisation à une autre société qui, si elle avait elle-même acquis l'immobilisation aurait pu bénéficier de la déduction pour investissement, et une société qui donne en location une immobilisation à une société qui, si elle avait elle-même acquis l'immobilisation n'aurait pas pu bénéficier de la déduction pour investissement, alors que ces deux sociétés se trouvent dans des situations distinctes ? ». (...) III. En droit (...) B.1.1. La question préjudicielle invite la Cour à se prononcer sur la compatibilité, avec les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, de l'article 75, 3°, du Code des impôts sur les revenus 1992 (ci-après : CIR 1992) en ce qu'il a pour effet d'exclure du bénéfice des dispositions des articles 68 et suivants du même Code les sociétés qui, en raison de l'exercice de leur activité sociale, ont cédé à un tiers autre qu'une personne physique qui affecte ces immobilisations à la réalisation de bénéfices ou de profits l'usage des immobilisations acquises.

B.1.2. L'article 68 du CIR 1992 dispose : « Les bénéfices et profits sont exonérés à concurrence d'une quotité de la valeur d'investissement ou de revient des immobilisations corporelles acquises à l'état neuf ou constituées à l'état neuf et des immobilisations incorporelles neuves, lorsque ces immobilisations sont affectées en Belgique à l'exercice de l'activité professionnelle.

Cette exonération est dénommée ' déduction pour investissement ' ».

L'article 75 du même Code dispose : « La déduction pour investissement n'est pas non plus applicable : [...] 3° aux immobilisations dont le droit d'usage a été cédé à un autre contribuable, selon des modalités différentes de celles visées au 2°, à moins que cette cession n'ait été effectuée à une personne physique qui affecte ces immobilisations en Belgique à la réalisation de bénéfices ou de profits et qui n'en cède pas l'usage à une tierce personne en tout ou en partie. [...] ».

L'article 201 du CIR 1992 dispose : « Dans les cas visés à l'article 69, § 1er, alinéa 1er, 1°), la déduction pour investissement est déterminée comme suit : 1° en ce qui concerne les sociétés résidentes dont les actions ou parts, représentant la majorité des droits de vote, sont détenues à concurrence de plus de la moitié par une ou plusieurs personnes physiques et qui ne font pas partie d'un groupe auquel appartient un centre de coordination visé à l'arrêté royal n° 187 du 30 décembre 1982 relatif à la création de centres de coordination, le pourcentage de la déduction est égal à l'augmentation exprimée en pour cent, de la moyenne des indices des prix à la consommation du Royaume de la pénultième année précédant celle dont le millésime désigne l'exercice d'imposition auquel est rattachée la période imposable au cours de laquelle l'investissement est effectué, par rapport à la moyenne des indices des prix à la consommation de l'année précédente, arrondie à l'unité supérieure ou inférieure selon que la fraction atteint ou non 50 p.c., et majorée de 1 point sans que le pourcentage ainsi obtenu puisse être inférieur à 3 p.c. ou supérieur à 10 p.c.; ce pourcentage ne s'applique qu'à la première tranche de 5.000.000 EUR d'investissements effectués par période imposable; 2° en ce qui concerne les sociétés non visées au 1°, le pourcentage de la déduction est celui visé au 1°, mais ramené à 0. Le Roi peut, lorsque les circonstances économiques le justifient, majorer, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, le pourcentage de base de la déduction pour investissement visé à l'alinéa 1er, 1°, ainsi que le pourcentage visé à l'alinéa 1er, 2°, en tant qu'il est ramené à 0.

Le Roi saisira les Chambres législatives, immédiatement si elles sont réunies, sinon dès l'ouverture de leur plus prochaine session, d'un projet de loi de confirmation des arrêtés pris en exécution du présent article.

Le montant de 5.000.000 EUR visé à l'alinéa 1er, 1°, est adapté annuellement à l'indice des prix à la consommation du Royaume. Cette adaptation est réalisée à l'aide du coefficient qui est obtenu en divisant la moyenne des indices des prix de la pénultième année précédant celle dont le millésime désigne l'exercice d'imposition par la moyenne des indices des prix de l'année 1988. Pour les calculs, on applique les dispositions de l'article 178, § 2, alinéas 2 et 3 ».

B.2.1. La disposition en cause trouve son origine dans l'article 65 de la loi de redressement du 31 juillet 1984 (Moniteur belge , 10 août 1984), qui a inséré un article 42ter, § 6, alinéa 2, 4°, dans le CIR 1964 en vue d'exclure la déduction pour investissement pour les immobilisations dont le droit d'usage autre que celui visé au 2° (en l'occurrence la cession d'usage dans le cadre d'un crédit-bail, d'une convention d'emphytéose, de superficie ou de droits immobiliers similaires) a été cédé à un tiers, à moins que cette cession n'ait été effectuée au profit d'exploitations au sens de l'article 10, 1°, (soit les exploitations industrielles, commerciales ou agricoles) qui affectent l'usage de ces immobilisations à l'exercice de leur activité professionnelle en Belgique, sans le céder à un tiers en tout ou en partie.

Cette disposition a été justifiée comme suit dans les travaux préparatoires de la loi de redressement du 31 juillet 1984 : « L'expérience a montré que des entreprises étrangères constituent une société en Belgique, laquelle a pour objet de donner des immobilisations en location aux sociétés dont elles émanent et de pouvoir ainsi profiter de la déduction pour investissement.

La déduction pour investissement n'a bien entendu pas été instaurée pour avantager des entreprises étrangères qui n'ont pas en Belgique de siège de direction ou d'exploitation. C'est la raison pour laquelle il est proposé de ne plus accorder la déduction pour investissement dans les cas où tout droit d'usage de biens mobiliers, autre que le leasing, est cédé à des tiers, étant entendu que la cession d'un tel droit à des entreprises établies en Belgique ne tombe pas dans le champ de l'exclusion » (Doc. parl., Chambre, 1983-1984, n° 927/1, p. 28 et n° 927/27, p. 415).

B.2.2. La disposition d'origine a fait l'objet de deux modifications successives. Ainsi, l'article 12 de la loi du 28 juillet 1992 portant des dispositions fiscales et financières (Moniteur belge , 31 juillet 1992) a étendu le bénéfice des déductions pour investissement aux titulaires de professions libérales, charges ou offices pour les motifs suivants : « En règle générale, la déduction pour investissement ne s'applique pas aux immobilisations dont l'usage est cédé à des tiers.Toutefois, si le preneur est une entreprise industrielle, commerciale ou agricole qui affecte ces immobilisations à son activité professionnelle en Belgique, sans en céder l'usage à un tiers, la déduction reste acquise pour le bailleur. Cette exception est étendue par le projet aux locataires, titulaires d'une profession libérale, charge ou office.

Une telle extension est logique puisque ces derniers contribuables bénéficient, depuis la loi du 7 décembre 1988, d'un droit général à la déduction pour investissement, à l'instar des entrepreneurs » (Doc. parl., Chambre, 1991-1992, n° 444/9, p. 136).

Quant à la deuxième modification, elle a été introduite par l'article 3 de la loi du 28 décembre 1992 portant des dispositions fiscales, financières et diverses (Moniteur belge , 31 décembre 1992), et justifiée comme suit dans les travaux préparatoires de la loi : « Le ministre rappelle que l'article 18 de la loi du 28 juillet 1992 portant des dispositions fiscales et financières (Moniteur belge du 31 juillet 1992) a ramené à zéro le taux de la déduction pour investissement pour les sociétés dont les actions ou parts ne sont détenues, à concurrence de plus de la moitié, par une ou plusieurs personnes physiques et pour les sociétés qui font partie d'un groupe auquel appartient un centre de coordination.

L'administration a cependant constaté que certaines grandes sociétés tentent de contourner cette disposition en faisant effectuer leur investissement par des PME, qui répondent quant à elles aux conditions requises.

L'article 1erter proposé vise dès lors à combattre cette pratique.

La déduction pour investissement est toutefois maintenue dans le cas où le droit d'usage des actifs immobilisés est cédé par une PME à une autre PME qui satisfait également aux conditions permettant de bénéficier de la déduction pour investissement.

L'article 1erter vise dès lors uniquement les cas où une PME bénéficie de la déduction pour investissement pour des actifs immobilisés dont elle cède le droit d'usage à une (grande) société qui ne peut elle-même bénéficier d'aucune déduction pour investissement (tarif zéro) » (Doc. parl., Chambre, 1992-1993, n° 717/5, p. 54).

B.3.1. La première différence de traitement dénoncée concerne celle qui existe entre, d'une part, les sociétés qui ont cédé le droit d'usage des immobilisations acquises à des tiers autres qu'une personne physique qui affecte ces immobilisations à la réalisation de bénéfices ou de profits et, d'autre part, les sociétés qui ne l'ont pas cédé. D'après le juge a quo, contrairement à la première catégorie de sociétés visée, celles qui n'ont pas cédé à des tiers l'usage des immobilisations acquises ne sont pas exclues de la déduction pour investissement en application de l'article 75, 3°, du CIR 1992.

B.3.2. Il ressort de l'article 201, alinéa 1er, 2°, du CIR 1992 que la déduction pour investissement est exclue dans le chef des sociétés qui ne répondent pas aux deux critères mentionnés au 1° de la même disposition, en l'occurrence ceux d'une petite et moyenne entreprise (PME) au sens de ladite disposition. En effet, pour de telles sociétés, le pourcentage de la déduction pour investissement est ramené à zéro. Pour ce qui concerne les PME, l'article 201, alinéa 1er, 1°, précité limite la déduction pour investissement à un montant de 5 millions d'euros d'investissements effectués par période imposable.

B.3.3. La mesure prévue par l'article 201, alinéa 1er, 1° et 2°, du CIR 1992 a été justifiée comme suit dans les travaux préparatoires de la loi du 28 juillet 1992 qui est à l'origine de son adoption : « L'avantage fiscal que représente pour les sociétés la déduction pour investissement n'étant pas l'élément prépondérant dans la décision d'investir, il a été décidé de réduire à zéro - mais seulement pour les sociétés le pourcentage de cette déduction pour les investissements réalisés à partir du 27 mars 1992 (date de l'annonce de la mesure par le Gouvernement). Celle-ci n'est cependant pas supprimée de sorte que, si les circonstances économiques l'exigent, la déduction peut être réintroduite par un arrêté royal délibéré en Conseil des ministres.

L'arrêté royal devra être confirmé par une loi. [...] » (Doc. parl., Chambre, 1991-1992, n° 444/1, p. 16).

B.4.1. Compte tenu de ce que le régime de déduction pour investissement diffère selon qu'il s'agit ou non d'une société répondant aux critères de la PME au sens de la disposition précitée, la Cour doit opérer une distinction entre les deux types de sociétés pour se prononcer sur la première différence de traitement dénoncée.

Ainsi, une société qui ne répond pas aux critères d'une PME au sens de l'article 201, alinéa 1er, 1°, du CIR 1992 et qui, dans le cadre de l'exercice de son activité sociale, exploite l'immobilisation sans en céder l'usage, ne peut prétendre à aucune déduction pour investissement dès lors que le taux de celle-ci est ramené à zéro par l'effet du 2° de la même disposition. Il en résulte que, dans cette hypothèse, elle n'est pas traitée de manière différente d'une société qui, en raison de l'exercice de son activité sociale, exploite l'immobilisation en en cédant l'usage à un tiers autre qu'une personne physique qui affecte cette immobilisation à la réalisation de bénéfices ou de profits et qui n'en cède pas l'usage à une tierce personne en tout ou en partie, cette dernière étant elle aussi exclue du bénéfice de la déduction pour investissement.

Lorsqu'en revanche, une société répond aux critères de la PME définis à l'article 201, alinéa 1er, 1°, du CIR 1992, elle peut prétendre au bénéfice de la déduction pour investissement jusqu'à un montant de 5 millions d'euros d'investissements effectués par période imposable lorsqu'elle exploite l'immobilisation sans en céder l'usage. Tel n'est pas le cas pour une société (qu'elle réponde ou non aux critères de la PME) qui exploite l'immobilisation en en cédant l'usage à un tiers autre qu'une personne physique qui affecte cette immobilisation à la réalisation de bénéfices ou profits et qui n'en cède pas l'usage à une tierce personne en tout ou en partie. Celle-ci se trouve en effet exclue du bénéfice de la déduction pour investissement par l'effet de l'article 75, 3°, du CIR 1992 en cause.

B.4.2. Compte tenu de l'objectif décrit en B.2.2, il est raisonnablement justifié d'exclure de la déduction pour investissement une société qui répond aux critères de la PME définis à l'article 201, alinéa 1er, 1°, du CIR 1992 et qui cède le droit d'usage de l'immobilisation acquise à une société qui ne répond pas auxdits critères et ne pourrait, partant, prétendre à la déduction pour investissement prévue aux articles 68 et suivants du même Code si elle avait elle-même acquis l'immobilisation.

Toutefois, en ce qu'elle a pour effet d'exclure de la déduction pour investissement l'immobilisation acquise par une PME au sens de l'article 201, alinéa 1er, 1°, du Code lorsque celle-ci cède le droit d'usage de ladite immobilisation à une autre société PME qui pourrait elle-même prétendre à la déduction si elle avait acquis l'immobilisation, la mesure prescrite par l'article 75, 3°, du CIR 1992 n'est pas pertinente pour atteindre l'objectif du législateur. Le risque de contournement de l'interdiction de déduction est, en effet, inexistant en pareille hypothèse puisque la société cédante et la société cessionnaire peuvent toutes deux prétendre à la déduction pour investissement en vertu de l'article 201, alinéa 1er, 1°, du CIR 1992.

B.4.3. La question préjudicielle appelle, dans cette mesure, une réponse positive.

B.5. La Cour est invitée par le juge a quo à se prononcer sur une deuxième différence de traitement, en l'occurrence celle qui existe entre, d'une part, une société qui, en raison de l'exercice de son activité sociale, exploite l'immobilisation en en cédant l'usage à une personne physique qui affecte cette immobilisation à la réalisation de bénéfices ou profits et qui n'en cède pas l'usage à une tierce personne en tout ou en partie et, d'autre part, une société qui, en raison de l'exercice de son activité sociale, exploite l'immobilisation en en cédant l'usage à un tiers autre qu'une personne physique qui affecte cette immobilisation à la réalisation de bénéfices ou de profits et qui n'en cède pas l'usage à une tierce personne en tout ou en partie. En effet, tandis que la première catégorie de sociétés visée bénéficie de la déduction pour investissement, la seconde catégorie s'en trouve exclue par l'effet de la disposition en cause.

B.6.1. En application de l'article 201, alinéa 1er, du CIR 1992, le régime de déduction pour investissement diffère selon qu'il s'agit ou non d'une société répondant aux critères de la PME au sens de cette disposition.

Comme il a été indiqué en B.4.1, une société qui ne répond pas aux critères de la PME au sens de l'article 201, alinéa 1er, 1°, du CIR 1992 et qui cède l'usage de l'immobilisation à une personne physique aux conditions décrites dans la question préjudicielle voit le taux de déduction pour investissement ramené à zéro par l'effet de l'article 201, alinéa 1er, 2°, du même Code. Pareille société qui cède l'usage de l'immobilisation acquise à un tiers autre qu'une personne physique est exclue du bénéfice de la déduction pour investissement par l'effet de l'article 75, 3°, du CIR 1992. Dès lors qu'il n'existe pas de différence de traitement dans cette hypothèse, la question préjudicielle appelle une réponse négative.

B.6.2. Doit encore être examinée l'hypothèse d'une société qui répond aux critères de la PME au sens de l'article 201, alinéa 1er, 1°, du CIR 1992, selon qu'elle cède l'usage de l'immobilisation acquise à une personne physique aux conditions décrites par la question ou selon qu'elle cède l'usage de l'immobilisation à un tiers autre qu'une personne physique.

Pour les motifs mentionnés en B.4.1 et B.4.2, le législateur a pu raisonnablement considérer, compte tenu de l'objectif qu'il entendait poursuivre et qui a été rappelé en B.2.2, qu'il convenait d'exclure de la déduction pour investissement les PME qui cèdent l'usage de l'immobilisation acquise à des sociétés qui n'auraient pu prétendre au bénéfice de la déduction pour investissement si elles avaient elles-mêmes acquis l'immobilisation en question.

En revanche, en ce qu'elle a pour effet d'exclure du bénéfice de la déduction pour investissement une PME au sens de l'article 201, alinéa 1er, 1°, du CIR 1992, qui cède l'usage de l'immobilisation acquise à une autre PME au sens de la même disposition, alors que celle-ci aurait pu bénéficier de la déduction pour investissement si elle avait elle-même acquis l'immobilisation, la mesure prescrite par l'article 75, 3°, du CIR 1992 n'est pas pertinente par rapport à l'objectif poursuivi.

B.6.3. La question préjudicielle appelle, dans cette mesure, une réponse positive.

B.7.1. La Cour est enfin interrogée sur l'identité de traitement qui existerait, selon les termes employés par le juge a quo, entre « une société qui donne en location une immobilisation à une autre société qui, si elle avait elle-même acquis l'immobilisation aurait pu bénéficier de la déduction pour investissement, et une société qui donne en location une immobilisation à une [autre] société qui, si elle avait elle-même acquis l'immobilisation, n'aurait pas pu bénéficier de la déduction pour investissement, alors que ces deux sociétés se [trouveraient] dans des situations distinctes ».

B.7.2. Bien que les termes de la question elle-même semblent viser deux catégories identiques, il ressort des motifs du jugement ainsi que des mémoires introduits par les parties que la Cour est invitée à se prononcer sur la situation d'une société qui ne répond pas aux critères de la PME inscrits à l'article 201, alinéa 1er, 1°, du CIR 1992 et qui se trouve exclue du bénéfice de la déduction pour investissement lorsqu'elle cède l'usage de l'immobilisation acquise que ce soit à une autre société ne répondant pas aux critères de la PME ou à une société qui répond à de tels critères.

B.8. Par la loi du 28 juillet 1992, le législateur a entendu ramener à zéro le pourcentage de la déduction pour investissement applicable aux sociétés qui ne répondent pas aux critères de la PME définis à l'article 201, alinéa 1er, 1°, du CIR 1992. Il en résulte que quelle que soit la qualité du cessionnaire auquel elles cèdent le droit d'usage de l'immobilisation qu'elles ont acquise, ces sociétés ne peuvent bénéficier d'aucune déduction pour investissement.

La mesure qui consiste à supprimer la déduction pour investissement pour les sociétés qui ne présentent pas les caractéristiques d'une PME au sens du Code des impôts sur les revenus relève du pouvoir d'appréciation du législateur et n'est pas manifestement déraisonnable compte tenu de l'objectif qu'il entendait poursuivre, qui a été rappelé en B.3.3. La qualité du cessionnaire de l'usage de l'immobilisation acquise n'est pas de nature à justifier qu'une différence de traitement soit établie entre les sociétés cédantes eu égard au choix du législateur de ramener à zéro le pourcentage de la déduction pour investissement.

B.9. La question préjudicielle appelle, dans cette mesure, une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 75, 3°, du Code des impôts sur les revenus 1992 viole les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il a pour effet d'exclure de la déduction pour investissement une société qui répond aux critères de la PME au sens de l'article 201, alinéa 1er, 1°, du CIR 1992, et qui, en raison de l'exercice de son activité sociale, cède l'usage de l'immobilisation acquise à une société qui répond elle-même aux critères de la PME au sens de la dernière disposition citée.

Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989, à l'audience publique du 1er septembre 2008.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, M. Melchior.

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