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Arrêt
publié le 13 février 2009

Extrait de l'arrêt n° 11/2009 du 21 janvier 2009 Numéros du rôle : 3194 et 3195 En cause : les recours en annulation totale ou partielle du décret de la Communauté flamande du 30 avril 2004 modifiant le décret du 30 mars 1999 portant organi La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Melchior et M. Bossuyt, et des juges P. Ma(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 11/2009 du 21 janvier 2009 Numéros du rôle : 3194 et 3195 En cause : les recours en annulation totale ou partielle du décret de la Communauté flamande du 30 avril 2004 modifiant le décret du 30 mars 1999 portant organisation de l'assurance soins, introduits par le Gouvernement de la Communauté française et le Gouvernement wallon.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Melchior et M. Bossuyt, et des juges P. Martens, R. Henneuse, E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, J. Spreutels et T. Merckx-Van Goey, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des recours et procédure a. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 9 décembre 2004 et parvenue au greffe le 10 décembre 2004, le Gouvernement de la Communauté française a introduit un recours en annulation du paragraphe 2ter de l'article 4 du décret de la Communauté flamande du 30 mars 1999 portant organisation de l'assurance soins, tel qu'il a été inséré par le décret du 30 avril 2004 (publié au Moniteur belge du 9 juin 2004).b. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 9 décembre 2004 et parvenue au greffe le 10 décembre 2004, le Gouvernement wallon a introduit un recours en annulation du décret de la Communauté flamande du 30 avril 2004 modifiant le décret du 30 mars 1999 portant organisation de l'assurance soins, et, à tout le moins, en annulation partielle de l'article 4 de ce décret du 30 mars 1999, tel qu'il a été modifié par le décret du 30 avril 2004 (publié au Moniteur belge du 9 juin 2004). Ces affaires, inscrites sous les numéros 3194 et 3195 du rôle de la Cour, ont été jointes. (...) II. En droit (...) Quant aux dispositions attaquées B.1. Ainsi que la Cour l'a indiqué en B.11 de son arrêt 51/2006 du 19 avril 2006, il ressort des requêtes en annulation introduites par le Gouvernement de la Communauté française (affaire n° 3194) et par le Gouvernement wallon (affaire n° 3195) qu'en ce qu'ils allèguent l'existence d'une discrimination à l'égard d'une catégorie de travailleurs, les moyens sont dirigés contre l'article 4, § 2ter, du décret du 30 mars 1999 portant organisation de l'assurance soins, inséré par l'article 2 du décret du 30 avril 2004, qui dispose : « § 2ter. Toute personne qui n'habite pas en Belgique et à laquelle s'applique en vertu de son propre droit et pour l'emploi dans la région de langue néerlandaise, le régime de sécurité sociale en Belgique sur base des règles d'assignation du règlement (CEE) n° 1408/71, doit être affiliée à une caisse d'assurance soins agréée par le présent décret. Les dispositions du présent décret relatives aux personnes visées au § 1er s'appliquent par analogie.

Toute personne qui n'habite pas en Belgique et à laquelle s'applique en vertu de son propre droit et pour l'emploi dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale, le régime de sécurité sociale en Belgique sur base des règles d'assignation du règlement (CEE) n° 1408/71, peut s'affilier volontairement à une caisse d'assurance soins agréée par le présent décret. Les dispositions du présent décret relatives aux personnes visées au § 2, s'appliquent par analogie ».

Quant aux moyens B.2.1. Le Gouvernement de la Communauté française prend un premier moyen de la violation des articles 10, 11 et 23 de la Constitution, lus isolément et en combinaison avec les articles 18, 39 et 43 du Traité C.E. ainsi qu'avec les articles 2, 3, 13, 18, 19, 20, 25 et 28 du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, en ce que le paragraphe 2ter de l'article 4 du décret du 30 mars 1999, inséré par l'article 2 du décret attaqué, subordonne l'application du régime décrétal à la condition que ces personnes « n'habitent pas en Belgique » et exclut, dès lors, de ce régime, des personnes qui « habitent en Belgique » et exercent leur emploi en région de langue néerlandaise.

Il est allégué, dans une première branche du moyen, que la juxtaposition, dans le décret, d'une compétence territoriale en fonction du lieu de résidence et du lieu d'exercice d'une activité professionnelle constituerait un frein à la libre circulation des personnes, et en particulier des travailleurs concernés par le deuxième critère et entraînerait une discrimination.

Dans une seconde branche du moyen, le Gouvernement de la Communauté française soutient que les dispositions attaquées emporteraient une discrimination à rebours à l'égard des ressortissants nationaux qui travaillent en région de langue néerlandaise et qui, ayant fait usage de leur droit à la libre circulation, ont quitté un Etat membre étranger où ils résidaient pour se domicilier en Belgique, en dehors de la région de langue néerlandaise et de la région bilingue de Bruxelles-Capitale, perdant de ce fait le bénéfice de l'assurance soins.

B.2.2. Dans la première branche de son deuxième moyen, qui est pris, entre autres, de la violation des articles 10, 11, 23, alinéa 3, 1°, et 191 de la Constitution, le Gouvernement de la Communauté française fait valoir que deux types de discrimination découlent de l'article attaqué : entre les personnes qui exercent une activité sur le territoire de la région de langue néerlandaise ou de la région bilingue de Bruxelles-Capitale, d'une part, en ce que seules celles qui n'habitent ni en région de langue néerlandaise, ni en région bilingue de Bruxelles-Capitale, ni hors du Royaume, sont exclues du régime décrétal et, d'autre part, en ce qu'un régime préférentiel est consenti aux étrangers qui exercent une activité « en région de langue néerlandaise ou en région bilingue de Bruxelles-Capitale et qui bénéficient de ce fait, du système de sécurité sociale belge », par rapport aux personnes « qui habitent le Royaume, en dehors de la région de langue néerlandaise et de la région bilingue de Bruxelles-Capitale, tout en travaillant aussi dans l'une de ces deux régions ».

Le troisième moyen du Gouvernement wallon est, lui aussi, pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution.

B.2.3. Les différents moyens pris de la violation du principe d'égalité et de non-discrimination critiquent en substance les termes « qui n'habite pas en Belgique » utilisés dans la disposition entreprise, d'où il découle que les personnes qui habitent en Belgique, mais en dehors de la région de langue néerlandaise ou de la région bilingue de Bruxelles-Capitale, sont exclues du régime de l'assurance soins, même lorsqu'elles exercent une activité professionnelle dans l'une de ces régions linguistiques.

B.2.4. Selon le Gouvernement de la Communauté française, la disposition concernée serait incompatible non seulement avec les articles 10 et 11 de la Constitution, mais également avec ces articles lus en combinaison avec plusieurs dispositions du droit communautaire européen ayant pour but de garantir la libre circulation des personnes.

B.3.1. Les articles 2, 3, 13, 18, 19, 20, 25 et 28 du règlement (CEE) n° 1408/71 visés au premier moyen de la requête introduite par le Gouvernement de la Communauté française disposent : « Article 2 - Champ d'application personnel 1.Le présent règlement s'applique aux travailleurs qui sont ou ont été soumis à la législation de l'un ou de plusieurs des Etats membres et qui sont des ressortissants de l'un des Etats membres ou bien des apatrides ou des réfugiés résidant sur le territoire d'un des Etats membres, ainsi qu'aux membres de leur famille et à leurs survivants. 2. En outre, le présent règlement s'applique aux survivants des travailleurs qui ont été soumis à la législation de l'un ou de plusieurs des Etats membres, quelle que soit la nationalité de ces travailleurs, lorsque leurs survivants sont des ressortissants de l'un des Etats membres ou bien des apatrides ou des réfugiés résidant sur le territoire d'un des Etats membres.3. Le présent règlement s'applique aux fonctionnaires et au personnel qui, selon la législation applicable, leur est assimilé, dans la mesure où ils sont ou ont été soumis à la législation d'un Etat membre à laquelle le présent règlement est applicable. Article 3 - Egalité de traitement 1. Les personnes qui résident sur le territoire de l'un des Etats membres et auxquelles les dispositions du présent règlement sont applicables sont soumises aux obligations et sont admises au bénéfice de la législation de tout Etat membre dans les mêmes conditions que les ressortissants de celui-ci, sous réserve de dispositions particulières contenues dans le présent règlement.2. Les dispositions du paragraphe 1 sont applicables au droit d'élire les membres des organes des institutions de sécurité sociale ou de participer à leur désignation, mais ne portent pas atteinte aux dispositions de la législation des Etats membres en ce qui concerne l'éligibilité et les modes de désignation des intéressés à ces organes.3. Le bénéfice des dispositions de conventions de sécurité sociale qui restent applicables en vertu de l'article 7, paragraphe 2, alinéa c), ainsi que des dispositions des conventions conclues en vertu de l'article 8, paragraphe 1, est étendu à toutes les personnes auxquelles s'applique le présent règlement, à moins qu'il n'en soit disposé autrement à l'annexe II ». « Article 13 - Règles générales 1. Le travailleur auquel le présent règlement est applicable n'est soumis qu'à la législation d'un seul Etat membre.Cette législation est déterminée conformément aux dispositions du présent titre. 2. Sous réserve des dispositions des articles 14 à 17 : a) le travailleur occupé sur le territoire d'un Etat membre est soumis à la législation de cet Etat, même s'il réside sur le territoire d'un autre Etat membre ou si l'entreprise ou l'employeur qui l'occupe a son siège ou son domicile sur le territoire d'un autre Etat membre;b) le travailleur occupé à bord d'un navire battant pavillon d'un Etat membre est soumis à la législation de cet Etat;c) les fonctionnaires et le personnel assimilé sont soumis à la législation de l'Etat membre dont relève l'administration qui les occupe;d) le travailleur appelé ou rappelé sous les drapeaux d'un Etat membre garde la qualité de travailleur et est soumis à la législation de cet Etat;si le bénéfice de cette législation est subordonné à l'accomplissement de périodes d'assurance avant l'incorporation ou après la libération du service militaire, les périodes d'assurance accomplies sous la législation de tout autre Etat membre sont prises en compte, dans la mesure nécessaire, comme s'il s'agissait de périodes d'assurance accomplies sous la législation du premier Etat ». « Article 18 - Totalisation des périodes d'assurance 1. L'institution compétente d'un Etat membre dont la législation subordonne l'acquisition, le maintien ou le recouvrement du droit aux prestations à l'accomplissement de périodes d'assurance tient compte, dans la mesure nécessaire, des périodes d'assurance accomplies sous la législation de tout autre Etat membre, comme s'il s'agissait de périodes accomplies sous la législation qu'elle applique.2. Les dispositions du paragraphe 1 sont applicables au travailleur saisonnier, même s'il s'agit de périodes antérieures à une interruption d'assurance ayant excédé la durée admise par la législation de l'Etat compétent, à condition toutefois que le travailleur intéressé n'ait pas cessé d'être assuré pendant une durée supérieure à quatre mois. [...] Article 19 - Résidence dans un Etat membre autre que l'Etat compétent - Règles générales 1. Le travailleur qui réside sur le territoire d'un Etat membre autre que l'Etat compétent et qui satisfait aux conditions requises par la législation de l'Etat compétent pour avoir droit aux prestations, compte tenu, le cas échéant, des dispositions de l'article 18, bénéficie dans l'Etat de sa résidence : a) des prestations en nature servies, pour le compte de l'institution compétente, par l'institution du lieu de résidence, selon les dispositions de la législation qu'elle applique, comme s'il y était affilié;b) des prestations en espèces servies par l'institution compétente selon les dispositions de la législation qu'elle applique.Toutefois, après accord entre l'institution compétente et l'institution du lieu de résidence, ces prestations peuvent être servies par cette dernière institution, pour le compte de la première, selon les dispositions de la législation de l'Etat compétent. 2. Les dispositions du paragraphe 1, alinéa a), sont applicables par analogie aux membres de la famille qui résident sur le territoire d'un Etat membre autre que l'Etat compétent, pour autant qu'ils n'aient pas droit à ces prestations en vertu de la législation de l'Etat sur le territoire duquel ils résident. Article 20 - Travailleurs frontaliers et membres de leur famille - Règles particulières Le travailleur frontalier peut également obtenir les prestations sur le territoire de l'Etat compétent. Ces prestations sont servies par l'institution compétente selon les dispositions de la législation de cet Etat, comme si le travailleur résidait dans celui-ci. Les membres de sa famille peuvent bénéficier des prestations en nature dans les mêmes conditions; toutefois, le bénéfice de ces prestations est, sauf en cas d'urgence, subordonné à un accord entre les Etats intéressés ou entre les autorités compétentes de ces Etats ou, à défaut, à l'autorisation préalable de l'institution compétente ». « Article 25 1. Un travailleur en chômage auquel s'appliquent les dispositions de l'article 69, paragraphe 1, et de l'article 71, paragraphe 1, alinéa b), ii) deuxième phrase, et qui satisfait aux conditions requises par la législation de l'Etat compétent pour avoir droit aux prestations en nature et en espèces, compte tenu, le cas échéant, des dispositions de l'article 18, bénéficie, pendant la durée prévue à l'article 69, paragraphe 1, alinéa c) : a) des prestations en nature servies, pour le compte de l'institution compétente, par l'institution de l'Etat membre dans lequel il cherche un emploi, selon les dispositions de la législation que cette dernière institution applique, comme s'il y était affilié;b) des prestations en espèces servies par l'institution compétente selon les dispositions de la législation qu'elle applique.Toutefois, après accord entre l'institution compétente et l'institution de l'Etat membre dans lequel le chômeur cherche un emploi, les prestations peuvent être servies par cette institution pour le compte de la première, selon les dispositions de la législation de l'Etat compétent. Les prestations de chômage prévues à l'article 69, paragraphe 1, ne sont pas octroyées pendant la période de perception de prestations en espèces. 2. Un travailleur en chômage complet auquel s'appliquent les dispositions de l'article 71, paragraphe 1, alinéa a), ii), ou alinéa b), ii), première phrase, bénéficie des prestations en nature et en espèces selon les dispositions de la législation de l'Etat membre sur le territoire duquel il réside, comme s'il avait été soumis à cette législation au cours de son dernier emploi, compte tenu, le cas échéant, des dispositions de l'article 18;ces prestations sont à la charge de l'institution du pays de résidence. 3. Lorsqu'un chômeur satisfait aux conditions requises par la législation de l'Etat membre auquel incombe la charge des prestations de chômage pour que soit ouvert le droit aux prestations en nature, compte tenu le cas échéant, des dispositions de l'article 18, les membres de sa famille bénéficient de ces prestations, quel que soit l'Etat membre sur le territoire duquel ils résident ou séjournent.Ces prestations sont servies par l'institution du lieu de résidence ou de séjour, selon les dispositions de la législation qu'elle applique, pour le compte de l'institution compétente de l'Etat membre auquel incombe la charge des prestations de chômage. 4. Sans préjudice des dispositions de la législation d'un Etat membre permettant l'octroi des prestations de maladie pendant une durée supérieure, la durée prévue au paragraphe 1 peut, dans des cas de force majeure, être prolongée par l'institution compétente dans la limite fixée par la législation que cette institution applique ». « Article 28 - Pensions ou rentes dues en vertu de la législation d'un seul ou de plusieurs Etats, un droit aux prestations en nature n'existant pas dans le pays de résidence 1. Le titulaire d'une pension ou d'une rente due au titre de la législation d'un Etat membre ou de pensions ou de rentes dues au titre des législations de deux ou plusieurs Etats membres qui n'a pas droit aux prestations en nature au titre de la législation de l'Etat membre sur le territoire duquel il réside bénéficie néanmoins de ces prestations pour lui-même et les membres de sa famille, dans la mesure ou il y aurait droit en vertu de la législation de l'Etat membre ou de l'un au moins des Etats membres compétents en matière de pension, compte tenu, le cas échéant, des dispositions de l'article 18 et de l'annexe V, s'il résidait sur le territoire de l'Etat concerné.Les prestations sont servies pour le compte de l'institution visée au paragraphe 2 par l'institution du lieu de résidence, comme si l'intéressé était titulaire d'une pension ou d'une rente en vertu de la législation de l'Etat sur le territoire duquel il réside et avait droit aux prestations en nature. 2. Dans les cas visés au paragraphe 1, la charge des prestations en nature incombe à l'institution déterminée selon les règles suivantes : a) si le titulaire a droit auxdites prestations en vertu de la législation d'un seul Etat membre, la charge incombe a l'institution compétente de cet Etat;b) si le titulaire a droit auxdites prestations en vertu des législations de deux ou plusieurs Etats membres, la charge en incombe à l'institution compétente de l'Etat membre sous la législation duquel le titulaire a accompli la plus longue période d'assurance;au cas ou l'application de cette règle aurait pour effet d'attribuer la charge des prestations à plusieurs institutions, la charge en incombe à celle de ces institutions à laquelle le titulaire a été affilié en dernier lieu ».

B.3.2. L'article 18 du Traité instituant la Communauté européenne dispose : « 1. Tout citoyen de l'Union a le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres, sous réserve des limitations et conditions prévues par le présent traité et par les dispositions prises pour son application. 2. Si une action de la Communauté apparaît nécessaire pour atteindre cet objectif, et sauf si le présent traité a prévu des pouvoirs d'action à cet effet, le Conseil peut arrêter des dispositions visant à faciliter l'exercice des droits visés au paragraphe 1.Il statue conformément à la procédure visée à l'article 251. 3. Le paragraphe 2 ne s'applique pas aux dispositions concernant les passeports, les cartes d'identité, les titres de séjour ou tout autre document assimilé, ni aux dispositions concernant la sécurité sociale ou la protection sociale ». L'article 39 du Traité C.E. dispose : « 1. La libre circulation des travailleurs est assurée à l'intérieur de la Communauté. 2. Elle implique l'abolition de toute discrimination, fondée sur la nationalité, entre les travailleurs des Etats membres, en ce qui concerne l'emploi, la rémunération et les autres conditions de travail.3. Elle comporte le droit, sous réserve des limitations justifiées par des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique : a) de répondre à des emplois effectivement offerts;b) de se déplacer à cet effet librement sur le territoire des Etats membres;c) de séjourner dans un des Etats membres afin d'y exercer un emploi conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives régissant l'emploi des travailleurs nationaux;d) de demeurer, dans des conditions qui feront l'objet de règlements d'application établis par la Commission, sur le territoire d'un Etat membre, après y avoir occupé un emploi.4. Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux emplois dans l'administration publique ». L'article 43 du Traité C.E. dispose : « Dans le cadre des dispositions visées ci-après, les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un Etat membre dans le territoire d'un autre Etat membre sont interdites. Cette interdiction s'étend également aux restrictions à la création d'agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d'un Etat membre établis sur le territoire d'un Etat membre.

La liberté d'établissement comporte l'accès aux activités non salariées et leur exercice, ainsi que la constitution et la gestion d'entreprises, et notamment de sociétés au sens de l'article 48, deuxième alinéa, dans les conditions définies par la législation du pays d'établissement pour ses propres ressortissants, sous réserve des dispositions du chapitre relatif aux capitaux ».

B.4. Après avoir constaté que les moyens faisaient surgir plusieurs questions relevant du droit européen, la Cour a, par son arrêt n° 51/2006, avant d'examiner leur bien-fondé, posé à la Cour de justice des Communautés européennes les questions préjudicielles suivantes : « 1. Un système d'assurance soins qui (a) est instauré par une communauté autonome d'un Etat fédéral membre de la Communauté européenne, (b) est applicable aux personnes qui sont domiciliées dans la partie du territoire de cet Etat fédéral pour laquelle cette communauté autonome est compétente, (c) donne droit à la prise en charge, par ce système, des frais encourus pour des prestations d'aide et de services non médicaux aux personnes affectées par une autonomie réduite prolongée et grave, affiliées audit système, sous forme d'une intervention forfaitaire dans les frais y afférents et (d) est financé par, d'une part, les cotisations annuelles des affiliés et, d'autre part, une dotation à charge du budget des dépenses de la communauté autonome concernée, constitue-t-il un régime relevant du champ d'application matériel du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, défini à l'article 4 de ce règlement ? 2. En cas de réponse affirmative à la première question préjudicielle : le règlement précité, en particulier ses articles 2, 3 et 13, et, pour autant qu'ils soient applicables, ses articles 18, 19, 20, 25 et 28, doit-il être interprété en ce sens que ces dispositions s'opposent à ce qu'une communauté autonome d'un Etat fédéral membre de la Communauté européenne adopte des dispositions qui, dans l'exercice de ses compétences, limitent l'admission à l'assurabilité et le bénéfice d'un régime de sécurité sociale au sens de ce règlement aux personnes qui ont leur domicile sur le territoire pour lequel cette communauté autonome est compétente et, en ce qui concerne les citoyens de l'Union européenne, aux personnes qui sont employées dans ce territoire et ont leur domicile dans un autre Etat membre, à l'exclusion des personnes, quelle que soit leur nationalité, qui ont leur domicile dans une partie du territoire de l'Etat fédéral pour laquelle une autre communauté autonome est compétente ? 3.Les articles 18, 39 et 43 du Traité C.E. doivent-ils être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à ce qu'une communauté autonome d'un Etat fédéral membre de la Communauté européenne adopte des dispositions qui, dans l'exercice de ses compétences, limitent l'admission à l'assurabilité et le bénéfice d'un régime de sécurité sociale au sens du règlement précité aux personnes qui ont leur domicile sur le territoire pour lequel cette communauté autonome est compétente et, en ce qui concerne les citoyens de l'Union européenne, aux personnes qui sont employées sur ce territoire et sont domiciliées dans un autre Etat membre, à l'exclusion des personnes, quelle que soit leur nationalité, qui ont leur domicile dans une partie du territoire de l'Etat fédéral pour laquelle une autre communauté autonome est compétente ? 4. Les articles 18, 39 et 43 du Traité C.E. doivent-ils être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à ce que le champ d'application d'un tel système soit limité aux personnes qui sont domiciliées dans les entités d'un Etat fédéral membre de la Communauté européenne visées par ce système ? ».

B.5.1. Par l'arrêt du 1er avril 2008, rendu dans l'affaire C-212/06, la Cour de justice des Communautés européennes a répondu aux quatre questions qui lui étaient soumises.

A la première question, la Cour de justice a répondu ce qui suit : « Des prestations versées au titre d'un régime tel que celui de l'assurance soins institué par le décret du Parlement flamand portant organisation de l'assurance soins (Decreet houdende de organisatie van de zorgverzekering), du 30 mars 1999, dans sa version résultant du décret du Parlement flamand modifiant le décret du 30 mars 1999 portant organisation de l'assurance soins (Decreet van de Vlaamse Gemeenschap houdende wijziging van het decreet van 30 maart 1999 houdende de organisatie van de zorgverzekering), du 30 avril 2004, relèvent du champ d'application matériel du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) n° 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996, tel que modifié par le règlement (CE) n° 307/1999 du Conseil, du 8 février 1999 ».

La Cour de justice a examiné conjointement les deuxième et troisième questions préjudicielles et a dit pour droit : « les articles 39 CE et 43 CE doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation d'une entité fédérée d'un Etat membre, telle que celle régissant l'assurance soins instituée par la Communauté flamande par ledit décret du 30 mars 1999, dans sa version résultant du décret du Parlement flamand du 30 avril 2004, limitant l'affiliation à un régime de sécurité sociale et le bénéfice des prestations prévues par celui-ci aux personnes qui soit résident sur le territoire relevant de la compétence de cette entité, soit exercent une activité professionnelle sur ce même territoire tout en résidant dans un autre Etat membre, dans la mesure où une telle limitation affecte des ressortissants d'autres Etats membres ou des ressortissants nationaux ayant fait usage de leur droit de libre circulation à l'intérieur de la Communauté européenne ».

Enfin, à la quatrième question préjudicielle, la Cour de justice des Communautés européennes a répondu que les considérations développées aux points 47 à 59 de l'arrêt en réponse aux deuxième et troisième questions valaient, à plus forte raison, pour une réglementation comportant une restriction supplémentaire par rapport au régime applicable à la suite de l'adoption du décret du 30 avril 2004, étant donné que cette réglementation excluait de son champ d'application l'ensemble des personnes exerçant une activité professionnelle dans la région de langue néerlandaise ou dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale, mais habitant en dehors de ces deux régions, y compris donc les personnes résidant dans un autre Etat membre.

B.5.2. La Cour examine les moyens en tenant compte de l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes précité.

B.6. La disposition attaquée a pour effet d'exclure du champ d'application du décret les personnes, en ce compris les ressortissants d'autres Etats membres, qui travaillent dans la région de langue néerlandaise ou dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale, mais qui habitent dans la région de langue française ou dans la région de langue allemande.

B.7. A cet égard, deux situations doivent être distinguées : celle des ressortissants des autres Etats membres de la Communauté européenne ainsi que des ressortissants belges qui ont fait usage de leur droit à la libre circulation des personnes à l'intérieur de la Communauté européenne, d'une part, et celle des ressortissants belges qui n'ont pas fait usage de leur droit à la libre circulation des personnes à l'intérieur de la Communauté européenne, d'autre part.

B.8.1. La Cour examine tout d'abord la situation des citoyens d'autres Etats membres de la Communauté européenne et des citoyens belges qui ont fait usage de leur droit à la libre circulation des personnes à l'intérieur de la Communauté européenne et qui travaillent dans la région de langue néerlandaise ou dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale mais habitent dans la région de langue française ou allemande.

B.8.2. Il ressort des travaux préparatoires du décret attaqué que, par l'adoption des dispositions attaquées, le législateur décrétal flamand entendait répondre à une mise en demeure de la Commission européenne l'exhortant à mettre la réglementation relative à l'organisation de l'assurance soins en conformité avec le règlement (CEE) n° 1408/71 (Doc. parl., Parlement flamand, 2003-2004, n° 1970/1, p. 2).

Dans son arrêt du 1er avril 2008, la Cour de justice a aussi jugé que des prestations versées au titre de l'assurance soins flamande relèvent du champ d'application matérielle du règlement précité, ce qui a pour effet que pour l'octroi de telles prestations à des personnes qui ont fait usage de leur droit à la libre circulation à l'intérieur de la Communauté européenne, il convient en principe de se fonder sur leur lieu de travail.

B.9. En ce qui concerne la situation des ressortissants d'autres Etats membres de la Communauté européenne et des ressortissants belges qui ont fait usage de leur droit à la libre circulation à l'intérieur de la Communauté européenne, la Cour de justice des Communautés européennes a jugé dans l'arrêt précité : « 44. [...] l'ensemble des dispositions du traité relatives à la libre circulation des personnes visent à faciliter, pour les ressortissants communautaires, l'exercice d'activités professionnelles de toute nature sur le territoire de la Communauté et s'opposent aux mesures qui pourraient défavoriser ces ressortissants lorsqu'ils souhaitent exercer une activité économique sur le territoire d'un autre Etat membre (arrêts du 7 juillet 1988, Wolf e.a., 154/87 et 155/87, Rec. p. 3897, point 13; Terhoeve, précité, point 37, et du 11 septembre 2007, Commission/Allemagne, C-318/05, non encore publié au Recueil, point 114). Dans ce contexte, les ressortissants des Etats membres disposent en particulier du droit, qu'ils tirent directement du traité, de quitter leur Etat d'origine pour se rendre sur le territoire d'un autre Etat membre et y séjourner afin d'y exercer une activité économique (voir, notamment, arrêts précités Bosman, point 95, et Terhoeve, point 38). 45. En conséquence, les articles 39 CE et 43 CE s'opposent à toute mesure nationale qui, même applicable sans discrimination tenant à la nationalité, est susceptible de gêner ou de rendre moins attrayant l'exercice, par les ressortissants communautaires, des libertés fondamentales garanties par le traité (voir, en ce sens, arrêts du 31 mars 1993, Kraus, C-19/92, Rec.p. I-1663, point 32; du 9 septembre 2003, Burbaud, C-285/01, Rec. p. I-8219, point 95, et du 5 octobre 2004, CaixaBank France, C-442/02, Rec. p. I-8961, point 11). [...] 47. Or, une réglementation comme celle en cause au principal est de nature à produire de tels effets restrictifs, dans la mesure où elle soumet l'affiliation au régime de l'assurance soins à une condition de résidence soit dans une partie limitée du territoire national, à savoir la région de langue néerlandaise et la région bilingue de Bruxelles-Capitale, soit dans un autre Etat membre.48. En effet, des travailleurs migrants, exerçant ou envisageant d'exercer une activité salariée ou non salariée dans l'une de ces deux régions, pourraient être dissuadés de faire usage de leur liberté de circuler et de quitter leur Etat membre d'origine pour séjourner en Belgique, en raison du fait que leur installation dans certaines parties du territoire belge comporterait la perte de la possibilité de bénéficier de prestations auxquelles, autrement, ils auraient pu prétendre.En d'autres termes, le fait que les travailleurs salariés ou non salariés concernés se trouvent dans la situation de subir soit la perte du bénéfice de l'assurance soins, soit une limitation du choix du lieu de transfert de leur résidence est, à tout le moins, susceptible d'entraver l'exercice des droits conférés par les articles 39 CE et 43 CE ».

B.10.1. Il s'ensuit qu'en excluant du régime qu'il instaure les ressortissants d'autres Etats membres de la Communauté européenne et les ressortissants belges qui ont exercé leur droit à la libre circulation à l'intérieur de la Communauté européenne et qui exercent une activité professionnelle dans la région de langue néerlandaise ou dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale mais qui habitent dans la région de langue française ou dans la région de langue allemande, l'article 4, § 2ter, du décret du 30 mars 1999 prive de manière discriminatoire cette catégorie de personnes de son droit à la libre circulation des personnes garanti par les articles 39 et 43 du Traité CE. B.10.2. Les exigences inhérentes à la répartition des pouvoirs au sein de la structure fédérale belge et, plus particulièrement le fait que la Communauté flamande ne pourrait exercer aucune compétence en matière d'assurance soins à l'égard des personnes résidant sur le territoire pour lequel une autre communauté est compétente, ne sont pas de nature à justifier la différence de traitement dénoncée.

En effet, la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, ainsi qu'elle le rappelle dans son arrêt du 1er avril 2008, est constante : « une autorité d'un Etat membre ne saurait exciper de dispositions, pratiques ou situations de son ordre juridique interne, y compris celles découlant de l'organisation constitutionnelle de cet Etat, pour justifier l'inobservation des obligations résultant du droit communautaire (voir, notamment, arrêts du 10 juin 2004, Commission/Italie, C-87/02, Rec. P. I-5975, point 38, et du 26 octobre 2006, Commission contre Autriche, C-102/06, non publié au recueil, point 9) ».

Par ailleurs, bien que la Communauté flamande ne soit en principe pas compétente pour la catégorie des personnes qui habitent dans la région de langue française ou dans la région de langue allemande, une extension du champ d'application de l'assurance soins à cette catégorie de personnes, compte tenu de la nécessité découlant du droit communautaire européen, du fait qu'il s'agit d'un groupe relativement limité de personnes et de l'article 6, § 2, du décret de la Communauté flamande du 30 mars 1999 portant organisation de l'assurance soins, aux termes duquel les prises en charge sont refusées ou réduites si l'usager a droit à la couverture des mêmes frais en vertu d'autres dispositions légales, ou décrétales, ne porterait pas une atteinte disproportionnée aux compétences de la Communauté française et de la Communauté germanophone.

B.10.3. En ce que le premier moyen du Gouvernement de la Communauté française est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec les articles 39 et 43 du Traité CE et en ce qu'il porte sur la situation des ressortissants européens d'autres Etats membres et des ressortissants belges qui ont fait usage de leur droit à la libre circulation à l'intérieur de la Communauté européenne, ce moyen est fondé.

B.11.1. La Cour examine ensuite la situation des ressortissants belges qui n'ont pas fait usage de leur droit à la libre circulation des personnes à l'intérieur de la Communauté européenne. Ainsi que l'a rappelé la Cour de justice des Communautés européennes au point 33 de son arrêt du 1er avril 2008, les règles du Traité en matière de libre circulation des personnes et les actes pris en exécution de celles-ci ne peuvent être appliqués à des activités qui ne présentent aucun facteur de rattachement à l'une quelconque des situations envisagées par le droit communautaire et dont l'ensemble des éléments pertinents se cantonnent à l'intérieur d'un seul Etat membre.

Or, constitue une situation purement interne auquel le droit communautaire ne saurait être appliqué, d'après la Cour de justice, celle de l'exclusion du régime d'assurance soins de ressortissants belges exerçant une activité professionnelle dans la région de langue néerlandaise ou dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale, mais qui habitent dans les régions de langue française ou allemande et n'ont jamais exercé leur droit à la libre circulation des personnes à l'intérieur de la Communauté européenne.

B.11.2. Il s'ensuit que les moyens en question, dans la mesure où ils critiquent la situation des ressortissants belges qui exercent une activité professionnelle dans la région de langue néerlandaise ou dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale, mais habitent en région de langue française ou de langue allemande et n'ont jamais exercé leur droit à la libre circulation des personnes à l'intérieur de la Communauté européenne, ne doivent être examinés qu'en ce qu'ils sont pris de la violation du droit interne.

B.12.1. Comme la Cour l'a jugé au B.9.5 de son arrêt n° 51/2006 du 19 avril 2006, la matière qui fait l'objet du décret du 30 mars 1999, modifié par le décret attaqué, relève de la compétence qui a été attribuée aux communautés par l'article 5, § 1er, II, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, au titre des matières personnalisables.

Dans cet arrêt, la Cour a également considéré que les critères d'application territoriale adoptés par la Communauté flamande ne sont pas incompatibles avec les articles 128, § 2, et 130, § 2, de la Constitution (B.9.8), que « compte tenu du montant et des effets limités des mesures critiquées, il n'est pas porté atteinte à la compétence du législateur fédéral relative à l'union économique » (B.10.3) et que la Communauté flamande « n'excède pas ses compétences si, dans l'exercice des compétences qui lui sont attribuées en matière d'aide aux personnes, elle accorde à certaines d'entre elles une aide particulière, distincte de celles qui sont accordées par le régime de sécurité sociale organisé par l'autorité fédérale, et sans toucher à une matière réservée à celle-ci » (B.10.5).

B.12.2. Aux termes de l'article 128, § 2, de la Constitution, les décrets par lesquels les Communautés française et flamande règlent les matières personnalisables « ont force de loi respectivement dans la région de langue française et dans la région de langue néerlandaise, ainsi que, sauf si une loi adoptée à la majorité prévue à l'article 4, dernier alinéa, en dispose autrement, à l'égard des institutions établies dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale qui, en raison de leur organisation, doivent être considérées comme appartenant exclusivement à l'une ou à l'autre communauté ».

Quant à l'article 130, § 2, de la Constitution, il prévoit que les décrets de la Communauté germanophone ont force de loi dans la région de langue allemande.

B.12.3. Les deux dispositions constitutionnelles précitées ont déterminé une répartition exclusive des compétences territoriales. Un tel système suppose que l'objet de toute norme adoptée par un législateur communautaire puisse être localisé dans le territoire de sa compétence, de sorte que toute relation ou situation concrète soit réglée par un seul législateur. Le législateur décrétal flamand n'est donc, en principe, pas compétent pour adopter un système d'assurance soins qui s'appliquerait à des personnes qui n'habitent pas sur le territoire de sa compétence.

B.13.1. Il découle toutefois de l'arrêt de la Cour de justice du 1er avril 2008 que le critère de la résidence, mentionné à l'article 4, § 2ter, du décret attaqué, est incompatible avec le droit communautaire européen et que, sur ce point, le décret attaqué « comporte une entrave à la libre circulation des travailleurs et à la liberté d'établissement », garanties pas les articles 39 et 43 CE (point 54).

B.13.2. La question pourrait dès lors se poser de savoir si, en ce que sont exclues du champ d'application du décret attaqué les personnes ressortissants belges qui habitent en Belgique, sans habiter dans la région de langue néerlandaise ou dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale, qui vont travailler dans l'une de ces régions et qui n'ont pas fait usage de leur droit à la libre circulation à l'intérieur de la Communauté européenne, ces personnes sont discriminées dans l'exercice de leur droit à la libre circulation des personnes à l'intérieur de la Belgique, visé à l'article 6, § 1er, VI, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, pour autant que, pour cette catégorie de personnes, l'obligation certaine de devoir payer une cotisation à une caisse d'assurance en contrepartie du bénéfice éventuel de l'assurance soins puisse constituer une situation qui soit de nature à entraver la libre circulation à l'intérieur de la Belgique.

B.14. Toutefois, l'extension du champ d'application du décret attaqué à des ressortissants belges qui habitent la région de langue française ou la région de langue allemande, et qui ne doivent pas bénéficier de ce décret en vertu du droit communautaire européen, pourrait amener la Communauté flamande à exercer des mesures de contrôle et de surveillance incompatibles avec les règles de compétence territoriale rappelées en B.12.

B.15.1. Il pourrait être remédié à la différence de traitement alléguée par les parties requérantes par des mesures que prendraient les Communautés française et germanophone afin d'adopter, dans l'exercice des compétences que leur attribue l'article 5, § 1er, II, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, en faveur des ressortissants belges qui habitent dans les régions linguistiques pour lesquelles elles sont compétentes, un système d'assurance soins analogue.

B.15.2. L'on ne peut en outre déduire ni de ce qui précède ni de l'arrêt n° 33/2001 du 13 mars 2001 que le législateur fédéral, dans l'exercice de la compétence qui lui a été attribuée en matière de sécurité sociale par l'article 6, § 1er, VI, alinéa 5, 12°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, ne pourrait prendre, en faveur des personnes ayant un degré d'autonomie réduit, des mesures qui relèvent de la sécurité sociale et qui seraient d'application sur l'ensemble du territoire du Royaume, sans porter atteinte à la compétence des communautés en matière d'aide aux personnes.

Si la Cour a considéré, dans l'arrêt précité, que le législateur décrétal flamand n'avait pas empiété sur la compétence du législateur fédéral en matière de sécurité sociale, elle a néanmoins précisé en B.3.9.3 : « Devraient être considérées comme excédant la compétence d'une communauté les mesures par lesquelles elle prétendrait modifier une règle de sécurité sociale, la remplacer, y déroger ou l'abroger. Mais une communauté n'excède pas ses compétences si, dans l'exercice des compétences qui lui sont attribuées en matière d'aide aux personnes, elle accorde à certaines d'entre elles une aide particulière, distincte de celles qui sont accordées par le régime de sécurité sociale organisé par l'autorité fédérale, et sans toucher à une matière réservée à celle-ci ».

Il ne peut donc se déduire de cet arrêt qu'aucune mesure relevant de la sécurité sociale ne pourrait être prise à l'égard des personnes ayant un degré d'autonomie réduit, étant donné que la Cour a également précisé que le législateur spécial, en attribuant aux communautés la compétence de l'aide aux personnes, « a entendu interdire aux communautés de traiter des mêmes matières [et] non de s'intéresser aux mêmes personnes que celles dont s'occupe le législateur fédéral » (B.3.7).

B.16. Sans que la Cour doive examiner si les personnes visées en B.13.2 pourraient être victimes d'une discrimination dans l'exercice de leur droit à la libre circulation des personnes, visé à l'article 6, § 1er, VI, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, il convient de constater qu'en toute hypothèse, cette éventuelle discrimination ne pourrait avoir son siège dans le décret attaqué, mais dans l'absence de dispositions analogues dans des décrets des Communautés française et germanophone ou dans l'absence de mesures fédérales de sécurité sociale, ces dernières mesures respectant ce qui est dit en B.15.2, de sorte que les moyens de droit interne dirigés contre les dispositions du décret ne sont pas fondés.

B.17. Etant donné que l'examen des moyens mentionnés en B.2, en ce qu'ils sont pris de la violation des articles 23 et 191 de la Constitution, ne peut conduire à une autre conclusion, ces moyens ne doivent pas être examinés plus avant.

B.18. L'inconstitutionnalité constatée en B.10.3 découle de l'article 4, § 2ter, du décret du 30 mars 1999, tel qu'il a été modifié par le décret du 30 avril 2004. L'effet rétroactif de l'annulation de cette disposition impliquerait cependant que les personnes qui n'habitent pas en Belgique et auxquelles s'applique en vertu de leur propre droit et pour l'emploi dans la région de langue néerlandaise ou dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale la législation fédérale belge sur la base des règles d'assignation du règlement (CEE) n° 1408/71 soient exclues, en contradiction avec le droit communautaire européen, du champ d'application de l'assurance soins.

Compte tenu de la réponse apportée par la Cour de justice des Communautés européennes à la quatrième question préjudicielle dont elle était saisie, et qui a été rappelée en B.5.1, les effets de la disposition annulée doivent, par application de l'article 8, alinéa 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989, être maintenus jusqu'à l'entrée en vigueur de dispositions adoptées en vue de remédier à l'inconstitutionnalité constatée et au plus tard jusqu'au 31 décembre 2009.

Par ces motifs, la Cour - annule l'article 4, § 2ter, du décret de la Communauté flamande du 30 mars 1999 portant organisation de l'assurance soins, tel qu'il a été inséré par l'article 2 du décret du 30 avril 2004 modifiant le décret du 30 mars 1999 portant organisation de l'assurance soins; - maintient les effets de la disposition annulée jusqu'à l'entrée en vigueur de dispositions nouvelles, et au plus tard jusqu'au 31 décembre 2009.

Ainsi prononcé en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989, à l'audience publique du 21 janvier 2009.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, M. Melchior.

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