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Arrêt
publié le 24 décembre 2010

Extrait de l'arrêt n° 131/2010 du 18 novembre 2010 Numéro du rôle : 4828 En cause : le recours en annulation totale ou partielle de l'article 1 er du décret de la Région wallonne du 30 avril 2009 « modifiant le décret du 27 novemb La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Melchior et M. Bossuyt, et des juges R. He(...)

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Extrait de l'arrêt n° 131/2010 du 18 novembre 2010 Numéro du rôle : 4828 En cause : le recours en annulation totale ou partielle de l'article 1er du décret de la Région wallonne du 30 avril 2009 « modifiant le décret du 27 novembre 1997 modifiant le Code wallon de l'Aménagement du Territoire, de l'Urbanisme et du Patrimoine », introduit par Patrick Vantomme et autres.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Melchior et M. Bossuyt, et des juges R. Henneuse, E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, J. Spreutels, T. Merckx-Van Goey et P. Nihoul, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 8 décembre 2009 et parvenue au greffe le 9 décembre 2009, un recours en annulation totale ou partielle de l'article 1er du décret de la Région wallonne du 30 avril 2009 « modifiant le décret du 27 novembre 1997 modifiant le Code wallon de l'Aménagement du Territoire, de l'Urbanisme et du Patrimoine » (publié au Moniteur belge du 8 juin 2009) a été introduit par Patrick Vantomme et Marie-Andrée Samain, demeurant à 7730 Estaimpuis, rue Saint-Roch 16, Marie-Claude Deconinck, demeurant à 7711 Mouscron, rue de France 6-8, Philippe Delberghe, demeurant à 7711 Mouscron, boulevard d'Herseaux 131, Stéphane Delberghe, demeurant à 7711 Mouscron, boulevard d'Herseaux 122, Emmanuel Kerkhove, demeurant à 7730 Estaimpuis, chaussée de Dottignies 50, et Stéphane Vanhove et Isabelle Vandenbroucke, demeurant à 7730 Estaimpuis, rue de la Couronne 42a. (...) II. En droit (...) B.1. Les parties requérantes demandent l'annulation du décret wallon du 30 avril 2009 modifiant le décret du 27 novembre 1997 modifiant le Code wallon de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme et du patrimoine. Ce décret dispose : «

Article 1er.A l'article 6 du décret du 27 novembre 1997 modifiant le Code wallon de l'Aménagement du Territoire, de l'Urbanisme et du Patrimoine sont apportées les modifications suivantes : 1° un nouveau § 1er libellé comme suit y est inséré : ' § 1er.Les zones suivantes inscrites dans les plans de secteur sont validées à la date d'entrée en vigueur de leur inscription dans lesdits plans : 1° les zones d'extension d'habitat à caractère rural;2° les zones d'extension d'équipement communautaire et de service public;3° les zones d'extension de loisirs comprenant les zones d'extension de loisirs, les zones d'extension de loisirs avec séjour, les zones d'extension de zone de loisirs avec séjour, les zones d'extension de récréation et de séjour et les zones d'extension de récréation;4° les zones d'extension d'artisanat ou de petites et moyennes entreprises;5° les zones d'industrie de recherche comprenant les zones d'industrie de recherche et la zone industrielle de recherche du Sart-Tilman;6° les zones d'extension de service;7° les zones d'extension d'industrie comprenant les zones d'extension d'industrie, la zone d'extension d'industrie "BD", la zone d'extension d'industrie thermale, la zone d'extension d'industrie de recherche du Sart-Tilman, la zone d'extension d'industrie "GE" '.2° les §§ 1er et 2 deviennent les §§ 2 et 3.

Art. 2.Le présent décret entre en vigueur le jour de sa publication au Moniteur belge ».

B.2. L'article 6 du décret du 27 novembre 1997 précité fait partie des dispositions transitoires et finales de ce décret. Selon les travaux préparatoires du décret attaqué, la disposition qu'il insère dans le décret de 1997 valide, avec effet rétroactif, l'inscription de certaines zones dans les plans de secteur qui n'a pas été soumise à l'avis de la section de législation du Conseil d'Etat : « En effet, lorsque l'on a commencé l'élaboration des plans de secteur au début des années '70, le gouvernement de l'époque avait arrêté une nomenclature de présentation des projets de plan de secteur et des plans de secteur. C'est l'objet de l'arrêté royal du 28 décembre 1972 relatif à la présentation et à la mise en oeuvre des projets de plans de secteur et des plans de secteur.

Celui-ci énumère un certain nombre de zones dont il définit la portée.

La section de législation du Conseil d'Etat fut consultée préalablement à l'adoption de cet arrêté de nature réglementaire. Cet avis couvre l'adoption de chacun des plans de secteur - qui normalement aurait dû un à un être soumis à l'avis de la section de législation (voyez les documents préparatoires à la loi du 29 mars 1962, Doc., Sénat, 1958-1959, n° 124, pp. 1 et s., 46, 114 et s. et 119) - pour autant que le plan de secteur concerné se borne à appliquer cette nomenclature (CE, n° 35.720, 24 octobre 1990, Devos).

Il se fait que, en application dudit arrêté royal du 28 décembre 1972, il était loisible au gouvernement d'arrêter d'autres zones ou d'autres prescriptions. Celles-ci ont le même caractère réglementaire que les prescriptions des plans de secteur énumérées dans l'arrêté royal du 28 décembre 1972. Dès lors, leur adoption nécessitait l'avis de la section de législation du Conseil d'Etat. Pour ne prendre qu'un seul exemple, tous les plans de secteur de la Région wallonne comprenaient, lors de leur adoption, des ' zones d'extension d'habitat à caractère rural '. Or, ce type de zone ne se trouvait pas dans la nomenclature de l'arrêté royal du 28 décembre 1972. Faute d'avoir consulté la section de législation avant l'adoption de chacun des plans de secteur, ceux-ci sont entachés d'illégalité en ce qu'ils ont inscrit des zones d'extension d'habitat à caractère rural (CE, n° 170.234, 19 avril 2007, sa COPEVA) » (Doc. parl., Parlement wallon, 2008-2009, n° 981/1, p. 2).

Quant au premier moyen B.3.1. Le premier moyen est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, lus isolément ou en combinaison avec les articles 6, 8, 13 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, avec l'article 1er du Premier Protocole additionnel à cette Convention, avec les principes de la séparation des pouvoirs, du respect des droits de la défense, de l'égalité des armes et de la non-rétroactivité des normes et avec l'interdiction de l'excès et du détournement de pouvoir.

B.3.2. Les parties requérantes sont riveraines d'un site ayant fait l'objet d'un permis unique dont elles ont obtenu la suspension de l'exécution devant le Conseil d'Etat, celui-ci ayant jugé sérieux le moyen tiré de l'illégalité, faute d'avis de la section de législation, du plan de secteur en exécution duquel le permis avait été octroyé.

Elles font valoir que le décret attaqué, qui valide des dispositions dont la légalité a été mise en cause par le Conseil d'Etat, crée une différence ou une identité de traitement entre les justiciables suivant qu'ils ont ou non introduit un recours contre une mesure prise en vertu des dispositions ainsi validées : cette validation entraînerait une immixtion de l'autorité dans des procédures juridictionnelles en cours et priverait ceux qui y sont parties, contrairement aux autres, du bénéfice de ces procédures; or, aucun motif impérieux d'intérêt général ne justifie l'effet rétroactif de la disposition attaquée et l'application de celle-ci aurait pu être écartée des litiges en cours. Cette validation aboutirait en outre à traiter de manière identique les uns et les autres puisque tous seront désormais privés de la possibilité de contester la légalité des dispositions validées alors qu'ils se trouvent dans des situations différentes.

Les parties requérantes font encore valoir que le décret attaqué ne semblerait concerner que le litige auquel elles sont parties et qu'il porte atteinte au droit à un recours effectif garanti par l'article 13 de la Convention européenne des droits de l'homme lorsque des droits garantis par celle-ci sont violés, tel celui au respect de la vie privée et du domicile.

B.4. Les travaux préparatoires du décret attaqué indiquent l'intention des auteurs de celui-ci : « Les recours qui soulèvent, sur le fondement de l'article 159 de la Constitution et avec succès, l'illégalité partielle de tel ou tel plan de secteur conduisent à détricoter petit à petit les plans de secteur qui deviennent de véritables gruyères, alors qu'ils constituent un outil majeur non seulement de la politique d'aménagement du territoire, mais aussi, comme déjà relevé, de protection de l'environnement quand on sait que plus de 80 % du territoire wallon est en zone non urbanisable aux plans de secteur. Comme le relève la Cour constitutionnelle dans un arrêt récent, il est évident que les plans de secteur jouent un rôle déterminant dans la coordination harmonieuse des impératifs d'ordre économique et urbanistique prévue par l'article 1er du CWATUP (Cour const., n° 114/2008, 31 juillet 2008, pt B.4.1.).

S'il fallait recommencer toutes les procédures d'élaboration des plans de secteur pour pallier l'un ou l'autre vice de procédure, cela impliquerait une tâche et des coûts démesurés. Par ailleurs, la possibilité - sans limite dans le temps, contrairement au droit français - de soulever, sur la base de l'article 159 de la Constitution, une exception d'illégalité touchant tel ou tel plan de secteur crée une insécurité juridique totale et cela, au détriment de la réalisation de la politique d'aménagement du territoire et d'urbanisme.

C'est la raison pour laquelle le présent projet de décret envisage la validation des zones des plans de secteur non reprises dans la nomenclature de l'arrêté royal du 28 décembre 1972 en ce qu'elles n'ont pas été soumises à l'avis de la section de législation du Conseil d'Etat avant leur inscription dans les plans de secteur soit lors de l'adoption initiale de ceux-ci, soit lors d'une de leurs révisions » (Doc. parl., Parlement wallon, 2008-2009, n° 981/1, p. 2).

B.5.1. Sans doute des dispositions législatives qui valident des dispositions réglementaires dont, comme en l'espèce, la légalité a été mise en cause par le Conseil d'Etat ont-elles pour effet d'empêcher celui-ci de prononcer l'annulation d'un acte sur la base d'un moyen fondé sur l'irrégularité des dispositions réglementaires en vertu desquelles cet acte a été pris. La catégorie de citoyens auxquels ces dispositions s'appliquaient est traitée différemment des autres citoyens en ce qui concerne la garantie juridictionnelle accordée par l'article 159 de la Constitution, par l'article 13 de la Convention européenne des droits de l'homme (notamment, les droits garantis par les articles 6, 8 et 14 de celle-ci et par l'article 1er du Premier Protocole additionnel à cette Convention) et par l'article 14 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat. Toutefois, il ne s'ensuit pas nécessairement que les articles 10 et 11 de la Constitution lus isolément ou en combinaison avec les principes invoqués par le moyen seraient violés.

B.5.2. Comme il est indiqué en B.4, une insécurité juridique s'est installée, à laquelle le législateur décrétal a entendu remédier.

B.5.3. En réglant dans un décret le maintien de certaines zones dans des plans de secteur, le législateur régional a entendu exercer lui-même une compétence qui lui appartient. L'avant-projet de décret a été soumis à l'avis de la section de législation du Conseil d'Etat qui, dans les limites qui lui sont imparties par l'article 84 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, a considéré, se référant à l'arrêt n° 51/2007 du 28 mars 2007 de la Cour, que le projet n'appelait pas d'observation (Doc.parl., Parlement wallon, 2008-2009, n° 981/1, p. 6).

En l'espèce, les dispositions validées ne sont d'ailleurs pas les permis faisant l'objet de recours devant le Conseil d'Etat mais des mesures réglementaires que ces permis mettent en oeuvre. Le décret attaqué n'a donc pas pour effet de rendre le Conseil d'Etat incompétent pour se prononcer sur ces recours mais de l'empêcher de se prononcer sur les seuls moyens fondés sur l'illégalité de la mesure validée, sans préjudice de la possibilité d'obtenir l'annulation de la décision attaquée sur la base d'autres moyens.

B.5.4. Il reste que, ce faisant, le législateur décrétal a adopté des dispositions qui, en raison de leur effet rétroactif, impliquent une ingérence dans les litiges en cours.

B.5.5. La rétroactivité ne se justifie que si elle est indispensable à la réalisation d'un objectif d'intérêt général. S'il s'avère en outre que la rétroactivité a pour but que l'issue de l'une ou l'autre procédure juridictionnelle soit influencée dans un sens déterminé ou que les juridictions soient empêchées de se prononcer sur une question de droit bien précise, la nature du principe en cause exige que des circonstances exceptionnelles ou des motifs impérieux d'intérêt général justifient l'intervention du législateur, laquelle porte atteinte, au préjudice d'une catégorie de citoyens, aux garanties juridictionnelles offertes à tous.

B.5.6. L'éventualité d'un constat, dans une décision juridictionnelle, de la violation d'une formalité substantielle lors de l'adoption ou de la modification d'un plan de secteur ne peut avoir pour effet que le législateur soit dans l'impossibilité de remédier à l'insécurité juridique née de cette éventualité.

B.5.7. Les dispositions attaquées, assorties d'un effet rétroactif, ne font que reproduire des règles préexistantes. En effet, la portée du décret attaqué n'est pas de revoir un plan de secteur (Doc. parl., Parlement wallon, 2008-2009, n° 981/1, p. 3), mais de maintenir un zonage identique à celui contenu dans le plan de secteur dont la légalité était contestée, de sorte qu'il n'a pu tromper les attentes à cet égard légitimes des parties requérantes.

B.5.8. Le vice allégué devant le Conseil d'Etat que, selon les travaux préparatoires, le décret attaqué vise à couvrir, est l'omission de la consultation de la section de législation du Conseil d'Etat à laquelle le projet de plan de secteur aurait dû être soumis. Cette irrégularité n'a pu faire naître en faveur des parties qui avaient attaqué devant le Conseil d'Etat un permis octroyé sur la base de ce plan de secteur, le droit intangible d'être dispensées à jamais du respect des prescriptions contenues dans ce plan alors même que celles-ci seraient fondées sur un acte nouveau dont la constitutionnalité serait incontestable. Cet acte nouveau ne serait inconstitutionnel que s'il violait lui-même les dispositions mentionnées par le moyen.

B.5.9. Le législateur décrétal a pu considérer que la contestation de la légalité de dispositions inscrites dans des plans de secteur impliquerait la mise en cause tout à la fois des politiques qu'il entendait mettre en oeuvre à la suite de l'adoption de ce plan et des mesures qui seraient prises en exécution de celui-ci et que, compte tenu de l'importance de l'instrument que constitue le plan, cette mise en cause apparaissait comme une circonstance exceptionnelle justifiant son intervention. La contestation répétée, sur la base de l'article 159 de la Constitution, de la légalité du plan permet en effet celle des dispositions prises en exécution de ce plan. La circonstance, invoquée par les parties requérantes, que le décret attaqué n'aurait pour effet - voire pour but - que d'assurer la réalisation d'un complexe commercial sur un site dont elles sont riveraines et qu'il n'y aurait pas d'autre contestation comparable pendante devant le Conseil d'Etat, n'est pas de nature à mettre ce constat en cause, étant donné que le décret attaqué concerne des territoires d'une superficie totale de 15 249 ha (Doc. parl., Parlement wallon, 2008-2009, n° 981/1, p. 6) dans laquelle les terrains concernés par le projet critiqué par les parties requérantes ne représentent qu'une partie extrêmement réduite. Le législateur décrétal pouvait rendre la mesure attaquée applicable aux litiges en cours compte tenu des plans de secteur qui pourraient être affectés, le complexe commercial en cause en concernant déjà deux.

B.6. Le premier moyen n'est pas fondé.

Quant au deuxième moyen B.7.1. Le deuxième moyen est pris de la violation des articles 10, 11 et 23 de la Constitution, lus isolément ou en combinaison avec la Convention d'Aarhus du 25 juin 1998 sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement (notamment ses articles 7 et 8), ratifiée par la Belgique le 21 janvier 2003, avec la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement (notamment ses articles 3, 4, 5 et 6 et l'annexe II) et avec le principe de standstill.

B.7.2. Les parties requérantes reprochent au décret attaqué de n'offrir aux justiciables ni les garanties qui entourent la procédure de modification des plans de secteur dont il valide des dispositions (telles l'enquête publique, l'étude d'incidences et la possibilité de contester la légalité de la modification) ni celles qui entourent l'adoption d'une norme ayant des effets importants sur l'environnement. De telles garanties leur auraient été offertes si les dispositions du décret attaqué avaient été adoptées par le biais d'une modification des plans de secteur qui impliquait la mise en oeuvre des procédures que ce décret cherche précisément à éviter, alors que des mesures alternatives auraient permis de ne pas porter une atteinte disproportionnée aux droits des intéressés.

B.8.1. La compatibilité des dispositions attaquées avec l'article 23 de la Constitution, les dispositions conventionnelles visées par le moyen et l'obligation de standstill a été examinée au cours des travaux préparatoires du décret : « La validation des zones visées ne va pas à l'encontre de l'obligation de standstill qui se déduit de l'article 23 de la Constitution. En effet, cette validation ne constitue pas un recul du niveau de protection environnementale. Au contraire. Comme relevé ci-dessus, les plans de secteur ont joué et jouent toujours un rôle majeur pour l'aménagement du territoire de la Wallonie. Le fait que plus de 85 % de la superficie soient non destinés à l'urbanisation dans les plans de secteur a fait de ceux-ci un véritable outil de protection de l'environnement.

Ecarter des superficies importantes de ces plans sur la base de l'article 159 de la Constitution et l'absence de consultation de la section de législation du Conseil d'Etat non seulement va à l'encontre du principe de sécurité juridique qui a une portée aussi importante que celle de l'obligation de standstill, mais en outre aboutira à ce que des superficies importantes du territoire - potentiellement de l'ordre de 15 000 hectares - seront hors plan de secteur. Les autorités compétentes pour statuer sur les demandes de permis dans ces périmètres ne seront la plupart du temps plus tenues que par le respect de la règle du bon aménagement des lieux. Or cette dernière pourrait être compatible avec des destinations autres que celles retenues par les zones litigieuses.

Cette validation de certaines zones des plans de secteur ne peut en aucun cas s'assimiler à une révision des plans concernés. Le zonage reste le même. On ne crée pas par ce procédé de nouvelles zones destinées à l'urbanisation. On continue à appliquer le zonage tel qu'il existe parfois depuis plus de trente ans sans que cela n'ait suscité aucune objection. La question de la conformité de la disposition au droit international (Convention d'Aarhus) ou du droit communautaire (directive 2001/42/CE) ne se pose donc pas (voyez par analogie, Cour const., n° 87/2007, 20 juin 2007, B.10).

Il faut aussi souligner le fait que ces zones litigieuses inscrites aux plans de secteur n'ont pas été contestées quant à leur légalité au moment de leur entrée en vigueur. Ce qui, au vu de la publicité qui a entouré l'adoption des plans de secteur et leur entrée en vigueur, fait présumer que les citoyens étaient satisfaits de l'aménagement du territoire arrêté à l'époque.

La section du contentieux administratif du Conseil d'Etat lui-même, dans de nombreux arrêts relatifs à des recours contre des permis délivrés dans une des zones litigieuses, n'a pas soulevé la question de la légalité du plan de secteur lorsque ce point n'était pas soulevé par les requérants eux-mêmes.

Tout ceci permet de conclure que la disposition en projet ne constitue en aucune manière un recul significatif du niveau de protection de l'environnement actuellement en vigueur.

A titre tout à fait subsidiaire, à supposer que certains voient dans ce projet de décret un recul significatif potentiel, celui-ci serait évidemment justifié par des motifs impérieux d'intérêt général. Il s'agit d'une situation similaire à celle déjà citée de la validation du plan de développement régional bruxellois (PRD). Outre l'insécurité juridique déjà mentionnée à laquelle il importe de mettre fin aussi rapidement que possible, recommencer l'élaboration des 23 plans de secteur wallons pour corriger l'absence de consultation de la section de législation du Conseil d'Etat prendrait un temps considérable et coûterait à la collectivité des sommes importantes en fragilisant pendant tout ce laps de temps des périmètres importants et en ouvrant l'appétit de certains voisins qui pourraient être tentés, pendant cette période d'élaboration des nouveaux plans, de remettre en cause des décisions qui, auparavant, n'avaient fait l'objet d'aucune contestation.

On doit donc conclure que le texte en projet est conforme à l'article 23 de la Constitution » (Doc. parl., Parlement wallon, 2008-2009, n° 981/1, p. 3).

B.8.2. L'article 23 de la Constitution implique, en ce qui concerne la protection de l'environnement, une obligation de standstill qui s'oppose à ce que le législateur compétent réduise sensiblement le niveau de protection offert par la législation applicable sans qu'existent pour ce faire des motifs liés à l'intérêt général.

Il y a lieu d'examiner si la validation, par le décret attaqué, de certaines zones des plans de secteur, antérieurement inscrites dans lesdits plans, sans qu'il faille évaluer préalablement les incidences sur l'environnement de cette validation et sans qu'il faille organiser une enquête publique à ce sujet, viole l'article 23 de la Constitution, en tenant compte des articles 3 à 6 de la directive 2001/42/CE précitée ainsi que des articles 7 et 8 de la Convention d'Aarhus précitée.

B.8.3. La directive 2001/42/CE précitée concerne l'évaluation environnementale des plans et programmes qui sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement. En vertu de l'article 3, paragraphe 2, a), de cette directive, tous les plans et programmes qui sont élaborés pour l'aménagement du territoire ou l'affectation des sols et qui peuvent former le cadre de l'octroi des futurs permis mentionnés aux annexes I et II de la directive 85/337/CEE du Conseil du 27 juin 1985 « concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement » doivent être soumis à une évaluation environnementale conformément aux exigences de la directive mentionnée en premier lieu. Eu égard à la destination économique des zones visées, il n'est nullement exclu que les projets visés aux annexes I et II de la directive 85/337/CEE soient réalisés dans ces zones et que, dès lors, l'aménagement de telles zones soit soumis au respect des prescriptions de la directive 2001/42/CE. La directive 2001/42/CE fixe les exigences minimales auxquelles doit répondre ladite évaluation environnementale. L'évaluation environnementale doit être effectuée pendant l'élaboration et avant l'adoption du plan ou du programme en question (article 4, paragraphe 1). L'évaluation comprend l'établissement d'un rapport environnemental qui doit répondre au moins aux exigences de l'article 5, la consultation des autorités environnementales compétentes et du public sur le projet de plan ou de programme et le rapport environnemental (article 6) ainsi que l'obligation de prendre en considération le rapport environnemental et les résultats de la consultation pendant l'élaboration du plan ou du programme (article 8).

L'article 7 de la Convention d'Aarhus, quant à lui, impose l'obligation de soumettre à une procédure de participation du public, dont il fixe certaines modalités, « l'élaboration des plans et des programmes relatifs à l'environnement ». Plus précisément, des dispositions pratiques ou autres voulues doivent être prises pour que le public participe à leur élaboration, dans un cadre transparent et équitable, après lui avoir fourni les informations nécessaires.

L'article 8 de la même Convention prévoit que les parties s'emploient à promouvoir une participation effective du public à un stade approprié - et tant que les options sont encore ouvertes - durant la phase d'élaboration par des autorités publiques des dispositions réglementaires et des autres règles juridiquement contraignantes d'application générale qui peuvent avoir un effet important sur l'environnement; il est prévu que les résultats de la participation du public sont pris en considération dans toute la mesure du possible.

B.8.4. Ainsi qu'il a été indiqué en B.5.7, les dispositions attaquées reproduisent des règles existantes et n'ont dès lors pu tromper les attentes légitimes des justiciables. Elles maintiennent des zones qui ont été inscrites conformément aux règles alors applicables qui, compte tenu de leur antériorité, ne devaient pas être adoptées dans le respect des garanties procédurales prévues par les dispositions conventionnelles dont se prévalent les parties requérantes ou dont il n'est pas allégué qu'elles auraient dû l'être; le législateur décrétal a dès lors pu estimer que leur adoption, fondée sur l'impératif de sécurité juridique décrit en B.5.2 et précédée de la délibération d'une assemblée démocratiquement élue, ne portait pas atteinte à l'obligation de standstill. Les décisions qui seront prises en exécution des mesures réglementaires validées par le décret attaqué devront d'ailleurs être adoptées dans le respect des garanties procédurales prévues par ces dispositions conventionnelles. Il en va de même des modifications des zones ainsi validées qui interviendraient ultérieurement lors d'une révision de plan de secteur. Sans doute certaines des solutions alternatives évoquées par les parties requérantes font-elles partie de celles que le législateur aurait pu envisager. Il reste que d'autres solutions parmi celles-ci (telle une validation limitée au passé ne remettant pas en cause les permis devenus définitifs ou au seul vice lié au défaut de consultation du Conseil d'Etat) pouvaient tout à la fois être considérées comme n'offrant pas suffisamment de garanties de cohérence pour l'ensemble des mesures à prendre alors que la solution retenue était de nature à permettre non seulement d'assurer cette cohérence mais aussi d'éviter l'insécurité juridique et, en se bornant à reproduire dans un décret des dispositions figurant dans des plans de secteur et en maintenant ainsi une situation existante, de ne pas porter atteinte à l'obligation de standstill.

B.9.1. Les parties requérantes demandent que la question préjudicielle suivante soit adressée à la Cour de justice de l'Union européenne si le moyen n'est pas jugé fondé : « Les articles 3, 4, 5 et 6 de la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement, lus en combinaison avec l'annexe 2 à cette directive, ainsi que les articles 7 et 8 de la Convention d'Aarhus du 25 juin 1998 sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement, approuvée par la Communauté européenne par décision du Conseil [2005/370/CE] du 17 février 2005, doivent-ils être interprétés en ce sens qu'ils permettent à une autorité d'adopter une norme législative ayant pour effet de consacrer la validité de certaines affectations planologiques, sans offrir au public les garanties de consultation, d'examen des effets sur l'environnement et d'opposition prévues par les dispositions précitées ? ».

B.9.2. Lorsqu'une question sur l'interprétation du droit communautaire est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne, cette juridiction est tenue, conformément à l'article 267, troisième alinéa, du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de poser cette question à la Cour de justice. Ce renvoi n'est cependant pas nécessaire lorsque cette autorité juridictionnelle a constaté « que la question soulevée n'est pas pertinente ou que la disposition communautaire en cause a déjà fait l'objet d'une interprétation de la part de la Cour ou que l'application correcte du droit communautaire s'impose avec une telle évidence qu'elle ne laisse place à aucun doute raisonnable » (Cour de justice, 6 octobre 1982, C-283/81, CILFIT, point 21).

B.9.3. Les « affectations planologiques » visées par la question préjudicielle reproduite en B.9.1 correspondent à celles établies par des dispositions antérieures et n'ont ni pour objet ni pour effet de modifier les plans de secteur concernés, comme il a été constaté en B.5.7 et B.8.4. La réponse à la question n'est donc pas pertinente pour l'examen du moyen. Il en va de même, pour les mêmes raisons, des réponses aux questions suggérées par les parties requérantes dans leur mémoire en réponse et inspirées de celles posées à la Cour de justice de l'Union européenne par l'arrêt n° 30/2010 du 30 mars 2010. Il n'y a pas davantage de raison de faire droit, dès lors, à la demande des parties requérantes de surseoir à statuer jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne ait répondu à ces questions.

B.9.4. Le deuxième moyen n'est pas fondé.

Quant au troisième moyen B.10.1. Le troisième moyen est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, lus isolément ou en combinaison avec ses articles 13, 144, 145 et 159, avec les articles 6, 13 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, avec l'article 1er du Premier Protocole additionnel à cette Convention, avec le principe de la séparation des pouvoirs et avec l'interdiction de l'excès et du détournement de pouvoir.

B.10.2. Les parties requérantes reprochent au décret attaqué de rendre intangibles les dispositions des plans de secteur qu'il valide, ce qui aboutirait à traiter différemment, suivant que les dispositions des plans qui les concernent ont été ou non validées, des justiciables se trouvant dans des situations identiques, les uns pouvant, au contraire des autres, invoquer l'article 159 de la Constitution et obtenir plus aisément la modification des dispositions qui leur sont applicables, soit par le biais de la révision d'un plan de secteur par voie réglementaire, soit par le biais d'un plan communal d'aménagement dérogeant au plan de secteur. Ce faisant, le décret attaqué priverait le Gouvernement wallon des pouvoirs qui lui sont réservés par le Code wallon de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme et du patrimoine.

B.11.1. Ainsi qu'il a été indiqué en B.5.3, le législateur décrétal, en réglant l'inscription des zones dans des plans de secteur, a entendu exercer lui-même une compétence qui lui appartient.

B.11.2. Il ressort des travaux préparatoires cités en B.4 que la jurisprudence de la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat est de nature à créer une insécurité juridique à l'égard de la validité de certaines dispositions des plans de secteur, de sorte que, pour les motifs énoncés en réponse au premier moyen, l'intervention du législateur décrétal et la différence de traitement qui en découle sont raisonnablement justifiées.

B.11.3. Contrairement à ce que soutiennent les parties requérantes, le législateur décrétal a pu limiter l'objet du décret attaqué aux zones des plans de secteur qui n'ont pas été soumises à l'avis de la section de législation du Conseil d'Etat et pour lesquelles une insécurité juridique était donc avérée (Doc. parl., Parlement wallon, 2008-2009, n° 981/1, p.2). Un souci de cohérence pouvait par ailleurs le guider pour ne pas limiter la validation législative au seul défaut de consultation de la section de législation du Conseil d'Etat, consultation qui constitue une formalité préalable comparable à celles citées par les parties requérantes.

B.12. Le troisième moyen n'est pas fondé.

Par ces motifs, la Cour rejette le recours.

Ainsi prononcé en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, à l'audience publique du 18 novembre 2010.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, M. Melchior.

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