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Décision Du Conseil De La Concurrence
publié le 18 mai 2011

Conseil de la concurrence Décision n° 2011-I/O-10 du 7 avril 2011 Affaire CONC-I/O-O8/0010B-Hausses coordonnées chocolaterie I. La procédure 1. Le 24 avril 2008, l'Auditorat a ouvert une instruction d'office dans le secteur alimentaire 2. Les différentes parties ont été invitées à une audience du Conseil du 8 mars 2010. Cette audienc(...)

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SERVICE PUBLIC FEDERAL ECONOMIE, P.M.E., CLASSES MOYENNES ET ENERGIE


Conseil de la concurrence Décision n° 2011-I/O-10 du 7 avril 2011 Affaire CONC-I/O-O8/0010B-Hausses coordonnées chocolaterie I. La procédure 1. Le 24 avril 2008, l'Auditorat a ouvert une instruction d'office dans le secteur alimentaire suite à l'existence d'indications sérieuses de pratiques concertées dans ce secteur.Conformément à l'article 48 de la Loi sur la protection de la concurrence économique (ci-après : LPCE), l'auditeur a déposé un rapport motivé le 11 janvier 2010 au Conseil. Ce rapport a été notifié aux entreprises destinataires : Ferrero SA (ci-après : Ferrero), Lidl Belgium GmbH & Co. KG (ci-après : Lidl), Etablissements Fr. Colruyt SA (ci-après : Colruyt), Cora SA (ci-après : Cora), ITM Belgium SA (ci-après : Intermarché), Etablissements Delhaize Frères et Cie « Le Lion » SA (groupe Delhaize) (ci-après : Delhaize) et Carrefour Belgium SA (ci-après : Carrefour). 2. Les différentes parties ont été invitées à une audience du Conseil du 8 mars 2010.Cette audience avait comme objet le règlement de la procédure. Entretemps, les parties incriminées ont eu accès au dossier via le greffe du Conseil. 3. Le 3 mars 2010, la société Colruyt SA, (ci après : Colruyt) a adressé un courrier à la chambre indiquant qu'elle souhaitait s'exprimer en néerlandais tant oralement que par écrit dans la procédure devant le Conseil.Dans un courrier du 10 mars 2010, Colruyt a répété sa demande en avançant les motivations suivantes : l'instruction a été effectuée entièrement en néerlandais à l'égard de Colruyt et les collaborateurs de Colruyt en charge de ce dossier sont néerlandophones. Enfin, selon Colruyt, il n'y a pas de base légale qui oblige Colruyt à accepter un changement de langue de procédure au bénéfice du français. 4. Le 12 mars 2010, le greffe a communiqué le calendrier pour la procédure écrite.5. Le 16 mars 2010, Ferrero a demandé une copie du procès-verbal de l'audience de règlement de procédure.Une demande similaire a été faite par Colruyt le 17 mars 2010. Le greffe a répondu favorablement à ces deux demandes. 6. En date du 18 mars 2010, la chambre a adopté une décision concernant la requête de Colruyt de pouvoir s'exprimer en néerlandais dans la procédure.Les motifs de cette décision sont repris ci-dessous : « La chambre constate d'abord que le rapport de l'auditeur a été notifié à sept entreprises, dont trois ont leurs sièges en Région bruxelloise, deux en Région wallonne et deux en Région flamande. Le rapport est établi en français.

Il apparaît effectivement du dossier que certaines demandes de renseignements et autres mesures d'instruction ont été effectuées en néerlandais, et certaines en français, notamment en ce qui concerne les entreprises établies en Région bruxelloise. En ce qui concerne Colruyt, cette entreprise s'est exprimée en néerlandais dans le cadre de l'instruction ainsi que dans son échange de correspondance avec l'auditeur. La notification du rapport de l'auditeur a également été effectuée par l'auditeur en néerlandais.

La chambre constate que la loi concernant l'emploi des langues en matière judiciaire ( Loi du 15 juin 1935Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/06/1935 pub. 11/10/2011 numac 2011000619 source service public federal interieur Loi concernant l'emploi des langues en matière judiciaire. - Coordination officieuse en langue allemande fermer) n'est plus applicable dans les procédures régies par la nouvelle LPCE, entrée en vigueur le 1er octobre 2006.

La nouvelle LPCE contient en son article 93, des dispositions sur l'emploi des langues qui se limitent à l'instruction et au rapport de l'auditeur. L'article 93 prévoit que la langue sera celle de la région dans laquelle l'entreprise qui fait l'objet de l'instruction est établie.

L'article 93 de la LPCE ne prévoit aucune disposition sur l'emploi de la langue au niveau de la procédure devant les chambres du Conseil. En l'absence de dispositions spécifiques à cet égard, le Conseil considère que la langue utilisée pour la procédure devant les chambres du Conseil est la langue du rapport de l'auditeur. Ce principe est systématiquement appliqué dans la pratique décisionnelle du Conseil depuis l'entrée en vigueur de l'actuelle LPCE et paraît s'imposer tant dans l'intérêt des parties (entreprises et auditeur) que dans l'intérêt de l'efficacité du déroulement de la procédure devant les chambres du Conseil.

Colruyt déduit de l'article 93 LPCE un principe général suivant lequel l'instruction et le rapport doivent être établis dans la même langue.

Dans la mesure où les entreprises qui font l'objet de l'instruction sont établies dans une seule région linguistique du pays, ce principe peut être accepté. Cependant, dans une affaire où les entreprises sont établies dans plusieurs régions, le système établi par l'article 93 de la LPCE consiste à déterminer la langue du rapport de l'auditeur en fonction du lieu de l'établissement de la majorité des entreprises concernées.

Le choix de la langue du rapport de l'auditeur ne peut être fait que lorsque l'auditeur a décidé quelles entreprises feront l'objet de son rapport. Eu égard au lieu d'établissement de la majorité des entreprises concernées, il peut en résulter que pour une certaine entreprise la langue du rapport de l'auditeur ne soit pas la même que celle utilisée durant l'instruction à l'égard de cette entreprise.

Ce système implique également que les chambres du Conseil et les parties doivent accepter qu'un dossier peut contenir des pièces en plusieurs langues.

Vu que la majorité des entreprises concernées est établie en Région wallonne et en Région bruxelloise, l'auditeur a fait, à bon droit, choix de la langue française pour rédiger son rapport (en ce qui concerne les entreprises établies en Région bruxelloise, voir l'article 93, deuxième alinéa, de la LPCE).

Il n'est pas concevable de mener une procédure devant une chambre dans plusieurs langues à la fois. La loi doit être interprétée dans ce sens qu'elle contient le principe de la langue unique avec la possibilité d'une certaine flexibilité limitée à l'initiative du Conseil même et dans le respect des droits de la défense des entreprises. En tant que juridiction, il est difficile à concevoir comment le Conseil pourrait organiser des procédures multilingues. En tout état de cause, Colruyt n'a pas amené d'éléments convaincants à ce sujet.

L'argument de Colruyt faisant le parallèle avec la procédure devant la Commission européenne doit également être rejeté. Colruyt semble d'ailleurs admettre elle-même que la situation du Conseil n'est pas semblable à celle de la Commission, ne fût-ce que parce que le Conseil est une juridiction administrative (article 11 de la LPCE).

En outre, il n'y a pas de disposition dans la LPCE qui permette à chaque partie de pouvoir s'exprimer dans sa propre langue en toutes circonstances, et les conséquences pratiques d'un tel droit n'ont pas non plus été envisagées. Colruyt n'invoque pas d'autre base légale pour un tel droit général de s'exprimer dans sa propre langue. Pour de telles raisons, l'argument que les employés de Colruyt en charge du dossier soient néerlandophones, doit être rejeté.

Finalement, il est vrai qu'à l'audience d'introduction du 8 mars 2010, le président de chambre a demandé aux différentes parties présentes si elles s'opposaient à ce que l'avocat de Colruyt s'exprime en néerlandais. Personne ne s'y est opposé formellement. Cette demande était faite uniquement pour le besoin du déroulement efficace de l'audience d'introduction où il n'était pas question de traitement du dossier sur le fond, et en attendant que la chambre prenne sa décision suite à la demande de Colruyt. Cette dernière ne peut tirer un argument de cette circonstance. Ce moyen est donc également rejeté.

Sur la base de ces considérations, la chambre rejette la demande de Colruyt de pouvoir s'exprimer en néerlandais. » 7. Par après, le 19 mars 2010, la chambre a adopté une décision suite à une requête de Delhaize du 11 mars 2011 qui consistait à demander un accès supplémentaire au dossier.La requête visait des documents auxquels Delhaize n'avait pas eu accès sur la base de l'inventaire rédigé par l'auditeur. Cet inventaire avait été établi dans une décision motivée de l'auditeur qui a été prise le 11 janvier 2010. La décision est motivée comme suit : « La chambre a décidé qu'il incombe à l'auditeur de prendre une décision sur cette demande d'accès de Delhaize et a ordonné qu'il transmette sa décision à Delhaize ainsi qu'à la chambre au plus tard le mercredi 31 mars 2010. » 8. Une décision identique a été prise le même jour à l'égard de Ferrero, suite à une demande faite le 3 mars 2010 par Ferrero.9. Le 23 mars 2010, la chambre a adopté encore une décision concernant une requête de Ferrero du 4 mars 2010.Cette requête concernait un accès au dossier « parallèle » (dossier « A ») qui aurait, selon Ferrero, une origine commune avec la présente affaire. Ferrero a également demandé de connaître les indications sérieuses qui seraient à la base des deux dossiers. Les motifs de cette décision seront repris ci-dessus : « La chambre constate d'abord qu'un calendrier a été établi et communiqué aux entreprises concernées et à l'auditeur. Ce calendrier permet de déposer des observations écrites reprenant les éléments de fait et de droit que les parties souhaitent porter à la connaissance de la chambre. Des observations écrites sont échangées entre les entreprises concernées et l'auditeur afin de leur permettre de répondre aux moyens soulevés par chacun. Les circonstances évoquées par Ferrero dans sa demande peuvent faire l'objet d'observations écrites. La demande de Ferrero consiste à ce que lui soient décrites les circonstances qui ont amené l'auditeur à ouvrir une instruction pour cette affaire-ci. L'auditeur doit avoir la possibilité d'y répondre. Il s'agit d'un éventuel moyen qui, lorsque Ferrero le reprendra dans ses observations écrites, fera l'objet du débat contradictoire devant la chambre qui, à ce stade, n'a pas encore été entamé. La chambre conclut qu'elle ne peut pas encore prendre de décision au sujet de la demande de Ferrero à ce stade de la procédure. » 10. Le 30 mars 2010, l'auditeur fait suite à la décision du 19 mars 2010 de la chambre, et envoie un courrier aux conseils de Ferrero et de Delhaize concernant leurs demandes supplémentaires d'accès au dossier.Une nouvelle version de l'inventaire du dossier est jointe à son courrier. 11. Le 31 mars 2010, le conseil de Carrefour adresse une demande à la chambre.Carrefour demande un accès supplémentaire au dossier (des versions non confidentielles des documents) et également un accès à une version non confidentielle du rapport motivé dans une autre affaire (l'affaire I/O-08/0010A) et que la chambre suspende les délais accordés jusqu'à la communication des informations demandées.

Carrefour demande encore une copie du procès verbal de l'audience d'introduction du 8 mars 2010. Cette copie lui a été fournie le 2 avril 2010. 12. Le 15 avril 2010, le greffe a fait parvenir à toutes les parties une nouvelle version corrigée de l'inventaire du dossier de procédure suite aux modifications apportées par l'auditeur.13. Dans une décision du 16 avril 2010, la chambre a répondu à la demande de Carrefour émise dans un courrier du 31 mars 2010 de son conseil.Cette demande porte l'attention du Conseil sur des éléments qui concernent l'ouverture de l'instruction pour l'auditeur. Tout comme Ferrero auparavant, Carrefour fait référence à l'existence d'un dossier parallèle (dossier « A ») ayant une origine commune avec la présente affaire. Ensuite, Carrefour dit que l'accès au rapport et au dossier parallèle lui est nécessaire. 14. La décision de la chambre du 16 avril 2010 est motivée comme suit : « La chambre rappelle que suite à l'audience d'introduction du 8 mars 2010, un calendrier a été établi et communiqué aux entreprises concernées et à l'auditeur.Les motifs de la décision sont repris ci-dessus.

Tout comme pour la demande de Ferrero (voir ci-dessus, n° 9), la chambre estime que Carrefour soulève des moyens qui devront faire l'objet du débat contradictoire devant la chambre.

En ce qui concerne la demande d'accès à un éventuel rapport et/ou dossier dans une affaire autre que la présente, la chambre n'est en tout cas pas en mesure de répondre à cette demande. Elle est saisie uniquement de l'affaire I/O-08/0010B, suite au dépôt du rapport motivé de l'auditeur.

Dans son courrier du 31 mars 2010, le conseil de Carrefour adresse également une deuxième demande à la chambre, qui est une demande d'accès à des (nouvelles) versions non confidentielles de certaines pièces du dossier.

La chambre constate que sur la base de l'article 44, § 6 de la LPCE, l'auditeur établit un inventaire de tous les documents et toutes les données rassemblées lors de l'instruction, et se prononce sur leur confidentialité. Leur caractère confidentiel est déterminé à l'égard de chaque personne physique ou morale qui prend connaissance du rapport motivé. Ensuite, le dossier est transmis au Conseil avec l'inventaire contenant des codes indiquant la partie qui a accès à ces documents.

La décision constate que l'auditeur a pris une décision le 11 janvier 2010 concernant la confidentialité des pièces. La décision contient la classification des pièces en ce qui concerne leur confidentialité.

Toutes les entreprises concernées ont eu accès à cette décision. Par après, en date du 30 mars 2010, l'auditeur a adapté son inventaire et ce nouvel inventaire a été communiqué aux entreprises concernées le 15 avril 2010.

La chambre estime qu'il convient à l'auditeur de prendre position sur cette demande de Carrefour qui consiste en réalité à lui demander de revoir sa classification établie dans sa décision du 11 janvier 2010.

La loi accorde à l'auditeur cette compétence explicite de décision en matière de confidentialité.

Finalement, le courrier du 31 mars 2010 de Carrefour contenait une demande d'extension et de suspension des délais fixés pour déposer les observations écrites. La chambre rappelle qu'il incombe au président de chambre de fixer les délais.

Dès lors, la chambre sursoit à statuer sur la demande contenue dans la lettre du conseil de Carrefour du 31 mars 2010, celle-ci étant basé sur des éléments concernant la disjonction des affaires 08/0010A et 08/0010B et demande à l'auditeur de prendre position concernant la demande de Carrefour concernant la confidentialité, dans un délai de huit jours après la date de la décision. » 15. Dans une décision du 22 avril 2010, le président de chambre a accordé une extension des délais dans la mesure où un accès à certaines pièces a été donné relativement tard pendant les délais donnés pour le dépôt des premières observations écrites.Cette extension est donnée à toutes les entreprises concernées. En ce qui concerne la demande de suspension des délais, le président de chambre se réfère à la décision de la chambre du 16 avril 2010. La chambre a considéré que les moyens soulevés par rapport au lien entre la présente affaire et l'autre dossier évoqué par Carrefour doivent faire l'objet du débat contradictoire devant la chambre et que si les moyens sont développés dans les observations écrites, il appartiendra à l'auditeur d'y répondre.

Le président de chambre a constaté qu'en ce moment aucun élément ne justifie donc une éventuelle suspension des délais fixés étant donné que le motif a invoqué (le dépôt d'un rapport éventuellement connexe) est purement hypothétique. Par la suite, un nouveau calendrier est communiqué à toutes les parties. 16. Le 23 avril 2010, l'auditeur prend position à l'égard de la demande de Carrefour concernant la demande supplémentaire d'accès au dossier.Une nouvelle version de l'inventaire du dossier est jointe à son courrier. 17. Le 2 août 2010, Colruyt adresse une requête à la chambre concernant un accès supplémentaire à une version non confidentielle de certaines parties de la note d'observation déposée par l'auditeur, relatives aux entreprises concernées, et également un accès à une version non confidentielle des observations écrites des autres parties concernées.Dans ses observations déposées le 15 juillet 2010, l'auditeur avait en effet distingué deux parties : une partie commune destinée à toutes les entreprises, et plusieurs parties séparées contenant les arguments spécifiques destinés à chaque entreprise concernée.

Colruyt a réitéré une demande concernant l'accès au dossier « A » et a invité, au cas où cet accès serait refusé, l'auditeur à alors justifier les raisons qui empêchent les pièces concernées de servir d'éléments à décharge pour elle. 18. La présente affaire a été traitée en audience du Conseil les 4 et 5 octobre 2010.Les entreprises concernées ont été entendues ainsi que l'auditeur accompagné de l'équipe de l'instruction. 19. Lors de l'audience, le président de la chambre a demandé aux parties de faire connaître pour avant le 8 octobre 2010 leurs objections à ce que la chambre décide d'ajouter au dossier les deux notes de l'auditeur, intitulées « Intervention de l'auditeur-audience du 4 octobre 2010 » et « Intervention de l'auditeur-audience du 5 octobre 2010 ». La chambre a également indiqué qu'elle prendra aussi une décision sur la possibilité d'ajouter au dossier la note de M. Alexis Walckiers, Chief Economist auprès de la Direction générale de la concurrence. La note du Chief Economist avait également été déposée par l'auditeur à l'audience sans en avoir donné connaissance au préalable aux entreprises et à la chambre.

La chambre a également pris acte de l'accord de Ferrero de distribuer les deux études qu'elle avait joint à ses observations écrites complémentaires (une étude du Professeur Van Cayseele et une étude du Professeur Odudu) et auxquelles l'auditeur comme Ferrero ont fait référence en cours d'audience. 20. Dans une décision du 22 octobre 2010 pour faire suite à l'audience, la chambre a traité des questions de procédure qui étaient restées ouvertes. Tout d'abord, la chambre constate qu'il est apparu à l'audience que l'auditeur en charge du dossier avait demandé une note au Chief Economist en réaction à une étude déposée par Ferrero en annexe à ses observations complémentaires du 6 septembre 2010. En effet, la note du Chief Economist précise qu'elle est établie à la demande de l'auditeur et dans le cadre de la présente affaire (I/O-08/0010B). A l'audience et en présence de toutes les parties concernées, l'auditeur s'était référé plusieurs fois à cette note dans son exposé ainsi qu'à l'étude du Professeur Van Cayseele et à l'étude du Professeur Odudu, études déposées par Ferrero en annexe de ses observations complémentaires du 6 septembre 2010.

Avant de prendre l'affaire en délibéré, la chambre a estimé nécessaire de recevoir les réponses de l'auditeur sur les questions suivantes : - depuis quel moment le Chief Economist auprès de la Direction générale Concurrence est impliqué dans cette affaire et sur quels éléments a-t-il basé son avis? - quelle a été la base légale de son intervention dans ce dossier traité par une chambre du Conseil? La décision de la chambre précisait ensuite que les réponses de l'auditeur à ces questions seraient ensuite communiquées à toutes les entreprises concernées. Simultanément, il était prévu qu'une copie de la note du Chief Economist serait fournie à toutes les entreprises concernées ainsi qu'une copie des deux études déposées par Ferrero (version non confidentielle), et auxquelles l'auditeur a fait référence lors de l'audience. 21. Le 27 octobre 2010, l'auditeur a répondu comme suit : « Il précise d'abord que le Chief Economist est en fonction depuis le 11 janvier 2010.C'est donc en tant que membre de la Direction générale et en raison de sa spécialisation en économie que l'auditeur a demandé sa collaboration en vue de répondre à une note économique déposée tardivement par Ferrero. L'article 48, § 3, de la LPCE prévoit la compétence du président de chambre pour fixer les délais d'échange des observations écrites et de leurs répliques, mais n'en détaille en rien les modalités. La phase d'instruction du dossier étant terminée, l'auditeur peut, selon elle, logiquement encore bénéficier de l'assistance de la Direction Générale, y compris pour répondre à de nouveaux arguments des entreprises poursuivies, déposés lors de leur deuxième réplique et après presque sept mois d'accès au rapport motivé de l'auditeur. La note du Chief Economist s'insère dans ce cadre. » 22. Le greffe du Conseil a transmis des copies des versions non confidentielles des études déposées par Ferrero en annexe à ses observations complémentaires et une copie de la note du Chief Economist ainsi que les réponses de l'auditeur aux questions de la chambre posées dans sa décision du 22 octobre 2010. Plusieurs entreprises concernées ont déposé des observations écrites complémentaires dans le délai fixé par la chambre. L'affaire a été prise en délibéré après l'écoulement de ce délai le 1er décembre 2010.

II. Les parties incriminées et l'objet du rapport 23. Le rapport de l'auditeur vise les entreprises Ferrero, Lidl, Colruyt, Cora, Intermarché, Delhaize et Carrefour. Selon le rapport, la société Ferrero est active dans la fabrication de cacao, de chocolat et de produits de confiserie. Ses produits connus du grand public sont notamment le Nutella et le Kinder Surprise. Lidl, Colruyt, Delhaize, Cora, Intermarché et Carrefour sont tous actifs dans le secteur du commerce de détail en magasin non spécialisé à prédominance alimentaire (grandes surfaces). Les magasins de ces derniers se positionnent de façon différente mais ils vendent tous des produits de Ferrero. 24. L'auditeur identifie comme secteur économique concerné, le commerce de détail en magasin non spécialisé à prédominance alimentaire.Dans le secteur de la grande distribution, deux marchés de services en cause sont distingués : le marché de la distribution des biens de consommation courante et le marché de l'approvisionnement.

Le rapport décrit ensuite les parts de marché des grands groupes de distribution en Belgique et signale que les trois plus grands groupes (Colruyt, Carrefour et Delhaize) se partagent le marché avec chacun une part de 20 à 30 % (magasins franchisés inclus). Les quatre plus grands groupes de distribution en Belgique (Colruyt, Carrefour, Delhaize Le Lion et Louis Delhaize) représentent 76 % du marché de la grande distribution alimentaire. Quand on inclut Makro la part de marché globale augmente à 82 % et en incluant les « hard discounters » comme Aldi et Lidl, la part de marché globale s'élève à 98 % pour les sept principaux groupes de distribution en Belgique.

En ce qui concerne Ferrero, [...] 25. Le rapport indique encore qu'un grand nombre d'enseignes appartiennent en réalité à un nombre restreint de groupes.Ensuite, chaque groupe de distribution a une politique commerciale et une politique d'achat qui est différente car propre à son organisation.

Ainsi, certains groupes ont leur propre centrale d'achat, ce qui renforcerait leur pouvoir de négociation par rapport à leurs fournisseurs. 26. Le rapport fait aussi apparaître certaines tendances dans le marché concerné comme par exemple la progression significative des « hard discounters » ainsi que l'importance des marques de distributeurs (MDD), désignées aussi par le terme « private labels ».La part de marché de ces produits est importante en Belgique, elle serait de 31 % pour les « private labels », tous produits confondus. 27. L'auditeur mentionne comme marché concerné le marché de la distribution des produits commercialisés par Ferrero.Il s'agit plus précisément des produits de confiserie de chocolat et de confiserie de sucre. Sur ce marché Ferrero est donc actif avec des produits de pâtes à tartiner et de chocolat, ainsi que de petites confiseries de poches comme par exemple le produit Tic Tac. Les principaux concurrents de Ferrero seraient Kraft, Masterfood, Nestlé ainsi que les marques de distributeurs (« private labels »). Ferrero et ses concurrents vendent leurs produits essentiellement à la grande distribution. 28. L'auditeur qualifie le marché pertinent géographique comme étant de taille nationale.Du point de vue des consommateurs le marché serait même local, la zone de chalandise étant délimitée par la durée limitée par laquelle le point de vente peut être atteint, ou par la distance que le consommateur est prêt à couvrir pour effectuer son acte d'achat. Dans la mesure où les zones d'achat se superposent les uns aux autres, cela provoque un effet de réaction en chaîne et dès lors, le marché géographique à prendre en considération est l'ensemble du territoire national. 29. [...] 30. [...] 31. [...] 32. [...] 33. [...] 34. [...] 35. [...] 36. [...] 37. [...] 38. [...] 39. [...] 40. Compte tenu de ce qui précède, conformément à l'article 45, § 4, de la LPCE, l'auditeur propose au Conseil de la concurrence de : - constater que, de 2002 à ce jour, Ferrero SA, Ets Fr.Colruyt SA, Carrefour Belgium SA, Cora SA, Etablissements Delhaize Frères Et Cie 'Le Lion', ITM Belgium SA et Lidl Belgium GmbH & Co.KG (depuis 2007) ont enfreint les articles 2 LCPE et 101 du TFUE en ce que dans le cadre d'une pratique concertée, elles ont procédé à des hausses coordonnées de prix et qu'elles ont échangé des informations sensibles sur les marchés de la distribution de la confiserie de chocolat, le marché de la distribution des pâtes à tartiner à base de chocolat, et le marché de la distribution de la confiserie de poche, - constater que ce type de pratiques a pour objet de faire obstacle à la concurrence et à la fixation des prix par le libre jeu du marché, qu'il s'agit d'une infraction continue que le Conseil juge particulièrement préjudiciable au bon fonctionnement du marché, et qu'il qualifie généralement d'infraction très grave et d'en ordonner la cessation, - d'infliger à l'ensemble des sociétés poursuivies une amende proportionnelle à la gravité de l'infraction qui tiendrait compte de facteurs aggravants pour les distributeurs, notamment l'implication d'enseignes de la grande distribution dans ce type de pratiques qui serait particulièrement grave, et ce d'autant plus que les distributeurs en cause se présentent comme des enseignes ayant une politique de prix agressive. [...] - A titre de circonstance atténuante, l'auditeur souligne que Ferrero, Colruyt et Delhaize ont collaboré pleinement lors de l'instruction et elle demande au Conseil de prendre en compte cette bonne collaboration dans le cadre de la fixation de l'amende.

III. Analyse par le Conseil 3.1. Procédure : introduction 41. Au cours de la procédure écrite et à l'audience, les parties incriminées ont avancé des moyens d'une part, concernant la procédure, tant au niveau de l'instruction menée par l'auditeur et l'équipe d'instruction, qu'au niveau du Conseil, et d'autre part, concernant le fond en rapport avec les griefs retenus dans le rapport d'instruction et avec le constat de l'existence d'une infraction à l'article 2 de la LPCE et/ou l'article 101 TFUE.42. En ce qui concerne la procédure, les entreprises ont soulevé un nombre considérable de points ayant trait, en résumé, à la décision de l'Auditorat de scinder cette affaire dont l'origine est commune, à l'incompatibilité du mandat pour les perquisitions effectuées lors de l'enquête avec les faits qui ont été retenus dans le rapport, au choix des mesures d'instruction, à la sélection des entreprises poursuivies, au manque d'objectivité et d'impartialité de l'auditeur, à l'accès partiel au dossier, aux versions non confidentielles inadéquates des pièces confidentielles du dossier d'instruction, à la confusion dans la qualification juridique des faits, à la langue du rapport et à la procédure menée devant le Conseil, et à l'absence d'accès aux observations écrites des autres parties.Du point de vue juridique, ces différents points ont été soulevés en se basant principalement sur le principe du respect des droits de la défense et sur le principe de l'égalité de traitement et de la non-discrimination. 3.2. L'ouverture de l'instruction et la disjonction 3.2.1. Introduction 43. Il ressort du rapport que le 24 avril 2008, l'Auditorat a ouvert une instruction d'office dans le secteur alimentaire suite à l'existence d'indications sérieuses de pratiques concertées dans ce secteur.Des perquisitions ont été effectuées le 14 et le 15 mai 2008.

L'auditeur précise dans l'introduction de son rapport, que différents documents de nature à faire constater une ou plusieurs infractions à la loi, notamment des pratiques de hausses coordonnées, ont été saisis lors des perquisitions chez Ferrero. 44. Lors de sa réunion du 17 mars 2009, l'Auditorat a décidé de procéder à la « disjonction » de l'affaire I/O-08/0010 en deux affaires;la présente affaire I/O-08/0010B concerne la pratique de hausses coordonnées menée par Ferrero et différents distributeurs.

L'autre affaire porterait la référence I/O- 08/0010A. Cette disjonction est décrite dans l'introduction du rapport. A l'audience du Conseil, l'auditeur a confirmé sa décision de disjonction du 17 mars 2009. 45. Dès le début de la procédure devant le Conseil, Ferrero a attiré l'attention du Conseil sur cette disjonction en demandant notamment l'accès à l'autre dossier (le dossier de l'affaire I/O-08/0010A).La société Colruyt a également signalé de suite au Conseil les problèmes causés par cette disjonction se basant sur une atteinte à ses droits de la défense et sur l'impossibilité d'avoir accès à des documents éventuellement à décharge qui pourraient se trouver dans l'autre partie de l'affaire 08/0010, c'est-à-dire le « dossier de l'affaire A ». Par la suite, les entreprises Carrefour, Delhaize et Cora ont également présenté des arguments insistant sur le problème de la disjonction, avant même de déposer leurs premières observations écrites. 46. Dans ses observations écrites, l'auditeur a répondu à l'argumentation qui remet en cause la disjonction des affaires décrite ci-dessus et ses conséquences.47. Selon l'auditeur, il n'est pas nécessaire pour Ferrero et pour les distributeurs d'obtenir un accès au dossier d'instruction de l'affaire I/O-08/0010A pour se défendre dans le cadre de la présente affaire, et ceci d'autant plus qu'aucun élément à décharge ne peut être retiré du dossier de l'affaire I/O-08/0010A dans le cadre de la pratique incriminée dans la présente affaire.L'auditeur avance qu'une éventuelle entente entre fabricants sur le marché de la confiserie (dont il serait question dans l'affaire I/O-08/0010A en cours d'instruction), ne peut justifier la pratique concertée entre les distributeurs par l'entremise d'un fournisseur. L'affaire I/O-08/0010A est, selon l'auditeur, une affaire avec un objet différent.

L'auditeur estime qu'il appartient aux entreprises poursuivies d'exercer au mieux leurs droits de la défense et dans ce cas de soumettre au Conseil tout élément à décharge non encore transmis lors de l'instruction et dont le Conseil devrait prendre connaissance. 3.2.2. Questions soulevées par la disjonction 48. Le Conseil constate tout d'abord que l'auditeur reconnaît déjà dans son rapport déposé en date du 11 janvier 2010, qu'en réalité, la présente affaire (I/O-08/0010B) ne trouve pas son origine dans la décision de l'Auditorat qui consistait à scinder une affaire préexistante référencée I/O-08/0010.En effet, le rapport mentionne l'ouverture d'une instruction d'office faite le 24 avril 2008 comme étant le début de la présente affaire. Le dossier I/O-08/0010B et qui est déposé devant cette chambre du Conseil aurait donc bien un lien avec le dossier (I/O-08/0010A) qui, selon l'auditeur, est toujours en cours d'instruction, du fait que ces deux dossiers ont pour origine commune l'affaire I/O-08/0010. La scission a donc eu lieu en cours d'instruction, plus précisément un an environ après l'ouverture de l'affaire I/O-08/0010. 49. Le Conseil prend également acte que l'auditeur a prétendu dans la procédure que l'affaire I/O-08/0010A d'une part, présente des liens avec la présente affaire I/O-08/0010B, mais d'autre part, que l'affaire I/O-08/0010A concerne entièrement ou partiellement des pratiques de nature différente à l'affaire I/O-08/0010B.Ensuite, l'auditeur a affirmé à l'audience du Conseil qu'il n'est pas en charge de l'affaire I/O-08/0010A mais qu'à sa connaissance ce ne sont pas les mêmes entreprises ou du moins pas toutes les mêmes qui se trouvent impliquées dans les deux affaires. 50. En vertu de l'article 44, § 2, de la LPCE, l'Auditorat peut ouvrir une instruction d'office en présence d'indications sérieuses. Contrairement à ce que prétendent certaines entreprises, l'auditeur ne doit pas justifier en détail les raisons qui l'ont amené à estimer le caractère sérieux des indications. 51. L'existence d'indications sérieuses visée à l'article 44 de la LPCE implique qu'il faut mais qu'il suffit aussi qu'un lien existe entre les pratiques soupçonnées qui sont à la base de l'affaire (les indications) et les faits poursuivis.52. La disjonction décrite ci-dessus prête donc à confusion puisque la présente affaire I/O-08/0010B est avancée par l'auditeur comme étant la continuation de l'affaire 08/0010 qui a justifié l'ouverture de l'instruction d'office en avril 2008 sur la base de la présence d'indications sérieuses.Cependant en même temps, l'auditeur affirme que l'affaire I/O-08/0010B présente des caractéristiques qui sont bien distinctes de l'affaire I/O-08/0010A qui est toujours en cours d'instruction. 53. Le Conseil constate que le rapport de l'auditeur déposé dans la présente affaire I/O-08/0010B interpelle du fait de l'origine commune au départ de ces deux affaires (I/O-08/0010A et I/O-08/0010B), origine commune provenant de l'affaire référencée I/O-08/0010.En effet, dans les affaires I/O-08/0010A et I/O-08/0010B, on trouve des mesures d'instruction communes car elles trouvent leur point de départ dans l'affaire I/O-08/0010. Ce n'est qu'après la décision de l'Auditorat de disjoindre l'affaire commune I/O-08/0010 qu'on trouve par après des mesures d'instruction spécifiques au présent dossier. 3.2.3. Demandes d'accès au dossier d'instruction de l'affaire I/O-08/0010A 54. Le Conseil examine d'abord les demandes d'accès au dossier d'instruction de l'affaire I/O-08/0010A, qui est toujours en cours d'instruction.55. Dans le système institutionnel actuel, les tâches de l'Auditorat et du Conseil au sens strict sont bien définies de part et d'autre.56. Il n'appartient pas au Conseil au sens strict d'amener devant sa juridiction les dossiers instruits par l'Auditorat ni d'en déterminer leur ordre prioritaire.Ce partage de compétence fait partie intégrante de l'équilibre institutionnel mis en place par la LPCE et comporte deux conséquences importantes. 57. Premièrement, le Conseil au sens strict ne peut exercer aucune influence au niveau de l'Auditorat et des décisions qu'il prend par rapport au choix des affaires à poursuivre.De même, il relève de la seule responsabilité de l'Auditorat de rassembler les pièces qui composent son dossier d'instruction et éventuellement, de déposer un rapport. 58. Au regard de l'indépendance de l'Auditorat en ce domaine, le Conseil ne peut donc pas prendre une décision dans le cadre de la présente affaire qui aurait pour effet d'engager directement ou indirectement l'Auditorat à déposer un rapport dans cette autre affaire qui est toujours en cours d'instruction. Ce principe d'indépendance a pour effet de limiter considérablement les possibilités pour le Conseil de remédier à des irrégularités de procédure qu'il pourrait éventuellement constater (voir ci-dessous sous 3.3). 59. Deuxièmement, le Conseil n'est saisi que par le dépôt du rapport de l'auditeur qui retient des griefs à l'encontre d'une ou de plusieurs entreprises.Dès le dépôt de ce rapport, une affaire est alors attribuée par le président du Conseil à une chambre qui traitera de l'affaire. La chambre juge sur la base du dossier de l'instruction ainsi que sur la base des éléments amenés tant par les entreprises concernées que par l'auditeur au cours de la procédure écrite et orale. 60. Il en ressort que le Conseil ne peut donc donner accès à d'autres éléments que ceux qui sont contenus dans le dossier d'instruction qui a été déposé simultanément avec le rapport motivé de l'auditeur pour l'affaire I/O-08/0010B.Ainsi à la 12e chambre du Conseil, il n'a été attribué le traitement uniquement de la présente affaire et la chambre n'a donc pas les moyens de connaître tout autre dossier qui ne lui a pas été distribué et davantage pour un dossier dont l'instruction est toujours en cours auprès de l'Auditorat. 3.2.4. Accès au dossier de l'instruction de l'affaire I/O-08/0010A au regard des droits de la défense 61. La question est de savoir si l'absence d'accès au dossier de l'affaire I/O-08/0010A pose problème au regard du principe du respect des droits de la défense pour les différentes parties incriminées.62. Le Conseil estime que les affaires I/O-08/0010A et I/O-08/0010B sont liées par plusieurs éléments qui mènent à la conclusion que ne pas donner un accès au dossier d'instruction dans l'affaire I/O-08/0010A porterait atteinte aux droits de la défense des parties incriminées dans la présente affaire I/O-08/0010B.63. Le Conseil rappelle que l'auditeur reconnaît que ces deux affaires ont une origine commune : elles trouvent leur point de départ dans l'ouverture d'une instruction d'office dans l'affaire I/O-08/0010. L'instruction menée pour l'affaire I/O-08/0010 a aussi été à la base de l'instruction menée au rapport d'instruction qui a été déposé le 11 janvier 2010 pour la présente affaire tout comme elle serait aussi à la base de l'affaire I/O-08/0010A encore en cours d'instruction. Les deux dossiers apparaissent donc être clairement liés par une origine commune. 64. De même, il ressort des pièces du dossier qu'entre l'ouverture de l'instruction d'office dans l'affaire I/O-08/0010 du 24 avril 2008 et la disjonction décidée le 17 mars 2009, des mesures d'instruction ont été effectuées sans faire de distinction entre les I/O-08/0010A et I/O-08/0010B.65. Dans le cadre de l'instruction de l'affaire d'origine I/O-08/0010, des perquisitions ont eu lieu les 14 et 15 mai 2008.Il apparaît du rapport que ces perquisitions ont été importantes pour la charge de la preuve qui incombe à l'auditeur car il se base en grande partie sur des éléments de preuve qui ont été recueillis lors de perquisitions menées dans l'affaire d'origine. 66. Dans cette logique, il faut donc considérer que toutes les mesures d'instruction dans l'affaire d'origine I/O-08/0010 font partie de l'instruction ouverte pour les deux affaires scindées.Le dossier d'instruction de chaque affaire scindée devrait dès lors contenir les éléments de preuve recueillis pendant toute la période de l'instruction menée depuis l'origine. 67. Le lien entre les affaires I/O-08/0010A et I/O-08/0010B pose donc problème puisque les entreprises n'ont pas eu accès à certaines pièces qui sont le résultat de l'instruction qui était commune aux deux affaires jusqu'au 17 mars 2009, date de la décision de disjonction.68. Plusieurs entreprises ont également invoqué à cet égard que l'auditeur avait l'obligation de rassembler des éléments à charge et à décharge pendant son instruction de l'affaire.69. Bien que dans le cadre légal applicable, on peut douter d'obliger l'auditeur à rassembler des éléments à décharge de façon proactive, néanmoins, force est de constater que dans le cas d'espèce, la sélection des pièces qui a été faite soulève effectivement des questions au regard du respect des droits de la défense.70. L'auditeur doit déposer un dossier complet.Le dossier complet contient les éléments pertinents qui ont été rassemblés depuis le début de l'instruction et qui présentent un lien objectif avec les griefs retenus à l'encontre des entreprises dans le rapport motivé de l'auditeur (voir par analogie n° 8 et suivants de la Communication de la Commission sur l'accès au dossier, JO (2005), C 325/7). 71. Après le dépôt du rapport et du dossier au Conseil, l'accès au dossier d'instruction doit permettre aux entreprises d'exercer de manière effective leurs droits de la défense.Cela nécessite un accès à tous les éléments à charge comme aux éléments à décharge qui ont été recueillis pendant l'instruction et qui présentent le lien objectif avec les griefs retenus. 72. Le non accès au dossier de l'affaire I/O-08/0010A pose dès lors un problème à cause des liens clairs qui existent entre les deux affaires I/O-08/0010A et I/O-08/0010B.Non seulement le dossier d'instruction n'est pas complet (ci-dessus aux n° 62-67) mais il n'est pas exclu que puisse se trouver des éléments dans le dossier d'instruction de l'affaire I/O-08/0010A qui pourraient s'avérer être des éléments à décharge pour les entreprises incriminées dans la présente affaire. 73. Cette éventualité a toute son importance et en bon application du respect des droits de la défense, l'auditeur ne peut se contenter d'affirmer que le dossier d'instruction de l'affaire I/O-08/0010A (toujours en cours d'instruction) ne contient pas des éléments qui pourraient être à décharge des entreprises incriminées dans la présente affaire, alors que l'auditeur a lui-même reconnu une origine commune au départ de l'instruction des deux affaires I/O-08/0010A et I/O-08/0010B.74. Le Conseil constate que le dossier d'instruction déposé dans la présente affaire I/O-08/0010B est le résultat d'une sélection de pièces issue de la décision de disjonction prise par l'Auditorat le 17 mars 2009.75. Cette sélection de pièces peut donc légitimement faire croire aux entreprises concernées qu'il pourrait exister des éléments éventuellement à décharge dans le dossier d'instruction de l'affaire I/O-08/0010A à cause de son lien d'origine commune avec la présente affaire.76. Le Conseil estime que le non accès au dossier d'instruction de l'affaire I/O-08/0010A, et tout particulièrement aux pièces qui datent d'avant la décision de disjonction, porte atteinte aux droits de la défense des entreprises incriminées et il apparait que c'est à juste titre que les entreprises prétendent qu'un procès équitable ne peut donc être garanti au niveau du Conseil.77. En ce qui concerne d'éventuels éléments à décharge, l'absence d'accès à certaines preuves potentiellement à décharge suffit pour avoir une influence sur le déroulement de la procédure et le contenu de la décision que le Conseil doit prendre au fond, notamment en ce qui concerne la durée de l'infraction, le contexte économique pertinent pour établir la gravité de l'infraction et la sanction à imposer (voir par analogie les arrêts du 29 juin 1995, Imperial Chemical Industries, affaires T-36/91 et T-37/91, ainsi que l'arrêt du 7 janvier 2004 de la Cour de Justice dans l'affaire Ciments, affaires C-204, 205, 211, 213, 217 et 219/00 P, aux n° 74-77, voir également plus récemment par exemple l'arrêt du 1er juillet 2010 de la Cour de Justice, affaire C-407/08 P, Knauf Gips, n° 22-23).Ce principe traduit, dans le domaine de la concurrence, l'importance qui est accordée au débat contradictoire dans le cadre du respect des droits de la défense : sauf dans des cas d'exceptions précises et justifiées, chaque pièce qui pourrait influencer la juridiction doit en principe faire l'objet du débat contradictoire (jurisprudence en matière pénale et civile de la Cour Européenne des Droits de l'Homme, arrêt du 28 août 1991, Brandstetter/Autriche, 11170/84, 12876/87 et 13468/87, l'arrêt du 16 février 2000, Jasper/Royaume Uni, 27052/95, ainsi que par exemple l'arrêt du 13 mai 2008, N.N et T.A/Belgique, 65097/01). 78. Sur la base des éléments soulevés par les entreprises concernées dans cette affaire, le Conseil est arrivé à la conviction que l'accès au dossier d'instruction dans l'affaire I/O-08/0010A peut avoir une influence sur le déroulement de la procédure et/ou sur la décision à prononcer.Etant donné que le Conseil lui-même n'a pas eu connaissance du dossier d'instruction de l'affaire I/O-08/0010A, il ne peut donc effectuer un examen plus concret des pièces qui déterminent une influence éventuelle sur le déroulement de la procédure ou de sa décision. Selon lui, un tel examen plus concret n'est pas nécessaire pour constater l'atteinte aux droits de la défense dans le cas d'espèce. Il appartient aux entreprises incriminées d'évaluer si certaines pièces peuvent avoir une influence sur le déroulement de la procédure ou la décision à prononcer (voir l'arrêt de la CEDH du 15 octobre 2003, Fortum Corporation/Finlande, 32559/96). 79. Les entreprises ont notamment attiré l'attention du Conseil sur l'existence probable d'éléments de fait et de droit qui sont susceptibles de donner une explication différente de l'appréciation formulée par l'auditeur, comme par exemple la relation entre les différents niveaux de distribution dans le marché pertinent ou le contexte commercial et économique sur ce marché.Vu l'importance d'une analyse économique dans une affaire comme la présente, et vu la nature complexe de l'infraction alléguée - complexité reconnue d'ailleurs par l'auditeur même -, l'analyse du Conseil doit pouvoir s'effectuer en pleine connaissance de tous les éléments pertinents et aucun doute possible n'est permis. 80. Il faut encore ajouter que plusieurs des entreprises incriminées dans la présente affaire I/O-08/0010B déclarent avoir participé à l'instruction dans l'affaire I/O-08/0010A en ayant notamment répondu à des demandes de renseignements de l'auditeur.Sans avoir eu accès au dossier de l'affaire I/O-08/0010A, ces entreprises ne peuvent pleinement évaluer l'influence que certaines preuves pourraient avoir en rapport avec les positions défendues de l'auditeur dans l'affaire I/O-08/0010B. A titre d'exemple, les entreprises ont soulevé que des perquisitions ont eu lieu seulement chez Ferrero, et que les contacts ultérieurs pris entre l'auditeur et la société Ferrero ne se retrouvent pas tous nécessairement dans le dossier de l'affaire I/O-08/0010B. 81. Le Conseil qui doit établir si l'auditeur a démontré à suffisance qu'une infraction à l'article 2 de la LPCE et/ou l'article 101 du traité TFUE a été commise, est dans l'impossibilité d'avoir une vue d'ensemble sur les preuves pertinentes.82. En ce qui concerne la procédure, sans pouvoir accéder au dossier d'instruction dans l'affaire I/O-08/0010A, tant le Conseil que les entreprises concernées ne peuvent juger de la légitimité des toutes mesures d'instruction prises par l'auditeur.83. En outre, la sélection même des pièces ayant fondé le rapport d'instruction dans la présente affaire crée des doutes sur l'objectivité de l'instruction et de ce fait met en péril le caractère équitable de la procédure.Cette sélection est le résultat de la décision de disjonction de l'affaire commune. C'est dans cette mesure que le Conseil accepte la critique à l'égard du devoir d'objectivité de l'instruction émise par certaines entreprises. 84. Il en résulte que dans le cas d'espèce, la sélection des pièces et le choix des mesures d'instruction soulèvent à juste titre des questions d'objectivité dans la procédure d'instruction, bien que le Conseil n'ait trouvé aucune preuve d'absence d'impartialité dans le chef de l'auditeur comme l'ont prétendu certaines entreprises.85. En effet, que l'auditeur n'ait entendu que la société Ferrero au cours de son instruction sans avoir estimé nécessaire d'auditionner les distributeurs n'est pas en soi une atteinte aux droits des entreprises non auditionnées.L'auditeur est libre d'apprécier les mesures d'enquête qu'il juge utiles.

Toutefois, la sélection des pièces et le choix des mesures d'instruction créent une apparence d'irrégularité et un manque d'objectivité car il paraît assez exceptionnel de procéder à la formulation de griefs dans une affaire qui implique les grands distributeurs du pays sans pour autant les avoir impliqués davantage dans l'enquête. Ce traitement différent des entreprises incriminées crée l'impression d'un manque d'objectivité dans la procédure d'instruction. 3.2.5. Conclusion : violation du droit au respect des droits de la défense 86. De ce qui précède, il s'ensuit que le Conseil estime que certains moyens portant sur l'irrégularité de la procédure sont fondés.En particulier, la décision de l'Auditorat de scinder l'affaire 08/0010 en deux dossiers, et le choix des mesures d'instruction dans la présente affaire I/O-08/0010B portent atteinte aux droits de la défense des entreprises incriminées. 87. En ayant pris la décision de disjoindre l'affaire d'origine commune en deux affaires distinctes mais dont il apparait cependant un lien clairement établi entre les deux du fait que ces deux affaires fondent leur instruction sur des éléments recueillis dans l'affaire d'origine, il en découle que des pièces se trouvant dans le dossier d'instruction de l'affaire I/O-08/0010A comme dans le dossier d'instruction de l'affaire I/O-08/0010B pourraient servir d'éléments tantôt à charge tantôt à décharge tant pour le traitement de l'une comme de l'autre affaire disjointe.88. Le dossier dans la présente affaire n'est pas complet puisque dans la présente affaire, il manque les éléments de preuves qui ont été recueillis au moment de l'ouverture de l'instruction de l'affaire d'origine commune.Dès lors, l'absence ou le non accès au dossier de l'affaire scindée I/O-08/0010A empêche tant le Conseil que les entreprises de vérifier l'existence de ces éléments à charge ou à décharge pour la présente affaire. 89. Cet état de fait crée également l'apparence d'un manque d'objectivité de l'instruction menée dans la présente affaire.90. Au regard de ces constats en matière de procédure d'instruction, le Conseil estime qu'il n'est pas nécessaire de poursuivre son examen sur les autres moyens invoqués par les parties au niveau de la procédure. 3.3. Procédure : conséquences et sanctions 91. Le Conseil est appelé, en tant que juridiction, à assurer un procès équitable aux entreprises concernées.92. La LPCE ne prévoit pas de sanctions en matière d'irrégularités de procédure.93. Pour le Conseil, il faut distinguer les vices de procédure qui peuvent être réparés et les vices de procédure qui ne peuvent l'être et qui dès lors doivent être sanctionnés autrement.94. Les conséquences apportées par le Conseil au constat d'une atteinte aux droits de la défense doivent aussi être mesurées en fonction de la nature et de l'importance de l'atteinte et de la possibilité d'y remédier lors de la procédure devant le Conseil.95. En principe, il faut privilégier une approche qui consiste à tenter de réparer l'atteinte aux droits de la défense, soit au cours de la procédure pendante, soit par une action ultérieure et distincte. Cette tendance pragmatique a été consacrée dans d'autres domaines, par exemple en matière de collecte de preuves illégitimes (jurisprudence de la Cour de Cassation, voir notamment l'arrêt du 14 octobre 2003, D.Y, P.03.0762.N/1, et l'arrêt du 4 décembre 2007, PG Cour d'appel contre P.A.E.A, P.07.1302.N/1). 96. Il est clair que certains moyens de procédure qui ont été invoqués devant le Conseil peuvent faire l'objet d'une telle réparation.La procédure devant le Conseil permet à la chambre d'être proactive et de demander à l'auditeur de fournir des explications ou de répondre à certaines questions. Certains problèmes spécifiques, tels que l'absence de versions non confidentielles adéquates des pièces du dossier, pourraient sans doute faire l'objet d'une demande concrète du Conseil adressée à l'auditeur et faire partie du débat contradictoire devant le Conseil. Dans la présente affaire, le Conseil a d'ailleurs pris des initiatives à cet égard (voir la description de la procédure ci-dessus, sous I.). 97. Le Conseil considère que dans le cas d'espèce, il n'est pas possible de demander à l'auditeur de prendre des mesures concrètes pour répondre entièrement aux problèmes rencontrés au niveau de la procédure du fait de la disjonction de l'affaire commune en deux affaires séparées : I/O-08/0010A et I/O-08/0010B.98. En effet, cela reviendrait concrètement à demander de réexaminer de façon substantielle le dossier et le rapport de la présente affaire.Les problèmes de procédure qui ont été relevés ne se prêtent pas à « réparation » au cours de la procédure devant le Conseil. 99. Le Conseil souligne aussi qu'en matière d'accès au dossier, le non accès à des éléments à décharge est généralement considéré avoir des conséquences plus graves que le non accès à des éléments à charge (voir la jurisprudence ci-dessus citée au n° 77).La possibilité que des éléments à décharge pourraient se trouver dans un autre dossier et qui pourraient disculper les entreprises incriminées, mène le Conseil à se prémunir de la plus grande prudence. 100. Il a été évoqué plus haut qu'une décision du Conseil qui obligerait de manière directe ou indirecte l'Auditorat à amener le dossier de l'affaire I/O-08/0010A devant la chambre qui traite de l'affaire I/O-08/0010B, n'est pas compatible avec les principes institutionnels érigés par la LPCE (voir sous 3.2.3). 101. La LPCE prévoit que la chambre du Conseil peut demander une instruction complémentaire quand elle est d'avis que d'autres griefs ou éléments que ceux qui ont été pris en considération par l'auditeur doivent être examinés (article 48, § 4, de la LPCE).Cette disposition prévoit alors que l'auditeur dépose un rapport complémentaire. Le Conseil s'est interrogé sur l'application de cette procédure en l'espèce.

Le Conseil estime que cet article ne peut pas être la base légale pour permettre à l'auditeur d'ajouter, soit des arguments sur le fond pour les mêmes griefs, soit des éléments pour réparer la procédure comme dans le cas d'espèce. L'instruction complémentaire permet à l'auditeur de compléter avec de nouveaux éléments ou griefs sa première instruction. Il n'est donc pas possible pour le Conseil de tenter de réparer les problèmes de procédure par le biais de cette disposition. 102. C'est en fin de compte au regard du principe qu'en matière d'infraction, la charge de la preuve appartient à l'auditeur et en l'absence de preuve, que le bénéfice du doute profite aux entreprises. Le Conseil estime que le bénéfice doit également profiter aux entreprises quand la procédure d'instruction soulève des doutes substantiels au niveau de son déroulement. 103. Le Conseil constate en l'espèce que la procédure a porté atteinte aux droits de la défense des entreprises concernées.Les irrégularités de procédure relevées et les conséquences qui en découlent empêchent le Conseil de traiter l'affaire sur le fond au risque de prendre une décision qui porterait aussi atteinte aux droits des entreprises visées dans le rapport. 104. En conséquence, le Conseil décide de ne pas traiter du fond de l'affaire et ne peut dès lors juger de l'existence ou non d'une infraction à l'article 2 de la LPCE et/ou de l'article 101 du traité TFUE. Par ces motifs, Le Conseil de la concurrence, - Constate une atteinte aux droits de la défense des entreprises incriminées, à savoir Ferrero SA, Lidl Belgium GmbH, Etablissements Fr. Colruyt SA, Cora SA, ITM Belgium SA, Etablissements Delhaize Frères et Cie « Le Lion » SA (groupe Delhaize) et Carrefour Belgium SA, au cours de la procédure d'instruction dans la présente affaire I/O-08/0010B, - Dit pour droit que le rapport accompagné du dossier et déposé par l'auditeur au Conseil le 11 janvier 2010 ne peut dès lors pas faire l'objet d'un examen au fond.

Ainsi décidé le 7 avril 2011 par la Douzième chambre du Conseil de la concurrence composée de Mme Laura Parret, conseiller et président de chambre, Mme Dominique Smeets, et M. Kris Boeykens, conseillers.

Conformément à l'article 67 de la loi sur la protection de la concurrence économique, coordonnée le 15 septembre 2006, la notification de la présente décision sera effectuée à Ferrero SA, à Lidl Belgium GmbH & Co. KG, aux Etablissements Fr. Colruyt SA, à Cora SA, à ITM Belgium SA, aux Etablissements Delhaize Frères et Cie « Le Lion » SA (groupe Delhaize), à Carrefour Belgium SA et au Ministre qui a l'Economie dans ses attributions.

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