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Arrêt
publié le 15 mars 2011

Extrait de l'arrêt n° 4/2011 du 13 janvier 2011 Numéros du rôle : 5002 et 5010 En cause : les recours en annulation totale ou partielle du décret de la Communauté française du 18 mars 2010 « modifiant le décret du 24 juillet 1997 définiss La Cour constitutionnelle, composée des présidents R. Henneuse et M. Bossuyt, des juges E. De Gr(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 4/2011 du 13 janvier 2011 Numéros du rôle : 5002 et 5010 En cause : les recours en annulation totale ou partielle du décret de la Communauté française du 18 mars 2010 « modifiant le décret du 24 juillet 1997 définissant les missions prioritaires de l'enseignement fondamental et de l'enseignement secondaire et organisant les structures propres à les atteindre, en ce qui concerne les inscriptions en première année du secondaire », introduits par la commune de Villers-la-Ville et autres et par Annabelle Daussaint et autres.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents R. Henneuse et M. Bossuyt, des juges E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, J. Spreutels, T. Merckx-Van Goey et P. Nihoul, et, conformément à l'article 60bis de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, du président émérite M. Melchior, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président émérite M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des recours et procédure a. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 9 juillet 2010 et parvenue au greffe le 12 juillet 2010, un recours en annulation du décret de la Communauté française du 18 mars 2010 « modifiant le décret du 24 juillet 1997 définissant les missions prioritaires de l'enseignement fondamental et de l'enseignement secondaire et organisant les structures propres à les atteindre, en ce qui concerne les inscriptions en première année du secondaire » (publié au Moniteur belge du 9 avril 2010) a été introduit par la commune de Villers-la-Ville, représentée par son collège des bourgmestre et échevins, et par les personnes suivantes, agissant en leur nom propre et en leur qualité de représentant légal de leur(s) enfant(s) mineur(s) : Christian Carpentier et Véronique Brienne, demeurant à 1495 Villers-la-Ville, rue Ernest Deltenre 91, Benoît Schaeck et Catherine Van Thielen, demeurant à 1495 Villers-la-Ville, rue de la Croix 11, Axel Frennet, demeurant à 1495 Villers-la-Ville, rue de la Croix 21, Annabelle Daussaint, demeurant à 6223 Wagnelée, rue des Ecoles 11, Jacques Mayolle et Isabelle Niespodziany, demeurant à 1495 Villers-la-Ville, rue de la Gare 33, Robert Rotseleur et Martine Callewaert, demeurant à 7140 Morlanwelz, résidence du Pachy 55, Philippe Goeffoet et Martine Van Haudenhove, demeurant à 1495 Villers-la-Ville, Chemin Depas 13, Bernard Bonjean et Marie-Lise Dive, demeurant à 1495 Villers-la-Ville, rue de Dreumont 19, Jean-Michel Hendrick et Marie-France Detheux, demeurant à 1495 Villers-la-Ville, rue de Suisse 16, Philippe Staes et Nathalie Poulet, demeurant à 1495 Villers-la-Ville, rue de Suisse 10, Christophe Faelens et Rachida Zaoudi, demeurant à 1800 Vilvorde, Nijverheidstraat 103, Didier Pansaers et Caroline Hubrecht, demeurant à 1780 Wemmel, rue Van Elewijck 104, Thierry Fouat et Carine Galant, demeurant à 1120 Bruxelles, avenue des Croix de Guerre 369, Jorge Carvalho et Manuela Marques, demeurant à 1780 Wemmel, avenue des Nerviens 78, Marie-Noëlle De Vos, demeurant à 1140 Bruxelles, chaussée de Haecht 1050, Joëlle Pierrard, demeurant à 1932 Woluwe-Saint-Etienne, Kasteelgaarde 14, Alain Pirnay et Ariane Van der Elst, demeurant à 1460 Ittre, rue d'Hennuyères 13, Jean-Pol Chapelier et Martine Timsonet, demeurant à 1180 Bruxelles, avenue des Chênes 55, François de Voghel, demeurant à 1050 Bruxelles, rue du Mail 19, et Nathalie Marchal, demeurant à 1180 Bruxelles, avenue de la Floride 86, Eugène Jurado Moriana et Montserrat Moro Gonzales, demeurant à 1080 Bruxelles, rue de Levallois-Perret 40, Murielle Motquin, demeurant à 1080 Bruxelles, rue Alfred Dubois 27, Christophe Godart, demeurant à 1800 Vilvorde, Romeinsesteenweg 268, et Montserrat Lopez Margolles, demeurant à 1080 Bruxelles, rue du Géomètre 23, François Boon et Isabelle Gaudissart, demeurant à 1332 Genval, avenue Gevaert 197, Werner Vergels et Rousseau, demeurant à 1380 Lasne, route de l'Etat 58, Philippe Gerard et Virginie De Winde, demeurant à 1332 Genval, Fontaine Fontenoy 2, Jacopo Giola et Isabelle Leloup, demeurant à 1410 Waterloo, avenue des Constellations 18, Candy Saulnier, demeurant à 1030 Bruxelles, rue Royale Sainte-Marie 239, Sylvie Paumen, demeurant à 1020 Bruxelles, rue Stevens-Delannoy 79, Miguel Marques Gomez et Maria Cristina Peten De Pina Prata, demeurant à 1330 Rixensart, rue du Moulin 12, et Daniel Rahier et Fabienne Van Frachen, demeurant à 1380 Lasne, rue du Printemps 96. La demande de suspension du même décret, introduite par les mêmes parties requérantes, a été rejetée par l'arrêt n° 97/2010 du 29 juillet 2010, publié au Moniteur belge du 25 octobre 2010. b. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 27 juillet 2010 et parvenue au greffe le 28 juillet 2010, un recours en annulation de l'article 79/17, § 1er, alinéa 2, 2°, du décret de la Communauté française du 24 juillet 1997 définissant les missions prioritaires de l'enseignement fondamental et de l'enseignement secondaire et organisant les structures propres à les atteindre, tel que cet article a été inséré par l'article 25 du décret du 18 mars 2010 précité, a été introduit par Annabelle Daussaint, demeurant à 6223 Wagnelée, rue des Ecoles 11, Jacques Fils et Sylvie Druez, demeurant à 1495 Tilly, rue de Strichon 58, Karina Cheron, demeurant à 1495 Villers-la-Ville, drève du Tumulus 15, et Benoît Schaeck, demeurant à 1495 Marbais, rue de la Croix 11. Ces affaires, inscrites sous les numéros 5002 et 5010 du rôle de la Cour, ont été jointes. (...) II. En droit (...) Quant aux dispositions attaquées B.1.1. Les recours en annulation sont dirigés contre le décret de la Communauté française du 18 mars 2010 « modifiant le décret du 24 juillet 1997 définissant les missions prioritaires de l'enseignement fondamental et de l'enseignement secondaire et organisant les structures propres à les atteindre, en ce qui concerne les inscriptions en première année du secondaire ».

B.1.2. Ce décret vise à organiser les inscriptions des élèves en première année du secondaire, dès l'année scolaire 2010-2011 et pour les années suivantes. Il remplace les dispositions ayant le même objet qui avaient été insérées dans le décret du 24 juillet 1997 par le décret du 8 mars 2007 « portant diverses mesures visant à réguler les inscriptions et les changements d'école dans l'enseignement obligatoire » et par le décret du 18 juillet 2008 « visant à réguler les inscriptions des élèves dans le 1er degré de l'enseignement secondaire et à favoriser la mixité sociale au sein des établissements scolaires ». Lors des travaux préparatoires, le décret attaqué a été présenté comme suit par la ministre de l'Enseignement obligatoire de la Communauté française : « Dans sa dimension pragmatique, il établit des règles objectives de départage des demandes là où c'est nécessaire. A deux reprises, des systèmes ont été tentés : le registre ouvert à partir d'une date unique, le tirage au sort comme critère ultime. Les files induites dans le premier cas sont apparues inacceptables sur le plan humain. Le tirage au sort, quoique équitable à certains égards, a été mal perçu par l'opinion publique : des familles ont eu l'impression que le sort de leur(s) enfant(s) leur échappait dans une opération de loterie.

Aujourd'hui, [il est proposé] d'adopter un autre système basé sur le calcul d'un indice composite en vue du classement des demandes et du départage en fonction des places disponibles » (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2009-2010, n° 82/3, p. 4).

B.1.3. Le décret organise une procédure d'inscription en première année du secondaire effectuée partiellement par les chefs d'établissements et les pouvoirs organisateurs, et pour le surplus par la Commission Interréseaux des inscriptions (CIRI). Il réserve dans chaque établissement d'enseignement secondaire 20,4 p.c. des places disponibles aux élèves dits « ISEF » (indice socio-économique faible), soit ceux qui proviennent d'une école ou d'une implantation d'enseignement fondamental ou primaire moins favorisée au sens de son article 3, 4°. Il établit des priorités qui bénéficient à certains élèves en considération de leur situation familiale ou personnelle. En vue de départager les demandes d'inscription introduites dans les établissements d'enseignement qui ne peuvent toutes les satisfaire parce qu'ils ne disposent pas d'un nombre de places suffisant, un classement est établi sur la base d'un « indice composite » attribué à chaque élève. Cet indice est obtenu par la multiplication, par des facteurs déterminés par le décret, d'un indice de base correspondant aux préférences exprimées par les parents. Ces facteurs sont fonction, entre autres, des distances qui séparent le domicile de l'élève de l'école primaire ou fondamentale qu'il fréquentait, le domicile de l'élève de l'établissement d'enseignement secondaire choisi, ainsi que de la distance qui sépare celui-ci de l'école primaire ou fondamentale fréquentée par l'élève. L'indice composite est également influencé par le choix de poursuivre en secondaire un enseignement en immersion linguistique entamé au cours de l'enseignement primaire, ainsi que par les conventions de partenariat qui peuvent exister entre établissements d'enseignement primaire et secondaire.

B.1.4. Bien que les parties requérantes dans l'affaire n° 5002 demandent l'annulation des articles 1er à 42 du décret attaqué, les moyens ne visent que certaines de ces dispositions. La Cour examine les dispositions du décret au sujet desquelles des moyens d'annulation sont invoqués.

Quant à l'intérêt B.2. La Constitution et la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle imposent à toute personne physique ou morale qui introduit un recours en annulation de justifier d'un intérêt. Ne justifient de l'intérêt requis que les personnes dont la situation pourrait être affectée directement et défavorablement par la norme attaquée.

B.3.1. La première partie requérante dans l'affaire n° 5002 est la commune de Villers-la-Ville. Elle agit en tant que pouvoir organisateur de deux écoles communales. Elle fait valoir que le décret attaqué a pour effet de défavoriser les élèves qui fréquentent ces établissements lors de leur inscription en première année du secondaire, de sorte qu'il risque de dissuader, à l'avenir, les parents d'inscrire leurs enfants dans ces écoles.

Contrairement à ce que soutient le Gouvernement de la Communauté française, la circonstance que cette partie requérante n'organise pas d'enseignement secondaire ne porte pas atteinte à son intérêt à demander l'annulation des dispositions qu'elle attaque. En effet, ces dispositions règlent les possibilités d'inscription en premier degré de l'enseignement secondaire par l'utilisation, notamment, d'un critère de classement des demandes d'inscription lié à la localisation de l'établissement primaire d'origine par rapport à la localisation de l'établissement d'enseignement secondaire choisi. Si ce critère se révélait défavorable pour certaines écoles primaires, il aurait un impact direct et défavorable sur l'attractivité de ces écoles et donc, à terme, sur leur population scolaire.

B.3.2. Les 2ème à 31ème parties requérantes dans l'affaire n° 5002 sont des parents d'élèves inscrits dans une école fondamentale organisée ou subventionnée par la Communauté française, agissant en leur nom propre et en leur qualité de représentants légaux de leurs enfants scolarisés, au moment de l'introduction du recours, dans différentes années de l'enseignement primaire.

La situation de ces parties requérantes pourrait être affectée directement et défavorablement par le décret attaqué, qui fixe les conditions d'inscription des élèves dans le premier cycle d'un établissement d'enseignement secondaire organisé ou subventionné par la Communauté française.

B.3.3. Il en va de même des parties requérantes dans l'affaire n° 5010.

B.4. Les recours sont recevables.

Quant aux moyens B.5. Les premier à cinquième moyens pris par les parties requérantes dans l'affaire n° 5002 et les deux moyens pris dans l'affaire n° 5010 concernent les facteurs de calcul de l'indice composite permettant de classer les élèves en vue de leur inscription dans les établissements d'enseignement secondaire confrontés à une demande d'inscription supérieure au nombre de places qu'ils peuvent offrir. Le premier moyen dans l'affaire n° 5002, en la deuxième sous-branche de sa première branche, critique en outre un des critères de priorité à l'inscription. Le sixième moyen dans l'affaire n° 5002 est relatif à la manière de départager les élèves qui ont le même indice composite, laquelle est fonction de l'indice socio-économique de leur quartier d'origine, et le septième moyen dans cette affaire concerne le critère de distinction des élèves dits « ISEF » (indice socio-économique faible).

La Cour commence par examiner ce dernier moyen (B.6). Elle examine ensuite la partie du moyen concernant la priorité accordée par le décret à certains élèves (B.7), les moyens relatifs au calcul de l'indice composite des élèves (B.8 à B.16), et le moyen qui concerne le départage des élèves ayant le même indice socio-économique (B.17).

En ce qui concerne le critère « ISEF » (septième moyen dans l'affaire n° 5002) B.6.1. Le septième moyen dans l'affaire n° 5002 est dirigé contre l'article 28 du décret attaqué, en ce qu'il insère un article 79/19 au sein du décret du 24 juillet 1997. Cette disposition impose au chef d'établissement ou au pouvoir organisateur, lorsqu'ils attribuent les places qu'il leur revient d'attribuer - les autres places étant attribuées par la CIRI -, de réserver 20,4 p.c. des places déclarées, pour autant que ce pourcentage puisse être atteint, à des élèves dits « ISEF » dans l'ordre de leur classement selon leur indice composite et, en cas d'ex-aequo, selon l'ordre croissant de l'indice socio-économique de leur quartier d'origine. Le solde des places est ensuite attribué aux élèves qui bénéficient d'une priorité en application de l'article 79/10 nouveau du décret du 24 juillet 1997.

Enfin, les places restantes sont attribuées aux élèves non prioritaires, « ISEF » ou non, dans l'ordre de leur classement suivant l'indice composite et en cas d'ex-aequo selon l'ordre croissant de l'indice socio-économique de leur quartier d'origine. L'objectif poursuivi par cette mesure s'inscrit dans un « plan global de démocratisation de l'école », visant, entre autres, à « faciliter la mobilité sociale » (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2009-2010, n° 82/1, p. 3).

B.6.2. Il ressort du libellé du moyen que les parties requérantes ne critiquent pas le principe suivant lequel un pourcentage des places disponibles dans chaque établissement est réservé à des élèves considérés comme ayant un indice socio-économique faible. Le grief porte sur le critère mis en oeuvre par le décret attaqué pour distinguer les élèves qualifiés de « ISEF » de ceux qui ne le sont pas. Aux termes de l'article 79/1, 4°, nouveau, du décret du 24 juillet 1997, l'élève « ISEF » est celui qui provient « d'une école ou d'une implantation d'enseignement fondamental ou primaire moins favorisée », soit « une des implantations de l'enseignement fondamental ou primaire qui, dans le classement des implantations de l'enseignement fondamental ou primaire dressé par l'Administration en application de l'article 4, alinéa 4, du décret du 30 avril 2009 organisant un encadrement différencié ou sein des établissements scolaires de la Communauté française afin d'assurer à chaque élève des chances égales d'émancipation sociale dans un environnement pédagogique de qualité, sont les moins favorisées et qui ensemble scolarisent 40 % des élèves ».

Les parties requérantes estiment que le critère de distinction entre les élèves dits « ISEF », qui bénéficient à ce titre d'une priorité d'inscription à hauteur de 20,4 p.c. des places disponibles dans chaque établissement, et les autres élèves, non « ISEF », critère qui est fonction non pas de la situation personnelle des élèves, mais bien de la situation de leur établissement scolaire primaire d'origine, crée une discrimination contraire aux articles 10, 11 et 24 de la Constitution.

B.6.3. En application de l'article 4, alinéa 4, du décret du 30 avril 2009 précité, le classement des implantations scolaires est effectué, tous les cinq ans, par la prise en compte d'un indice attribué à chaque implantation qui correspond à la moyenne des indices socio-économiques des élèves qui y sont inscrits. L'indice de chaque élève est déterminé par l'indice attribué à son lieu de résidence, en application de l'article 3 du même décret, par une étude interuniversitaire. Il s'en déduit que le classement des implantations d'enseignement primaire qui permet de déterminer si un élève est dit « ISEF » ou non est fonction de la moyenne des indices socio-économiques des quartiers d'origine de tous les élèves qui fréquentent l'implantation.

B.6.4. La section de législation du Conseil d'Etat s'est interrogée sur « l'adéquation de certains critères proposés lorsqu'ils sont mis en rapport » avec les objectifs poursuivis par le décret, et a notamment relevé : « Ainsi, un élève dont l'indice individuel est élevé mais qui est issu d'une école fondamentale ou primaire répondant au critère ainsi énoncé, déterminé collectivement, serait qualifié d'‛ élève ISEF ', alors qu'un élève dont l'indice est peu élevé mais qui est issu d'une école fondamentale ou primaire ne répondant pas à ce critère ne recevrait pas cette qualification, le premier bénéficiant dès lors, au contraire du second, de la règle de priorité. A l'inverse, un élève à l'indice faible mais sortant d'une école fondamentale ou primaire ne répondant pas au critère proposé ne bénéficierait pas de la règle de priorité » (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2009-2010, n° 82/1, p. 53).

B.6.5. L'exposé des motifs du décret attaqué expose les raisons pour lesquelles le législateur communautaire a maintenu le critère de détermination des élèves dits « ISEF » en lien avec l'implantation scolaire d'origine : « Ce choix de travailler sur la base de l'indice socio-économique moyen des écoles (égal à la moyenne des indices socio-économiques des quartiers d'origine des élèves) s'inscrit d'abord dans la cohérence avec toutes les politiques de différenciation mises en oeuvre en Communauté française (financement différencié des établissements, politiques de discriminations positives remplacées progressivement par l'encadrement différencié, encadrement différencié des CPMS) qui toutes reposent sur l'indice socio-économique des écoles et des centres.

L'indice socio-économique d'une école, même s'il n'est pas parfait, traduit sans doute mieux l'indice socio-économique réel des enfants qui y sont scolarisés que ne le ferait l'indice du quartier. On peut en effet être issu d'un quartier moins favorisé en étant plutôt socialement favorisé et inversement. Il y a de plus, malheureusement, de fortes chances que les enfants plus favorisés de quartiers défavorisés fréquentent des écoles plutôt favorisées.

De plus, pour les primo-arrivants, les frontaliers qui dans certaines écoles représentent une part non négligeable des élèves, il n'est pas possible de déterminer l'indice socio-économique du quartier d'origine » (ibid., pp. 9-10).

B.6.6. Le choix du législateur décrétal de retenir un critère tiré du classement socio-économique de l'école fondamentale ou primaire d'origine de l'élève, plutôt que de son quartier de résidence, n'est pas manifestement déraisonnable. En effet, la place occupée par l'école primaire dans le classement socio-économique des écoles reflète la situation socio-économique moyenne des élèves qui la fréquentent, et n'est donc pas sans lien avec l'indice socio-économique personnel de chaque élève. S'il est évident que certains élèves ont un indice socio-économique plus élevé, ou plus faible, selon les cas, que la moyenne des élèves qui fréquentent le même établissement, une situation semblable pourrait être observée si l'indice socio-économique était déterminé en fonction du quartier de résidence. En effet, dès lors que l'indice socio-économique du quartier est également basé sur la moyenne des résultats des habitants du quartier pour chaque facteur pris en considération, certains habitants ont un indice socio-économique plus élevé ou plus faible, selon les cas, que la moyenne des habitants du quartier, de sorte qu'aucune de ces deux solutions n'offre la possibilité d'ajuster complètement l'indice socio-économique attribué à un élève à sa situation personnelle. Enfin, la prise en compte du classement socio-économique de l'école s'inscrit dans le prolongement du processus mis en place par le décret du 30 avril 2009 précité.

B.6.7. Il résulte de ce qui précède que la distinction entre les élèves dits « ISEF » et les autres, liée au classement socio-économique de l'école primaire d'origine, n'est pas dépourvue de justification raisonnable.

B.6.8. Le moyen n'est pas fondé.

En ce qui concerne la priorité accordée aux enfants dont un parent exerce une fonction dans l'établissement d'enseignement secondaire choisi (premier moyen, deuxième sous-branche de la première branche, dans l'affaire n° 5002) B.7.1. Les parties requérantes dans l'affaire n° 5002 poursuivent l'annulation de l'article 79/10, § 1er, 6°, inséré dans le décret du 24 juillet 1997 par l'article 16 du décret attaqué, qui réserve une priorité à l'inscription aux enfants « dont au moins l'un des parents ou la personne investie de l'autorité parentale exerce tout ou partie de sa fonction au sein de l'établissement secondaire ». Elles estiment que cette disposition crée une discrimination entre les enfants, selon que l'un de leurs parents exerce une fonction au sein de l'école primaire qu'ils ont fréquentée ou au sein de l'établissement d'enseignement secondaire dans laquelle ils sollicitent une inscription. Elles ajoutent qu'il est également discriminatoire de ne prendre en considération que le lieu de travail des parents qui exercent leur fonction dans un établissement d'enseignement secondaire, et non le lieu de travail des autres parents.

B.7.2. En accordant une priorité à l'inscription dans un établissement d'enseignement secondaire aux enfants des personnes qui exercent une fonction dans cet établissement, le législateur décrétal entend faciliter l'organisation familiale et rationaliser les déplacements des familles qui se trouvent dans cette situation particulière, puisque l'enfant pourra faire le déplacement entre son domicile et l'établissement scolaire en compagnie de son parent qui accomplit de toute façon ce déplacement. Cette priorité est donc justifiée par des considérations tenant au bien-être de l'élève ou à des avantages partagés pour la famille. Cette justification n'est pas transposable au cas d'un enfant dont un parent exerce une fonction dans l'établissement d'enseignement primaire dans lequel il était inscrit mais que, par hypothèse, il ne fréquentera plus.

La différence de traitement entre les enfants dont les parents exercent une fonction dans un établissement d'enseignement secondaire et ceux dont les parents exercent une fonction dans un établissement d'enseignement fondamental ou primaire n'est pas dépourvue de justification raisonnable. En cette sous-branche, le moyen n'est pas fondé.

B.7.3. Le grief tenant à la non-prise en considération du lieu de travail des autres parents sera traité lors de l'examen du facteur déterminant l'indice composite lié à la distance entre le domicile de l'enfant et l'établissement d'enseignement secondaire choisi.

En ce qui concerne les facteurs de calcul de l'indice composite B.8. Pour départager les demandes d'inscription en première année de l'enseignement secondaire dans les établissements confrontés à des demandes trop nombreuses par rapport au nombre de places qu'ils peuvent offrir, le décret impose un classement de ces demandes selon un indice composite calculé pour chaque élève : « [Cet indice] s'obtient en attribuant à chacun une valeur ' 1 ' d'abord multipliée par un facteur variant dégressivement de 1,5 à 1,1 par pas de ' -0,1 ' de la 1re à la 5e préférence et ensuite multiplié par des facteurs attachés à des critères. Cette pondération en fonction des préférences correspond à la volonté de privilégier autant que faire se peut les premières préférences des parents » (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2009-2010, n° 82/1, p. 5).

Les facteurs de multiplication permettant de déterminer l'indice composite sont imposés par le décret. Ils sont fonction des critères suivants : « 1° L'école primaire ou fondamentale d'origine était au moment de l'inscription dans cette école ou est au moment de l'inscription en 1re commune, parmi celles du même réseau, une des cinq plus proches du domicile de l'élève ou d'un des deux parents. Ce critère est décliné en attribuant une pondération dégressive de la 1re plus proche à la 5e plus proche. Ces valeurs sont 2, pour la 1re plus proche, 1,81 pour la 2e plus proche, 1,61 pour la 3e plus proche, 1,41 pour la 4e plus proche, 1,21 pour la 5e plus proche et 1 pour les écoles plus éloignées. [...] 2° L'école secondaire choisie est, parmi celles du même réseau, une des cinq plus proches du domicile de l'élève ou de celui d'un des deux parents.Ce critère est décliné en attribuant une pondération dégressive de l'école la 1re plus proche à la 5e plus proche. Ces valeurs sont [...] 1,98 pour la 1re plus proche, 1,79 pour la 2e plus proche, 1,59 pour la 3e plus proche, 1,39 pour la 4e plus proche, 1,19 pour la 5e plus proche et 1 pour les écoles plus éloignées. [...] 3° L'école secondaire choisie se situe dans un rayon de 4 km de l'école primaire ou fondamentale d'origine.Ce critère vaut 1,54 s'il est rencontré, et 1 s'il n'est pas rencontré. [...] 4° A partir de l'année scolaire 2011-2012, [...], l'école primaire ou fondamentale d'origine est une des écoles primaires dont le projet d'établissement prévoit au moins cinq actions prioritaires de partenariat pédagogique avec l'école secondaire reprenant dans son propre projet d'établissement ces mêmes actions, [...]. 5° Egalement à partir de l'année scolaire 2011-2012, l'école fondamentale ou primaire d'origine est une école qui n'a ni convention d'adossement, ni convention de partenariat.[...] 6° L'école secondaire offre la possibilité de poursuivre en immersion dans la même langue à des élèves qui ont bénéficié de cet apprentissage depuis la 3ème primaire au moins.Ce critère vaut 1,18 s'il est rencontré et 1 s'il n'est pas rencontré » (ibid., pp. 5-6).

La pondération des trois « critères distances » et leur combinaison ont pour objectif « de ne pénaliser personne dans ses choix » (ibid., p. 16). L'article 79/7, § 3, du décret du 24 juillet 1997, inséré par le décret attaqué, précise que les parents ont la possibilité d'indiquer le domicile qu'ils souhaitent voir pris en considération pour le calcul des distances nécessaires à la détermination de l'indice composite. Ce domicile est le domicile d'un des deux parents, sauf lorsqu'un tiers exerce l'autorité parentale.

En ce qui concerne le facteur tenant à la distance entre l'école primaire d'origine et le domicile (premier moyen dans l'affaire n° 5002) B.9.1. Les parties requérantes dans l'affaire n° 5002 demandent l'annulation de l'article 79/17, § 1er, alinéa 2, 1°, inséré dans le décret du 24 juillet 1997 par l'article 25 du décret attaqué, qui établit, parmi les critères intervenant dans le calcul de l'indice composite des enfants, le facteur tiré de la distance entre l'école primaire ou fondamentale d'origine et le domicile de l'élève ou d'un des deux parents. Elles estiment que la prise en compte de ce critère crée une différence de traitement contraire notamment aux articles 10, 11 et 24 de la Constitution entre les enfants qui ont vu, au cours de leur scolarité, une école nouvelle venir s'établir en un lieu plus proche de leur domicile que celui où est située l'école qu'ils fréquentaient et les autres enfants, ainsi qu'entre les enfants qui ont fréquenté une école primaire éloignée de leur domicile parce qu'un de leurs parents y exerçait une fonction et les autres enfants.

B.9.2. Au cours des discussions en commission, la ministre a expliqué que les critères ont été choisis « de manière à donner un poids important à la proximité école primaire-domicile » et que le « facteur proximité est un facteur qui contente la majorité des parents » (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2009-2010, n° 82/3, p. 19). L'importance de la pondération donnée à ce facteur est toutefois relativisée par sa combinaison avec les deux autres facteurs tenant à des distances : la distance entre le domicile et l'établissement d'enseignement secondaire choisi et la distance entre l'école primaire et l'établissement secondaire.

L'exposé des motifs précise : « Le poids important attribué à ce facteur se justifie notamment par la volonté du législateur : - d'encourager les parents à scolariser leur enfant dans leur quartier pour y favoriser le lien social; - de ne pas pénaliser les parents qui font le choix de la proximité » (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2009-2010, n° 82/1, p. 5). B.9.3. Les parties requérantes dénoncent d'abord une différence de traitement entre les enfants qui habitent en un lieu où le paysage scolaire n'a pas changé depuis leur première inscription dans l'école primaire ou fondamentale et ceux qui habitent à proximité d'une nouvelle implantation scolaire, installée après leur première inscription, de sorte que l'école primaire qu'ils fréquentaient a reculé d'un rang dans la liste des écoles les plus proches de leur domicile, ce qui leur confère un indice composite plus faible que si cette nouvelle école ne s'était pas implantée en ce lieu, sans que cela ne résulte en aucune manière d'un choix de leurs parents.

B.9.4. La disposition attaquée établit le critère de la distance entre le domicile et l'école primaire d'origine comme suit : « l'école primaire ou fondamentale d'origine est au moment de l'inscription en 1re commune ou au moment de l'inscription dans l'enseignement primaire de cette école, parmi celles du réseau auquel appartient l'école primaire ou fondamentale d'origine, une des cinq plus proches du domicile de l'élève ou d'un des deux parents. Ce critère est décliné en attribuant une pondération dégressive de la 1re plus proche à la 5e plus proche. Ces valeurs sont : 2, pour la 1re plus proche, 1,81 pour la 2e plus proche, 1,61 pour la 3e plus proche, 1,41 pour la 4e plus proche, 1,21 pour la 5e plus proche et 1 pour les écoles plus éloignées ».

Même si la prise en considération de la proximité relative du domicile avec l'école primaire au moment de l'inscription dans cette école primaire répond d'abord au souci du législateur décrétal de ne pas pénaliser les enfants qui ont déménagé au cours de leur scolarité sans pour autant changer d'école, la rédaction de cette disposition permet de calculer le facteur « distance école primaire-domicile » au moment de l'inscription dans l'école fondamentale ou primaire, sans tenir compte d'une implantation qui serait venue s'intercaler par la suite, et qui aurait une influence négative sur le calcul de l'indice composite d'un enfant dont les parents avaient fait le choix de la proximité sans pouvoir tenir compte d'une école qui n'existait pas au moment de ce choix.

B.9.5. La disposition attaquée doit être interprétée comme permettant de ne pas tenir compte, dans le calcul du facteur « distance domicile-école primaire », d'une nouvelle implantation scolaire qui n'existait pas au moment de la première inscription dans l'établissement fondamental ou primaire, de sorte que les enfants dont le domicile est situé dans un lieu qui a vu son paysage scolaire évoluer postérieurement à leur inscription dans leur école primaire d'origine ne sont pas traités différemment des autres enfants qui ne sont pas dans cette situation.

B.10.1. Les parties requérantes reprochent également à ce facteur entrant dans la composition de l'indice composite de pénaliser les enfants dont un parent exerce une fonction dans l'établissement d'enseignement primaire qu'ils ont, pour ce motif, fréquenté et qui peut être éloigné de leur domicile. Ils lui font également grief de ne pas tenir compte d'autres motifs légitimes pour lesquels les parents auraient pu faire le choix d'une école primaire éloignée du domicile, comme par exemple la proximité avec le lieu de travail d'un des parents.

B.10.2. Confronté à la nécessité de mettre en place une procédure permettant de départager les demandes d'inscriptions surnuméraires dans les établissements d'enseignement secondaire trop sollicités, le législateur décrétal a fait le choix d'un système de classement de ces demandes sur la base de plusieurs facteurs, parmi lesquels intervient un facteur favorisant les enfants dont les parents ont fait le choix, pour l'enseignement primaire, de la proximité avec le quartier d'origine. Ce facteur de proximité intervient dans la détermination non des priorités mais de l'indice composite qui « vise à concilier l'objectif de proximité avec le principe de libre choix des parents » (ibid. ) dans la mesure précisée en B.9.2.

Par ailleurs, conscient que d'autres choix peuvent être faits, pour des motifs tout aussi légitimes, le législateur décrétal a combiné le facteur proximité entre le domicile et l'école primaire avec d'autres facteurs de proximité, de sorte que les enfants dont les parents ont fait un autre choix que celui de la proximité pour la détermination de l'école primaire, comme par exemple le choix d'inscrire l'enfant dans l'école dans laquelle un des parents exerce une fonction ou encore dans une école située à proximité du lieu de travail d'un des parents, peuvent voir leur indice composite influencé favorablement par les autres facteurs de proximité le composant. L'influence de ce facteur sur les possibilités d'inscription dans l'établissement d'enseignement secondaire doit également être replacée dans le contexte de tout le processus de classement des demandes ainsi que du travail de la Commission Interréseaux des inscriptions qui a pour finalité d'amener chaque élève au plus près de son premier choix.

B.10.3. Le choix du législateur décrétal de favoriser les enfants dont les parents ont privilégié la proximité lors de l'inscription à l'école fondamentale ou primaire « correspond à un état de fait », « relève d'un certain bon sens, répond à des préoccupations écologiques et ne va pas à l'encontre des objectifs de mobilité sociale » (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2009-2010, n° 82/3, p. 5). Ce choix n'est pas manifestement déraisonnable au regard de l'objectif poursuivi par les facteurs de détermination de l'indice composite et n'a pas, pour les motifs exprimés ci-dessus, d'effets disproportionnés.

Même si d'autres choix auraient pu être effectués, comme par exemple celui de la proximité de l'école primaire choisie avec le lieu de travail d'un des parents, le législateur décrétal a pu estimer que ce critère, bien que pertinent, était trop difficile à mettre en oeuvre et ouvrait par là la porte aux fraudes et aux contestations (ibid., p. 22).

B.10.4. Sous réserve que l'article 79/17, § 1er, alinéa 2, 1°, du décret du 24 juillet 1997 soit interprété comme il est dit en B.9.5, le moyen n'est pas fondé.

B.10.5. Le grief, également invoqué dans le premier moyen par les parties requérantes dans l'affaire n° 5002, portant sur la non-prise en considération du lieu de travail des parents qui n'exercent pas de fonction dans l'enseignement pour le choix de l'établissement d'enseignement secondaire, sera traité lors de l'examen du facteur lié à la « distance domicile-établissement d'enseignement secondaire ».

B.11.1. Par la deuxième branche du premier moyen, les parties requérantes reprochent au décret attaqué, et particulièrement à l'article 79/17, § 1er, alinéa 2, 1°, qu'il insère dans le décret du 24 juillet 1997, d'une part de rétroagir formellement à une date antérieure à celle de sa publication et d'autre part de modifier des situations définitivement cristallisées, à savoir le choix opéré par les parents de l'école primaire ou fondamentale dans laquelle leur enfant a accompli son cycle primaire.

B.11.2. La date d'entrée en vigueur du décret, fixée par son article 45 au 15 février 2010, bien qu'antérieure à la date de sa publication le 9 avril 2010, n'a pu causer aucune insécurité juridique dans la mesure où la période fixée pour la phase d'enregistrement des demandes d'inscription a débuté, en vertu de l'article 38, 3°, du décret, le 26 avril 2010.

B.11.3. Par ailleurs, toute norme législative, qu'elle ait ou non un effet rétroactif, instaure, en fixant une date à laquelle ses dispositions entrent en vigueur, une distinction entre les personnes qui sont concernées par des situations juridiques régies par la règle antérieure et les personnes qui sont concernées par des situations juridiques régies par la règle nouvelle. Semblable distinction ne viole pas, en principe, les articles 10 et 11 de la Constitution.

En décidant de faire intervenir dans le calcul de l'indice composite un facteur lié à un choix posé par les parents à un moment où ils ne pouvaient concevoir que ce choix aurait une influence sur les possibilités d'inscription de l'enfant dans un établissement d'enseignement secondaire, le législateur décrétal n'a pas pu tromper les attentes légitimes des parents, puisque ceux-ci ne pouvaient fonder aucune attente sur ce choix. Le simple fait que le choix de l'école primaire ait eu lieu à un moment où les parents ne pouvaient pas connaître les dispositions qui régleraient l'inscription de leur enfant dans un établissement d'enseignement secondaire ne pouvait interdire au législateur décrétal d'utiliser le facteur lié à la « distance domicile-école primaire », parmi d'autres facteurs et suivant diverses pondérations, pour départager les demandes trop nombreuses dans certains établissements.

B.11.4. En cette branche, le moyen n'est pas fondé.

En ce qui concerne le facteur tenant à la distance entre l'établissement d'enseignement secondaire choisi et le domicile (premier et second moyens dans l'affaire n° 5010; premier moyen, partim, dans l'affaire n° 5002) B.12.1. Les deux moyens dans l'affaire n° 5010 concernent le deuxième critère de proximité utilisé dans le calcul de l'indice composite des élèves, qui est exprimé comme suit par l'article 79/17, § 1er, alinéa 2, 2°, nouveau, du décret du 24 juillet 1997 : « l'établissement d'enseignement secondaire choisi est, parmi ceux du réseau auquel appartient l'établissement d'enseignement secondaire choisi, un des cinq plus proches du domicile de l'élève ou de celui d'un des deux parents. Ce critère est décliné en attribuant une pondération dégressive de l'école la 1ère plus proche à la 5ème plus proche. Ces valeurs sont : 1,98 pour la 1ère plus proche, 1,79 pour la 2ème plus proche, 1,59 pour la 3ème plus proche, 1,39 pour la 4ème plus proche, 1,19 pour la 5ème plus proche et 1 pour les écoles plus éloignées ».

Les deux moyens sont pris, l'un de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, l'autre de la violation de ces dispositions combinées avec l'article 24 de la Constitution. Ils font tous deux grief à la disposition attaquée de traiter de manière semblable des élèves qui se trouvent dans une situation fondamentalement différente selon que leur domicile est situé à proximité, ou pas, d'un établissement d'enseignement secondaire dans lequel ils pourraient être inscrits. Les parties requérantes dans l'affaire n° 5010, rejointes par les parties requérantes dans l'affaire n° 5002, reprochent également au décret de ne pas tenir compte d'autres critères de choix légitimes qui pourraient amener les parents à solliciter l'inscription de leur enfant dans un établissement d'enseignement secondaire, comme la proximité avec le lieu du travail d'un des parents, la proximité avec le lieu de résidence d'une personne chargée d'accueillir l'enfant après les heures de cours, ou encore les possibilités offertes par les transports en commun.

B.12.2. D'après l'exposé des motifs, le poids important attribué au facteur lié à la distance entre l'établissement d'enseignement secondaire choisi et le domicile « se justifie de la même manière que le poids attribué à la proximité de l'école primaire d'origine », à savoir « la volonté du législateur d'encourager les parents à scolariser leur enfant dans leur quartier pour y favoriser le lien social », et « ne pas pénaliser les parents qui font le choix de la proximité » (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2009-2010, n° 82/1, pp. 5-6). En commission, la ministre a toutefois expliqué que « la pondération particulière des premières préférences relativise le poids donné aux proximités » (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2009-2010, n° 82/3, p. 19).

B.12.3. La liberté de choix des parents en matière d'enseignement, garantie par l'article 24, § 1er, de la Constitution, n'implique pas qu'ils aient un droit inconditionnel à obtenir pour leur enfant une inscription dans l'établissement d'enseignement secondaire de leur choix. Ainsi que l'a relevé le Conseil d'Etat, « Certes, le législateur dispose d'un large pouvoir d'appréciation lorsque, comme en l'espèce, il organise un système d'accès à des services qui doit tenir compte de la diversité des situations et que ces dernières mettent en jeu les intérêts parfois antagonistes des usagers concernés, auxquels il faut ajouter des contraintes objectives, comme en l'espèce la capacité d'accueil des établissements d'enseignement, de sorte que la réalisation d'une égalité mathématique entre les usagers est concrètement impossible » (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2009-2010, n° 82/1, p. 52).

Le législateur décrétal, qui devait répondre à la nécessité d'adopter une réglementation permettant de départager les demandes d'inscription en première année de l'enseignement secondaire trop nombreuses dans certains établissements et qui avait pour objectif de favoriser à cette occasion la mixité sociale, a fait le choix, parmi les critères qui pouvaient être retenus, d'une combinaison de facteurs tendant à favoriser le choix de la scolarisation à proximité du domicile de l'enfant. Un tel choix, qui tient compte de considérations pratiques, environnementales et sociales, n'est pas dépourvu de pertinence. En outre, la liberté de choix des parents est sauvegardée au maximum par la possibilité qui leur est donnée d'indiquer les établissements qui recueillent leurs préférences, dans l'ordre de celles-ci, par le calcul d'attribution des places en fonction de l'indice composite qui tient compte de ces préférences, et par le fait que l'importance des critères de proximité est tempérée par la prise en considération d'un facteur basé sur le partenariat entre établissements d'enseignement secondaire et écoles primaires. Enfin, l'algorithme qui calcule la place de chaque élève dans les listes d'inscriptions et qui est utilisé par la plupart des pays qui recourent à l'optimalisation des préférences à partir d'un nombre d'élèves classés, permet aux élèves de remonter dans le classement, de sorte que chaque élève est amené au plus près de ses préférences (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2009-2010, n° 82/3, p. 42).

B.12.4. S'il est exact que la répartition géographique des établissements scolaires n'est pas uniforme dans la Communauté française et que la situation peut différer sensiblement entre les villes et les zones rurales, il n'en résulte pas que le décret traiterait de façon semblable des situations fondamentalement différentes en ce que l'objectif de proximité ne pourrait être poursuivi en milieu rural. En effet, dès lors que la distance prise en compte pour le calcul de ce facteur de l'indice composite est une distance relative et non pas absolue, la proximité encouragée par le décret peut être réalisée quelle que soit la distance, en valeur absolue, entre le domicile de l'élève et l'établissement le plus proche. Par ailleurs, un facteur de multiplication de l'indice composite est attribué au choix d'un des cinq établissements scolaires les plus proches, de manière dégressive, ce qui permet de ne pas pénaliser les parents qui font un choix de proximité tout en ne privilégiant pas forcément l'établissement le plus proche, de sorte que, là aussi, le législateur décrétal a veillé à préserver la liberté de choix des parents tout en maintenant son objectif de privilégier la proximité par rapport au quartier d'origine.

B.12.5. Enfin, concernant le grief formulé par toutes les parties requérantes selon lequel le législateur décrétal aurait dû tenir compte d'autres critères de choix des parents, et notamment de la proximité de l'école avec le lieu de travail de l'un d'eux, la ministre a expliqué au cours des discussions en commission que ce critère « n'était pas dépourvu de pertinence », mais que sa mise en oeuvre était complexe et créerait de l'insécurité juridique (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2009-2010, n° 82/3, p. 22). Il en va de même d'autres critères de choix, comme celui du domicile de la personne chargée de la garde de l'enfant hors des heures scolaires. Compte tenu de ces difficultés, le législateur décrétal pouvait privilégier le critère de la proximité avec le domicile de l'enfant sans violer les articles 10, 11 et 24 de la Constitution.

B.12.6. Le grief tiré du fait que l'offre des transports en commun n'est pas prise en considération par le décret sera examiné en même temps que le mode de calcul des distances retenu par le décret.

En ce qui concerne le mode de calcul de la distance entre l'établissement d'enseignement secondaire choisi et le domicile (troisième et quatrième moyen, troisième branche, dans l'affaire n° 5002 et premier moyen, partim, dans l'affaire n° 5010) B.13.1. Le troisième moyen dans l'affaire n° 5002 est dirigé contre l'article 79/2, inséré dans le décret du 24 juillet 1997 par l'article 4 du décret attaqué, ainsi que contre l'article 79/17, inséré dans le décret du 24 juillet 1997 par l'article 25 du décret attaqué. Les parties requérantes estiment que le mode de calcul des différentes distances à vol d'oiseau utilisées pour la détermination des facteurs entrant dans la composition de l'indice composite, sur la base de valeurs déterminées par un logiciel appelé « Google Maps », crée une différence de traitement incompatible avec les articles 10, 11 et 24 de la Constitution.

B.13.2. L'article 79/2 du décret du 24 juillet 1997 précise que « pour l'application des dispositions de la présente section, par distance, il faut entendre la distance la plus courte, soit la distance à vol d'oiseau ». Le décret n'indique pas comment les données relatives aux différentes distances devront être recueillies ou calculées pour sa mise en oeuvre. Lors des discussions en commission, l'utilisation de l'outil informatique « Google Maps » a été évoquée et critiquée (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2009-2010, n° 82/1, p. 13, et n° 82/3, pp. 26 et suivantes), mais le texte du décret n'impose pas lui-même l'utilisation de cet outil plutôt qu'un autre. Il en résulte que les critiques des requérants qui portent sur l'utilisation de ce logiciel et sur les erreurs que, selon eux, il cause, ne sont pas dirigées contre le décret, mais bien contre sa mise en oeuvre et que, partant, la Cour n'est pas compétente pour en connaître.

B.13.3. En revanche, en indiquant que les distances retenues pour le calcul des trois facteurs « distance » entrant dans la composition de l'indice composite doivent être les distances les plus courtes, soit les distances à vol d'oiseau, la disposition attaquée privilégie ce mode de calcul par rapport à d'autres modes de calcul des distances qui auraient pu être envisagés, comme la distance la plus courte en suivant la voirie, la distance la plus courte en transports en commun, ou encore une combinaison de ces deux calculs. Les parties requérantes critiquent également le fait que le législateur décrétal n'a pas retenu ces modes de calcul des distances, retenant exclusivement la distance à vol d'oiseau.

B.13.4. Il ressort de l'exposé des motifs du décret que l'administration de la Communauté française a fait savoir au législateur décrétal que la distance à vol d'oiseau était « la seule distance incontestable et répétitive » (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2009-2010, n° 82/1, p. 11), de sorte qu'il n'apparaît pas possible, en l'état actuel des outils à la disposition de l'administration, d'envisager que d'autres calculs de distances, par voirie ou par transports en commun par exemple, soient utilisés pour calculer l'indice composite de chaque élève.

B.13.5. Par ailleurs, même si la réalité géographique du terrain crée inévitablement des disparités selon l'endroit où le calcul est effectué, l'utilisation du critère de la distance à vol d'oiseau ne crée pas d'effets disproportionnés dans la mesure où les facteurs entrant dans la composition de l'indice composite qui s'appuie sur des calculs de distances doivent être combinés avec d'autres facteurs tenant notamment aux préférences exprimées par les parents.

B.13.6. Le moyen n'est pas fondé.

En ce qui concerne le facteur tenant à la distance entre l'école primaire d'origine et l'établissement d'enseignement secondaire choisi (deuxième moyen dans l'affaire n° 5002) B.14.1. Le deuxième moyen dans l'affaire n° 5002 est dirigé principalement contre l'article 79/17, § 1er, alinéa 2, 3°, inséré dans le décret du 24 juillet 1997 par l'article 25 du décret attaqué, qui établit le troisième critère de proximité qui doit être pris en compte pour le calcul de l'indice composite de chaque élève comme suit : « l'établissement d'enseignement secondaire choisi se situe dans un rayon de 4 km de l'école primaire ou fondamentale d'origine. Ce critère vaut 1,54 s'il est rencontré et 1 s'il n'est pas rencontré ».

Les parties requérantes estiment que la prise en considération de ce facteur dans le calcul de l'indice composite crée une différence de traitement contraire notamment aux articles 10, 11 et 24 de la Constitution entre les élèves fréquentant une école fondamentale ou primaire située en un lieu par rapport auquel aucun établissement d'enseignement secondaire n'est établi dans un rayon de 4 km et les élèves qui fréquentent une école fondamentale ou primaire située en un lieu comptant un ou plusieurs établissements d'enseignement secondaire dans un rayon de 4 km, ainsi qu'une discrimination entre les écoles primaires selon qu'elles appartiennent à la première ou à la deuxième de ces catégories.

B.14.2. Ce troisième critère de proximité a pour vocation de « rencontrer la situation des parents qui pour des raisons de convenance auraient choisi une école primaire située à un endroit (sur le chemin du travail, près du lieu de travail, près du domicile d'un parent, entre le domicile de parents séparés, etc.) et qui pour les mêmes raisons ou d'autres raisons choisissent une école secondaire du même environnement » (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2009-2010, n° 82/1, p. 6).

B.14.3. La prise en compte, parmi les facteurs influençant l'indice composite de chaque élève, d'un facteur lié à la distance entre l'école primaire ou fondamentale fréquentée par l'élève et l'établissement d'enseignement secondaire choisi doit permettre de tempérer l'effet des deux autres critères de distance liés à la proximité des implantations scolaires avec le domicile de l'enfant et de ne pas pénaliser les parents qui ont fait un autre choix d'organisation lorsque l'enfant était en primaire et qui entendent persévérer pour l'enseignement secondaire dans ce choix d'organisation. Il s'agit par exemple des parents qui choisissent des implantations scolaires proches de leur lieu de travail ou proches du domicile d'un tiers qui assure l'accueil de l'enfant en dehors des heures scolaires. La prise en compte d'un critère lié à la distance entre les deux écoles fréquentées est donc légitime et nécessaire à l'équilibre de l'ensemble du système, de façon à ne pas pénaliser les parents dans les choix qu'ils font.

Toutefois, le fait que ce critère est pris en compte de manière cumulative avec les deux autres critères liés à la distance ne permet pas de rencontrer adéquatement l'objectif poursuivi, puisqu'il profite également aux enfants qui sont scolarisés dans des établissements scolaires tous deux situés à proximité de leur domicile. En cumulant les trois facteurs de multiplication de l'indice composite, ces enfants bénéficient dès lors d'un indice composite plus élevé que les enfants dont les parents ont fait un autre choix et que ce critère entend précisément avantager. Pour rencontrer adéquatement son objectif, ce critère devrait donc ne bénéficier qu'aux enfants que le législateur décrétal souhaitait viser, à savoir ceux qui sont scolarisés, en primaire comme en secondaire, en un lieu éloigné de leur domicile.

B.14.4. Dans cette mesure, le moyen est fondé. Il y a lieu d'annuler l'article 79/17, § 1er, alinéa 2, 3°.

Toutefois, afin d'éviter que les objectifs poursuivis par cette disposition ne soient pas rencontrés, ce qui créerait d'autres discriminations, il y a lieu de maintenir les effets de la disposition annulée comme il est indiqué au dispositif.

En ce qui concerne la localisation des établissements d'enseignement par rapport aux autres établissements appartenant au même réseau (quatrième moyen dans l'affaire n° 5002) B.15.1. Le quatrième moyen dans l'affaire n° 5002 est dirigé contre les articles 79/2 et 79/17 du décret du 24 juillet 1997, insérés respectivement par les articles 4 et 25 du décret du 18 mars 2010. Les parties requérantes estiment que les deux premiers critères énoncés par l'article 79/17, § 1er, alinéa 2, du décret du 24 juillet 1997 tendent à favoriser la proximité entre le domicile de l'élève et les établissements d'enseignement primaire et secondaire choisis, mais uniquement si ces établissements appartiennent au même réseau, ce qui serait contraire, notamment, aux articles 10, 11 et 24 de la Constitution.

B.15.2. Le système de calcul de l'indice composite en fonction de deux facteurs « distance domicile-établissement d'enseignement » repose sur une pondération des facteurs qui est liée à la proximité relative de l'établissement concerné et du domicile. Cette proximité relative est calculée par rapport aux établissements d'enseignement appartenant au même réseau, de sorte que le choix d'un réseau par les parents est respecté puisque la valeur de proximité d'un établissement d'enseignement d'un réseau donné n'est affectée que par la présence plus proche d'un autre établissement du même réseau, mais jamais par la présence plus proche d'établissements appartenant à d'autres réseaux. En d'autres termes, lorsque les parents font le choix d'un réseau en fonction de leurs préférences philosophiques, l'objectif de proximité poursuivi par le décret ne tient compte que de la présence dans l'environnement des établissements d'enseignement qui correspondent à ce choix. Par ailleurs, les deux facteurs « distance domicile-établissement d'enseignement » sont calculés indépendamment l'un de l'autre, et en fonction du réseau auquel appartient chacun des établissements considérés, de sorte que rien n'oblige les parents qui ont fait le choix d'un réseau pour le degré primaire à persévérer dans le même choix pour le degré secondaire. De même, le facteur lié à la distance entre l'école primaire ou fondamentale et l'établissement d'enseignement secondaire choisi ne tient pas compte du réseau de chacun de ces établissements, ce qui permet de passer d'un réseau à l'autre sans subir aucune conséquence au niveau du calcul de l'indice composite.

S'il est exact que la densité des établissements d'enseignement n'est pas la même d'un réseau à l'autre, le système mis en place a justement pour but, compte tenu de cette constatation, de ne pas pénaliser les parents qui font le choix d'un réseau comptant moins d'établissements.

Dès lors, la disposition attaquée n'a ni pour objet ni pour effet d'obliger les parents au choix d'un réseau déterminé, ni de les empêcher de changer de réseau entre le degré primaire et le degré secondaire.

B.15.3. Il résulte de ce qui précède que le moyen repose sur une lecture erronée des dispositions attaquées.

Le moyen n'est pas fondé.

En ce qui concerne le facteur tenant à la possibilité de continuer l'enseignement en immersion (cinquième moyen dans l'affaire n° 5002) B.16.1. Le cinquième moyen dans l'affaire n° 5002 est dirigé contre l'article 79/17, § 1er, alinéa 2, 6°, inséré dans le décret du 24 juillet 1997 par l'article 25 du décret attaqué. Cette disposition prévoit que l'indice composite est multiplié par un facteur de 1,18 si « l'école secondaire offre la possibilité de poursuivre en immersion dans la même langue à des élèves qui ont bénéficié de cet apprentissage depuis la 3ème primaire au moins ». Les parties requérantes estiment qu'en prévoyant un facteur de multiplication de l'indice composite relativement bas, par rapport aux autres facteurs qui sont liés aux distances, le décret aura pour conséquence d'obliger certaines élèves à interrompre le continuum pédagogique dans lequel ils étaient inscrits sur pied d'un projet éducatif déterminé, ce qui constituerait notamment une violation de la liberté d'enseignement garantie par l'article 24 de la Constitution.

B.16.2. Les décrets du 8 mars 2007 et du 18 juillet 2008 régulant antérieurement les inscriptions en première année du secondaire prévoyaient que la poursuite d'un cursus en immersion linguistique représentait une priorité à l'inscription dans les établissements d'enseignement secondaire qui offraient cette possibilité et qui avaient conclu un accord de partenariat avec l'établissement primaire.

Le décret attaqué modifie le système, de sorte que la possibilité de continuer un enseignement en immersion n'est plus une priorité. En contrepartie, « la légère pondération de ce critère vise à tenir compte du souhait de certains parents de voir leur enfant continuer à bénéficier de l'apprentissage en immersion » (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2009-2010, n° 82/1, p. 6).

B.16.3. Les conditions d'octroi d'une priorité sous le régime antérieur ne peuvent susciter l'attente légitime qu'elles soient définitivement acquises pour tous les régimes d'inscription futurs. Le législateur décrétal a pu estimer qu'un changement de politique s'imposait quant à l'accès à l'enseignement en immersion au niveau du secondaire, tenant compte, notamment, du nombre limité de places qui peuvent être offertes dans ce type d'enseignement. Il n'était dès lors pas tenu de garantir une priorité aux enfants qui ont suivi un enseignement en immersion en primaire pour l'accès aux établissements qui offrent cette possibilité en secondaire.

B.16.4. En prévoyant que la demande d'inscription dans un établissement qui offre la possibilité de continuer au niveau du premier degré de l'enseignement secondaire un enseignement en immersion entamé par l'élève en primaire multiplie l'indice composite de l'élève concerné par un facteur de 1,18, ce qui aura pour effet d'augmenter légèrement l'indice composite et donc de placer l'élève plus favorablement que s'il n'avait pas suivi l'enseignement en immersion, le législateur décrétal accorde une importance relative au choix des parents pour un continuum pédagogique déterminé.

B.16.5. Il n'appartient pas à la Cour de déterminer si la valeur du facteur lié à l'apprentissage en immersion devrait être plus importante. A cet égard, il revient au législateur décrétal, qui devra être éclairé sur le fonctionnement de la procédure d'inscription imposée par le décret attaqué par la Commission Interréseaux des inscriptions et par la Commission de pilotage mise en place par le décret du 27 mars 2002 relatif au pilotage du système éducatif de la Communauté française, en application de l'article 37 du décret attaqué, d'évaluer si le facteur de 1,18 est suffisant pour atteindre l'objectif d'offrir aux élèves qui ont suivi depuis la 3ème primaire un enseignement en immersion, dans la mesure du possible, l'opportunité de poursuivre cet enseignement dans l'enseignement secondaire.

B.16.6. Le moyen n'est pas fondé.

En ce qui concerne le critère de départage entre les élèves ayant un indice composite ex aequo (sixième moyen dans l'affaire n° 5002) B.17.1. Le sixième moyen dans l'affaire n° 5002 est dirigé contre l'article 79/18 du décret du 24 juillet 1997, inséré par l'article 26 du décret attaqué, qui dispose : « Lorsque, pour l'attribution des places disponibles, plusieurs élèves ont le même indice composite, ils sont classés dans l'ordre croissant de l'indice socio-économique de leur quartier d'origine. Lorsqu'il est impossible de déterminer l'indice socio-économique du quartier d'origine d'un élève, l'Administration lui attribue l'indice socio-économique moyen du quartier d'origine des élèves ayant le même indice composite. [...] ».

Les parties requérantes estiment que cette disposition crée une différence de traitement contraire aux articles 10, 11 et 24 de la Constitution dans la mesure où l'administration de la Communauté française serait dans l'incapacité de déterminer l'indice socio-économique des quartiers d'origine situés en Région flamande, de sorte que tous les élèves domiciliés en Région flamande et souhaitant poursuivre leur scolarité dans un établissement d'enseignement secondaire organisé ou subventionné par la Communauté française se verraient d'office attribuer un indice socio-économique moyen n'ayant aucun lien avec leur indice socio-économique personnel.

B.17.2. L'article 79/1, 5°, inséré par l'article 3 du décret attaqué, indique que l'indice socio-économique du quartier d'origine de l'élève est celui qui est « attribué au secteur statistique du domicile de l'élève selon les modalités fixées à l'article 3 du décret du 30 avril 2009 [organisant un encadrement différencié au sein des établissements scolaires de la Communauté française afin d'assurer à chaque élève des chances égales d'émancipation sociale dans un environnement pédagogique de qualité] ».

B.17.3. L'article 3 du décret du 30 avril 2009 indique que le calcul de l'indice socio-économique de chaque quartier se fonde sur une étude interuniversitaire dont l'objet est de déterminer cet indice selon une formule définie par le Gouvernement, sur la base de secteurs statistiques équivalant à chaque subdivision territoriale la plus petite déterminée par la Direction générale Statistique et Information économique du Service Public Fédéral Economie, Petites et Moyennes entreprises, Classes moyennes et Energie.

B.17.4. Ainsi que le confirme le Gouvernement de la Communauté française, celui-ci dispose dès lors des données statistiques couvrant l'intégralité du territoire et il est en mesure de déterminer l'indice socio-économique du quartier d'origine des élèves domiciliés en Région flamande. Pour le surplus, la Cour n'est pas compétente pour connaître des éventuelles « carences de l'administration » dénoncées par les parties requérantes.

B.17.5. Le moyen n'est pas fondé.

En ce qui concerne le maintien des effets B.18. Une annulation rétroactive des dispositions du décret attaqué créerait une insécurité juridique quant aux effets qu'elles ont produits lors de la rentrée scolaire du 1er septembre 2010. Il convient dès lors de maintenir définitivement les effets produits par le décret à cette date.

En outre, l'annulation avec effet immédiat aggraverait la discrimination à laquelle elle entend mettre fin si le décret devait être appliqué avant que le législateur décrétal ait eu l'occasion d'y remédier par l'adoption de dispositions nouvelles. En conséquence, il convient de maintenir les effets de la disposition annulée jusqu'à l'adoption par le législateur décrétal de nouvelles dispositions, et au plus tard jusqu'au 31 décembre 2011.

Par ces motifs, la Cour - annule l'article 79/17, § 1er, alinéa 2, 3°, du décret de la Communauté française du 24 juillet 1997 définissant les missions prioritaires de l'enseignement fondamental et de l'enseignement secondaire et organisant les structures propres à les atteindre, tel qu'il a été inséré par l'article 25 du décret du 18 mars 2010; - maintient les effets de la disposition annulée jusqu'à l'adoption par le législateur décrétal de nouvelles dispositions et au plus tard jusqu'au 31 décembre 2011; - sous réserve de l'interprétation mentionnée en B.9.5, rejette les recours pour le surplus.

Ainsi prononcé en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, à l'audience publique du 13 janvier 2011.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, M. Melchior

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