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Arrêt
publié le 08 juin 2011

Extrait de l'arrêt n° 52/2011 du 6 avril 2011 Numéro du rôle : 4922 En cause : les questions préjudicielles relatives aux articles 149, § 1 er , et 151 du décret de la Région flamande du 18 mai 1999 portant organisation de l'a La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et R. Henneuse, des juges E. De Gr(...)

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Extrait de l'arrêt n° 52/2011 du 6 avril 2011 Numéro du rôle : 4922 En cause : les questions préjudicielles relatives aux articles 149, § 1er, et 151 du décret de la Région flamande du 18 mai 1999 portant organisation de l'aménagement du territoire et à l'article 6.1.1, alinéa 3, du « Code flamand de l'aménagement du territoire » (coordination du 15 mai 2009), posées par le Tribunal de première instance d'Anvers.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et R. Henneuse, des juges E. De Groot, L. Lavrysen, J.-P. Snappe, E. Derycke, J. Spreutels, T. Merckx-Van Goey et P. Nihoul, et, conformément à l'article 60bis de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, du président émérite M. Melchior, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Bossuyt, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles et procédure Par jugement du 19 avril 2010 en cause de l'inspecteur urbaniste régional compétent pour la province d'Anvers contre la SA « V.E.R.O. », dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 26 avril 2010, le Tribunal de première instance d'Anvers a posé les questions préjudicielles suivantes, la seconde question ayant été reformulée par la Cour, par ordonnance du 10 juin 2010 : - « Les articles 149, § 1er, et 151 du décret du 18 mai 1999 portant organisation de l'aménagement du territoire violent-ils les articles 10 et 11 de la Constitution coordonnée et l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme s'ils sont interprétés en ce sens que pour ordonner une mesure de réparation, un avis conforme préalable du Conseil supérieur de la politique de réparation n'est pas requis en ce qui concerne la demande de réparation introduite devant le juge civil mais est requis devant le juge pénal ? »; - « L'article 6.1.1, alinéa 3, du Code flamand de l'aménagement du territoire viole-t-il les articles 12 et 14 de la Constitution et l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, ainsi que l'article 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, s'il est interprété en ce sens qu'une infraction en matière d'urbanisme prescrite dans une zone non vulnérable, qui n'était pas punissable pour cause de maintien au moment de la construction, serait subitement à nouveau punissable pour cause de maintien lorsque la parcelle est reprise ultérieurement en zone vulnérable ? ». (...) III. En droit (...) Quant à la première question préjudicielle B.1. Le juge a quo demande si les articles 149, § 1er, et 151 du décret de la Région flamande du 18 mai 1999 portant organisation de l'aménagement du territoire (ci-après : décret du 18 mai 1999) sont compatibles avec le principe d'égalité et de non-discrimination garanti par les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, dans l'interprétation selon laquelle un avis conforme préalable du Conseil supérieur de la politique de réparation n'est pas requis pour ordonner une mesure de réparation si la demande de réparation est introduite devant le juge civil alors que cet avis est requis lorsque l'action est intentée devant le juge pénal.

Compte tenu de la date de la citation dans l'affaire qui a donné lieu à la question préjudicielle (6 juin 2008) et étant donné que la question se pose pour le juge a quo de savoir si, préalablement à cette citation, l'avis du Conseil supérieur de la politique de réparation était requis, la Cour considère que les dispositions en cause sont celles du décret du 18 mai 1999 dans leur version modifiée par le décret du 4 juin 2003 et antérieure à la modification apportée par le décret du 27 mars 2009.

Dans cette rédaction, les articles en cause disposaient : « Art. 149, § 1er. Outre la peine, le tribunal peut ordonner de remettre le lieu en son état initial ou de cesser l'utilisation contraire, et/ou d'exécuter des travaux de construction ou d'adaptation et/ou de payer une amende égale à la plus-value acquise par le bien suite à l'infraction. Ceci se fait sur requête de l'inspecteur urbaniste, ou du Collège des bourgmestre et échevins de la commune sur le territoire de laquelle les travaux, opérations ou modifications visés à l'article 146 ont été exécutés. Lorsque ces infractions datent [...], un avis conforme préalable du Conseil supérieur de la Politique de Réparation est requis.

L'avis conforme du Conseil supérieur de la Politique de Réparation doit être émis dans les 60 jours après la demande d'avis envoyée en recommandé. Lorsque le Conseil supérieur de la Politique de Réparation n'a pas émis d'avis conforme dans le délai imposé, l'obligation en matière d'avis n'est plus requise. [...] ». «

Art. 151.L'inspecteur urbaniste et le collège des bourgmestre et échevins peuvent également devant le tribunal de première instance, siégeant en matière civile, dans le ressort duquel les travaux, opérations ou modifications visés à l'article 146 sont totalement ou partiellement exécutés, requérir les mesures de réparation telles que définies à l'article 149, § 1er. Les dispositions de l'article 149, § 1er, alinéa deux, §§ 3, 4 et 5 et de l'article 150 sont également d'application ».

Dans l'article 149, § 1er, alinéa 1er, deuxième phrase, les mots « avant le 1er mai 2000 » ont été annulés par l'arrêt de la Cour n° 14/2005 du 19 janvier 2005. Il en découle que l'avis préalable du Conseil supérieur de la politique de réparation a également été rendu obligatoire pour les mesures de réparation concernant des infractions ultérieures.

B.2. Dans l'interprétation des dispositions en cause retenue par le juge a quo, il est considéré que lorsque l'inspecteur urbaniste requiert la mesure de réparation devant le juge civil, un avis conforme préalable du Conseil supérieur de la politique de réparation n'est pas nécessaire, alors que c'est le cas lorsque l'inspecteur urbaniste requiert la mesure de réparation devant la juridiction pénale.

B.3.1. Dans cette interprétation, une différence de traitement naît entre la catégorie des personnes qui - comme la SA « V.E.R.O. » - sont citées devant le juge civil en vue d'entendre ordonner une mesure de réparation et qui ne bénéficient pas de la garantie que cette demande soit fondée sur un avis conforme du Conseil supérieur de la politique de réparation, et la catégorie des personnes qui sont citées devant le juge pénal et qui bénéficient de cette garantie.

B.3.2. Rien ne justifie qu'un avis préalable du Conseil supérieur de la politique de réparation ne soit pas nécessaire pour l'introduction de la demande de réparation par l'inspecteur urbaniste ou le collège des bourgmestre et échevins (ci-après : l'action publique en réparation) devant le juge civil, alors que cette exigence est requise par l'article 149, § 1er, alinéa 1er, deuxième phrase, du décret du 18 mai 1999, en vue de mener une politique de réparation cohérente, lorsque l'action publique en réparation est introduite devant le juge pénal.

La différence de traitement créée par cette interprétation est due au seul fait que, par un oubli de nature légistique, l'article 151 du décret du 18 mai 1999, qui renvoie aux articles 149, § 1er, alinéa 2 et suivants, de ce même décret, n'a pas été adapté lorsque l'obligation de recueillir l'avis préalable du Conseil supérieur de la politique de réparation a été inscrite, par le décret du 4 juin 2003, dans l'article 149, § 1er, alinéa 1er, première phrase, du décret du 18 mai 1999.

Dans l'interprétation du juge a quo, les dispositions en cause ne sont pas compatibles avec les articles 10 et 11 de la Constitution et la première question préjudicielle appelle une réponse affirmative.

B.3.3. Dans une autre interprétation des dispositions en cause, confirmée par le Gouvernement flamand, il y a lieu de recueillir l'avis conforme du Conseil supérieur de la politique de réparation préalablement à toute action publique en réparation, que cette action soit intentée devant le juge civil ou devant le juge pénal; dans ce cas, la différence de traitement dénoncée n'existe pas.

Dans cette interprétation, les dispositions en cause sont compatibles avec les articles 10 et 11 de la Constitution et la première question préjudicielle appelle une réponse négative.

B.3.4. L'examen des dispositions en cause au regard des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, ne conduit pas à une autre conclusion.

Quant à la seconde question préjudicielle B.4. La seconde question préjudicielle porte sur la compatibilité de l'article 6.1.1, alinéa 3, du Code flamand de l'aménagement du territoire, coordonné par arrêté du Gouvernement flamand du 15 mai 2009, avec les articles 12 et 14 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, s'il est interprété en ce sens qu'une infraction en matière d'urbanisme déjà prescrite, relative à une construction érigée dans une zone autre qu'une zone vulnérable du point de vue spatial, qui n'était pas punissable pour cause de maintien au moment de la construction, serait subitement à nouveau punissable pour cause de maintien lorsque la parcelle est reprise ultérieurement en zone vulnérable du point de vue spatial.

Il ressort du jugement de renvoi que la question se pose de savoir si cette disposition est compatible avec le principe de la non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère.

B.5. Il découle de la réponse à la première question préjudicielle que le juge a quo ne peut maintenir l'interprétation inconstitutionnelle des dispositions en cause, selon laquelle l'action publique en réparation pourrait être intentée devant lui sans avis conforme préalable du Conseil supérieur de la politique de réparation, appelé depuis le 1er septembre 2009 le Conseil supérieur de la politique de maintien.

Il appartient au juge a quo d'apprécier la recevabilité de l'action publique en réparation intentée devant lui, à la lumière de l'interprétation de ces dispositions qui les rend effectivement compatibles avec les articles 10 et 11 de la Constitution, et d'apprécier, le cas échéant, si la seconde question est encore utile pour la solution du litige.

B.6. La seconde question préjudicielle n'appelle pas de réponse.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : - Dans l'interprétation selon laquelle les articles 149, § 1er, et 151 du décret de la Région flamande du 18 mai 1999 portant organisation de l'aménagement du territoire, dans la version modifiée par le décret du 4 juin 2003 et antérieure à la modification apportée par le décret du 27 mars 2009, disposent que l'avis conforme préalable du Conseil supérieur de la politique de réparation est requis pour intenter l'action publique en réparation devant le juge pénal mais n'est pas requis pour intenter cette action devant le juge civil, ces dispositions violent les articles 10 et 11 de la Constitution. - Dans l'interprétation selon laquelle les mêmes articles disposent que l'avis conforme préalable du Conseil supérieur de la politique de réparation est requis pour intenter l'action publique en réparation aussi bien devant le juge civil que devant le juge pénal, ces dispositions ne violent pas les articles 10 et 11 de la Constitution, lus ou non en combinaison avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. - La seconde question préjudicielle n'appelle pas de réponse.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, à l'audience publique du 6 avril 2011.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, M. Bossuyt.

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