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Arrêt
publié le 08 février 2012

Extrait de l'arrêt n° 185/2011 du 8 décembre 2011 Numéro du rôle : 5064 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 9, alinéa 2, du décret de la Communauté française du 4 janvier 1999 relatif aux fonctions de promotion et de sél La Cour constitutionnelle, composée des présidents R. Henneuse et M. Bossuyt, et des juges A. Al(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 185/2011 du 8 décembre 2011 Numéro du rôle : 5064 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 9, alinéa 2, du décret de la Communauté française du 4 janvier 1999 relatif aux fonctions de promotion et de sélection, avant sa modification par le décret du 23 janvier 2009, posée par la Cour d'appel de Liège.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents R. Henneuse et M. Bossuyt, et des juges A. Alen, J.-P. Snappe, E. Derycke, J. Spreutels et T. Merckx-Van Goey, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président R. Henneuse, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par arrêt du 23 novembre 2010 en cause de Nadine Michiels contre la Communauté française, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 30 novembre 2010, la Cour d'appel de Liège a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 9, alinéa 2, du décret du 4 janvier 1999 de la Communauté française relatif aux fonctions de promotion et de sélection, auquel se réfère l'article 35 du décret du 2 février 2007 fixant le statut des directeurs, était-il, avant sa modification par le décret du 23 janvier 2009, conforme aux articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il réservait l'accès à la nomination en tant que directeur d'école primaire dans l'enseignement de la Communauté française aux membres du personnel ' porteurs du diplôme d'instituteur primaire ', alors que les membres du personnel des autres réseaux d'enseignement, afin d'être nommés en tant que directeurs dans ces autres réseaux, pouvaient invoquer, soit la possession du diplôme d'instituteur primaire, soit la possession d'une agrégation de l'enseignement secondaire inférieur ? ». (...) III. En droit (...) B.1.1. L'article 9, alinéa 2, du décret de la Communauté française du 4 janvier 1999 relatif aux fonctions de promotion et de sélection disposait à l'origine : « Pour être nommés à la fonction de promotion de directeur d'école primaire dans l'enseignement de la Communauté française, les membres du personnel doivent être nommés à la fonction de recrutement d'instituteur primaire, de maître de morale, de maître de cours spéciaux, ou de maître de seconde langue et porteurs du diplôme d'instituteur primaire ».

Cette disposition n'était applicable qu'aux membres du personnel de l'enseignement exerçant leurs fonctions dans des établissements d'enseignement primaire organisés par la Communauté française (article 1er).

B.1.2. L'article 92, b), du décret de la Communauté française du 23 janvier 2009 « portant des dispositions relatives à la reconnaissance des qualifications professionnelles pour l'exercice de fonctions dans les établissements d'enseignement préscolaire, primaire, secondaire ordinaire et spécialisé, artistique, de promotion sociale et supérieur non universitaire, secondaire artistique à horaire réduit de la Communauté française et les internats dépendant de ces établissements, et dans les centres psycho-médico-sociaux, relatives au congé pour activités sportives et diverses mesures urgentes en matière d'enseignement » a remplacé l'article 9, alinéa 2, du décret du 4 janvier 1999 comme suit : « Pour être nommés à la fonction de promotion de directeur d'école primaire dans l'enseignement de la Communauté française, les membres du personnel doivent : 1° être nommés à la fonction de recrutement d'instituteur primaire ou d'instituteur primaire chargé des cours en immersion, de maître de morale, de maître de cours spéciaux, ou de maître de seconde langue;2° être porteurs d'un titre requis pour l'exercice d'une fonction de recrutement visée au 1° ». L'article 92, b), du décret du 23 janvier 2009 est entré en vigueur le 1er février 2009 (article 111 de ce décret).

B.2.1. Il ressort de l'article 33 du décret de la Communauté française du 2 février 2007 fixant le statut des directeurs, lu en combinaison avec les articles 1er et 2, § 1er, 1°, du même décret, que, tant dans l'enseignement organisé par la Communauté française que dans l'enseignement subventionné par cette Communauté, une personne ne peut, en principe, être nommée ou engagée à titre définitif dans la fonction de promotion de directeur d'école primaire qu'à l'issue d'un « stage de directeur ».

B.2.2. L'article 57, alinéa 1er, 3°, du décret du 2 février 2007 dispose : « Nul ne peut être admis au stage à la fonction de promotion de directeur s'il ne répond, au moment de l'admission au stage, aux conditions suivantes : [...] 3° exercer à titre définitif une ou plusieurs fonctions donnant accès à la fonction de directeur à conférer et être porteur d'un titre de capacité conformément à l'article 102 du présent décret; [...] ».

L'article 80, alinéa 1er, 3°, du même décret dispose : « Nul ne peut être admis au stage à la fonction de promotion de directeur s'il ne répond, au moment de l'admission au stage, aux conditions suivantes : [...] 3° exercer à titre définitif une ou plusieurs fonctions donnant accès à la fonction de directeur à conférer et être porteur d'un titre de capacité conformément à l'article 102 du présent décret ». Ces deux dispositions font partie respectivement du chapitre II (« De l'enseignement officiel subventionné ») et du chapitre III (« De l'enseignement libre subventionné ») du titre III (« Des dispositions spécifiques à chaque réseau ») de ce décret. Elles sont entrées en vigueur le 1er septembre 2007 (article 141 du décret du 2 février 2007).

B.2.3. L'article 102 du décret du 2 février 2007 dispose : « Les titres de capacité et les fonctions visés à l'article 57, alinéa 1er, 3°, [...], du présent décret [...], pour la fonction de promotion reprise à la colonne 1 du tableau qui suit (voir tableau II) sont ceux et celles figurant en regard de ladite fonction dans les colonnes 2 et 3 du même tableau.

Les titres de capacité et les fonctions visés à l'article 80, alinéa 1er, 3°, [...] du présent décret [...], pour la fonction de promotion reprise à la colonne 1 du tableau qui suit (voir tableau II), sont ceux et celles figurant en regard de ladite fonction dans les colonnes 2 et 3 du même tableau ».

A propos de la fonction de directeur d'école primaire, ledit tableau II se présentait comme suit, avant sa modification par l'article 107 du décret du 23 janvier 2009 :

1. Fonction de promotion. 2. Fonction(s) exercée(s)

3.Titre(s) de capacité

[...]

[...]

[...]

Directeur d'école primaire

a) Instituteur primaire b) Maître de cours spéciaux (éducation physique, seconde langue, morale, religion)

a) Diplôme d'instituteur primaire ou AESI b) Diplôme d'instituteur primaire ou AESI Pour autant qu'il s'agisse d'un titre requis ou d'un titre suffisant du groupe A pour une des fonctions visées à la colonne 2

[...]

[...]

[...]


L'article 102 et le tableau précités sont entrés en vigueur le 1er septembre 2007 (article 141 du décret du 2 février 2007).

L'article 107 du décret du 23 janvier 2009, qui modifie ce tableau, est entré en vigueur le 1er février 2009 (article 111 de ce décret).

Il se déduit de l'article 100 du décret du 2 février 2007 que le sigle « AESI » utilisé par ce tableau vise, soit le titre de « bachelier - agrégé de l'enseignement secondaire inférieur », soit le « diplôme d'agrégé de l'enseignement secondaire inférieur ».

B.3. Il ressort des motifs de la décision de renvoi, lue à la lumière des dispositions décrétales précitées, que la Cour est invitée à statuer sur la compatibilité, avec les articles 10 et 11 de la Constitution, de l'article 9, alinéa 2, du décret du 4 janvier 1999, en ce qu'il établissait, entre le 1er septembre 2007 et le 31 janvier 2009, une différence de traitement entre deux catégories de membres du personnel enseignant qui détenaient une agrégation de l'enseignement secondaire inférieur (AESI) sans être titulaires d'un diplôme d'instituteur primaire : d'une part, ceux qui sont membres de l'enseignement de la Communauté française et, d'autre part, ceux qui sont membres de l'enseignement officiel subventionné ou de l'enseignement libre subventionné.

La disposition en cause privait les premiers du droit d'être nommés à titre définitif dans la fonction de directeur d'école primaire, tandis que les seconds pouvaient être nommés ou engagés à titre définitif dans une telle fonction.

B.4. La disposition en cause reprend une règle exprimée par une disposition réglementaire antérieure (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 1998-1999, n° 274/1, pp. 3-6), à savoir l'article 1er, B, de l'arrêté royal du 31 juillet 1969 « déterminant les fonctions de recrutement et les fonctions de sélection dont doivent être titulaires les membres du personnel de l'enseignement de l'Etat pour pouvoir être nommés aux fonctions de promotion de la catégorie du personnel directeur et enseignant des établissements d'enseignement de l'Etat », tel qu'il avait été remplacé par l'article 6, 1°, de l'arrêté du Gouvernement de la Communauté française du 24 octobre 1996 « modifiant divers arrêtés relatifs au classement et à la détermination de diverses fonctions dans l'enseignement fondamental ».

B.5.1. Le rôle du directeur d'école primaire est le même dans toutes les écoles, quel que soit le réseau d'enseignement dont relève l'école (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2006-2007, n° 339/1, p. 8; ibid., n° 339/3, p. 7).

La formation de base d'un membre du personnel enseignant qui devient directeur d'une telle école ne l'a pas préparé à l'exercice de cette fonction qui constitue un « nouveau métier » (ibid., n° 339/1, pp. 7 et 9; ibid., n° 339/3, pp. 6 et 8) qui « diffère [...] totalement de celui d'enseignant » (ibid., n° 339/1, p. 20). C'est notamment pour cette raison que le décret du 2 mars 2007 prévoit que, avant d'être nommé ou engagé à titre définitif dans cette fonction, le membre du personnel doit, en principe, suivre une « formation initiale » - dont le niveau est identique pour chaque réseau d'enseignement - et effectuer un « stage de directeur » (ibid., n° 339/1, pp. 7-9; ibid., n° 339/3, p.7). Ladite formation vise à « permettre au directeur d'acquérir les compétences nécessaires à l'accomplissement [de ses] missions » (article 12 du décret du 2 février 2007) et à lui donner les meilleurs atouts à cet égard (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2006-2007, n° 339/1, p. 17; ibid., n° 339/3, p. 8), tandis que le stage permet au Gouvernement de la Communauté française ou au pouvoir organisateur « de s'assurer de la totale adéquation de la personne désignée avec le profil de la fonction » (ibid., n° 339/1, p. 10).

B.5.2.1. Le décret du 2 février 2007 tend aussi à réaliser l'« uniformisation des conditions d'accès à la fonction de direction entre les réseaux » (ibid., n° 339/1, pp. 8 et 11; ibid., n° 339/3, p. 7).

Son titre IV (« De l'accès aux fonctions de sélection et de promotion dans l'enseignement subventionné »), dont fait partie l'article 102 cité en B.2.3, a pour objet d'instaurer « un régime clair de conditions d'accès aux fonctions de [...] promotion dans l'enseignement subventionné, selon un mécanisme similaire à celui existant dans l'enseignement de la Communauté » (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2006-2007, n° 339/1, p. 14).

B.5.2.2. Invitée à donner un avis sur l'avant-projet de décret qui est à l'origine du décret du 2 février 2007, la section de législation du Conseil d'Etat observait, à propos de ce titre IV, que la disposition en cause ne restait applicable qu'à l'enseignement organisé par la Communauté française, de sorte qu'il existait une différence de traitement entre, d'une part, les membres du personnel de l'enseignement subventionné et, d'autre part, les membres du personnel de l'enseignement organisé par la Communauté française (ibid., p. 159).

Elle ajoutait ceci : « En effet, comme le Conseil d'Etat l'a rappelé à de nombreuses reprises, la fixation ' d'une manière uniforme pour tous les réseaux d'enseignement et pour tous les membres du personnel rémunérés ou subsidiés par l'Etat, (des) titres requis pour l'exercice des différentes fonctions et, à défaut de porteurs de titres requis, (des) titres jugés suffisants (prévue par l'article 12bis, § 2, alinéa 1er de la loi du 29 mai 1959 modifiant certaines dispositions de la législation de l'enseignement, inséré par la loi du 11 juillet 1973) tend à garantir l'égalité entre les membres du personnel telle que visée à l'article 24, § 4, de la Constitution '.

Afin d'éliminer toute discrimination entre les membres du personnel en fonction du réseau auquel ils appartiennent, il convient d'étendre le champ d'application du titre IV de l'avant-projet de décret aux fonctions de sélection et de promotion dans l'enseignement organisé par la Communauté française » (ibid., pp. 159-160).

B.5.2.3. Dans l'exposé des motifs du projet de décret qui est à l'origine du décret du 2 février 2007, le Gouvernement réagissait à cette remarque comme suit : « [...] il convient de rappeler les différences actuelles existant entre les réseaux d'enseignement, notamment en matière de titres. En effet, les titres jugés suffisants ne sont pas d'application dans l'enseignement organisé par la Communauté française. La remarque du Conseil d'Etat ne pourra dès lors être réabordée que dans le cadre de la prochaine réforme des titres et fonctions. Une avancée a néanmoins été intégrée dans le présent texte et ce dans le même objectif que celui de la remarque du Conseil d'Etat : le réseau ' Communauté française ' voit s'élargir le titre requis pour accéder à une fonction de promotion ou de sélection au titre requis pour une des fonctions de recrutement donnant accès à la fonction en question, ce qui rejoint globalement les ' titres jugés suffisants A ' de l'enseignement subventionné » (ibid., p. 14).

La suppression de la différence de traitement critiquée par la section de législation du Conseil d'Etat fut reportée à plus tard, afin de permettre au « débat sur les titres et fonctions [...] de sortir de ces différences héritées de l'histoire » (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2006-2007, n° 339/3, p. 15).

B.5.3. L'article 12bis, § 2, de la loi du 29 mai 1959 « modifiant certaines dispositions de la législation de l'enseignement », inséré par l'article 4 de la loi du 11 juillet 1973 « modifiant la loi du 29 mai 1959 relative à l'enseignement gardien, primaire, moyen, normal, technique, artistique et spécial », puis modifié par l'article 20 du décret du 27 octobre 1994 « organisant la concertation pour l'enseignement secondaire », dispose : « Par arrêté délibéré en Conseil des Ministres, après consultation du conseil général créé par le décret du [27 octobre 1994] pour ce qui concerne l'enseignement secondaire, le Roi fixe d'une manière uniforme pour tous les réseaux d'enseignement et pour tous les membres du personnel rémunérés ou subsidiés par l'Etat, les titres requis pour l'exercice des différentes fonctions et, à défaut de porteurs des titres requis, les titres jugés suffisants ainsi que, par type d'enseignement libre, l'équivalence de certains titres à caractère religieux ou idéologique avec les titres requis ou les titres jugés suffisants.

En cas de pénurie, dûment constatée suivant des modalités que le Roi fixe, de candidats porteurs des titres requis, de titres jugés suffisants ou de titres jugés équivalents, il peut être procédé au recrutement temporaire d'un candidat porteur d'autres titres. Ce recrutement est limité à la durée de l'année scolaire en cours. En cas de pénurie persistante, le recrutement est renouvelable annuellement, sans pouvoir aboutir à la nomination à titre définitif ».

L'article 24, § 4, de la Constitution dispose : « Tous les élèves ou étudiants, parents, membres du personnel et établissements d'enseignement sont égaux devant la loi ou le décret.

La loi et le décret prennent en compte les différences objectives, notamment les caractéristiques propres à chaque pouvoir organisateur, qui justifient un traitement approprié ».

Cette disposition réaffirme, dans le domaine de l'enseignement, le principe d'égalité et de non-discrimination qui est contenu dans les articles 10 et 11 de la Constitution.

B.5.4. Dans sa réaction à l'avis de la section de législation du Conseil d'Etat, le Gouvernement de la Communauté française ne conteste pas la nécessité de mettre fin à la différence de traitement critiquée par la question préjudicielle en raison de son caractère discriminatoire.

En outre, l'article 12bis, § 2, de la loi du 29 mai 1959 prévoit l'« application » des « titres jugés suffisants » pour tous les « réseaux d'enseignement ». Le renvoi à l'« avancée » évoquée par le Gouvernement paraît d'ailleurs confirmer que ce genre de titre pourrait être « appliqué » dans l'enseignement organisé par la Communauté française.

Quelle que soit la portée de cette « avancée », elle ne permettait pas au membre du personnel enseignant de l'enseignement de la Communauté française qui détenait une agrégation de l'enseignement secondaire inférieur (AESI) sans être titulaire d'un diplôme d'instituteur primaire d'être nommé à titre définitif dans la fonction de directeur d'école primaire.

B.5.5. Il ressort de ce qui précède que la différence de traitement décrite en B.3 n'est pas raisonnablement justifiée.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 9, alinéa 2, du décret de la Communauté française du 4 janvier 1999 relatif aux fonctions de promotion et de sélection, tel qu'il était applicable entre le 1er septembre 2007 et le 31 janvier 2009, viole les articles 10 et 11 de la Constitution.

Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, à l'audience publique du 8 décembre 2011.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, R. Henneuse.

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