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Arrêt
publié le 08 mai 2012

Extrait de l'arrêt n° 11/2012 du 25 janvier 2012 Numéro du rôle : 5129 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 116, § 3, du décret de la Région flamande du 18 mai 1999 portant organisation de l'aménagement du territoire La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et R. Henneuse, et des juges E. De(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 11/2012 du 25 janvier 2012 Numéro du rôle : 5129 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 116, § 3, du décret de la Région flamande du 18 mai 1999 portant organisation de l'aménagement du territoire, tel qu'il était applicable avant sa modification par le décret du 27 mars 2009, posée par le Conseil d'Etat.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et R. Henneuse, et des juges E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, J. Spreutels, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul et F. Daoût, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Bossuyt, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par arrêt n° 211.864 du 9 mars 2011 en cause de Peter Flamey et autres contre la ville d'Anvers, partie intervenante : Emmanuel Corynen, et en cause de Peter Flamey et autres contre la députation du conseil provincial d'Anvers, partie intervenante : Emmanuel Corynen, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 18 mars 2011, le Conseil d'Etat a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 116, § 3, du décret du 18 mai 1999 portant organisation de l'aménagement du territoire viole-t-il les articles 10, 11 et 23 de la Constitution, combinés avec le droit d'accès à un juge, tel qu'il est garanti, entre autres, par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, avec l'article 9, alinéas 3 et 4, de la Convention d'Aarhus et avec le principe général des droits de la défense, dans la mesure où, d'une part, le tiers intéressé qui souhaite former un recours administratif contre un permis de bâtir octroyé en première instance doit le faire dans un délai de 20 jours suivant la transcription de ce permis dans le registre des permis, alors qu'en ce qui concerne la notification ou la publicité au bénéfice de ce tiers intéressé, le décret prévoit seulement l'obligation, pour le demandeur, d'afficher immédiatement la décision à l'endroit auquel la demande se rapporte, tandis que, d'autre part, le demandeur du permis, le fonctionnaire urbaniste régional et les services consultatifs, qui tous disposent du même délai de recours de 20 jours, reçoivent chacun une notification de la décision de permis, et que, de surcroît, le délai de recours débute, pour le demandeur, à la date à laquelle le permis lui est notifié ? ». (...) III. En droit (...) B.1.1. L'article 116 du décret de la Région flamande du 18 mai 1999 portant organisation de l'aménagement du territoire (ci-après : le décret du 18 mai 1999), dans sa rédaction applicable avant sa modification par le décret du 27 mars 2009, dispose : « § 1er. Lorsque la demande n'a pas été soumise à une enquête publique, telle que définie à l'article 109, toute personne physique ou personne morale, qui risque de subir directement des nuisances par suite des travaux autorisés, à l'exclusion du demandeur du permis, peut introduire un recours contre le permis octroyé par le Collège des bourgmestre et échevins.

Lorsque la demande a été soumise à une enquête publique, toute personne ayant introduit un recours durant l'enquête publique, peut introduire un recours contre un permis octroyé par le Collège des bourgmestre et échevins. § 2. Le recours est introduit par lettre recommandée auprès de la Députation permanente de la province concernée. L'auteur du recours transmet le même jour, sous peine de nullité, une copie intégrale du recours au Collège des bourgmestre et échevins qui doit statuer en première instance sur la même demande, ainsi qu'au demandeur. Dans les cinq jours ouvrables suivant la réception de la copie du recours, la commune transmet le dossier à la Députation permanente. § 3. Le recours est envoyé dans les 20 jours suivant la transcription de la décision dans le registre des permis ».

B.1.2. La question préjudicielle porte sur le paragraphe 3 de l'article 116 précité.

B.1.3. L'article 113, § 1er, (ancien) du décret du 18 mai 1999, qui n'est pas en cause en l'espèce en tant que tel mais est explicitement visé par le juge a quo dans sa décision de renvoi, et en particulier l'alinéa 4 du paragraphe 1er de cet article, dispose : « § 1er. Dans les 75 jours suivant la date d'introduction de la demande, le Collège des bourgmestre et échevins communique la décision, au demandeur, par lettre recommandée et le cas échéant et sur demande, une copie de la décision à l'architecte de surveillance.

Simultanément, le Collège des bourgmestre et échevins envoie une copie de la décision, conjointement avec le dossier complet, au fonctionnaire-urbaniste régional et une copie de la décision aux instances devant émettre un avis, conformément à l'article 111, §§ 4 et 5, et conformément à toute autre législation.

Lorsqu'il s'agit d'une demande de lotissement, le délai de 75 jours visé à l'alinéa premier, est porté à 150 jours.

Pour des projets requérant une enquête publique, le Collège des bourgmestre et échevins peut décider d'une prolongation non renouvelable de 30 jours. Le Collège des bourgmestre et échevins transmettra une copie de cette décision par lettre recommandée au demandeur avant l'expiration du délai de 75 ou 150 jours.

La décision est immédiatement affichée par le demandeur à l'endroit d'affichage de la demande. Le Gouvernement flamand détermine les modalités d'affichage ».

B.2. La Cour est interrogée sur la compatibilité de l'article 116, § 3, précité, du décret du 18 mai 1999 avec les articles 10, 11 et 23 de la Constitution, combinés avec le droit d'accès à un juge, garanti entre autres par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, avec l'article 9, paragraphes 3 et 4, de la Convention d'Aarhus sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement, et avec le principe général des droits de la défense, dans la mesure où, d'une part, le tiers intéressé qui souhaite former un recours administratif contre un permis de bâtir octroyé en première instance doit le faire dans le délai de vingt jours suivant la transcription de ce permis dans le registre des permis, alors qu'en ce qui concerne la notification ou la publicité au bénéfice de ce tiers intéressé, le décret prévoit seulement l'obligation, pour le demandeur, d'afficher immédiatement la décision à l'endroit auquel la demande se rapporte, tandis que, d'autre part, le demandeur du permis, le fonctionnaire urbaniste régional et les instances consultatives, qui tous disposent du même délai de vingt jours, reçoivent chacun notification de la décision relative au permis et que, de surcroît, le délai de recours débute, pour le demandeur, à la date à laquelle le permis lui est notifié.

B.3.1. Selon le Gouvernement flamand, la question préjudicielle serait irrecevable dans la mesure où elle porte sur la compatibilité de l'article 116, § 3, du décret du 18 mai 1999 avec l'article 23 de la Constitution et avec le principe général des droits de la défense, puisqu'il ne peut être déduit de la décision de renvoi en quoi la disposition en cause est estimée incompatible avec ces normes de contrôle.

B.3.2. Les parties devant la Cour ne peuvent modifier la portée d'une question préjudicielle.

L'exception est rejetée.

B.4.1. Les parties requérantes devant le juge a quo et le Gouvernement flamand renvoient à l'arrêt n° 8/2011 du 27 janvier 2011, dans lequel la Cour s'est prononcée sur les recours en annulation notamment de l'article 36 du décret du 27 mars 2009, et en particulier aux motifs relatifs au délai de recours et au point de départ de ce délai.

B.4.2. Les motifs de cet arrêt auxquels les parties renvoient se rapportent à l'examen par la Cour de la violation alléguée de l'obligation de standstill que l'article 23 de la Constitution contient en matière de protection de l'environnement. Comme il est indiqué en B.13.3.1 de cet arrêt, la Cour devait donc uniquement examiner si les dispositions attaquées ne diminuent pas sensiblement le niveau de protection offert par la législation applicable sans qu'existent des motifs d'intérêt général pour ce faire.

Une violation éventuelle de cette obligation de standstill n'est toutefois pas en cause en l'espèce, de sorte que les motifs de l'arrêt n° 8/2011 s'y rapportant ne sont pas pertinents pour l'examen de la question préjudicielle présentement posée. B.5.1. De la lecture conjointe des articles 116, § 3, et 113, § 1er, alinéa 4, du décret 18 mai 1999, dans leur rédaction applicable au litige a quo, résulte une différence de traitement, en ce qui concerne la notification de la décision relative au permis et le point de départ du délai de recours, entre, d'une part, le tiers intéressé qui souhaite introduire un recours administratif contre un permis de bâtir accordé en première instance et, d'autre part, le demandeur du permis, le fonctionnaire urbaniste régional et les instances consultatives.

Contrairement à ces dernières personnes et instances qui reçoivent une notification de la décision relative au permis, le tiers intéressé n'est informé de cette décision que par l'affichage de celle-ci, par le demandeur du permis, à l'endroit auquel la demande se rapporte.

Pour le tiers intéressé, le délai de recours de vingt jours prend cours au moment de la transcription dans le registre des permis, alors que le délai de recours de vingt jours pour le demandeur du permis, le fonctionnaire urbaniste régional et les instances consultatives prend cours au moment où la décision relative au permis leur est notifiée.

B.5.2. La différence de traitement, en ce qui concerne la notification de la décision relative au permis, est raisonnablement justifiée. Le demandeur du permis, le fonctionnaire urbaniste régional et les instances consultatives peuvent être immédiatement identifiés par l'autorité qui accorde le permis. Tel n'est pas le cas pour les tiers intéressés qui risqueraient de subir directement des nuisances par suite des travaux autorisés.

B.5.3. La différence de traitement, en ce qui concerne le mode de publicité de la décision relative au permis, est en principe raisonnablement justifiée.

Le demandeur du permis, le fonctionnaire urbaniste régional et les instances consultatives reçoivent notification de la décision relative au permis.

En revanche, hormis la possibilité de consulter le registre des permis, le tiers intéressé est uniquement informé par l'affichage de la décision relative au permis à l'endroit auquel la demande se rapporte. Pour le tiers intéressé, il est plus facile de prendre connaissance de cet affichage que de la transcription de la décision dans le registre des permis. Le législateur décrétal pouvait donc raisonnablement partir du principe que l'affichage constitue une forme de publicité adéquate pour informer les personnes intéressées de l'existence de la décision relative au permis.

B.5.4. Toutefois, la différence de traitement concernant le mode de publicité de la décision relative au permis peut, le cas échéant, avoir pour conséquence que le délai de vingt jours dans lequel le recours administratif doit être introduit soit entièrement ou partiellement écoulé au moment où le tiers intéressé est pour la première fois effectivement informé de la décision relative au permis.

Tel peut être le cas dans l'hypothèse où le demandeur n'aurait pas respecté ou aurait respecté tardivement son obligation d'affichage « immédiat » de la décision relative au permis à l'endroit auquel la demande se rapporte.

Dans ce cas, l'exercice de la faculté de recours est rendu disproportionnément plus difficile pour le tiers intéressé que pour le demandeur du permis, le fonctionnaire urbaniste régional et les instances consultatives, à qui la décision relative au permis a été notifiée, de telle sorte qu'ils connaissent avec certitude le point de départ du délai de recours et peuvent dès lors introduire, à temps, un recours contre la décision relative au permis.

B.5.5. Sous l'empire des dispositions en cause, l'attestation de l'affichage, par le bourgmestre ou son délégué, n'était pas encore prévue. Ce n'est que par le décret du 27 mars 2009 « adaptant et complétant la politique d'aménagement du territoire, des autorisations et du maintien » que cette mesure a été introduite.

Dans son arrêt n° 8/2011 du 27 janvier 2011, dans lequel elle s'est prononcée sur les recours en annulation notamment de l'article 36 de ce décret, la Cour a jugé : « B.13.3.3.4. [...] Par ailleurs, le bourgmestre compétent doit veiller à ce que l'affichage soit fait et lui ou son délégué atteste l'affichage. L'administration communale doit, sur simple demande, délivrer une copie certifiée de cette attestation (articles 133/48, § 2, 133/52, § 4, 133/55, § 4, 6° et 7°, du décret du 18 mai 1999, tels qu'ils ont été remplacés par l'article 36 attaqué). Le jour du premier affichage doit être expressément mentionné (Doc. parl., Parlement flamand, 2008-2009, n° 2011/1, p. 181). Par conséquent, toute personne intéressée peut savoir quand le délai de recours débute et quand il expire.

Au cours des travaux préparatoires du décret du 27 mars 2009, il a également été précisé que si l'affichage ne se fait pas ou ne se fait pas correctement, ' cela sera " sanctionné " par le régime relatif aux délais de recours ' (ibid., p. 181). Il convient d'en conclure que, dans cette hypothèse, le bourgmestre ne peut attester l'affichage, de sorte que le délai de recours ne commence pas à courir ».

B.5.6. Dans la mesure où le non-respect de l'obligation faite au demandeur du permis d'afficher « immédiatement » cette décision à l'endroit auquel la demande se rapporte a pour conséquence que le tiers intéressé est privé de la possibilité d'introduire un recours administratif contre cette décision relative au permis dans le délai de vingt jours prescrit, l'article 116, § 3, combiné avec l'article 113, § 1er, alinéa 4, du décret du 18 mai 1999, dans leur rédaction applicable au litige a quo, n'est pas compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution.

B.6. Le contrôle au regard des autres dispositions invoquées dans la question préjudicielle ne saurait conduire à une autre conclusion.

B.7. La question préjudicielle appelle une réponse affirmative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : Dans la mesure où le non-respect de l'obligation faite au demandeur du permis d'afficher « immédiatement » cette décision à l'endroit auquel la demande se rapporte a pour conséquence que le tiers intéressé est privé de la possibilité d'introduire un recours administratif contre cette décision relative au permis dans le délai de vingt jours prescrit, l'article 116, § 3, combiné avec l'article 113, § 1er, du décret de la Région flamande du 18 mai 1999 portant organisation de l'aménagement du territoire, avant la modification par le décret du 27 mars 2009, viole les articles 10 et 11 de la Constitution.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, à l'audience publique du 25 janvier 2012.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, M. Bossuyt.

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