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Arrêt
publié le 20 août 2012

Extrait de l'arrêt n° 79/2012 du 14 juin 2012 Numéros du rôle : 5237, 5238, 5239, 5240, 5241, 5242 et 5243 En cause : les questions préjudicielles relatives aux articles L4142-1, § 2, 8°, et L5431-1 du Code wallon de la démocratie locale La Cour constitutionnelle, composée des présidents R. Henneuse et M. Bossuyt, et des juges E. De(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 79/2012 du 14 juin 2012 Numéros du rôle : 5237, 5238, 5239, 5240, 5241, 5242 et 5243 En cause : les questions préjudicielles relatives aux articles L4142-1, § 2, 8°, et L5431-1 du Code wallon de la démocratie locale et de la décentralisation, posées par le Conseil d'Etat.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents R. Henneuse et M. Bossuyt, et des juges E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, E. Derycke, J. Spreutels, P. Nihoul et F. Daoût, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président R. Henneuse, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles et procédure Par arrêts nos 216.250, 216.248, 216.247, 216.244, 216.249, 216.245 et 216.246 du 10 novembre 2011 en cause respectivement de Benoît Debatty, Freddy Rixhon, Frédéric Staquet, Hervé Jacquemin, Paolo Buscema, Olivier Zonderman et Michel Duchêne, contre la Région wallonne, dont les expéditions sont parvenues au greffe de la Cour le 14 novembre 2011, le Conseil d'Etat a posé la question préjudicielle suivante : « Les articles L5431-1 et L4142-1, § 2, 8°, du Code de la démocratie locale et de la décentralisation violent-ils l'article 10 de la Constitution, le cas échéant combiné avec les articles 6, 10, 11, 17 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et avec l'article 3 du Premier Protocole additionnel à cette Convention, - en ce qu'ils prévoient que la déchéance de mandat pour les titulaires de mandats originaires qui n'ont pas satisfait aux obligations de déclaration annuelle des mandats exercés et rémunérations perçues est assortie d'une inéligibilité de 6 ans, - en ce qu'ils ne prévoient, pour ces titulaires de mandats, qu'une seule sanction, à savoir la déchéance, - alors qu'un bourgmestre ou un échevin qui se rend coupable d'inconduite notoire peut être sanctionné par le Gouvernement d'une suspension d'une durée maximale de trois mois ou d'une révocation sans qu'aucune inéligibilité ne s'ensuive ? ».

Ces affaires, inscrites sous les numéros 5237, 5238, 5239, 5240, 5241, 5242 et 5243 du rôle de la Cour, ont été jointes. (...) III. En droit (...) Quant aux dispositions en cause et à l'objet de la question préjudicielle B.1. L'article L5421-1 du Code wallon de la démocratie locale et de la décentralisation (ci-après : CWADEL) dispose : « § 1er. Lorsque, dans l'exercice de ses missions, l'organe de contrôle constate l'absence de déclaration alors que celle-ci était requise, relève une anomalie ou suspecte une irrégularité, il établit un avis dans lequel figurent les manquements qui sont susceptibles d'être reprochés à la personne concernée. Par personne concernée, on vise, selon le cas, le mandataire ou la personne non élue.

Cet avis est notifié par courrier recommandé. § 2. La personne concernée dispose d'un délai de quinze jours francs à partir de la notification de l'avis pour faire valoir, par courrier recommandé adressé à l'organe de contrôle, ses observations ou sa déclaration rectifiée, accompagnée d'une éventuelle demande d'audition. Ce délai de 15 jours est suspendu entre le 15 juillet et le 15 août. § 3. L'audition, si elle est sollicitée, a lieu dans un délai de quarante jours francs à partir de la date de réception par l'organe de contrôle du courrier recommandé visé au § 2. La personne concernée peut être assistée d'un conseil.

Un procès-verbal de l'audition est établi et communiqué dans les huit jours francs suivant l'audition, par courrier recommandé, à la personne concernée. Celle-ci dispose d'un délai de trois jours francs à dater de la réception du procès-verbal pour faire valoir ses observations par pli recommandé. A défaut, le procès-verbal est considéré comme définitif. § 4. L'organe de contrôle rend sa décision : - dans les septante-cinq jours francs de la notification de son avis si la personne concernée n'y a pas réagi; - dans les septante-cinq jours francs de la réception des observations ou de la déclaration rectifiée du mandataire s'il n'y pas eu d'audition de la personne concernée; - dans les septante-cinq jours francs de l'établissement définitif du procès-verbal de l'audition si celle-ci a eu lieu.

La décision de l'organe de contrôle est adressée par lettre recommandée à la personne concernée.

Un recours, fondé sur l'article 14 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, est ouvert contre cette décision. § 5. Si dans les six mois suivant la réception de la déclaration, l'organe de contrôle n'a pas adressé l'avis visé au § 1er, la déclaration est présumée conforme aux dispositions du présent Code pour l'année de référence ».

L'article L5431-1 du même Code dispose : « § 1er. Le Gouvernement, au terme de la procédure décrite au paragraphe 2, peut constater la déchéance : - des mandats originaires, en ce compris les mandats exécutifs originaires, et des mandats dérivés de tout mandataire communal ou provincial; - des mandats confiés à des personnes non élues à la suite d'une décision prise par un organe de la commune, de la province, d'une intercommunale, d'une régie communale ou provinciale autonome ou d'une société de logement, lorsque la personne concernée n'a pas déposé de déclaration, a établi sciemment une fausse déclaration ou a omis de rembourser les sommes indûment perçues dans le délai qui lui est imparti. § 2. L'organe de contrôle communique à l'intéressé par voie de recommandé une notification des faits de nature à entraîner la déchéance.

Vingt jours au plus tôt après la transmission de la notification, et après avoir entendu si elle en a fait la demande dans un délai de 8 jours à dater de la réception de la notification la personne concernée éventuellement accompagnée du conseil de son choix, le Gouvernement peut constater la déchéance dans une décision motivée.

Cette décision est notifiée par les soins du Gouvernement à la personne concernée et à l'organe dans lequel elle exerce ses mandats originaires et dérivés.

Un recours, fondé sur l'article 16 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, est ouvert contre cette décision. Il doit être introduit dans les quinze jours de sa notification.

Si, ayant connaissance de la cause de sa déchéance suite à la réception de la notification visée à l'alinéa 3 du paragraphe 2, l'intéressé continue l'exercice de ses fonctions, il est passible des peines commuées par l'article 262 du Code pénal ».

L'article L4142-1, § 2, 8°, du même Code dispose : « Ne sont pas éligibles : [...] ceux qui ont été déchus de leur mandat en application de l'article L5431-1, cette inéligibilité cessant six ans après la notification de la décision du Gouvernement ou de son délégué constatant la déchéance ».

B.2. Le Conseil d'Etat demande à la Cour si les articles L5431-1 et L4142-1, § 2, 8°, précités sont compatibles avec l'article 10 de la Constitution, combiné ou non avec les articles 6, 10, 11 et 17 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 3 du Premier Protocole additionnel à cette Convention. La juridiction a quo constate tout d'abord que ces dispositions prévoient, à l'égard des mandataires qui n'ont pas satisfait aux obligations de déclaration annuelle des mandats exercés et rémunérations perçues, que la déchéance de mandat est assortie d'une inéligibilité automatique de six ans. Elle relève ensuite que ces mêmes dispositions ne prévoient, à l'égard de ces mêmes mandataires, qu'une seule sanction, la déchéance de mandat, assortie d'une inéligibilité automatique de six ans, alors qu'un bourgmestre ou un échevin qui se rend coupable d'inconduite notoire peut être sanctionné par le Gouvernement d'une suspension d'une durée maximale de trois mois ou d'une révocation sans qu'aucune inéligibilité ne s'ensuive.

Quant à la compétence de la Cour B.3. Le Gouvernement wallon soutient que la Cour ne serait pas compétente pour répondre à la question préjudicielle, celle-ci comparant des catégories différentes de citoyens et des comportements différents. Il observe que, d'une part, les dispositions relatives à l'obligation de déclaration des mandats et des rémunérations s'appliquent à tous les mandataires locaux, y compris aux bourgmestres et aux échevins et que, d'autre part, la sanction qui peut s'appliquer à ces derniers lorsqu'il leur est reproché une inconduite notoire, frappe des comportements relevant du droit disciplinaire applicable à des fonctions exécutives.

B.4.1. Il ressort de la formulation de la question préjudicielle et de la motivation des arrêts de renvoi que le Conseil d'Etat souhaite notamment savoir si l'article L5431-1 en cause, lu conjointement avec l'article L4142-1, § 2, 8°, du CWADEL, viole le principe d'égalité en ce que le Gouvernement wallon peut seulement prononcer la déchéance de mandat à l'égard des titulaires de mandats qui n'ont pas satisfait aux obligations de déclaration annuelle des mandats exercés, déchéance qui est d'office assortie d'une inéligibilité de six ans, alors qu'un bourgmestre ou un échevin qui se rend coupable d'inconduite notoire peut être sanctionné soit d'une suspension d'une durée maximale de trois mois, soit d'une révocation sans en outre qu'aucune inéligibilité ne s'ensuive.

B.4.2. Bien que les bourgmestres et les échevins se trouvent dans des situations objectivement différentes, les sanctions disciplinaires susceptibles de les frapper pour inconduite notoire s'appliquant en effet à des actes répréhensibles accomplis en dehors de leurs fonctions, les mandataires locaux auxquels est confiée, par le même Code, une mission d'intérêt général se trouvent dans une situation qui est comparable en ce que le CWADEL organise pour les premiers et les seconds les règles d'éligibilité et les obligations auxquelles ils sont soumis.

Quant au fond B.5. Quant à la différence de traitement soulevée dans la question préjudicielle entre, d'une part, les mandataires visés par les dispositions en cause et, d'autre part, les bourgmestres et échevins qui, convaincus d'une inconduite notoire, sont susceptibles d'encourir soit une suspension de trois mois soit une révocation, et ceci sans être frappés d'inéligibilité, il convient de constater que s'agissant de l'obligation de déclarer leurs mandats et leurs rémunérations, cette différence de traitement n'existe pas. En effet, les bourgmestres et les échevins, qui sont tous en Région wallonne des mandataires élus, sont tenus de la même obligation de déclaration et donc susceptibles des mêmes sanctions en cas de violation de celle-ci.

En ce qui concerne, par contre, les comportements accomplis par les bourgmestres et échevins en dehors de leurs fonctions, le législateur décrétal wallon pouvait prévoir un régime de sanctions disciplinaires spécifiques répondant à des objectifs différents.

Il en résulte que la différence de traitement invoquée n'existe pas et qu'à cet égard, la question préjudicielle n'appelle pas de réponse.

B.6. La Cour doit encore examiner si l'inéligibilité de six ans qui est la conséquence automatique du prononcé de la déchéance de mandat ne porte pas atteinte de manière disproportionnée au droit fondamental d'éligibilité des mandataires locaux frappés d'une telle déchéance.

B.7. Le droit d'éligibilité est un droit fondamental dans un Etat de droit qui doit, en vertu de l'article 10 de la Constitution, être garanti sans discrimination. Ce droit n'est cependant pas absolu. Il peut faire l'objet de restrictions à la condition que ces restrictions n'atteignent pas ce droit dans sa substance ni ne le privent de son effectivité, qu'elles poursuivent un but légitime et qu'elles soient proportionnées à ce but.

B.8.1. Le décret du 8 décembre 2005 modifiant certaines dispositions du Code de la démocratie locale et de la décentralisation a fixé à une fois et demie le montant de l'indemnité parlementaire la rémunération à ne pas dépasser par les mandataires locaux dans l'exercice de leurs mandats, en ce compris les éventuels mandats dérivés.

Pour s'assurer du respect de cette limitation, il a été prévu, d'une part, d'obliger les mandataires locaux à déclarer annuellement l'ensemble des mandats exercés et les rémunérations perçues pour l'exercice des mandats publics et, d'autre part, de sanctionner l'absence de déclaration par une déchéance des mandats, prononcée par le Gouvernement wallon au terme d'une procédure contradictoire ou, le cas échéant, par le Conseil d'Etat saisi d'un recours en réformation de la décision précédente. Cette déchéance est assortie d'une inéligibilité de six ans qui frappe le mandataire déchu de manière automatique.

B.8.2. Ces dispositions, introduites par des amendements parlementaires, ont été justifiées de la manière suivante : « Les mandataires communaux sont appelés, en raison de leur qualité de mandataire local, [à] participer, à un titre ou à un autre, à la gestion de personnes morales, voire d'associations de fait. A ce titre, il leur arrive de bénéficier d'une rémunération (jetons de présence, émoluments, etc.). Il est essentiel de réglementer cette situation afin d'éviter la multiplication indue de cumuls et de ne pas permettre aux intéressés de percevoir des avantages financiers disproportionnés par rapport aux fonctions qui sont les leurs. Il s'agit là d'une mesure essentielle à la moralisation de la vie politique locale » (Doc. parl., Parlement wallon, 2004-2005, n° 204-3, p. 3). Au moment de la codification du décret précité, par le vote du décret du 19 juin 2008 « portant ratification de l'arrêté du Gouvernement wallon du 20 décembre 2007 pris en exécution de l'article 55 du décret du 8 décembre 2005 modifiant certaines dispositions du Code de la démocratie locale et de la décentralisation », il a été rappelé que « ces dispositions ont pour souci de renforcer la transparence » (CRAC, Parlement wallon, 2007-2008, n° 137, 27 mai 2008, p. 6).

Les travaux préparatoires font aussi référence à des objectifs de moralisation de la vie politique locale. Ainsi, il a été notamment déclaré que « la politique en démocratie a tout à gagner à cultiver la transparence à l'égard des citoyens, car cela fait partie intégrante du concept bien plus large que recouvre la bonne gouvernance » (CRI, Parlement wallon, 2007-2008, n° 20, 11 juin 2008, p. 30). Il a été ajouté : « La bonne gouvernance, qu'elle soit au niveau local ou autre, a toujours été considérée par tous comme un objectif prioritaire. Cette bonne gouvernance est primordiale si on veut assurer le respect de la démocratie et la responsabilisation des uns et des autres. [...] [...] L'unanimité du vote émis en Commission témoigne de la prise de conscience de l'ensemble des groupes politiques quant à la nécessité de transparence et d'éthique dans l'exercice des mandats publics » (ibid., p. 32).

B.8.3. L'obligation prévue par le législateur décrétal wallon d'une déclaration annuelle des mandats dont l'inaccomplissement est assorti d'une déchéance prononcée au terme d'une procédure contradictoire est un moyen pertinent et raisonnablement justifié au regard du but recherché d'une plus grande transparence et d'une meilleure gouvernance au niveau local.

B.8.4. Comme d'autres cas d'inéligibilité prévus par le CWADEL, l'inéligibilité de six ans qui frappe automatiquement le mandataire communal dont la déchéance de mandat a été prononcée, a été justifiée par la volonté d'assurer l'effectivité de la disposition en cause du CWADEL, qui impose à tous les mandataires communaux et provinciaux de déclarer annuellement leurs mandats et leurs rémunérations. Ce faisant, le législateur décrétal wallon poursuit un objectif légitime.

L'inéligibilité automatique de six ans qui est liée à cette déchéance est un choix qui n'est pas déraisonnable pour atteindre ces mêmes objectifs dès lors que des mandataires élus n'ont, délibérément, pas voulu respecter l'obligation de déclaration, sans vouloir ou pouvoir en outre apporter la justification que le Code leur permet de fournir au cours de la procédure contradictoire précédant le prononcé de la sanction.

Par ailleurs, le législateur décrétal wallon a veillé à limiter dans le temps la durée de cette inéligibilité, choisissant un terme de six ans à dater du prononcé de la déchéance. Ce choix est fondé sur un critère objectif, à savoir la durée de six ans des mandats communaux, tout en traitant de la même manière tous les mandataires déchus : quel que soit le moment de la législature où ils n'auront pas rempli l'obligation de déclaration en cause, ils sont susceptibles d'être déchus de leur mandat en cours et d'être inéligibles pour l'élection suivante.

B.8.5. S'il est vrai que l'inéligibilité est automatiquement liée à la déchéance du mandat et non l'effet d'une décision distincte que prendrait le Gouvernement, ou le Conseil d'Etat statuant sur un recours introduit en application de l'article L4142-1, § 2, la déchéance ne peut être prononcée par le Gouvernement wallon qu'au terme d'une procédure contradictoire au cours de laquelle le Gouvernement doit apprécier la proportionnalité de cette déchéance au regard des éléments de fait et de droit qui lui sont soumis et moyennant une décision individuelle et motivée susceptible d'un recours en réformation auprès du Conseil d'Etat, juridiction administrative indépendante à laquelle est attribuée une compétence de plein contentieux.

Il ressort ainsi de l'article L5421-1 du CWADEL, cité en B.1, que l'organe de contrôle établit d'abord un avis sur les manquements reprochés et que la personne concernée peut communiquer ses observations sur cet avis, rectifier sa déclaration et demander d'être entendue. Il ressort aussi des pièces de la procédure que la possibilité de rectifier la déclaration a été entendue par l'organe de contrôle comme la possibilité de déposer, même en dehors des délais, cette déclaration. Il est encore prévu par le même article que le procès-verbal de l'audition qui aurait été demandée par la personne concernée peut recevoir ses observations.

Il ressort encore de l'article L5431 du CWADEL, également cité en B.1, que le Gouvernement wallon peut décider de prononcer la déchéance après avoir entendu la personne concernée si elle en fait la demande et que cette décision est également susceptible d'un recours auprès du Conseil d'Etat.

Les pièces de la procédure indiquent enfin que le Gouvernement wallon a usé de sa faculté d'appréciation en ne sanctionnant que les mandataires en défaut de dépôt de leur déclaration au cours de deux années successives malgré les rappels de l'organe de contrôle.

B.8.6. Compte tenu du caractère limité dans le temps de l'inéligibilité et de l'existence d'une procédure contradictoire interne et, le cas échéant, d'un recours de pleine juridiction devant le Conseil d'Etat, les dispositions en cause n'ont pas d'effets disproportionnés.

B.9. Par conséquent, les dispositions en cause sont compatibles avec l'article 10 de la Constitution.

B.10.1. La lecture combinée de l'article 10 de la Constitution avec les articles 6, 10, 11 et 17 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 3 du Premier Protocole additionnel à la Convention n'aboutit pas à un autre résultat.

B.10.2. L'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme n'est, par ailleurs, pas applicable aux litiges relatifs aux élections (CEDH, 21 octobre 1997, Pierre-Bloch c. France).

B.10.3. Dans la mesure où il est question d'une ingérence dans la liberté d'expression et d'association garantie par les articles 10 et 11 de cette même Convention, celle-ci est, pour les raisons indiquées en B.8, raisonnablement justifiée.

B.10.4. L'article 17 de la Convention européenne des droits de l'homme énonce qu'« aucune des dispositions de la présente Convention ne peut être interprétée comme impliquant pour un Etat, un groupement ou un individu, un droit quelconque de se livrer à une activité ou d'accomplir un acte visant à la destruction des droits ou libertés reconnus dans la présente Convention ou à des limitations plus amples de ces droits et libertés que celles prévues à ladite Convention ».

Cette disposition vise ainsi à exclure de la sphère de protection de la Convention européenne des droits de l'homme les abus de droits fondamentaux commis par des régimes antidémocratiques, des groupements ou des individus. En l'espèce, il ne peut toutefois être question d'un tel abus.

B.10.5. Enfin, les élections des conseils provinciaux et communaux organisées en Région wallonne ne concernent pas le « choix du corps législatif » au sens de l'article 3 précité du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme. Par conséquent, cette disposition n'est pas applicable.

B.11. La question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : Les articles L5431-1 et L4142-1, § 2, 8°, du Code wallon de la démocratie locale et de la décentralisation ne violent pas l'article 10 de la Constitution combiné ou non avec les articles 6, 10, 11 et 17 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 3 du Premier Protocole additionnel à cette Convention.

Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, à l'audience publique du 14 juin 2012.

Le greffier, F. Meersschaut Le président, R. Henneuse

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