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Arrêt
publié le 27 mars 2014

Extrait de l'arrêt n° 30/2014 du 20 février 2014 Numéro du rôle : 5603 En cause : le recours en annulation du décret de la Région wallonne du 18 juillet 2012 contenant le premier feuilleton d'ajustement du budget des recettes de la Région wal La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et A. Alen, et des juges E. De (...)

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Extrait de l'arrêt n° 30/2014 du 20 février 2014 Numéro du rôle : 5603 En cause : le recours en annulation du décret de la Région wallonne du 18 juillet 2012 contenant le premier feuilleton d'ajustement du budget des recettes de la Région wallonne pour l'année budgétaire 2012, et, à titre subsidiaire, de ses articles 3 à 5, introduit par l'ASBL « Fédération Belge des Entreprises Electriques et Gazières » (FEBEG) et l'ASBL « EDORA - Fédération de l'Energie d'Origine Renouvelable et Alternative ».

La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et A. Alen, et des juges E. De Groot, L. Lavrysen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, F. Daoût, T. Giet et R. Leysen, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président J. Spreutels, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 1er mars 2013 et parvenue au greffe le 4 mars 2013, un recours en annulation du décret de la Région wallonne du 18 juillet 2012 contenant le premier feuilleton d'ajustement du budget des recettes de la Région wallonne pour l'année budgétaire 2012 (publié au Moniteur belge du 3 septembre 2012) et, à titre subsidiaire, de ses articles 3 à 5 a été introduit par l'ASBL « Fédération Belge des Entreprises Electriques et Gazières » (FEBEG), dont le siège social est établi à 1000 Bruxelles, Galerie Ravenstein 3, et l'ASBL « EDORA - Fédération de l'Energie d'Origine Renouvelable et Alternative », dont le siège social est établi à 4130 Esneux, Allée des Artisans 26. (...) II. En droit (...) Quant aux dispositions attaquées B.1.1. Les parties requérantes demandent l'annulation des articles 3 à 5 du décret de la Région wallonne du 18 juillet 2012 contenant le premier feuilleton d'ajustement du budget des recettes de la Région wallonne pour l'année budgétaire 2012, qui disposent : «

Art. 3.§ 1er. Une redevance est prélevée en vue du financement des frais encourus par la CWaPE dans la mise en oeuvre du mécanisme de certificats verts visé à l'article 37 du décret du 12 avril 2001 relatif à l'organisation du marché régional de l'électricité. § 2. La redevance est due par les producteurs d'électricité à partir de sources d'énergie renouvelables et/ou de cogénération de qualité faisant appel auprès de la CWaPE à l'octroi de certificats verts exploitant une installation d'une puissance nominale supérieure à 10 kilowatts (kW). § 3. La redevance est due par mégawattheure (MWh) dont un relevé d'index communiqué à la CWaPE à partir du 1er juillet 2012 atteste la production et qui entre en ligne de compte pour l'octroi de certificats verts. Le taux unitaire de la redevance, exprimé en euro par mégawattheure (euro/MWh), est égal à la valeur d'une fraction, dont le numérateur est égal à 900.000 euros et le dénominateur est le nombre total estimé de MWh générés par les producteurs redevables du 1er juillet 2012 au 31 décembre 2012.

Art. 4.§ 1er. La CWaPE estime les productions d'électricité à partir de sources d'énergie renouvelables et/ou de cogénération de qualité des redevables, en fonction des caractéristiques techniques des installations, des données historiques et des éléments extérieurs influençant la production. § 2. La CWaPE calcule à partir de la production totale ainsi estimée le taux unitaire de redevance pour l'année 2012.

Ce taux est applicable de manière uniforme à l'ensemble des redevables. § 3. La CWaPE publie le taux de la redevance.

Art. 5.§ 1er. Le producteur s'acquitte de la redevance dans les deux mois de l'envoi des factures. Sous réserve d'erreurs matérielles, le retard de paiement rend de plein droit indisponibles les avoirs en comptes-titres de ce producteur auprès de la CWaPE. La CWaPE est habilitée à poursuivre auprès des débiteurs défaillants le recouvrement de la redevance. § 2. La présente redevance est à charge des producteurs d'électricité verte redevables au sens de l'article 3 et ne peut être répercutée sur les consommateurs ».

B.1.2. La Commission wallonne pour l'énergie (CWaPE) est l'organisme autonome de régulation des marchés wallons de l'électricité et du gaz, institué par l'article 43 du décret du 12 avril 2001 relatif à l'organisation du marché régional de l'électricité. Entre autres missions, la CWaPE est chargée de l'octroi des certificats verts conformément aux modalités et procédures visées à l'article 38 du même décret.

B.1.3. Le commentaire des dispositions attaquées indique : « Ces dispositions instaurent pour l'année 2012 (à partir du 1er juillet 2012), au bénéfice de la CWaPE, une redevance à charge des producteurs d'électricité verte de plus de 10 kWh qui bénéficient de certificats verts. Le Gouvernement estime en effet équitable que ces derniers contribuent à son financement, puisque les certificats verts octroyés constituent indiscutablement un avantage pour le producteur.

Le taux de la redevance, exprimé par mégawattheure de production d'électricité verte, sera calculé de sorte que les recettes perçues atteignent un montant total de 900.000 euros en 2012 (sur la période 1er juillet - 31 décembre 2012), montant correspondant aux coûts encourus par la CWaPE pour la gestion du système.

Le système présente une particularité au niveau de son assise : les producteurs disposant d'une installation d'une puissance inférieure ou égale à 10 kilowatts (kW) ne seront pas redevables de la redevance, afin d'éviter la perception de montants mineurs, qui ne se justifie pas au regard des frais administratifs qu'elle génèrerait ». (Doc. parl., Parlement wallon, 2011-2012, 5-IVa/1, annexe 2, p. 5).

Au cours des discussions en commission, un membre a relevé au sujet de ce prélèvement : « On ne peut parler de taxes, bien que la confusion soit maîtresse dans ce jeu; il s'agit d'une redevance. Il est normal de demander aux bénéficiaires d'un système de participer à sa gestion. Il est logique d'avoir réussi à en exonérer les petits producteurs d'électricité et d'aller chercher cette somme chez les gros producteurs, qui se situent dans une rentabilité uniquement financière » (Doc. parl., Parlement wallon, 2011-2012, 5-IVa/3, p. 13).

Quant au premier moyen B.2.1. Le premier moyen est pris de la violation des articles 170 et 172, alinéa 2, de la Constitution, ainsi que du principe de la légalité de l'impôt, lus isolément ou en combinaison avec les articles 10 et 11 de la Constitution. Les parties requérantes estiment que le prélèvement visé par les dispositions qu'elles attaquent, bien que qualifié de redevance par le législateur décrétal, est en réalité un impôt au sens des articles 170 à 173 de la Constitution. Elles font grief au décret attaqué de ne pas fixer les éléments essentiels de cet impôt, dont le fait générateur précis et, surtout, le taux d'imposition sont laissés à l'appréciation de la CWaPE, qui est un organisme d'intérêt public.

B.2.2. Pour examiner ce moyen, la Cour doit, au préalable, déterminer si le prélèvement attaqué est une redevance ou un impôt.

B.3. Pour qu'une taxe puisse être qualifiée de redevance, il est non seulement requis qu'il s'agisse de la rémunération d'un service accompli par l'autorité au bénéfice du redevable considéré isolément, mais également que cette taxe ait un caractère purement indemnitaire, de sorte qu'un rapport raisonnable doit exister entre le coût ou la valeur du service fourni et le montant dû par le redevable.

B.4.1. Le système est conçu de telle façon que les recettes générées par le prélèvement attaqué s'élèvent à 900.000 euros. Ce montant correspond, d'après l'auteur du décret, aux coûts occasionnés à la CWaPE par la gestion du système des certificats verts.

Les producteurs disposant d'une installation ayant une puissance nominale inférieure ou égale à 10 kW sont beaucoup plus nombreux que les producteurs dont l'installation affiche une puissance nominale supérieure à 10 kW, mais ils produisent ensemble une beaucoup plus petite quantité d'électricité. Ainsi, d'après les chiffres figurant dans le rapport annuel 2012 de la CWaPE, on dénombrait, au 31 décembre 2012, 440 sites de production d'une puissance supérieure à 10 kW, totalisant une puissance de près de 1 170 MW, et plus de 98 000 sites de production d'une puissance inférieure à 10 kW pour un total de près de 540 MW. B.4.2. La CWaPE gère le système des certificats verts à l'égard de tous les producteurs d'électricité à partir de sources d'énergie renouvelables et/ou de cogénération de qualité, quelle que soit la puissance de leur installation. La gestion du système des certificats verts bénéficie à tous les producteurs qui en reçoivent. Une part des coûts occasionnés par cette gestion correspond aux services rendus par la CWaPE au profit des producteurs dont l'installation affiche une puissance nominale supérieure à 10 kW et une autre part de ces coûts correspond aux services rendus par la CWaPE au profit des producteurs dont l'installation affiche une puissance nominale inférieure ou égale à 10 kW. B.4.3. Sans qu'il soit nécessaire de déterminer exactement le coût des services rendus par la CWaPE au bénéfice, d'une part, des producteurs dont l'installation affiche une puissance nominale supérieure à 10 kW et, d'autre part, des producteurs dont l'installation affiche une puissance nominale inférieure ou égale à 10 kW, il suffit de constater qu'alors que le prélèvement attaqué est calculé pour couvrir la totalité du coût généré par la gestion des certificats verts, seule une partie des bénéficiaires de ces certificats en est redevable, de sorte que le montant du prélèvement mis à charge de chaque redevable est nécessairement plus élevé que le coût du service qui lui est rendu individuellement.

En outre, le montant du prélèvement est calculé sans qu'il soit tenu compte ni du nombre de certificats verts octroyés au redevable ni de la filière considérée de production d'électricité au départ de sources d'énergie renouvelables. Le montant n'est pas non plus fixé par unité de production, mais bien uniquement en fonction du nombre de MWh produits par l'installation et entrant en considération pour l'octroi des certificats verts.

B.5. Il découle de ce qui précède que le montant du prélèvement visé par les dispositions attaquées n'est pas proportionnel au service rendu par la CWaPE au profit des redevables considérés isolément. Par conséquent, le prélèvement concerné constitue non pas une redevance, mais un impôt.

B.6. Il se déduit de l'article 170, § 2, et de l'article 172, alinéa 2, de la Constitution qu'aucun impôt ne peut être levé et qu'aucune exemption d'impôt ne peut être accordée sans qu'ait été recueilli le consentement des contribuables, exprimé par leurs représentants. Il s'ensuit que la matière fiscale est une compétence que la Constitution réserve en l'espèce au décret et que toute délégation qui porte sur la détermination d'un des éléments essentiels de l'impôt est, en principe, inconstitutionnelle.

Les dispositions constitutionnelles précitées ne vont toutefois pas jusqu'à obliger le législateur décrétal à régler lui-même chacun des aspects d'un impôt ou d'une exemption. Une délégation conférée à une autre autorité n'est pas contraire au principe de légalité, pour autant qu'elle soit définie de manière suffisamment précise et qu'elle porte sur l'exécution de mesures dont les éléments essentiels ont été fixés préalablement par le législateur décrétal.

Font partie des éléments essentiels de l'impôt, la désignation des contribuables, la matière imposable, la base d'imposition, le taux d'imposition et les éventuelles exonérations d'impôt.

B.7.1. Les dispositions attaquées établissent un impôt de répartition.

Le législateur décrétal a désigné les contribuables soumis à cette contribution à l'article 3, § 2, attaqué. Il a également déterminé la matière imposable, le prélèvement étant dû par MWh d'électricité produite entrant en ligne de compte pour l'octroi de certificats verts, et la base d'imposition, le prélèvement étant calculé en fonction du nombre de MWh produits par chaque redevable et entrant en ligne de compte pour l'octroi de certificats verts.

En ce qui concerne le taux d'imposition, le législateur décrétal a précisé qu'il était exprimé en euro par MWh et qu'il était donné par le résultat d'une fraction dont le numérateur est 900 000 et le dénominateur le nombre total estimé de MWh produits par l'ensemble des producteurs d'électricité redevables de l'impôt. Le seul élément que le législateur décrétal n'a pas fixé lui-même est donc l'estimation du nombre total de MWh produits par les producteurs redevables. Cette estimation doit être réalisée par la CWaPE, « en fonction des caractéristiques techniques des installations, des données historiques et des éléments extérieurs influençant la production » (article 4, § 1er, attaqué).

B.7.2. La CWaPE est l'organisme autonome de régulation des marchés wallons de l'électricité et du gaz. Elle est donc l'autorité la plus apte à procéder à l'estimation de la production totale d'électricité au départ de sources d'énergie renouvelables et/ou de cogénération de qualité pour une période donnée car c'est elle qui recueille et analyse les données qui permettent de réaliser cette estimation. Il est donc justifié que le législateur décrétal ait délégué cette tâche à la CWaPE, organisme autonome d'intérêt public spécialisé et détenteur de l'expertise nécessaire à cette fin.

B.7.3. Par ailleurs, les articles 170, § 2, et 172, alinéa 2, de la Constitution ne s'opposent pas non plus à ce que, dans une matière technique déterminée, le législateur confie des compétences exécutives spécifiques à une autorité administrative autonome qui reste, pour le surplus, soumise tant au contrôle juridictionnel qu'au contrôle parlementaire.

Le législateur décrétal a fixé lui-même le mode de calcul du taux d'imposition ainsi que les éléments de ce calcul dont il avait connaissance, à savoir le montant total de la somme à répartir entre les contribuables et les critères à prendre en considération lors de l'estimation de la production. La détermination de l'estimation de la production totale d'électricité par les contribuables permettant ensuite de calculer la fraction de répartition de l'impôt entre eux peut être considérée comme étant une donnée technique, de sorte que la délégation attaquée ne porte pas sur un des éléments essentiels de l'impôt, lesquels ont été fixés par le législateur décrétal.

B.7.4. En l'espèce, le taux d'imposition est fixé sur la base d'une estimation a priori du nombre total de MWh qui seront produits au cours de la période considérée, alors que le montant de l'impôt est calculé sur le nombre de MWh effectivement produits. Une estimation qui serait significativement inférieure à la quantité de MWh réellement produite aurait pour effet que le produit de l'impôt recueilli serait nettement supérieur au montant à récolter et que chaque contribuable payerait donc un impôt trop élevé par rapport au montant qu'il pouvait escompter devoir débourser. Un tel effet serait contraire au principe de prévisibilité de l'impôt.

Il en découle que dans un tel cas, une rectification a posteriori du montant de l'impôt acquitté par chaque contribuable doit être effectuée. Ainsi que l'indique le Gouvernement wallon, « il va de soi que, conscient du principe du respect de l'égalité, le Gouvernement wallon s'efforcerait de procéder à des adaptations s'il devait s'avérer, contrairement aux prévisions dûment fondées, que le pourcentage d'erreur est plus important » que la marge admise de « 10 à 14 % ».

B.8. Le premier moyen n'est pas fondé.

Quant au deuxième moyen B.9.1. Le deuxième moyen est pris de la violation des articles 10, 11 et 172 de la Constitution. Dans la première branche de ce moyen, les parties requérantes dénoncent une différence de traitement injustifiée entre les producteurs d'électricité à partir de sources d'énergie renouvelables et/ou de cogénération de qualité exploitant une installation d'une puissance nominale supérieure à 10 kW et les producteurs exploitant une installation d'une puissance nominale inférieure ou égale à 10 kW. Dans la seconde branche de ce moyen, elles dénoncent une égalité de traitement injustifiée entre tous les producteurs d'électricité exploitant une installation d'une puissance nominale supérieure à 10 kW dès lors qu'un tarif unique est appliqué par MWh produit, alors que les services fournis par la CWaPE au profit d'une installation sont les mêmes et engendrent les même coûts quelle que soit la quantité totale d'électricité qu'elle produit.

B.9.2. Les articles 10 et 11 de la Constitution garantissent le principe d'égalité et de non-discrimination. L'article 172 de la Constitution constitue une application particulière de ce principe en matière fiscale.

B.10.1. La différence de traitement critiquée par les parties requérantes dans la première branche du deuxième moyen repose sur le critère de la puissance nominale de l'installation de production d'électricité à partir de sources d'énergie renouvelables ou de cogénération de qualité. Seuls les producteurs dont l'installation affiche une puissance nominale supérieure à 10 kW sont redevables de l'impôt instauré par les dispositions attaquées.

B.10.2. Le commentaire cité en B.1.3 indique que le législateur décrétal a estimé qu'il ne se justifiait pas de taxer les producteurs ayant une installation de puissance inférieure ou égale à 10 kW, « afin d'éviter la perception de montants mineurs [...] au regard des frais administratifs » que cette perception générerait.

Il apparaît également du rapport de la commission du Budget que le législateur décrétal entendait exonérer les petits producteurs et « aller chercher cette somme chez les gros producteurs, qui se situent dans une rentabilité uniquement financière » (Doc. parl., Parlement wallon, 2011-2012, 5-IVa/3, p. 13).

B.10.3. Le législateur décrétal dispose d'un large pouvoir d'appréciation pour instaurer des impôts et pour en désigner les redevables. La Cour ne peut sanctionner les choix politiques du législateur décrétal et les motifs qui les fondent que s'ils sont dénués de justification raisonnable. En l'espèce, le législateur décrétal a pu raisonnablement estimer, pour des motifs de politique sociale et de politique énergétique, en vue notamment d'encourager la production d'électricité à partir de sources d'énergie renouvelables et/ou de cogénération de qualité par les particuliers, qu'il était indiqué de ne taxer que les producteurs d'électricité exerçant cette activité dans une logique de rentabilité financière. A cet égard, il n'est pas soutenu que le critère de la puissance nominale supérieure ou inférieure à 10 kW ne serait pas pertinent au regard de cet objectif.

Par ailleurs, il n'est pas déraisonnable non plus que le législateur décrétal évite de créer un impôt dont le rendement serait trop faible pour justifier les frais administratifs occasionnés par son recouvrement.

B.11.1. Par la seconde branche de ce moyen, les parties requérantes font grief au législateur décrétal d'avoir prévu le même taux d'imposition, exprimé en euros par MWh produits, pour tous les producteurs exploitant une installation d'une puissance nominale supérieure à 10 kW. L'application de ce taux d'imposition conduit à ce que le montant du prélèvement augmente avec la quantité d'électricité produite. Les parties requérantes estiment que le législateur décrétal, dès lors qu'il poursuivait l'objectif d'assurer la rémunération des services rendus par la CWaPE au profit des bénéficiaires de certificats verts, devait prévoir un prélèvement identique pour chaque redevable propriétaire d'une installation, sans avoir égard à la quantité d'électricité produite.

B.11.2. Ainsi qu'il est dit en B.5, le prélèvement créé par les dispositions attaquées est un impôt et non une redevance. Il ne s'agit pas de la rémunération du service rendu par la CWaPE lors de la délivrance de certificats verts. Le législateur décrétal peut donc, sans violer le principe d'égalité en matière fiscale, prévoir que le montant de l'impôt est proportionnel à la quantité d'électricité produite. Un tel choix paraît d'autant moins déraisonnable qu'il en résulte une corrélation proportionnelle entre l'importance des avantages financiers recueillis par le producteur, qui augmentent avec la quantité produite, et le montant du prélèvement dont il devra s'acquitter.

B.12. Le deuxième moyen n'est pas fondé.

Quant au troisième moyen B.13.1. Le troisième moyen est pris de la violation de l'article 6, § 1er, VII, alinéa 2, d), de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles et vise l'article 5, § 2, du décret attaqué, en ce que cette disposition interdit de répercuter la redevance sur les consommateurs. Les parties requérantes font grief au législateur décrétal d'avoir, en prévoyant cette interdiction, violé la compétence fédérale en matière de tarification dans le domaine de la politique énergétique.

B.13.2. En vertu de l'article 6, § 1er, VII, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, tel qu'il était applicable au moment de l'adoption du décret attaqué, les régions sont compétentes pour : « En ce qui concerne la politique de l'énergie : Les aspects régionaux de l'énergie, et en tout cas : [...] f) Les sources nouvelles d'énergie à l'exception de celles liées à l'énergie nucléaire; [...] Toutefois, l'autorité fédérale est compétente pour les matières dont l'indivisibilité technique et économique requiert une mise en oeuvre homogène sur le plan national, à savoir : [...] d) Les tarifs ». B.13.3. Le législateur spécial a donc conçu la politique de l'énergie comme une compétence exclusive partagée, au sein de laquelle la fixation des tarifs continue à relever de la compétence du législateur fédéral.

B.14.1. En interdisant aux producteurs redevables de l'impôt créé par l'article 3 du décret attaqué d'en répercuter la charge sur les consommateurs, le législateur décrétal n'a pas pris une mesure réglementant les tarifs en matière énergétique.

La disposition attaquée se limite en effet à désigner les redevables réels de l'impôt et à empêcher que d'autres personnes ne soient tenues, en lieu et place de ces redevables, d'en supporter le coût. La désignation des redevables d'un impôt fait partie de la compétence du législateur décrétal lorsqu'il instaure un impôt sur la base de l'article 170, § 2, de la Constitution.

En outre, l'article 5, § 2, attaqué ne concerne pas les frais exposés pour l'obtention des certificats verts par les fournisseurs et leur répercussion au niveau des tarifs pratiqués envers le client final, de sorte qu'il n'empiète pas sur la compétence exercée par le législateur fédéral par l'article 20quater de la loi du 29 avril 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 29/04/1999 pub. 11/05/1999 numac 1999011160 source ministere des affaires economiques Loi relative à l'organisation du marché de l'électricité type loi prom. 29/04/1999 pub. 11/05/1999 numac 1999011161 source ministere des affaires economiques Loi relative à l'organisation du marché du gaz et au statut fiscal des producteurs d'électricité fermer relative à l'organisation du marché de l'électricité. Il ne concerne pas davantage les tarifs pratiqués par les gestionnaires de réseau à charge des producteurs (tarifs d'injection), n'influence pas le prix qui peut être facturé à l'utilisateur final et n'intervient donc pas dans la structure tarifaire.

Il découle de ce qui précède que le législateur décrétal n'a pas porté atteinte à la compétence fédérale et qu'il ne rend pas l'exercice de cette dernière impossible ou exagérément difficile.

B.14.2. Le troisième moyen n'est pas fondé.

Quant au quatrième moyen B.15. Le quatrième moyen est pris de la violation des articles 10, 11 et 172 de la Constitution, lus en combinaison avec le principe général de non-rétroactivité des lois et de sécurité juridique, ainsi qu'avec l'article 2 du Code civil. Les parties requérantes font grief au législateur décrétal d'avoir établi, par un décret publié le 3 septembre 2012, un impôt sur la production d'électricité constatée à partir du 1er juillet 2012, de sorte que le fait générateur, soit la communication à la CWaPE du relevé d'index attestant de la production, et la base imposable, soit la quantité d'électricité produite, sont antérieurs à la publication du décret attaqué.

B.16.1. Une règle de droit fiscal ne peut être qualifiée de rétroactive que si elle s'applique à des faits, actes et situations qui étaient définitifs au moment où elle a été publiée.

B.16.2. En l'espèce, la période imposable s'étend du 1er juillet au 31 décembre 2012. Le prélèvement est dû sur le nombre de MWh figurant dans les relevés d'index communiqués à la CWaPE entre ces deux dates.

Les relevés d'index sont, ainsi que l'expose le Gouvernement wallon, communiqués trimestriellement, de sorte qu'un relevé est communiqué pour le trimestre allant de juillet à septembre et un autre pour le trimestre allant d'octobre à décembre. Il en découle qu'au moment de la publication du décret attaqué, le premier trimestre concerné par le prélèvement n'était pas terminé, de sorte que l'on ne saurait considérer que le régime fiscal de la production d'électricité attestée par le relevé d'index afférent à ce trimestre était définitivement déterminé.

B.17. Les dispositions attaquées n'ont dès lors pas d'effet rétroactif.

B.18. Le quatrième moyen n'est pas fondé.

Par ces motifs, la Cour rejette le recours.

Ainsi prononcé en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, à l'audience publique du 20 février 2014.

Le greffier, F. Meersschaut Le président, J. Spreutels

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