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Arrêt
publié le 20 octobre 2014

Extrait de l'arrêt n° 114/2014 du 17 juillet 2014 Numéro du rôle : 5703 En cause : le recours en annulation de l'article 180, 1°, combiné avec l'article 220, 2°, du Code des impôts sur les revenus 1992, introduit par la régie communale autono La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et J. Spreutels, et des juges E. De (...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 114/2014 du 17 juillet 2014 Numéro du rôle : 5703 En cause : le recours en annulation de l'article 180, 1°, combiné avec l'article 220, 2°, du Code des impôts sur les revenus 1992, introduit par la régie communale autonome « Elektriciteitsnet Izegem ».

La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et J. Spreutels, et des juges E. De Groot, L. Lavrysen, T. Merckx-Van Goey, F. Daoût et T. Giet, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président A. Alen, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 29 juillet 2013 et parvenue au greffe le 1er août 2013, la régie communale autonome « Elektriciteitsnet Izegem », assistée et représentée par Me E. Van Hooydonk, avocat au barreau d'Anvers, a introduit, à la suite de l'arrêt de la Cour n° 148/2012 du 6 décembre 2012 (publié au Moniteur belge du 29 janvier 2013), en application de l'article 4, alinéa 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, un recours en annulation de l'article 180, 1°, combiné avec l'article 220, 2°, du Code des impôts sur les revenus 1992. (...) II. En droit (...) Quant aux dispositions attaquées B.1. La régie communale autonome « Elekriciteitsnet Izegem » (ETIZ) poursuit l'annulation de l'article 180, 1°, du Code des impôts sur les revenus 1992 (ci-après : CIR 1992), combiné avec l'article 220, 2°, du même Code, « en ce qu'il n'exonère pas de l'impôt des sociétés, comme il le fait pour les intercommunales ou les structures de coopération intercommunales, les régies communales autonomes qui accomplissent identiquement la même mission d'intérêt communal que les intercommunales ou les structures de coopération intercommunales ».

B.2. L'article 180, 1°, du CIR 1992, complété par l'article 36 de la loi du 22 décembre 2009Documents pertinents retrouvés type loi prom. 22/12/2009 pub. 31/12/2009 numac 2009003483 source service public federal finances Loi portant des dispositions fiscales et diverses type loi prom. 22/12/2009 pub. 31/12/2009 numac 2009003774 source service public federal finances Loi portant des dispositions fiscales fermer portant des dispositions fiscales et diverses, dispose : « Ne sont pas assujettis à l'impôt des sociétés : 1° les intercommunales régies par la loi du 22 décembre 1986 relative aux intercommunales, ainsi que les intercommunales régies par le décret de la Région wallonne du 5 décembre 1996 relatif aux intercommunales wallonnes, les structures de coopération, à l'exception des associations interlocales, régies par le décret de la Communauté flamande du 6 juillet 2001 portant réglementation de la coopération intercommunale, et les associations de projet régies par le décret de la Région wallonne du 19 juillet 2006 modifiant le Livre V de la première partie du Code de la démocratie locale et de la décentralisation et relatif aux modes de coopération entre communes ». En vertu de l'article 43 de la même loi du 22 décembre 2009Documents pertinents retrouvés type loi prom. 22/12/2009 pub. 31/12/2009 numac 2009003483 source service public federal finances Loi portant des dispositions fiscales et diverses type loi prom. 22/12/2009 pub. 31/12/2009 numac 2009003774 source service public federal finances Loi portant des dispositions fiscales fermer, cet article 36 produit ses effets à partir du 17 février 1997 en ce qui concerne les adaptations en matière d'intercommunales visées dans le décret de la Région wallonne du 5 décembre 1996 relatif aux intercommunales wallonnes, à partir du 10 novembre 2001 en ce qui concerne les adaptations en matière de structures de coopération visées dans le décret de la Région flamande du 6 juillet 2001 portant réglementation de la coopération intercommunale et à partir du 23 août 2006 en ce qui concerne les adaptations en matière d'associations de projet visées dans le décret de la Région wallonne du 19 juillet 2006 modifiant le Livre V de la première partie du Code de la démocratie locale et de la décentralisation et relatif aux modes de coopération entre communes.

L'article 220, 2°, du CIR 1992 dispose : « Sont assujettis à l'impôt des personnes morales : 2° les personnes morales qui, en vertu de l'article 180, ne sont pas assujetties à l'impôt des sociétés ». Quant à la recevabilité du recours B.3.1. Le recours en annulation a été introduit sur la base de l'article 4, alinéa 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, qui - abstraction faite de la modification apportée par la loi spéciale du 4 avril 2014 - dispose : « Un nouveau délai de six mois est ouvert pour l'introduction d'un recours en annulation d'une loi, d'un décret ou d'une règle visée à l'article 134 de la Constitution par le Conseil des Ministres, par le Gouvernement d'une Communauté ou d'une Région, par les présidents des assemblées législatives à la demande de deux tiers de leurs membres ou par toute personne physique ou morale justifiant d'un intérêt, lorsque la Cour, statuant sur une question préjudicielle, a déclaré que cette loi, ce décret ou cette règle visée à l'article 134 de la Constitution viole une des règles ou un des articles de la Constitution visés à l'article 1er. Le délai prend cours, respectivement, à la date de la notification de l'arrêt rendu par la Cour, selon le cas, au Premier Ministre et aux présidents des Gouvernements et aux présidents des assemblées législatives, ou à la date de la publication de l'arrêt au Moniteur belge ».

B.3.2. Par son arrêt n° 148/2012 du 6 décembre 2012, la Cour a dit pour droit que l'article 180, 1°, du Code des impôts sur les revenus 1992, combiné avec l'article 220, 2°, du même Code, viole les articles 10, 11 et 172 de la Constitution en ce qu'il n'exonère pas de l'impôt des sociétés les régies communales autonomes qui exercent une mission identique à celle d'une intercommunale ou d'une structure de coopération intercommunale et qui n'entrent pas en concurrence avec les entreprises du secteur privé, comme il le fait pour les intercommunales et les structures de coopération intercommunales.

Cet arrêt a été publié au Moniteur belge du 29 janvier 2013.

L'intérêt de la partie requérante, qui était également appelante devant la juridiction a quo dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt n° 148/2012, n'est pas contesté. B.3.3. Le recours est recevable.

Quant au fond B.4. Dans un moyen unique, la partie requérante fait valoir que l'article 180, 1°, du Code des impôts sur les revenus 1992 (ci-après : CIR 1992), combiné avec l'article 220, 2°, du même Code, est incompatible avec les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, en ce que les intercommunales et les structures de coopération intercommunales chargées de la gestion du réseau de distribution d'électricité sont toujours exonérées de l'impôt des sociétés et assujetties à l'impôt des personnes morales, alors que les régies communales autonomes, comme elle, qui accomplissent la même mission d'intérêt communal sont assujetties à l'impôt des sociétés.

B.5. Sur la différence de traitement qui est critiquée dans le moyen, et qui faisait déjà l'objet de la question préjudicielle à laquelle la Cour a répondu dans son arrêt n° 148/2012, la Cour a jugé dans ledit arrêt : « B.3.1. En vertu de l'article 263bis de la Nouvelle loi communale du 24 juin 1988, inséré par la loi du 28 mars 1995, les communes peuvent créer des régies communales autonomes dotées d'une personnalité juridique propre et leur confier des activités à caractère industriel ou commercial à déterminer par le Roi. L'arrêté royal du 10 avril 1995 ' déterminant les activités à caractère industriel ou commercial pour lesquelles le conseil communal peut créer une régie communale autonome dotée de la personnalité juridique ' précise les activités que peuvent exercer les régies communales autonomes.

En réponse à une question parlementaire (QRVA, Chambre, 1996-1997, n° 86, 16 juin 1997, pp. 11749-11750), le ministre des Finances a déclaré qu'en ce qui concerne les régies communales autonomes, il fallait examiner au cas par cas si elles étaient assujetties à l'impôt des sociétés ou à l'impôt des personnes morales, selon la nature des activités concernées. Etant donné qu'en vertu de l'arrêté royal du 10 avril 1995, ces activités doivent être de nature industrielle ou commerciale, il peut, selon le ministre, être considéré que les régies communales autonomes sont en principe assujetties à l'impôt des sociétés. Le ministre des Finances a confirmé cette vision en réponse à une autre question parlementaire (QRVA, Chambre, 2001-2002, 26 mars 2002, CRIV 50 COM 702, pp. 8-9).

B.3.2. En vertu des articles 232 et suivants du décret communal du 15 juillet 2005, les communes de la Région flamande peuvent instituer des régies communales autonomes dotées d'une personnalité juridique propre et les charger de missions d'intérêt général.

Contrairement à l'article 263bis de la Nouvelle loi communale du 24 juin 1988, les articles 232 et suivants du décret communal du 15 juillet 2005 ne précisent pas quelles activités peuvent exercer les régies communales autonomes.

B.3.3. Devant la juridiction a quo, il n'est pas contesté que la régie communale autonome ' Electriciteitsnet Izegem ' (ETIZ), qui a été constituée en vertu de l'article 263bis de la Nouvelle loi communale et qui assure dans cette commune la gestion du réseau de distribution d'électricité, est assujettie à l'impôt des sociétés.

B.4. L'article 180, 1°, du CIR 1992 constitue la reprise de l'article 94, alinéa 2, a), du CIR 1964.

En vertu de l'article 13 de la loi du 18 août 1907 ' relative aux associations de communes et de particuliers pour l'établissement de services de distribution d'eau ', de l'article 17 de la loi du 1er mars 1922 ' relative à l'association de communes dans un but d'utilité publique ' et, enfin, de l'article 26 de la loi précitée du 22 décembre 1986, les intercommunales sont, de manière plus générale, exemptées de toute contribution au profit de l'Etat.

Tant le législateur décrétal de la Région wallonne que celui de la Région flamande ont, lors de l'adoption de leur régime propre en matière de structures de coopération intercommunales, abrogé en grande partie, pour le surplus, la loi précitée du 22 décembre 1986, et ont confirmé le maintien de l'article 26 de cette loi (article 35, 2°, du décret de la Région wallonne du 5 décembre 1996 relatif aux intercommunales wallonnes et article 81, a), du décret de la Région flamande du 6 juillet 2001 portant réglementation de la coopération intercommunale).

L'exemption fiscale des intercommunales a été commentée comme suit lors des travaux préparatoires de la loi précitée du 18 août 1907 : ' Les sociétés auxquelles s'applique le présent projet de loi sont créées dans un but d'intérêt public; elles assument la tâche de remplir une obligation communale : il paraît juste de leur faciliter l'accomplissement de cette tâche en leur accordant les avantages fiscaux dont jouiraient les communes qu'elles suppléent ' (Pasin., 1907, p. 206).

Comme la Cour l'a déjà dit dans ses arrêts nos 8/2004, 14/2004, 166/2004 et 173/2005, il peut en être déduit que le législateur a toujours eu l'intention de faire en sorte que les intercommunales, qui constituent pour certains aspects le prolongement des communes, soient exemptées des impôts dans la mesure où les communes elles-mêmes n'y étaient pas soumises.

Par la loi précitée du 22 décembre 2009, le législateur fédéral a étendu avec effet rétroactif l'exemption en faveur des intercommunales, visées par la loi précitée du 22 décembre 1986, aux intercommunales régies par le décret précité de la Région wallonne du 5 décembre 1996 et aux structures de coopération intercommunales régies par le décret de la Région flamande du 6 juillet 2001.

B.5. Bien que les régies communales autonomes constituent elles aussi, dans une certaine optique, le prolongement - encore que limité au plan interne - d'une commune, il n'existe pas pour elles d'exemption comparable de l'impôt des sociétés.

Les régies communales autonomes sont, à maints égards, fortement comparables aux intercommunales et aux structures de coopération intercommunales dotées de la personnalité juridique. Il s'agit à chaque fois de personnes morales de droit public qui, par décision du conseil communal, sont chargées de missions d'intérêt communal.

Lorsque les activités qui pourraient être effectuées par une régie communale autonome ne sont pas transférées à une personne morale distincte mais sont exercées par la commune elle-même, aucun impôt des sociétés n'est perçu au titre de celles-ci, mais la commune en tant que telle est assujettie à l'impôt des personnes morales. Il en va de même lorsque ces activités sont exercées par deux ou plusieurs communes dans le cadre d'une intercommunale ou de structures de coopération intercommunales dotées de la personnalité juridique.

Dès lors que le législateur a estimé qu'il s'indiquait que les intercommunales et les structures de coopération intercommunales soient exemptées d'impôts dans la mesure où les communes n'y étaient pas soumises elles-mêmes, il n'est pas raisonnablement justifié d'exclure les régies communales autonomes de l'exemption de l'impôt des sociétés pour les activités qui, lorsqu'elles sont exercées soit par la commune elle-même soit par une intercommunale ou une structure de coopération intercommunale, sont effectivement exemptées de manière générale de l'impôt des sociétés.

Par ailleurs, la gestion du réseau de distribution d'électricité est une activité qui est réservée aux communes et pour laquelle les régies communales autonomes n'entrent donc pas en concurrence avec les entreprises du secteur privé.

B.6. L'article 180, 1°, du CIR 1992, combiné avec l'article 220, 2°, du même Code, n'est pas compatible avec les articles 10, 11 et 172 de la Constitution en ce qu'il n'exempte pas également de l'impôt des sociétés les régies communales autonomes qui exercent une mission identique à celle d'une intercommunale ou d'une structure de coopération intercommunale et qui n'entrent pas en concurrence avec les entreprises du secteur privé ».

B.6. Pour les mêmes motifs que ceux de l'arrêt n° 148/2012, le moyen qui dénonce la même différence de traitement est fondé.

L'article 180, 1°, du CIR 1992, combiné avec l'article 220, 2°, du même Code, doit être annulé en ce qu'il n'exonère pas de l'impôt des sociétés les régies communales autonomes qui exercent une mission identique à celle d'une intercommunale ou d'une structure de coopération intercommunale et qui n'entrent pas en concurrence avec les entreprises du secteur privé, comme il le fait pour les intercommunales et les structures de coopération intercommunales.

Par ces motifs, la Cour annule l'article 180, 1°, du Code des impôts sur les revenus 1992, combiné avec l'article 220, 2°, du même Code, en ce qu'il n'exonère pas de l'impôt des sociétés les régies communales autonomes qui exercent une mission identique à celle d'une intercommunale ou d'une structure de coopération intercommunale et qui n'entrent pas en concurrence avec les entreprises du secteur privé.

Ainsi rendu en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 17 juillet 2014.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, A. Alen

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