Etaamb.openjustice.be
Arrêt
publié le 05 novembre 2014

Extrait de l'arrêt n° 129/2014 du 19 septembre 2014 Numéro du rôle : 5718 En cause : la question préjudicielle relative aux articles 4.2.24 et 4.4.20 du « Code flamand de l'Aménagement du Territoire », posée par le Conseil d'Etat. La Cou composée des présidents A. Alen et J. Spreutels, et des juges L. Lavrysen, J.-P. Snappe, J.-P. Moer(...)

source
cour constitutionnelle
numac
2014206465
pub.
05/11/2014
prom.
--
moniteur
https://www.ejustice.just.fgov.be/cgi/article_body(...)
Document Qrcode

COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 129/2014 du 19 septembre 2014 Numéro du rôle : 5718 En cause : la question préjudicielle relative aux articles 4.2.24 et 4.4.20 du « Code flamand de l'Aménagement du Territoire », posée par le Conseil d'Etat.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et J. Spreutels, et des juges L. Lavrysen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke et F. Daoût, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président A. Alen, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par arrêt n° 224.656 du 16 septembre 2013 en cause de Felix Willems contre la députation du conseil provincial du Brabant flamand, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 23 septembre 2013, le Conseil d'Etat a posé la question préjudicielle suivante : « Il résulte de l'article 4.2.24 du Code flamand de l'aménagement du territoire qu'il est possible d'obtenir un permis de régularisation pour les actes soumis à autorisation qui ont été réalisés sans permis d'urbanisme, à condition que la demande de régularisation soit appréciée favorablement par rapport à l'ensemble des règles, prescriptions et critères d'urbanisme.

Cette règle vaut pour toute personne ayant réalisé, sans permis d'urbanisme, des actes soumis à autorisation.

La reconstruction d'une habitation ou construction non conforme à la destination de la zone (soit un acte consistant en la démolition d'une construction et son remplacement par une nouvelle construction) est un acte soumis à autorisation (articles 4.4.13 et 4.4.17 du Code flamand de l'aménagement du territoire).

Si le fait que l'habitation ou construction initiale (ou ancienne) non conforme à la destination de la zone n'existe plus au moment de la demande de régularisation d'un tel acte et l'article 4.4.20 du Code flamand de l'aménagement du territoire auraient pour effet qu'il n'est pas possible d'obtenir un permis de régularisation pour la reconstruction d'une habitation ou construction non conforme à la destination de la zone (parce que la démolition de cette habitation ou construction a été réalisée sans permis de transformation ou de reconstruction préalable), il s'ensuit que la personne qui a reconstruit, sans permis, une habitation ou construction non conforme à la destination de la zone ne peut pas obtenir de régularisation pour l'acte réalisé, pour la seule et unique raison que cet acte a été effectué sans permis.

Ceci n'est-il pas contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution, dès lors que toute personne peut obtenir un permis de régularisation pour les actes soumis à autorisation qui ont été réalisés sans permis d'urbanisme, à condition que la demande de régularisation soit appréciée favorablement par rapport à l'ensemble des règles, prescriptions et critères d'urbanisme, mais que la personne qui, sans permis d'urbanisme, a reconstruit une habitation non conforme à la destination de la zone n'a pas ce droit, au seul motif qu'elle ne disposait pas, pour la démolition, d'un permis de transformation ou de reconstruction préalable à cet acte ? ». (...) III. En droit (...) B.1.1. L'article 4.2.24 du Code flamand de l'aménagement du territoire dispose : « § 1er. Un permis de régularisation est une autorisation urbanistique ou un permis de lotir qui est délivré pendant ou après l'exécution des actes faisant l'objet du permis.

La législation actuelle, les prescriptions urbanistiques et les éventuelles prescriptions de lotissement constituent le point de départ pour l'évaluation de la demande. § 2. Une demande de régularisation comprend les copies de l'éventuel procès-verbal et des éventuelles décisions administratives et judiciaires se rapportant à la construction et dont le requérant a été informé. § 3. Le fait que les autorités n'engagent pas de poursuites par rapport à une infraction ne constitue pas en soi une validation de la régularisation.

La sanction d'une infraction n'exclut pas une régularisation. § 4. Le permis de régularisation est délivré en tenant compte des critères d'évaluation ordinaires et conformément à la procédure d'autorisation habituelle. Les conditions et les charges, mentionnées dans les articles 4.2.19 et 4.2.20, peuvent être liées au permis. Sans préjudice des obligations ordinaires vis-à-vis de l'organisation d'une enquête publique relative à une demande de permis, une enquête publique doit de toute façon être menée si l'objet de la demande de régularisation est situé dans une zone vulnérable du point de vue spatial ».

B.1.2. L'article 4.4.20 du Code flamand de l'aménagement du territoire dispose : « § 1er. Les possibilités mentionnées dans la sous-division 2 sont d'application correspondante aux habitations étrangères à la zone ou à d'autres constructions entièrement ou partiellement démolies, s'il a été satisfait aux deux conditions suivantes : 1° une autorisation urbanistique pour transformation ou reconstruction a été délivrée avant la démolition et le requérant souhaite à présent adapter ou convertir le plan en reconstruction;2° la demande est introduite dans le délai de validité de l'autorisation urbanistique initiale de reconstruction ou de transformation. Chaque référence au volume de construction existant d'une habitation ou d'une autre construction dans la sous-division 2 sous-entend, pour l'application du premier alinéa, le volume de construction avant la démolition. § 2. Les possibilités offertes en conséquence de l'application du § 1er ne valent pas dans : 1° les zones vulnérables d'un point de vue spatial, à l'exception des zones de parc;2° les zones de récréation, notamment les zones affectées en tant que telles par un plan d'aménagement et les zones régies par un plan d'exécution spatial qui relèvent de la catégorie d'affectation de zone ' récréation ' ». B.2. Il ressort suffisamment clairement de la question préjudicielle que le juge a quo demande à la Cour si la condition prévue par l'article 4.4.20, § 1er, alinéa 1er, 1°, du Code flamand de l'aménagement du territoire pour accorder des dérogations aux prescriptions urbanistiques dans le cadre de la délivrance d'un permis pour une habitation récemment démolie, non conforme à la destination de la zone, est contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution lorsqu'elle est appliquée dans le cadre d'une demande d'un permis de régularisation visée à l'article 4.2.24 du Code flamand de l'aménagement du territoire. Une catégorie de personnes serait ainsi exclue de la possibilité d'obtenir un permis de régularisation, plus précisément les personnes qui se trouvent dans la situation où, avant la démolition, il n'a pas été délivré de permis d'urbanisme en vue de la transformation ou de la reconstruction.

B.3. L'aménagement du territoire de la Région flamande, des provinces et des communes est déterminé dans des schémas de structure d'aménagement, des plans d'exécution spatiaux et des règlements (article 1.1.3 du Code flamand de l'aménagement du territoire).

L'aménagement du territoire est axé sur un développement spatial durable, gérant l'espace disponible au profit de la présente génération, sans pour autant compromettre les besoins des générations futures. A cet effet, les besoins spatiaux des différentes activités sociales sont simultanément comparés. La portée spatiale, l'impact environnemental et les conséquences culturelles, économiques, esthétiques et sociales sont pris en compte. C'est ainsi que l'on cherche à optimiser la qualité spatiale (article 1.1.4 du Code flamand de l'aménagement du territoire).

B.4. L'article 4.2.1 du Code flamand de l'aménagement du territoire prévoit un régime de permis pour certains actes, dont la démolition et la reconstruction (article 4.1.1, 6°, du Code flamand de l'aménagement du territoire) d'une construction (article 4.1.1, 3°, du Code flamand de l'aménagement du territoire).

Les actes mentionnés ne sont pas rendus impossibles mais sont, dans l'intérêt général, soumis à un contrôle. Dans ce système, l'autorité compétente qui délivre un permis d'urbanisme, autorise, pour la démolition ou la reconstruction d'une construction, un acte qui n'était pas autorisé auparavant.

B.5. Un permis d'urbanisme peut également être délivré pendant ou après l'exécution des actes soumis à autorisation. Il s'agit dans ce cas d'un permis de régularisation.

L'article 4.2.24 du Code flamand de l'aménagement du territoire, relatif au permis de régularisation, constitue une simple confirmation du régime des autorisations. Il ne constitue pas un motif d'autorisation distinct. Le permis de régularisation est délivré sur la base des critères d'appréciation usuels et conformément à la procédure d'autorisation ordinaire. Dans le cadre de l'examen de la demande, la réglementation actuelle, les prescriptions d'urbanisme et les éventuelles prescriptions de lotissement sont prises comme point de départ.

La simple circonstance que le permis en question est délivré pendant ou après l'exécution d'actes soumis à autorisation et pas avant le commencement de ces actes n'exige pas que la procédure d'autorisation soit différente (arrêt n° 8/2011 du 27 janvier 2011, B.19.4.2).

B.6. Conformément à l'article 4.3.1, § 1er, alinéa 1er, 1°, a), du Code flamand de l'aménagement du territoire, le permis est refusé si la demande est incompatible avec les prescriptions urbanistiques qui sont des dispositions réglementaires (article 1.1.2, 13°, du Code flamand de l'aménagement du territoire) ou qui ont valeur réglementaire (article 7.4.4, § 1er, du même Code). Il ne peut en principe être fait droit à une demande non conforme aux prescriptions urbanistiques.

B.7. Le chapitre 4 du titre IV du Code flamand de l'aménagement du territoire énumère cependant les possibilités d'autoriser des dérogations aux prescriptions urbanistiques dans le cadre de la délivrance du permis. Dans la section 2 de ce chapitre, il est établi une distinction, en particulier en ce qui concerne l'acte de la reconstruction au même endroit, entre une demande pour une habitation ou construction « existante », non conforme à la destination de la zone (sous-section 2) et une demande pour une habitation ou construction « récemment démolie », non conforme à la destination de la zone (sous-section 3).

B.8. En ce qui concerne la possibilité de principe d'accorder des dérogations aux prescriptions urbanistiques dans le cadre de la délivrance du permis, la Cour a, par son arrêt n° 151/2001 du 28 novembre 2001, jugé : « B.2.2. Par suite de l'approbation des plans d'aménagement, un certain nombre de bâtiments dont l'existence est antérieure aux plans de secteur sont devenus incompatibles avec la destination de la zone dans laquelle ils sont situés. Afin de permettre aux propriétaires de conserver leur bâtiment - qui a été construit dans le respect des règles en vigueur - et d'adapter ce bâtiment à l'évolution des besoins, et en vue de combattre la dépréciation des propriétés par suite de leur taudisation, le législateur a prévu, dans les réglementations législatives successives, la possibilité de réaliser des travaux de transformation ou d'agrandissement de ces bâtiments ' étrangers à la zone '. Il s'est toujours agi à cet égard d'une réglementation dérogatoire visant des bâtiments existants et liée à des conditions bien définies.

B.3.1. L'article 43, § 2, alinéa 6, a), du décret du 22 octobre 1996 pose comme conditions, pour que le fonctionnaire délégué puisse déroger aux prescriptions réglementaires d'un projet de plan de secteur, que la demande porte sur la transformation, dans le volume de construction existant, d'un bâtiment existant ayant fait l'objet d'un permis et qu'elle ne concerne pas la transformation totale.

B.3.2. Il ressort sans équivoque tant de la lettre que de la genèse de cette disposition que cette dernière concerne exclusivement des bâtiments existants effectivement érigés. En instaurant la disposition en cause par le décret du 13 juillet 1994, le législateur décrétal a du reste voulu rendre plus strictes les possibilités de dérogation concernant les bâtiments non conformes à la destination de la zone. La condition en vertu de laquelle il doit s'agir de bâtiments ' existants ' constitue dès lors l'essence même de la disposition en cause et trouve sa justification dans les objectifs exposés au B.2.

B.4. La délivrance d'un permis de bâtir pour un bâtiment encore à construire est régie par la réglementation générale contenue dans l'article 42 du décret litigieux. Le principe de cette réglementation est que le permis ne peut en règle être accordé que si la demande est conforme à la destination planologique de la zone.

B.5. La différence de traitement qui existe entre, d'une part, le demandeur d'un permis qui sollicite une dérogation pour un bâtiment existant ayant fait l'objet d'un permis et, d'autre part, la personne qui demande un permis de bâtir pour un bâtiment encore à construire résulte de deux dispositions législatives ayant légitimement des finalités différentes. La différence de traitement en cause n'est donc pas discriminatoire ».

B.9. Ainsi qu'il ressort des dispositions précitées du Code flamand de l'aménagement du territoire, la possibilité d'accorder des dérogations aux prescriptions urbanistiques dans le cadre de la délivrance du permis a été étendue davantage.

L'article 4.4.20, en cause, du Code flamand de l'aménagement du territoire constitue une exception à la condition selon laquelle les constructions non conformes à la destination de la zone doivent être « existantes » au moment de la demande de permis. Cette disposition a été insérée par le décret du 27 mars 2009 « adaptant et complétant la politique d'aménagement du territoire, des autorisations et du maintien ». Auparavant, il n'était pas possible d'obtenir un permis pour la reconstruction d'une habitation non conforme à la destination de la zone qui était déjà démolie au moment de la demande de permis.

B.10. A présent, pour reconstruire au même endroit une habitation existante, non conforme à la destination de la zone, un permis d'urbanisme peut être octroyé, à condition que le nombre d'unités de logement soit limité au nombre d'unités existantes. Si le volume de construction existant dépasse 1 000 m3, le volume maximum de l'habitation reconstruite est limité à 1 000 m3. Un permis d'urbanisme ne peut être délivré dans les zones vulnérables du point de vue spatial (à l'exception des zones de parc) et dans les zones de récréation.

B.11. Pour la reconstruction d'une habitation ou construction récemment démolie, non conforme à la destination de la zone, les mêmes conditions sont applicables; l'on entend ici par volume de construction existant le volume de construction avant la démolition.

En outre, les conditions complémentaires suivantes sont applicables : (1) avant la démolition, un permis d'urbanisme de transformation ou de reconstruction a été délivré et le demandeur souhaite à présent adapter le plan ou le transformer en reconstruction et (2) la demande est introduite pendant le délai de validité du permis d'urbanisme originaire pour la reconstruction ou transformation. B.12. Il appartient au législateur décrétal de déterminer dans quels cas et à quelles conditions, dans le cadre de la délivrance du permis, des dérogations aux prescriptions urbanistiques peuvent être autorisées. Ce faisant, il doit toutefois respecter les articles 10 et 11 de la Constitution.

B.13. Reconstruire au même endroit une habitation ou construction déjà démolie peut raisonnablement être réputé avoir un plus grand impact sur l'aménagement du territoire que reconstruire une habitation existante.

Compte tenu du large pouvoir d'appréciation dont dispose le législateur décrétal lorsqu'il arrête sa politique en matière d'urbanisme et d'aménagement du territoire, il n'est pas dénué de justification raisonnable, s'agissant de la possibilité d'accorder des dérogations aux prescriptions urbanistiques dans le cadre de la délivrance du permis pour une reconstruction au même endroit, de soumettre une demande pour une habitation ou construction « récemment démolie », non conforme à la destination de la zone, à des conditions plus strictes qu'une demande pour une habitation ou construction « existante », non conforme à la destination de la zone.

Cette justification est également valable lorsqu'il s'agit d'un permis de régularisation, qui est, en effet, délivré « en tenant compte des critères d'évaluation ordinaires et conformément à la procédure d'autorisation habituelle ».

Au regard du but de préserver un aménagement du territoire durable, le législateur décrétal a pu exiger qu'avant la démolition, un permis d'urbanisme de transformation ou de reconstruction ait été délivré.

Ceci d'autant plus que les personnes qui sont ainsi exclues de la possibilité d'obtenir un permis de régularisation se sont elles-mêmes mises dans cette situation en procédant à la démolition avant de disposer d'un permis d'urbanisme de transformation ou de reconstruction.

B.14. Il n'est dès lors pas incompatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution que, selon les termes de la question préjudicielle, « toute personne peut obtenir un permis de régularisation pour les actes soumis à autorisation qui ont été réalisés sans permis d'urbanisme, à condition que la demande de régularisation soit appréciée favorablement par rapport à l'ensemble des règles, prescriptions et critères d'urbanisme, mais que la personne qui, sans permis d'urbanisme, a reconstruit une habitation non conforme à la destination de la zone n'a pas ce droit, au seul motif qu'elle ne disposait pas, [avant] la démolition, d'un permis de transformation ou de reconstruction préalable à cet acte ».

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : Les articles 4.2.24 et 4.4.20 du « Code flamand de l'Aménagement du Territoire » ne violent pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

Ainsi rendu en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 19 septembre 2014.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, A. Alen

^