Etaamb.openjustice.be
Arrêt
publié le 13 mars 2015

Extrait de l'arrêt n° 190/2014 du 18 décembre 2014 Numéro du rôle : 5858 En cause : la question préjudicielle relative aux articles 27, § 1 er , alinéas 1 er et 2, et 276 du décret communal flamand du 15 juillet 2005, La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et J. Spreutels, et des juges J.-P. (...)

source
cour constitutionnelle
numac
2015200930
pub.
13/03/2015
prom.
--
moniteur
https://www.ejustice.just.fgov.be/cgi/article_body(...)
Document Qrcode

COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 190/2014 du 18 décembre 2014 Numéro du rôle : 5858 En cause : la question préjudicielle relative aux articles 27, § 1er, alinéas 1er et 2, et 276 du décret communal flamand du 15 juillet 2005, posée par le Tribunal correctionnel d'Anvers.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et J. Spreutels, et des juges J.-P. Snappe, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, T. Giet et R. Leysen, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président A. Alen, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par jugement du 20 janvier 2014 en cause du ministère public contre Ludwig Torfs, avec comme partie intervenante le collège des bourgmestre et échevins de la ville d'Anvers, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 25 février 2014, le Tribunal correctionnel d'Anvers a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 27, § 1er, alinéas 1er et 2, et l'article 276 du décret communal flamand du 15 juillet 2005 violent-ils les articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, en ce que l'interdiction imposée respectivement aux conseillers communaux et aux membres du conseil de district est étendue aux avocats qui travaillent avec le membre du conseil de district dans le cadre d'une association, d'un groupement, d'une coopération ou au même cabinet, ce qui entrave ou viole respectivement le libre choix d'un avocat et les droits de la défense ? ». (...) III. En droit (...) B.1. Eu égard aux faits du litige que doit trancher le juge a quo et aux motifs du jugement de renvoi, la question préjudicielle concerne l'article 27, § 2, 2°, du décret communal flamand du 15 juillet 2005, qui dispose : « Il est interdit à tout conseiller communal : [...] 2° d'intervenir directement ou indirectement comme avocat ou notaire dans les affaires litigieuses au profit de la partie adverse de la commune ou au profit d'un membre du personnel de la commune concernant des décisions relatives à l'emploi au sein de la commune.Cette prohibition s'applique également aux personnes qui travaillent avec le conseiller communal dans le cadre d'une association, un groupement, une collaboration ou à la même adresse de bureau ».

En vertu de l'article 276 du décret communal flamand, cette disposition s'applique par analogie aux membres des conseils de district.

B.2.1. L'article 276, alinéa 2, du décret communal flamand a été modifié par l'article 2 du décret de la Région flamande du 28 mars 2014 portant modification de l'article 276 du décret communal du 15 juillet 2005, qui, aux termes de l'article 3 du même décret, est entré en vigueur le 16 avril 2014. Depuis lors, l'article 276, alinéa 2, du décret communal flamand dispose : « Les dispositions d'interdiction imposées en vertu de l'article 27, § 2, et les droits dont jouissent les membres des conseils de district en vertu de l'article 30 ne concernent que l'administration et les institutions de district ».

B.2.2. Dans les travaux préparatoires de ce qui est devenu le décret du 28 mars 2014, cette disposition a été justifiée comme suit : « La combinaison d'un durcissement extrême de la réglementation relative aux incompatibilités pour les membres des conseils communaux et l'application sans nuance de celle-ci, par analogie, aux membres du conseil de district a pour effet que même si l'on exerce un mandat politique somme toute limité en tant que membre du conseil de district, avec pour seule compétence un des neufs districts d'Anvers, toutes les incompatibilités sont du même coup applicables pour tout ce qui concerne la ville et les huit autres districts. Pour les avocats et les notaires, ceci signifie quasiment une « interdiction professionnelle » pour tous les confrères au sens le plus large du terme, y compris donc en l'absence de tout lien financier avec le membre du conseil de district concerné. Dans l'état actuel de la législation, il est impossible qu'un grand cabinet d'avocats ramifié à l'échelon national puisse agir pour ou contre la ville d'Anvers dès lors qu'un stagiaire est membre d'un conseil de district dans un des neufs districts, même s'il s'agit d'un dossier dans lequel ce stagiaire n'a pas plus son mot à dire que tout autre citoyen. Ceci semble trop peu conforme à ce qui est juridiquement et socialement souhaitable.

D'un point de vue démocratique, ceci ne semble pas tellement opportun non plus : l'accès au droit d'éligibilité passif en devient encore plus compliqué et peu attrayant dans la pratique.

Si l'on choisit d'élire les conseils de district directement, il semble plus logique que les règles concernant le fonctionnement des membres du conseil de district en termes d'indépendance et d'incompatibilités concernent uniquement cette institution et son administration. Le but d'une incompatibilité consiste en effet avant tout à garantir que le mandataire élu n'abusera pas de ce mandat et ne suscitera aucun doute quant à savoir dans l'intérêt de qui il exerce ce mandat concret. Traditionnellement, on a toujours fait une distinction entre une intervention comme avocat dans le cadre pour lequel la personne a été élue et d'autres sphères politiques. Le fait qu'une personne soit mandataire à un certain niveau n'empêche pas qu'elle intervienne professionnellement pour ou contre un autre niveau politique.

Le but de cette proposition de décret est de focaliser l'application des incompatibilités - sans porter atteinte à leur contenu - sur ce pour quoi les membres du conseil de district sont compétents, à savoir l'administration et les institutions du district pour lequel ils ont été élus.

A cette fin, il est proposé d'ajouter, dans l'article 276 du décret communal, un membre de phrase limitant les incompatibilités visées à l'article 27, § 2, à l'administration et aux institutions du district.

Ceci s'accorde du reste avec le fait que les droits de contrôle d'un membre du conseil de district sont aussi limités au seul cadre de ce district » (Doc. parl., Parlement flamand, 2013-2014, n° 2391/1, pp. 2-3).

B.2.3. Il découle de ce qui précède que, depuis l'entrée en vigueur du décret précité du 28 mars 2014, un membre d'un conseil de district et un confrère travaillant dans le même cabinet ne peuvent intervenir comme avocat ou notaire dans des litiges au profit de la partie adverse du district en question mais peuvent agir comme avocat ou notaire dans des litiges au profit de la partie adverse de la commune dont fait partie ce district.

B.3. Dans le litige que doit trancher le juge a quo, la partie en intervention volontaire est le collège des bourgmestre et échevins de la ville d'Anvers, alors que l'incompatibilité en cause concerne un avocat, confrère d'un président de district, travaillant dans le même cabinet.

Il appartient au juge a quo d'apprécier si, après la modification décrétale visée en B.2, la question préjudicielle est encore utile pour résoudre le litige au fond.

B.4. En conséquence, l'affaire doit être renvoyée au juge a quo.

Par ces motifs, la Cour renvoie l'affaire au juge a quo.

Ainsi rendu en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 18 décembre 2014.

Le greffier, F. Meersschaut Le président, A. Alen

^