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Arrêt
publié le 05 février 2016

Extrait de l'arrêt n° 162/2015 du 19 novembre 2015 Numéro du rôle : 6052 En cause : le recours en annulation des articles 2, 1° et 3°, 6, 11 et 13 du décret de la Région flamande du 28 février 2014 modifiant le décret du 2 mars 1999 portant s La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et J. Spreutels, et des juges E. De G(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 162/2015 du 19 novembre 2015 Numéro du rôle : 6052 En cause : le recours en annulation des articles 2, 1° et 3°, 6, 11 et 13 du décret de la Région flamande du 28 février 2014 modifiant le décret du 2 mars 1999 portant sur la politique et la gestion des ports maritimes, introduit par la SA « Rütgers Belgium ».

La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et J. Spreutels, et des juges E. De Groot, L. Lavrysen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul et T. Giet, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président A. Alen, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 3 octobre 2014 et parvenue au greffe le 6 octobre 2014, la SA « Rütgers Belgium », assistée et représentée par Me E. Van Hooydonck, avocat au barreau d'Anvers, a introduit un recours en annulation des articles 2, 1° et 3°, 6, 11 et 13 du décret de la Région flamande du 28 février 2014 modifiant le décret du 2 mars 1999 portant sur la politique et la gestion des ports maritimes (publié au Moniteur belge du 3 avril 2014). (...) II. En droit (...) Quant aux dispositions attaquées B.1.1. Le décret de la Région flamande du 28 février 2014 modifiant le décret du 2 mars 1999 portant sur la politique et la gestion des ports maritimes (ci-après : le décret du 28 février 2014) vise à « résoudre plusieurs problèmes auxquels les quatre régies portuaires flamandes et la Région flamande sont confrontées et qui résultent d'imprécisions dans le décret portuaire » (Doc. parl., Parlement flamand, 2013-2014, n° 2336/1, p.2).

B.1.2. L'article 2, 2°, du décret du 2 mars 1999 portant sur la politique et la gestion des ports maritimes (ci-après : le décret portuaire) définissait les « compétences administratives portuaires » comme suit : « a) la gestion et l'exploitation du domaine portuaire public et privé; b) la fixation et la perception des droits de port;c) les services propres au port aux usagers du port ainsi que la réglementation et la fixation de ses conditions d'utilisation;d) l'exercice de la police administrative particulière ». L'article 2, 1°, attaqué, du décret du 28 février 2014 a remplacé la définition précitée par ce qui suit : « a) la gestion et l'exploitation du domaine portuaire public et privé; b) la fixation et la perception des droits de port dans la zone portuaire;c) la fixation et l'organisation des services portuaires publics dans la zone portuaire;d) l'exercice de la police administrative particulière dans la zone portuaire ». B.1.3. L'article 2, 6°, du décret portuaire définissait la « zone portuaire de Gand » comme « les ports et les attenances situés au ou à proximité du canal maritime vers Gand ».

L'article 2, 3°, attaqué, du décret du 28 février 2014 a complété la définition précitée par le membre de phrase « et ceci sur le territoire de la ville de Gand, de la commune d'Evergem et de la commune de Zelzate ».

B.1.4. L'article 15 du décret portuaire disposait : « § 1er. Les droits de ports perçus dans les zones, de quelque nature qu'ils soient, sont perçus à l'exclusion de toute autre autorité par la régie portuaire et au profit de cette dernière. § 2. Les tarifs sont fixés par la régie portuaire ».

L'article 6, attaqué, du décret du 28 février 2014 a remplacé l'article 15 du décret portuaire par ce qui suit : « § 1er. Les droits de ports généraux constituent la rétribution que les régies portuaires peuvent réclamer des utilisateurs du port en contrepartie pour le droit d'accéder [à la] zone portuaire, de la traverser, d'y être amarré ou d'y [séjourner].

Les droits de ports généraux appartiennent exclusivement aux régies portuaires, qui ont la compétence exclusive, dans leur zone portuaire, d'établir et de (faire) percevoir les droits de port généraux. § 2. Outre les droits de port généraux, les régies portuaires peuvent également établir des droits de port particuliers et les (faire) percevoir pour l'infrastructure ou des services spécifiques offerts par les régies portuaires aux utilisateurs du port. § 3. Les régies portuaires publient les droits de port généraux et particuliers de manière transparente.

Les droits de port sont établis de manière autonome par les régies portuaires, en proportion raisonnable à la valeur de la contrepartie visée au paragraphe 1er, alinéa premier, et au paragraphe 2 ».

B.1.5. L'article 11, attaqué, du décret du 28 février 2014 a inséré dans le décret portuaire un article 19novies, qui dispose : « § 1er. Sans préjudice de l'application de la loi du 19 juin 1978 relative à la gestion du territoire de la rive gauche de l'Escaut à hauteur d'Anvers et portant des mesures de gestion et d'exploitation du port d'Anvers, les régies portuaires sont associées, en tant que gestionnaire de territoire des zones portuaires visées à l'article 2, 5°, 6°, 7° et 8°, à la politique et à la préparation politique d'autres autorités. Une compétence consultative est notamment attribuée aux régies portuaires pour la zone portuaire relevant de leur compétence, en ce qui concerne tous les parcours de recherche et de prise de décisions au niveau du plan et du projet au sein des communes sur le territoire desquelles se situe la zone portuaire concernée, qui peuvent avoir un impact sur l'exploitation de la zone portuaire. § 2. Sans préjudice de l'application de la loi du 19 juin 1978 relative à la gestion du territoire de la rive gauche de l'Escaut à hauteur d'Anvers et portant des mesures de gestion et d'exploitation du port d'Anvers, et sans préjudice des compétences d'autres autorités au sein de la zone portuaire concernée, les régies portuaires peuvent développer, en tant que gestionnaire de territoire des zones portuaires visées à l'article 2, 5°, 6°, 7° et 8°, des initiatives orientées sur la zone ».

B.1.6. L'article 13, attaqué, du décret du 28 février 2014 a inséré dans le décret portuaire un article 19decies, qui dispose : « La régie portuaire, compétente pour la zone portuaire de Gand, est compétente, quelle que soit la forme juridique de cette régie portuaire, au sein de la zone portuaire entière de Gand, y compris les parties de la zone portuaire qui se situent sur le territoire des communes d'Evergem et de Zelzate ».

Quant à la recevabilité du recours B.2.1. La partie requérante n'invoque aucun grief contre l'article 11 du décret du 28 février 2014. Le recours est dès lors irrecevable en ce qu'il demande l'annulation de cette disposition.

B.2.2. Les autres dispositions attaquées concernent la délimitation de la zone portuaire de Gand, les compétences administratives portuaires et les droits de port que les régies portuaires peuvent fixer et demander aux usagers des ports.

Etant donné que la partie requérante est une entreprise qui, en vertu des dispositions attaquées, est située dans la zone portuaire de Gand et relève dès lors des compétences administratives de la régie portuaire concernée et qui est impliquée dans de nombreux litiges l'opposant à cette régie portuaire, notamment en matière de perception et de recouvrement de droits de port pour l'amarrage de navires, cette partie pourrait être affectée directement et défavorablement par ces dispositions. Ce constat suffit pour que la partie requérante justifie de l'intérêt requis à l'annulation des articles 2, 1° et 3°, 6 et 13 du décret du 28 février 2014.

La Cour limite toutefois son examen aux parties des dispositions précitées contre lesquelles des griefs sont effectivement dirigés.

B.2.3. Lorsqu'une partie requérante justifie de l'intérêt requis pour demander l'annulation des dispositions attaquées, elle ne doit pas justifier en outre d'un intérêt aux moyens qu'elle invoque.

Quant aux deux premiers moyens B.3. Selon la partie requérante, les articles 2, 1°, et 6 du décret du 28 février 2014 violent les articles 170 et 173 de la Constitution, lus ou non en combinaison avec les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce qu'ils habilitent les régies portuaires à fixer et percevoir des droits de port généraux (premier moyen).

Selon la partie requérante, ces mêmes dispositions violent les articles 33 et 173 de la Constitution et l'article 20 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, lus en combinaison avec les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce qu'elles confèrent la compétence pour fixer la « rétribution » exclusivement aux régies portuaires (deuxième moyen).

Les deux moyens étant connexes, ceux-ci sont examinés ensemble.

B.4. Tant l'article 170 de la Constitution, en ce qui concerne les impôts, que l'article 173 de la Constitution, en ce qui concerne les rétributions, garantissent qu'aucune perception ne peut être imposée sans l'intervention de l'assemblée représentative compétente. La garantie du principe de légalité n'a toutefois pas la même portée dans les deux cas.

En matière d'impôts, toute délégation qui porte sur la détermination d'un des éléments essentiels de l'impôt est, en principe, inconstitutionnelle.

En matière de rétributions, il suffit que le législateur compétent détermine les cas susceptibles de donner lieu à la perception de la rétribution, le règlement d'autres éléments essentiels, comme le montant de la rétribution, pouvant faire l'objet d'une délégation.

B.5. Afin d'examiner les moyens, la Cour doit déterminer si la perception attaquée est une rétribution ou un impôt.

Le fait que le législateur décrétal appelle « rétribution » cette perception ne suffit pas en soi pour qualifier effectivement cette dernière de rétribution.

Pour qu'une perception puisse être qualifiée de rétribution, il n'est pas seulement requis qu'il s'agisse de la rémunération d'un service accompli par l'autorité au bénéfice du redevable considéré isolément, mais il faut également qu'elle ait un caractère purement indemnitaire, de sorte qu'un rapport raisonnable doit exister entre le coût ou la valeur du service fourni et le montant dû par le redevable.

B.6.1. Il ressort du libellé de l'article 15, § 1er, du décret portuaire, tel qu'il a été remplacé par l'article 6 du décret du 28 février 2014, que les droits de port généraux constituent la « contrepartie pour le droit d'accéder [à la] zone portuaire, de la traverser, d'y être amarré ou d'y [séjourner] ».

Cette contrepartie ne consiste pas simplement à donner accès à la zone portuaire mais implique aussi de faciliter effectivement cet accès et de garantir un accès efficace et sûr du domaine portuaire public et privé dont la gestion et l'exploitation relèvent de la compétence de la régie portuaire.

Les droits de port généraux constituent dès lors la rémunération d'un service accompli par la régie portuaire compétente au profit de l'usager individuel de la zone portuaire. La circonstance que des parties de la zone portuaire appartiennent au domaine public ne fait pas obstacle à pareille rémunération. Le domaine public peut être utilisé par toute personne qui respecte son affectation et se conforme aux dispositions qui en règlent l'usage commun. Dans la mesure où la mise à disposition du domaine public constitue un service, celui-ci peut être soumis à une rétribution au profit de l'instance qui fournit ce service.

B.6.2. Le redevable est par conséquent l'usager individuel de la zone portuaire, désigné dans le décret portuaire comme étant l'« usager de port » c'est-à-dire « tout acteur dont l'activité économique est directement ou indirectement liée au fonctionnement du réseau logistique dont le port constitue le noeud » (article 2, 14°).

Dans le cas d'une rétribution, qui a un caractère purement indemnitaire, le législateur décrétal, eu égard à la nature spécifique et généralement technique de la matière concernée, peut raisonnablement confier à l'instance qui fournit le service le soin de préciser les catégories de redevables et, compte tenu de l'objectif de la rétribution concernée et dans le respect du principe constitutionnel d'égalité et de non-discrimination ainsi que des dispositions de droit international applicables, exonérer de la rétribution des catégories d'utilisateurs clairement définies.

B.6.3. Le législateur décrétal n'a pas fixé le montant des droits de port généraux. En vertu de l'article 15, § 3, alinéa 2, du décret portuaire, ce montant peut être fixé de manière autonome par les régies portuaires. Celles-ci doivent publier les droits de port de manière transparente (article 15, § 3, alinéa 1er).

Le législateur décrétal a cependant expressément disposé que le montant des droits de port devait être raisonnablement proportionné à la valeur de la contrepartie précitée. Il appartient dès lors au juge compétent de contrôler, le cas échéant, le caractère proportionné des droits de port généraux imposés.

B.7.1. Il résulte de ce qui précède que les droits de port généraux doivent être considérés comme une rétribution, mais que la manière dont une régie portuaire fait usage de la compétence qui lui a été attribuée pour fixer les droits de port peut être jugée illégale par le juge compétent, notamment dans la mesure où le montant de ces droits ne serait pas raisonnablement proportionné au coût ou à la valeur du service fourni.

B.7.2. La qualification de rétribution n'est pas affectée par la circonstance que les régies portuaires peuvent également établir, outre les droits de port généraux, des droits de port particuliers « pour l'infrastructure ou des services spécifiques offerts par les régies portuaires aux utilisateurs du port » (article 15, § 2, du décret portuaire). En effet, la rémunération prévue pour l'infrastructure ou des services spécifiques peut être distinguée de la rémunération du service général que constitue la mise à disposition de la zone portuaire. Ainsi qu'il a été précisé au cours des travaux préparatoires du décret portuaire, les droits de port particuliers « sont uniquement réclamés aux usagers de biens domaniaux particuliers, comme les cales sèches, ou de services portuaires tels que les services de pilotage et de remorquage » (Doc. parl., Parlement flamand, 1998-1999, n° 1144/1, p. 5). Par ailleurs, les droits de port particuliers doivent également être raisonnablement proportionnés à la valeur de la contrepartie.

B.8.1. Le deuxième moyen fait également grief aux dispositions attaquées d'octroyer aux régies portuaires le pouvoir de fixer les droits de port.

B.8.2. La régie portuaire est un organisme public décentralisé qui dispose d'une large autonomie et est soumis à une tutelle administrative. Selon l'article 2, 1°, du décret portuaire, la régie portuaire est « toute autorité de droit public ayant comme tâche d'assurer la gestion et l'exploitation des zones portuaires visées aux points 5°, 6°, 7° et 8° du présent article et qui exerce les compétences administratives portuaires conformément aux dispositions du présent décret ».

B.8.3. D'une part, il ressort de l'examen du premier moyen que le pouvoir conféré par les articles 2, 1°, et 6 du décret du 28 février 2014 à la régie portuaire compétente d'adopter un « règlement » en matière de droits de port ne constitue pas une délégation donnée à cet organisme pour définir sa propre compétence.

B.8.4. D'autre part, le pouvoir qui est reconnu à la régie portuaire compétente d'adopter un « règlement » en matière de droits de port ne constitue pas non plus une délégation à un organisme public décentralisé d'un pouvoir réglementaire général qui, en vertu des articles 20 et 78 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, peut uniquement être exercé par le Gouvernement flamand.

L'article 33 de la Constitution et l'article 20 de la loi spéciale du 8 août 1980 ne s'opposent pas à ce que le législateur confie des compétences exécutives spécifiques à un organisme public décentralisé qui est soumis à une tutelle administrative et à un contrôle juridictionnel.

B.8.5. En vue d'assurer la tutelle administrative, un commissaire régional des ports, employé à plein temps, contrôle les régies portuaires dans le cadre du décret portuaire. Le commissaire régional des ports est nommé et révoqué par le Gouvernement flamand, qui règle son statut. Le Gouvernement flamand met à la disposition du commissaire régional des ports le personnel nécessaire pour exercer sa mission de contrôle (article 23, § 1er, du décret portuaire). Le commissaire régional des ports peut suspendre l'exécution de toutes les décisions de l'assemblée générale et du conseil d'administration qu'il estime contraires au décret portuaire, aux dispositions décrétales en matière de financement des investissements portuaires, aux arrêtés pris en exécution de ce décret ou à certaines conventions; le Gouvernement flamand peut ensuite annuler les décisions (article 23, § 4). Par ailleurs, le rapport d'activités, le plan d'entreprise et le plan financier pluriannuel, ainsi que le rapport détaillé du collège des commissaires doivent être communiqués au Gouvernement flamand (article 21, alinéa 2).

B.8.6. La manière dont la régie portuaire et le commissaire régional des ports exercent leurs compétences respectives peut faire l'objet d'un contrôle juridictionnel.

B.8.7. Il découle de ce qui précède que les dispositions attaquées ne portent pas une atteinte discriminatoire à la garantie qu'un pouvoir réglementaire général ne peut être conféré à des organismes publics décentralisés.

B.9. Les deux premiers moyens ne sont pas fondés.

Quant au troisième moyen B.10. Selon la partie requérante, l'article 6 du décret du 28 février 2014 viole le statut conventionnel du canal Gand-Terneuzen, combiné avec les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce qu'il habilite de manière générale les régies portuaires à fixer des droits de port sans prendre en compte le statut de droit international du canal précité.

Dans l'exposé du moyen, la partie requérante se réfère à plusieurs traités dont il découlerait que les bateaux de la navigation intérieure empruntant le canal Gand-Terneuzen doivent être exonérés des droits de passage et que les navires de mer empruntant le même canal ne peuvent être soumis à aucun prélèvement.

B.11. Le Gouvernement flamand observe que les traités invoqués n'ont pas effet direct et qu'il n'est pas suffisamment précisé en quoi réside la violation du principe d'égalité et de non-discrimination.

B.12.1. Compétente pour apprécier si une norme législative viole les articles 10 et 11 de la Constitution, la Cour doit, lorsqu'elle est interrogée sur une violation de ces dispositions, combinées avec une convention internationale, non pas examiner si celle-ci a un effet direct dans l'ordre interne, mais apprécier si le législateur n'a pas méconnu de manière discriminatoire les engagements internationaux de la Belgique.

B.12.2. Selon la partie requérante, la disposition attaquée a pour conséquence que les navires fréquentant le canal Gand-Terneuzen sont soumis à un prélèvement en méconnaissance des engagements internationaux, alors que les navires fréquentant d'autres voies maritimes, comme l'Escaut, ne sont pas soumis à un tel prélèvement.

Cette partie expose ainsi de manière suffisamment claire en quoi peut résider la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, mais cette violation potentielle ne découle pas de la disposition attaquée.

En effet, en vertu de celle-ci, il appartient aux régies portuaires d'établir les droits de port. Ainsi qu'il a déjà été exposé, ces régies doivent préciser les catégories de redevables et, compte tenu de l'objectif de la rétribution concernée et dans le respect du principe constitutionnel d'égalité et de non-discrimination et des dispositions internationales applicables, exonérer de la rétribution des catégories d'usagers précisément définies, et il appartient au juge compétent de contrôler la légalité du régime concerné.

B.13. Le troisième moyen n'est pas fondé.

Quant au quatrième moyen B.14. Selon la partie requérante, les articles 2, 3°, et 13 du décret du 28 février 2014 violent les articles 33, alinéa 2, 41, alinéa 1er, et 162, alinéa 2, 1°, 2° et 3°, et alinéa 4, de la Constitution ainsi que plusieurs principes généraux et dispositions de droit international, lus ou non en combinaison avec les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce qu'ils étendent les compétences administratives de la régie portuaire de Gand au-delà des frontières communales de la ville de Gand, portant ainsi une atteinte discriminatoire à l'autonomie locale des communes d'Evergem et de Zelzate.

B.15. L'article 2, 3°, attaqué, du décret du 28 février 2014 a précisé la définition de la zone portuaire de Gand. Cette zone contient dorénavant « les ports et les attenances situés au ou à proximité du canal maritime vers Gand, et ceci sur le territoire de la ville de Gand, de la commune d'Evergem et de la commune de Zelzate », les mots en italique constituant cette précision.

L'article 13, attaqué, du décret du 28 février 2014 a précisé de manière analogue la compétence territoriale de la régie portuaire concernée. En vertu de l'article 19decies, inséré dans le décret portuaire, la régie portuaire compétente pour la zone portuaire de Gand est compétente, quelle que soit la forme juridique de cette régie portuaire, pour la zone portuaire entière de Gand, y compris les parties de la zone portuaire qui se situent sur le territoire des communes d'Evergem et de Zelzate.

B.16.1. Le principe d'autonomie locale suppose que les autorités locales puissent se saisir de tout objet qu'elles estiment relever de leur intérêt et le réglementer comme elles le jugent opportun. Ce principe ne porte cependant pas atteinte à la compétence de l'Etat fédéral, des communautés ou des régions pour juger du niveau le plus adéquat pour réglementer une matière qui leur revient. Ainsi, ces autorités peuvent confier aux collectivités locales la réglementation d'une matière qui sera mieux appréhendée à ce niveau. Elles peuvent aussi considérer, à l'inverse, qu'une matière sera mieux réglée à un niveau d'administration plus général, de façon à ce qu'elle soit réglée de manière uniforme pour l'ensemble du territoire pour lequel elles sont compétentes, ou - comme en l'espèce - pour une partie du territoire.

B.16.2. L'atteinte à la compétence des communes, et par conséquent au principe de l'autonomie locale, que comporte toute intervention de l'Etat fédéral, des communautés ou des régions, que celle-ci soit positive ou négative, dans une matière qui relève de leurs compétences, ne serait contraire aux dispositions citées dans le moyen, qui garantissent la compétence des communes pour tout ce qui concerne l'intérêt communal, que si elle était manifestement disproportionnée. Tel serait le cas, par exemple, si elle aboutissait à priver les communes de tout ou de l'essentiel de leurs compétences ou si la limitation de la compétence ne pouvait être justifiée par le fait que celle-ci serait mieux gérée à un autre niveau de pouvoir.

B.16.3. La délimitation des ports relève de la compétence des régions en matière de gestion des ports. Lorsqu'une zone portuaire s'étend sur plusieurs communes, le législateur décrétal peut raisonnablement estimer que l'administration de cette zone portuaire sera mieux réglée à un niveau administratif plus général et il peut dès lors conférer les compétences administratives portuaires à un organe qui dépasse les limites communales. Dans ce cas, cet organe remplit des tâches d'intérêt non pas communal, mais régional.

La manière dont l'organe concerné est formé et composé n'est pas réglée par les articles attaqués.

B.17. Le quatrième moyen n'est pas fondé.

Quant au cinquième moyen B.18. Selon la partie requérante, les articles 2, 3°, 6 et 13 du décret du 28 février 2014 violent l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, le principe de la sécurité juridique et le principe général de l'autorité de chose jugée des arrêts du Conseil d'Etat, lus ou non en combinaison avec les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'ils portent atteinte à des arrêts rendus par le Conseil d'Etat et en ce qu'ils interviennent dans un litige pendant devant le juge ordinaire.

B.19.1. Par son arrêt n° 204.649 du 3 juin 2010, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêté du Gouvernement flamand du 15 juillet 2005 portant fixation définitive du plan d'exécution spatial régional « afbakening zeehavengebied Gent - inrichting R4-oost en R4-west » dans la mesure où il concerne l'inscription de la « zone d'activité économique de VFT-Rütgers à Zelzate dans la zone portuaire maritime ». Le Conseil d'Etat a jugé qu'il n'était pas satisfait à la condition selon laquelle un plan d'exécution spatial, comme tout acte ou règlement administratif, doit être fondé sur « des motifs admissibles en droit et en fait, qui doivent se dégager, sinon de la décision elle-même, du moins du dossier administratif ».

B.19.2. L'illégalité constatée par le Conseil d'Etat n'a pas fait naître, pour la partie requérante, le droit intangible à ce que sa zone d'activité économique reste pour toujours située en dehors des limites de la zone portuaire précitée. L'autorité de la chose jugée n'empêche pas que la matière qui était réglée par un acte illégal fasse l'objet d'une nouvelle réglementation, sans toutefois porter atteinte à des décisions de justice définitives.

Il appartient à l'autorité compétente de délimiter, sur la base d'une motivation suffisante, la zone portuaire dans un plan d'exécution spatial régional.

B.19.3. Ce qui précède ne peut empêcher le législateur décrétal de confirmer dans un décret la délimitation des zones portuaires. Ainsi qu'il a déjà été mentionné, la délimitation des ports relève de la compétence des régions en matière de gestion des ports.

B.20.1. Par son arrêt n° 214.028 du 21 juin 2011, le Conseil d'Etat a annulé les articles 9 à 32 du règlement tarifaire (édition 2006) de la régie portuaire de Gand. Le Conseil d'Etat a estimé en particulier que la régie portuaire concernée ne disposait pas d'une compétence de gestion sur le canal Gand-Terneuzen et que l'utilisation des eaux de surface du canal Gand-Terneuzen par la partie requérante ne pouvait justifier la perception de droits de port. La régie portuaire n'a pas réussi à convaincre le Conseil d'Etat que les autres « services » constituaient une contrepartie concrète et proportionnée pour les droits de port concernés.

B.20.2. L'autorité de chose jugée de l'arrêt n'empêche pas que le législateur décrétal donne, pour l'avenir, à la régie portuaire compétente pour la zone portuaire de Gand la compétence de gestion qui lui faisait défaut par le passé ni qu'il procure un fondement décrétal pour les droits de port établis par les régies portuaires.

B.20.3. Dans la mesure où le grief porte sur des litiges pendants relativement à des droits de port déjà perçus, il suffit de constater que le législateur décrétal n'a pas conféré un effet rétroactif aux dispositions attaquées, de sorte que celles-ci ne peuvent influencer l'issue de ces litiges.

L'effet immédiat des dispositions attaquées a raisonnablement pour conséquence qu'elles sont applicables aux droits de port perçus après l'entrée en vigueur de ces dispositions.

B.21. Le cinquième moyen n'est pas fondé.

Par ces motifs, la Cour rejette le recours.

Ainsi rendu en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 19 novembre 2015.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, A. Alen

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