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Arrêt
publié le 02 juin 2016

Extrait de l'arrêt n° 48/2016 du 24 mars 2016 Numéro du rôle : 6172 En cause : les questions préjudicielles relatives aux articles 27, 28, 29 et 31 du décret flamand du 13 juillet 2012 contenant diverses mesures d'accompagnement du second aju La Cour constitutionnelle, composée des présidents E. De Groot et J. Spreutels, et des juges L. (...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 48/2016 du 24 mars 2016 Numéro du rôle : 6172 En cause : les questions préjudicielles relatives aux articles 27, 28, 29 et 31 du décret flamand du 13 juillet 2012 contenant diverses mesures d'accompagnement du second ajustement du budget 2012 (reportabilité des droits d'enregistrement), posées par le Tribunal de première instance d'Anvers, division Anvers.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents E. De Groot et J. Spreutels, et des juges L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, F. Daoût, T. Giet et R. Leysen, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président E. De Groot, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles et procédure Par jugement du 4 mars 2015 en cause de Jean Marinus et Nadine Blij contre la Région flamande, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 23 mars 2015, le Tribunal de première instance d'Anvers, division Anvers, a posé les questions préjudicielles suivantes : « 1. L'article 31 du décret flamand du 13 juillet 2012 ' contenant diverses mesures d'accompagnement du second ajustement du budget 2012 ' viole-t-il les articles 10, 11 et 16 de la Constitution, pris isolément et/ou combinés, d'une part, avec l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme et avec le principe de la sécurité juridique, avec le principe de la confiance et avec le principe de la non-rétroactivité des lois et, d'autre part, avec l'autorité de l'arrêt 48/2012 de la Cour constitutionnelle, du 22 mars 2012 ? »; « 2. Les articles 27, 28 et 29 du décret flamand du 13 juillet 2012 ' contenant diverses mesures d'accompagnement du second ajustement du budget 2012 ' violent-ils les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, en ce qu'ils établissent une discrimination injustifiée lorsque des acheteurs ont payé des droits d'enregistrement sur un achat antérieur, selon qu'ils effectuent l'achat suivant d'une nouvelle résidence principale dans le cadre du régime des droits d'enregistrement ou exclusivement dans le cadre du régime de la TVA, parce qu'ils peuvent, dans le premier cas, immédiatement porter en compte les droits d'enregistrement payés antérieurement et que, dans l'autre cas, ils ne peuvent le faire que lors d'un achat (hypothétique) dans le cadre du régime des droits d'enregistrement ? ». (...) III. En droit (...) Les dispositions en cause et leur genèse B.1. Les questions préjudicielles portent sur les articles 27, 28, 29 et 31 du décret du 13 juillet 2012 contenant diverses mesures d'accompagnement du second ajustement du budget 2012.

Ces articles font partie du chapitre 12 (« Droits d'enregistrement ») du décret précité. Ils modifient les règles relatives à la reportabilité des droits d'enregistrement, qui ont été instaurées en Région flamande par le décret du 1er février 2002.

Le système de la reportabilité consiste, sous certaines conditions, à restituer au redevable, lors de la vente de son habitation et de l'acquisition d'une autre habitation, les droits d'enregistrement déjà payés lors de l'acquisition précédente, soit au moyen d'une imputation sur les droits d'enregistrement encore à acquitter (article 613 du Code des droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe) soit au moyen d'une restitution effective des droits d'enregistrement déjà payés (article 212bis du même Code).

B.2. Par le décret du 23 décembre 2010 portant modification du Code des droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe, pour éviter un prélèvement simultané de TVA et de droits d'enregistrement sur le même terrain, le législateur décrétal a adapté le régime de la reportabilité à la législation sur la TVA, qui a été modifiée avec effet au 1er janvier 2011.

Auparavant, lorsqu'un bâtiment était cédé sous le régime de la TVA, cet acte juridique était exempté du droit d'enregistrement proportionnel en vertu de l'article 159, 8°, du Code des droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe. Toutefois, cette exemption ne s'appliquait pas au terrain compris dans la convention.

Les articles 142 à 148 de la loi-programme du 23 décembre 2009Documents pertinents retrouvés type loi-programme prom. 23/12/2009 pub. 30/12/2009 numac 2009021133 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi-programme fermer ont également soumis au régime de la TVA, avec effet au 1er janvier 2011, les cessions de sol attenant à un bâtiment neuf ou à une fraction de bâtiment neuf lorsque la cession de ce bâtiment est soumise à ce régime.

Le législateur entendait ainsi se conformer à un arrêt de la Cour de justice qui avait jugé « que l'option en faveur de la taxation exercée lors de la livraison de bâtiments ou de fractions de bâtiments et du sol y attenant doit porter, de manière indissociable, sur les bâtiments ou fractions de bâtiments et le sol y attenant » (CJUE, 8 juin 2000, C-400/98, Breitsohl).

La nouvelle législation sur la TVA avait pour conséquence que l'acquéreur d'un nouveau bâtiment ne devait plus payer de droits d'enregistrement et ne pouvait donc également plus bénéficier de la reportabilité des droits d'enregistrement.

B.3. Bien que le décret du 23 décembre 2010 ait entendu harmoniser les règles relatives aux droits d'enregistrement « avec les règles modifiées en matière de TVA pour les terrains attenants » (Doc. parl., Parlement flamand, 2010-2011, n° 789/1, p. 2), le législateur décrétal s'est abstenu de prévoir une restitution analogue des droits d'enregistrement lorsque la nouvelle habitation est acquise sous le régime de la TVA. Par son arrêt n° 48/2012 du 22 mars 2012, la Cour a ensuite jugé que les acquéreurs d'une nouvelle habitation avec terrain attenant sous le régime de la TVA sont discriminés par rapport aux autres acquéreurs d'une habitation en ce que, lorsqu'ils vendent leur ancienne habitation, ils ne peuvent pas obtenir la restitution des droits d'enregistrement payés antérieurement. Elle a dès lors annulé le décret du 23 décembre 2010 pour violation des articles 10, 11 et 172 de la Constitution « en ce qu'il ne permet pas la restitution des droits d'enregistrement lors de l'acquisition d'une nouvelle habitation avec le terrain y attenant sous le régime de la TVA ».

Par le même arrêt, la Cour a jugé que l'administration devait rétablir la constitutionnalité en restituant les droits d'enregistrement, même si la nouvelle habitation est acquise sous le régime de la TVA. B.4.1. A la suite de l'arrêt précité, le législateur décrétal a de nouveau modifié le régime de la reportabilité des droits d'enregistrement par les dispositions présentement en cause. La portée de cette modification est exposée comme suit dans les travaux préparatoires : « Dans le cadre de l'élaboration du système de la reportabilité des droits d'enregistrement (décret du 1er février 2002), le Conseil d'Etat, section de législation, avait déjà indiqué que l'article 212bis du Code des droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe était rédigé en ce sens que les droits d'enregistrement sur l'achat originaire sont restitués, alors que les auteurs avaient sans doute l'intention de restituer les droits acquittés dans le cadre de la nouvelle acquisition à concurrence des droits acquittés lors de l'achat originaire.

La suggestion du Conseil d'Etat n'a pas été suivie à l'époque. En effet, l'on craignait qu'une telle modification du texte puisse l'alourdir davantage, alors que l'adaptation n'aurait aucune conséquence pour les bénéficiaires.

Dans l'intervalle, il s'est toutefois avéré que l'observation du Conseil d'Etat n'était pas purement théorique.

L'arrêt de la Cour constitutionnelle n° 48/2012 du 22 mars 2012 a en effet fait apparaître que le législateur décrétal aurait dû rédiger la réglementation d'une autre manière. La suggestion du Conseil d'Etat indique clairement quel concept le législateur décrétal avait réellement en vue.

En conformité avec l'avis du Conseil d'Etat de l'époque et avec la nature de la restitution, la formulation - en ce qui concerne la reportabilité par restitution - est à présent adaptée pour cette raison. Pas tant les droits d'enregistrement sur l'achat originaire, mais bien les droits d'enregistrement payés par suite du nouvel achat sont, selon la situation, soit diminués immédiatement (au moyen d'une imputation), soit restitués plus tard.

Il n'est d'ailleurs pas logique que la Région flamande puisse restituer des droits d'enregistrement qui ont été acquittés à un moment où ceux-ci étaient partiellement ou intégralement dus à l'autorité fédérale. Il est plus correct d'affirmer que les droits d'enregistrement payés sur les acquisitions récentes sont restitués à concurrence des droits qui ont été payés sur l'achat de l'ancienne résidence principale.

Cette adaptation fait donc clairement apparaître que, lorsque - pour quelque raison que ce soit - il n'a pas été procédé au paiement des droits d'enregistrement dans le cadre de l'achat de la nouvelle résidence principale, il ne peut pas davantage y avoir lieu à restitution des droits par application de la reportabilité. En effet, l'autorité ne peut restituer des droits d'enregistrement au redevable que si ce dernier doit effectivement acquitter des droits d'enregistrement.

La présente modification est plus qu'une solution purement technique à une inégalité juridique constatée par la Cour constitutionnelle. La modification est également opérée du fait qu'il est poursuivi un nouvel objectif à travers la reportabilité. Cet objectif n'est plus la mobilité des propriétaires de logements, mais la diminution du montant exigible des droits d'enregistrement en cas de paiement successif de ces droits » (Doc. parl., Parlement flamand, 2011-2012, n° 1636/1, pp. 17-18).

B.4.2. Le législateur décrétal a choisi de « neutraliser » l'achat d'une nouvelle habitation sous le régime de la TVA : un tel achat ne donne certes pas lieu à restitution des droits d'enregistrement payés par le passé, mais il n'empêche pas que ces droits d'enregistrement soient restitués lors d'un nouvel achat pour lequel de nouveaux droits d'enregistrement sont dus.

En d'autres termes, la reportabilité est différée, de sorte que le droit à restitution n'est pas définitivement perdu : « Cette modification a en outre pour conséquence que si des droits d'enregistrement proportionnels n'ont, lors de l'achat d'une résidence principale antérieure, pas été acquittés, mais que la TVA a été payée, la reportabilité des droits d'enregistrement déjà payés sur une résidence principale antérieure n'est pas ' perdue ', à condition que, pour l'ensemble de la chaîne des opérations, il ait toujours été satisfait à toutes les conditions de délai. Les personnes physiques propriétaires ont ainsi la possibilité, lorsqu'une nouvelle construction servant de résidence principale est à nouveau échangée contre une habitation existante, de bénéficier également d'une réduction des droits d'enregistrement qui doivent à nouveau être acquittés, à concurrence des droits d'enregistrement déjà payés » (ibid., p. 18).

B.4.3. L'article 27 du décret du 13 juillet 2012 a, au titre I, chapitre IV, section 1, du Code des droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe, inséré un paragraphe 4ter, intitulé « Neutralisation d'une acquisition en application du régime de la TVA dans une chaîne d'opérations effectuées dans le cadre du régime des droits d'enregistrement reportables lors de l'acquisition d'une nouvelle résidence principale ».

Dans ce paragraphe, la même disposition a inséré un article 616, qui énonce : « Pour l'application des dispositions du § 4bis et de l'article 212bis, est assimilée à une opération au sens de l'article 613, alinéa premier, ou de l'article 212bis, alinéa premier, une combinaison de deux opérations semblables pour laquelle l'avant-dernière acquisition assujettie au droit d'enregistrement proportionnel en a été exonérée en application de l'article 159, 8°.

Le règlement ou la restitution, selon le cas, s'effectuent en tenant compte de la part légale de la personne physique dans les droits d'enregistrement dus sur l'acquisition précédant celle qui a été réalisée en application de l'exonération prévue à l'article 159, 8°.

Lors d'une opération visée au premier alinéa, la copie de la relation d'enregistrement ainsi que la mention de la part légale incombant à la personne physique dans les droits visés à l'article 614, alinéa premier, 2° et à l'article 212bis, alinéa 6, 2°, apposées sur le document qui comporte la demande d'application de l'article 613 ou le document de demande en restitution, doivent porter sur l'acquisition précédant celle qui a été réalisée en application de l'exonération prévue à l'article 159, 8°.

Outre les mentions requises à l'article 614, alinéa premier, 3°, ou à l'article 212bis, alinéa 6, 3°, qui dans le cadre d'une opération assimilée, au sens de l'alinéa premier, concernent la deuxième opération, la personne physique est également tenue de déclarer eu égard à la première opération : 1° si la première opération de la combinaison est une opération visée à l'article 613, alinéa premier : a) qu'à un quelconque moment durant la période de dix-huit mois précédant la vente ou le partage de celle-ci, la première habitation de l'opération assimilée était affectée à sa résidence principale;b) qu'elle avait établi sa résidence principale au lieu d'habitation acquis en application de l'exonération du droit proportionnel dans les deux ans suivant : - soit la date de l'enregistrement du document qui a donné lieu à l'application de l'exonération du prélèvement du droit proportionnel sur l'acquisition de ladite habitation, lorsque ledit document a été présenté pour enregistrement dans le délai prévu à cet effet; - soit la date limite pour la présentation à l'enregistrement, lorsque le document qui a donné lieu à l'application de l'exonération du prélèvement du droit proportionnel sur l'acquisition de ladite habitation, a été présenté pour enregistrement après l'expiration du délai prévu à cet effet; ou 2° si la première opération de la combinaison est une opération visée à l'article 212bis, alinéa premier : a) qu'à un quelconque moment durant la période de dix-huit mois précédant l'acquisition de l'habitation en application de l'exonération du droit proportionnel, la première habitation de l'opération assimilée était affectée à sa résidence principale;b) qu'elle avait établi sa résidence principale au lieu d'habitation acquis en application de l'exonération du droit proportionnel dans les deux ans suivant : - soit la date de l'enregistrement du document qui a donné lieu à l'exonération du droit proportionnel sur l'acquisition de celle-ci, lorsque ledit document a été présenté pour enregistrement dans le délai prévu à cet effet; - soit la date limite pour la présentation à l'enregistrement, lorsque le document qui a donné lieu à l'application de l'exonération du prélèvement du droit proportionnel sur ladite acquisition, a été présenté pour enregistrement après l'expiration du délai prévu à cet effet; ».

B.4.4. L'article 28 du décret du 13 juillet 2012 a modifié comme suit l'article 212bis du Code des droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe : « 1° à l'alinéa premier, les mots ', située en Région flamande, ' sont insérés entre les mots ' d'une habitation ' et ' affectée par elle comme résidence principale à un moment quelconque '; 2° dans le même alinéa, les mots ' dus conformément aux articles 44, 53, 2° ou 57 sur l'acquisition de l'habitation vendue ou partagée ou du terrain à bâtir sur lequel cette habitation est construite ' sont remplacés par les mots ' perçus sur l'acquisition du bien immobilier qu'elle utilise ou affecte à sa nouvelle résidence principale ';3° au troisième alinéa, les mots ' le montant de la part légale de la personne physique dans les droits perçus sur la nouvelle acquisition ' sont remplacés par les mots ' le montant de la part légale de la personne physique dans les droits dus conformément aux articles 44, 53, 2°, ou 57 sur l'acquisition de l'habitation vendue ou partagée ou du terrain à bâtir sur lequel l'habitation a été construite ' ». B.4.5. L'article 29 du décret du 13 juillet 2012 a modifié comme suit l'article 212ter du Code des droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe : « 1° au deuxième alinéa, les mots ' 616 ' sont insérés entre les mots ' articles 613 ' et les mots ' et 212bis '; 2° au troisième alinéa, les mots ' imposées par l'article 46bis, quatrième alinéa, 2°, b), c) et d);par l'article 614, 2° et 3°, premier alinéa; ou par l'article 212bis, alinéa 6, 2° et 3° ' sont remplacés par les mots ' imposées par l'article 46bis, quatrième alinéa, 2°, b), c) et d); par l'article 46ter, par l'article 614, alinéa premier, 2° et 3°, par l'article 616, quatrième et cinquième alinéas, ou par l'article 212bis, sixième alinéa, 2° et 3° ' ».

B.4.6. En vertu de l'article 31 du décret du 13 juillet 2012, les articles 27 à 29 précités produisent leurs effets au 1er janvier 2011.

Quant à la première question préjudicielle B.5. Le juge a quo demande en premier lieu à la Cour si l'article 31 du décret du 13 juillet 2012, en ce qu'il confère un effet rétroactif aux articles 27 à 29 du même décret, porte une atteinte discriminatoire au principe de la sécurité juridique, au principe de la confiance, au principe de la non-rétroactivité et à l'autorité de la chose jugée de l'arrêt n° 48/2012 et en ce qu'il viole dès lors le droit de propriété, garanti par l'article 16 de la Constitution, combiné avec l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme.

B.6. La non-rétroactivité des lois est une garantie ayant pour but de prévenir l'insécurité juridique. Cette garantie exige que le contenu du droit soit prévisible et accessible, de sorte que le justiciable puisse prévoir, dans une mesure raisonnable, les conséquences d'un acte déterminé au moment où cet acte est accompli. La rétroactivité ne se justifie que si elle est indispensable à la réalisation d'un objectif d'intérêt général.

S'il s'avère en outre que la rétroactivité a pour but ou pour effet que l'issue de l'une ou l'autre procédure juridictionnelle soit influencée dans un sens déterminé ou que les juridictions soient empêchées de se prononcer sur une question de droit bien précise, la nature du principe en cause exige que des circonstances exceptionnelles ou des motifs impérieux d'intérêt général justifient l'intervention du législateur, laquelle porte atteinte, au préjudice d'une catégorie de citoyens, aux garanties juridictionnelles offertes à tous.

B.7. Au cours des travaux préparatoires, la rétroactivité a été justifiée comme suit : « A la lumière de l'arrêt de la Cour constitutionnelle n° 48/2012, les modifications entrent en vigueur le 1er janvier 2011. Il est ainsi donné suite à l'annulation (partielle), par la Cour constitutionnelle, du décret du 23 décembre 2010 ' portant modification du Code des droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe, afin d'éviter un prélèvement simultané de la TVA et des droits d'enregistrement sur le même terrain '. En effet, ce décret était entré en vigueur le 1er janvier 2011. Du fait que la Cour n'a pas annulé le décret en tant que tel, mais a plutôt jugé inconstitutionnelle la lacune dans le décret, il convient de donner effet au régime en cause à la même date que le décret attaqué » (Doc. parl., Parlement flamand, 2011-2012, n° 1636/1, p. 20). Selon le Gouvernement flamand, il aurait dès lors existé un vide législatif jusqu'à l'entrée en vigueur du décret du 13 juillet 2012 si le législateur décrétal n'avait pas donné effet rétroactif aux dispositions concernées de ce décret.

B.8. Comme il est dit en B.3, la Cour a, par son arrêt n° 48/2012 du 22 mars 2012, annulé le décret du 23 décembre 2010 en ce qu'il ne permettait pas la restitution des droits d'enregistrement lors de l'acquisition d'une nouvelle habitation avec le terrain y attenant sous le régime de la TVA. Contrairement à ce que soutient le Gouvernement flamand, il ressort de l'arrêt que cette annulation a eu des effets juridiques directs. En effet, la Cour a expressément jugé que l'administration devait restituer les droits d'enregistrement, même si la nouvelle habitation est acquise sous le régime de la TVA (B.15). Il s'agissait non pas d'une restitution de la TVA, mais d'une restitution de droits d'enregistrement acquittés par le passé.

Le vide juridique auquel se réfère le Gouvernement flamand n'existait dès lors pas. L'arrêt n'a pas maintenu la différence de traitement mais visait à rétablir effectivement l'égalité. Les effets juridiques de cet arrêt constituent un élément inhérent à l'ordre juridique.

B.9. Conformément au principe de la séparation des pouvoirs auquel renvoie le Gouvernement flamand dans son mémoire en réponse, il relève du pouvoir d'appréciation du législateur décrétal de décider quand un changement de politique s'impose. Il peut même estimer que ce changement de politique doit s'opérer avec effet immédiat et il n'est pas tenu en principe de prévoir un régime transitoire. Tel est a fortiori le cas en matière fiscale, où le législateur dispose d'une large marge d'appréciation. Ni cette large marge d'appréciation ni la séparation des pouvoirs n'autorisent toutefois le législateur décrétal à modifier rétroactivement l'ordre juridique sans qu'il soit démontré qu'il existe des circonstances exceptionnelles ou des motifs impérieux d'intérêt général. La cohésion du système fiscal et la cohérence de la législation, auxquelles le Gouvernement flamand se réfère, sont certes des objectifs qui peuvent amener le législateur décrétal à modifier le régime de la reportabilité, mais elles ne sont pas suffisantes pour justifier l'effet rétroactif de cette modification.

B.10. L'article 31 du décret du 13 juillet 2012 n'est pas compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec le principe de la sécurité juridique.

B.11. La première question préjudicielle appelle une réponse affirmative.

Quant à la seconde question préjudicielle B.12. Le juge a quo souhaite en second lieu savoir si les articles 27 à 29 du décret du 13 juillet 2012 violent le principe d'égalité, tel qu'il est garanti par les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, en ce qu'ils traitent différemment les acheteurs d'une habitation qui ont déjà payé des droits d'enregistrement par le passé « selon qu'ils effectuent l'achat suivant d'une nouvelle résidence principale dans le cadre du régime des droits d'enregistrement ou exclusivement dans le cadre du régime de la TVA, parce qu'ils peuvent, dans le premier cas, immédiatement porter en compte les droits d'enregistrement payés antérieurement et que, dans l'autre cas, ils ne peuvent le faire que lors d'un achat (hypothétique) dans le cadre du régime des droits d'enregistrement ».

B.13. Compte tenu de la réponse à la première question préjudicielle, la réponse à la seconde question préjudicielle n'est pas nécessaire pour trancher le litige soumis au juge a quo.

B.14. La seconde question préjudicielle n'appelle pas de réponse.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : - L'article 31 du décret flamand du 13 juillet 2012 contenant diverses mesures d'accompagnement du second ajustement du budget 2012 viole les articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec le principe de la sécurité juridique. - La seconde question préjudicielle n'appelle pas de réponse.

Ainsi rendu en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 24 mars 2016.

Le greffier, Le président, P.-Y. Dutilleux E. De Groot

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