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Arrêt
publié le 08 septembre 2016

Extrait de l'arrêt n° 80/2016 du 25 mai 2016 Numéro du rôle : 6260 En cause : la question préjudicielle relative aux articles 132bis et 136 du Code des impôts sur les revenus 1992, posée par le Tribunal de première instance de Liège, division La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et E. De Groot, et des juges J.-(...)

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Extrait de l'arrêt n° 80/2016 du 25 mai 2016 Numéro du rôle : 6260 En cause : la question préjudicielle relative aux articles 132bis et 136 du Code des impôts sur les revenus 1992, posée par le Tribunal de première instance de Liège, division Liège.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et E. De Groot, et des juges J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, P. Nihoul et R. Leysen, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président J. Spreutels, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par jugement du 3 septembre 2015 en cause de Dimitry Moedaert et Vinciane Schoonbroodt contre l'Etat belge, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 17 septembre 2015, le Tribunal de première instance de Liège, division Liège, a posé une question préjudicielle qui, par ordonnance de la Cour du 14 octobre 2015, a été reformulée comme suit : « Les articles 132bis et 136 du CIR 1992, interprétés comme considérant à charge les seuls enfants qui ont leur domicile fiscal chez l'un des parents du ménage dont ils font partie, violent-ils les articles 10, 11 et 172 de la Constitution en ce qu'ils traitent différemment, - d'une part, les parents d'un ménage comprenant des enfants nés de lits différents, dont certains sont en garde alternée ou égalitaire et sont domiciliés dans ce ménage et, - d'autre part, les parents d'un ménage comprenant des enfants nés de lits différents, dont certains sont en garde alternée ou égalitaire et ne sont pas domiciliés dans ce ménage, les premiers voyant la totalité des enfants faisant partie de leur ménage pris en compte pour le calcul de la quotité exemptée (la moitié de l'avantage fiscal correspondant aux enfants en garde égalitaire étant ensuite déduite du total), les seconds voyant uniquement les enfants domiciliés avec eux pris en compte pour le calcul de la quotité exemptée, à l'exclusion des autres enfants non communs, nés d'une autre union, (la moitié de l'avantage fiscal correspondant aux enfants en garde égalitaire étant ensuite ajoutée au total) ? ». (...) III. En droit (...) B.1.1. La question préjudicielle porte sur les articles 132bis et 136 du Code des impôts sur les revenus 1992 (ci-après : CIR 1992), qui disposent : «

Art. 132bis.Les suppléments visés à l'article 132, alinéa 1er, 1° à 6°, sont répartis entre les deux contribuables qui ne font pas partie du même ménage mais qui exercent conjointement l'autorité parentale sur un ou plusieurs enfants à charge qui donnent droit aux suppléments visés ci-avant et dont l'hébergement est réparti de manière égalitaire entre les deux contribuables : - soit sur la base d'une convention enregistrée ou homologuée par un juge dans laquelle il est mentionné explicitement que l'hébergement de ces enfants est réparti de manière égalitaire entre les deux contribuables et qu'ils sont disposés à répartir les suppléments à la quotité du revenu exemptée d'impôt pour ces enfants; - soit sur la base d'une décision judiciaire où il est explicitement mentionné que l'hébergement de ces enfants est réparti de manière égalitaire entre les deux contribuables.

Dans ce cas, les suppléments visés à l'article 132, alinéa 1er, 1° à 5°, auxquels ces enfants donnent droit, déterminés abstraction faite de l'existence d'autres enfants dans le ménage dont ils font partie, sont attribués pour moitié à chacun des contribuables.

Dans le cas visé à l'alinéa 1er, le supplément visé à l'article 132, alinéa 1er, 6°, est attribué pour moitié au contribuable qui ne déduit pas des dépenses engagées pour la garde d'enfants visée à l'article 104, 7°.

Une copie de la décision judiciaire ou de la convention visée à l'alinéa 1er, doit être tenue à la disposition de l'administration aussi longtemps qu'au moins un des enfants dont l'autorité parentale est exercée conjointement et dont l'hébergement est réparti de manière égalitaire, donne droit aux suppléments visés au présent article.

Le présent article n'est applicable que si, au plus tard au 1er janvier de l'exercice d'imposition, la convention visée à l'alinéa 1er est enregistrée ou homologuée ou la décision judiciaire visée à l'alinéa 1er est rendue.

Le présent article n'est pas applicable aux suppléments visés à l'alinéa 1er se rapportant à un enfant pour lequel des rentes alimentaires visées à l'article 104, 1°, sont déduites par un des contribuables susvisés ». «

Art. 136.Sont considérés comme étant à charge des contribuables, à condition qu'ils fassent partie de leur ménage au 1er janvier de l'exercice d'imposition et qu'ils n'aient pas bénéficié personnellement, pendant la période imposable, de ressources d'un montant net supérieur à 1 800 euros (montant de base) : 1° leurs enfants;2° leurs ascendants;3° leurs collatéraux jusqu'au deuxième degré inclusivement;4° les personnes qui ont assumé la charge exclusive ou principale du contribuable pendant l'enfance de celui-ci ». B.1.2. Tel qu'il était applicable à l'exercice d'imposition 2013, l'article 132 du CIR 1992 disposait : « Le montant exempté en vertu de l'article 131 est majoré des suppléments suivants pour personnes à charge : 1° pour un enfant : 1 440 EUR (montant de base 870 EUR);2° pour deux enfants : 3 720 EUR (montant de base 2 240 EUR);3° pour trois enfants : 8 330 EUR (montant de base 5 020 EUR);4° pour quatre enfants : 13 480 EUR (montant de base 8 120 EUR);5° pour plus de quatre enfants : 13 480 EUR (montant de base 8 120 EUR) majorés de 5 150 EUR (montant de base 3 100 EUR) par enfant au-delà du quatrième;6° un montant supplémentaire de 540 EUR (montant de base 325 EUR) pour chaque enfant n'ayant pas atteint l'âge de 3 ans au 1er janvier de l'exercice d'imposition, étant entendu que ce supplément ne peut s'ajouter à la réduction pour garde d'enfant visée à l'article 145/35;7° pour chaque personne à charge visée à l'article 136, 2° et 3°, et qui a atteint l'âge de 65 ans : 2 890 EUR (montant de base 1 740 EUR);8° pour chaque autre personne à charge : 1 440 EUR (montant de base 870 EUR). Pour l'application de l'alinéa 1er, les enfants et autres personnes à charge considérés comme handicapés sont comptés pour deux ».

B.2.1. La juridiction a quo invite la Cour à examiner la compatibilité des articles 132bis et 136 du CIR 1992 avec le principe d'égalité et de non-discrimination en ce qu'ils créent une différence de traitement, en ce qui concerne le calcul de l'impôt, entre le parent chez qui les enfants qui donnent droit à une augmentation de la quotité exemptée d'impôt sont domiciliés et l'autre parent, lorsque d'autres enfants que les enfants communs sont présents dans le ménage.

Ainsi que le fait remarquer le Conseil des ministres, la différence de traitement en cause repose non pas sur le critère du domicile des enfants de parents divorcés, mais bien sur celui de leur prise en charge d'un point de vue fiscal. La circonstance que les enfants ne sont pas toujours nécessairement à charge, au point de vue fiscal, du parent chez lequel ils sont domiciliés n'a toutefois pas d'incidence sur la question soumise à la Cour.

B.2.2. Lorsque l'article 132bis du CIR 1992 est applicable, l'augmentation de la quotité exemptée d'impôt pour enfants à charge est partagée entre les deux parents divorcés qui hébergent les enfants de manière égalitaire. Ainsi que l'indique la circulaire n° Ci.RH.331/598.621 du 26 avril 2010, ce supplément est réparti pour moitié entre les parents comme suit : la moitié de ce montant est attribuée au parent chez qui les enfants communs n'ont pas leur domicile fiscal et est déduite du montant total des suppléments auxquels le parent chez qui les enfants ont leur domicile fiscal a droit.

B.2.3. Les suppléments de quotité exemptée d'impôt établis par l'article 132 du CIR 1992 ne sont pas proportionnels au nombre d'enfants à charge, mais augmentent plus que proportionnellement avec le nombre d'enfants à charge au sein du ménage. Toutefois, le montant qui est partagé entre les deux parents est celui qui correspond à la quotité exemptée pour le nombre d'enfants communs des parents divorcés, sans avoir égard au fait que les nouveaux ménages de chacun de ces parents comprennent, le cas échéant, d'autres enfants.

B.2.4. Les enfants hébergés alternativement par leurs deux parents divorcés ne sont à charge, d'un point de vue fiscal, que d'un de leurs parents. Si le ménage du parent duquel ils sont à charge comprend d'autres enfants, tous les enfants de ce ménage sont comptabilisés pour déterminer le montant de supplément de quotité exemptée auquel ce parent a droit. En revanche, les enfants hébergés égalitairement par leurs deux parents ne pouvant être à charge, d'un point de vue fiscal, de l'autre parent également, ils ne peuvent être comptabilisés avec les éventuels autres enfants de ce second ménage pour déterminer le montant de supplément de quotité exemptée auquel ce parent a droit.

B.2.5. La manière de prendre en considération les enfants en hébergement alterné chez leurs deux parents divorcés aboutit ainsi à une différence dans le calcul du montant de la quotité exemptée d'impôt auquel chacun de ces parents a droit. Lorsqu'il n'y a pas d'autres enfants dans le ménage recomposé, cette différence n'a pas de conséquence sur le calcul de l'impôt. En revanche, lorsqu'un ou plusieurs autres enfants sont présents dans le ménage recomposé, la différence en cause a une incidence sur le calcul de l'impôt. Cette différence repose sur le critère de la prise en charge, au point de vue fiscal, des enfants communs de parents qui ne forment pas un ménage commun.

B.3.1. L'article 132bis du CIR 1992 a été introduit dans ce Code par l'article 4 de la loi du 4 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/05/1999 pub. 04/06/1999 numac 1999003329 source ministere des finances Loi portant des dispositions fiscales et autres fermer portant des dispositions fiscales et autres. Dans cette rédaction d'origine, l'article 132bis, alinéa 2, du CIR 1992 disposait : « En ce cas, les suppléments auxquels lesdits enfants communs donnent droit, déterminés abstraction faite de l'existence éventuelle d'autres enfants dans le ménage dont ils font partie, sont attribués pour moitié à celui des père et mère chez lequel les enfants communs n'ont pas leur domicile fiscal, et le total des suppléments auxquels a droit l'autre parent est diminué d'un même montant ».

B.3.2. L'exposé des motifs relatif à cette disposition indique : « Conformément à l'article 374 du Code civil, lorsque les parents ne vivent pas ensemble, ils continuent à exercer conjointement l'autorité parentale, sauf décision contraire du juge.

Dans ces circonstances et lorsque les parents ont la garde conjointe de leurs enfants, il n'est que juste que les suppléments de quotité de revenu exemptée d'impôt auxquels ces enfants donnent droit soient répartis entre les deux parents » (Doc. parl., Chambre, 1998-1999, n° 2073/1, pp. 1-2).

B.3.3. La loi du 27 décembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 27/12/2006 pub. 28/12/2006 numac 2006021363 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi portant des dispositions diverses (1) type loi prom. 27/12/2006 pub. 28/12/2006 numac 2006021365 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi portant des dispositions diverses (1) fermer portant des dispositions diverses (I) a remplacé l'article 132bis du CIR 1992 par la disposition citée en B.1.1 en vue d'en adapter la rédaction à certaines évolutions du droit civil, de simplifier les formalités à remplir par les contribuables et de permettre également la répartition du supplément complémentaire pour les enfants à charge n'ayant pas atteint l'âge de trois ans prévu par l'article 132, alinéa 1er, 6°, du CIR 1992 (Doc. parl., Chambre, 2006-2007, DOC 51-2760/001, pp. 167-169).

B.4. En principe, chaque enfant n'est à charge, fiscalement, que d'un seul de ses parents. Ainsi, dans toutes les hypothèses dans lesquelles l'article 132bis du CIR 1992 n'est pas applicable, le bénéfice de l'avantage fiscal n'est imputé que sur les revenus d'un des deux parents (articles 134, § 4, et 140 du CIR 1992). La répartition de l'avantage fiscal pour enfants à charge entre les parents divorcés qui assument chacun, à parts égales, l'hébergement des enfants, prévue par l'article 132bis du CIR 1992, constitue donc une exception au principe qui veut que cet avantage ne soit accordé qu'à un seul des parents.

B.5.1. Lorsqu'il a prévu, en 1999, pour des raisons d'équité, de permettre la répartition de l'avantage fiscal lié à la présence d'enfants communs entre les parents divorcés qui assument égalitairement l'hébergement de leurs enfants, le législateur n'a pas entendu déroger au principe précité. Il a dès lors aménagé, ainsi qu'il est indiqué en B.3.2, la situation fiscale de ces parents de façon à ce que chaque enfant soit comptabilisé comme étant à charge dans un des deux ménages et que la moitié de l'avantage fiscal correspondant à cet enfant soit, d'un côté, retirée de l'ensemble de la quotité exemptée dans le ménage le prenant à charge et, de l'autre côté, ajoutée à la quotité exemptée dans le ménage ne le prenant pas à charge.

B.5.2. Rien n'indique que le législateur ait entendu modifier ces principes lors du remplacement de l'article 132bis par la loi du 27 décembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 27/12/2006 pub. 28/12/2006 numac 2006021363 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi portant des dispositions diverses (1) type loi prom. 27/12/2006 pub. 28/12/2006 numac 2006021365 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi portant des dispositions diverses (1) fermer précitée.

B.6.1. Dès lors que le choix de principe posé par le législateur est de n'accorder le bénéfice de l'avantage en cause qu'à un seul contribuable et que l'aménagement de la situation fiscale des parents divorcés constitue une exception à ce choix, la solution retenue pour la répartition de l'avantage fiscal lorsque l'article 132bis du CIR 1992 est applicable n'est pas dénuée de justification raisonnable.

B.6.2. La différence de traitement qui découle de cette solution lorsque d'autres enfants que les enfants communs sont présents dans l'un ou dans les deux nouveaux ménages, en ce qui concerne la prise en considération des enfants communs hébergés à mi-temps pour la détermination du montant global de la quotité exemptée d'impôt, est la conséquence logique de l'application du principe suivant lequel les enfants ne peuvent pas être fiscalement à charge de deux contribuables simultanément.

B.7. La question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : Les articles 132bis et 136 du Code des impôts sur les revenus 1992, interprétés comme considérant à charge les seuls enfants qui ont leur domicile fiscal chez l'un des parents du ménage dont ils font partie, ne violent pas les articles 10, 11 et 172 de la Constitution.

Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 25 mai 2016.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, J. Spreutels

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