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Arrêt
publié le 08 septembre 2016

Extrait de l'arrêt n° 102/2016 du 30 juin 2016 Numéro du rôle : 6218 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 235bis, § 6, du Code d'instruction criminelle, posée par la Cour de cassation. La Cour constitutionnelle,

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 102/2016 du 30 juin 2016 Numéro du rôle : 6218 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 235bis, § 6, du Code d'instruction criminelle, posée par la Cour de cassation.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents E. De Groot et J. Spreutels, et des juges L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, F. Daoût, T. Giet et R. Leysen, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président E. De Groot, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par arrêt du 12 mai 2015 en cause de S. V.D. et E.P. contre A.L., G.G. et D.V., dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 5 juin 2015, la Cour de cassation a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 235bis, § 6, du Code d'instruction criminelle viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec le droit à un procès équitable consacré par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec le principe général relatif aux droits de la défense, en ce que cet article 235bis, § 6, du Code d'instruction criminelle prévoit, depuis sa modification par la loi du 14 décembre 2012Documents pertinents retrouvés type loi prom. 14/12/2012 pub. 22/04/2013 numac 2013009030 source service public federal justice Loi améliorant l'approche des abus sexuels et des faits de pédophilie dans une relation d'autorité fermer, que la chambre des mises en accusation statue - dans le respect des droits des autres parties - dans quelle mesure les pièces annulées déposées au greffe peuvent encore être consultées lors de la procédure pénale et utilisées par une partie, et ce dès lors que : - une distinction non raisonnablement justifiée semble ainsi être établie entre les parties qui étaient déjà présentes devant la juridiction d'instruction au moment où celle-ci a procédé à la purge des nullités et a également déterminé, dans ce cadre, dans quelle mesure les pièces annulées peuvent encore être consultées lors de la procédure pénale et utilisées par une partie, et les parties qui ne sont impliquées dans l'affaire pénale pendante qu'ultérieurement; - une distinction non raisonnablement justifiée semble ainsi établie entre les parties qui sont présentes dans une procédure pénale dans le cadre de laquelle la juridiction d'instruction a procédé à la purge des nullités et a également déterminé, dans ce cadre, dans quelle mesure les pièces annulées peuvent encore être consultées lors de la procédure pénale et utilisées par une partie, et les parties qui sont présentes dans la procédure pénale dans le cadre de laquelle une telle purge n'a pas eu lieu; - la possibilité d'exclure entièrement des éléments de preuve, donc également pour le prévenu comme élément de preuve à décharge, semble aussi, de manière générale, contraire tant au droit à un procès équitable, inscrit à l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, qu'au droit de défense ? ». (...) III. En droit (...) B.1.1. La Cour est interrogée au sujet de l'article 235bis, § 6, du Code d'instruction criminelle, tel qu'il a été modifié par la loi du 14 décembre 2012Documents pertinents retrouvés type loi prom. 14/12/2012 pub. 22/04/2013 numac 2013009030 source service public federal justice Loi améliorant l'approche des abus sexuels et des faits de pédophilie dans une relation d'autorité fermer améliorant l'approche des abus sexuels et des faits de pédophilie dans une relation d'autorité.

B.1.2. Au moment de la décision de renvoi, l'article 235bis du Code d'instruction criminelle disposait : « § 1er. Lors du règlement de la procédure, la chambre des mises en accusation contrôle, sur la réquisition du ministère public ou à la requête d'une des parties, la régularité de la procédure qui lui est soumise. Elle peut même le faire d'office. § 2. La chambre des mises en accusation agit de même, dans les autres cas de saisine. § 3. Lorsque la chambre des mises en accusation contrôle d'office la régularité de la procédure et qu'il peut exister une cause de nullité, d'irrecevabilité ou d'extinction de l'action publique, elle ordonne la réouverture des débats. § 4. La chambre des mises en accusation entend, en audience publique si elle en décide ainsi à la demande de l'une des parties, le procureur général, la partie civile et l'inculpé en leurs observations et ce, que le contrôle du règlement de la procédure ait lieu sur la réquisition du ministère public ou à la requête d'une des parties. § 5. Les irrégularités, omissions ou causes de nullités visées à l'article 131, § 1er, ou relatives à l'ordonnance de renvoi, et qui ont été examinées devant la chambre des mises en accusation ne peuvent plus l'être devant le juge du fond, sans préjudice des moyens touchant à l'appréciation de la preuve. Il en va de même pour les causes d'irrecevabilité ou d'extinction de l'action publique, sauf lorsqu'elles ne sont acquises que postérieurement aux débats devant la chambre des mises en accusation. Les dispositions du présent paragraphe ne sont pas applicables à l'égard des parties qui ne sont appelées dans l'instance qu'après le renvoi à la juridiction de jugement, sauf si les pièces sont retirées du dossier conformément à l'article 131, § 2, ou au § 6 du présent article. § 6. Lorsque la chambre des mises en accusation constate une irrégularité, omission ou cause de nullité visée à l'article 131, § 1er, ou une cause d'irrecevabilité ou d'extinction de l'action publique, elle prononce, le cas échéant, la nullité de l'acte qui en est entaché et de tout ou partie de la procédure ultérieure. Les pièces annulées sont retirées du dossier et déposées au greffe du tribunal de première instance après l'expiration du délai de cassation. La chambre des mises en accusation statue, dans le respect des droits des autres parties, dans quelle mesure les pièces déposées au greffe peuvent encore être consultées lors de la procédure pénale et utilisées par une partie. La chambre des mises en accusation indique dans sa décision à qui il faut rendre les pièces ou ce qu'il advient des pièces annulées ».

B.1.3. Il ressort du libellé de la question préjudicielle que la Cour est interrogée sur l'avant-dernière phrase de l'article 235bis, § 6, du Code d'instruction criminelle.

La Cour limite son examen à cette disposition.

B.2. La juridiction a quo demande si la disposition en cause est compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec le droit à un procès équitable, garanti par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, et avec le principe général des droits de la défense, en ce que la chambre des mises en accusation est compétente pour exclure entièrement des pièces annulées, aussi pour le prévenu, comme élément de preuve à l'appui de sa défense. La juridiction a quo souhaite ensuite savoir si la disposition en cause aboutit à deux autres différences de traitement injustifiées, d'une part, entre les parties qui sont déjà impliquées dans la procédure pénale au moment où la chambre des mises en accusation prononce la nullité des actes irréguliers et les parties qui ne sont impliquées dans la procédure pénale qu'ultérieurement et, d'autre part, entre les parties qui sont impliquées dans une procédure pénale dans laquelle la chambre des mises en accusation prononce la nullité des actes irréguliers et les parties dans une procédure pénale dans laquelle aucune nullité n'a été prononcée.

B.3. Le litige pendant devant la juridiction a quo porte sur une décision de la chambre des mises en accusation selon laquelle certaines pièces du dossier sont annulées et selon laquelle ces pièces ne peuvent plus être utilisées par les parties durant la suite de la procédure, alors que les inculpés souhaitent utiliser ces pièces pour leur défense.

La Cour limite son examen à cette hypothèse.

B.4.1. Selon le Conseil des ministres, les deux premières parties de la question préjudicielle n'appellent pas de réponse. Ni la formulation de la question ni la motivation de la décision de renvoi ne permettraient de déduire en quoi le traitement inégal des catégories de personnes citées violerait le principe d'égalité et de non-discrimination, combiné avec le droit à un procès équitable et avec les droits de la défense.

B.4.2. Il apparaît de la formulation de la question préjudicielle et de la procédure antérieure que la question préjudicielle peut être interprétée en ce sens qu'elle porte, d'une part, sur la différence de traitement entre les parties qui sont déjà impliquées dans la procédure pénale au moment où la chambre des mises en accusation prononce la nullité d'actes irréguliers et les parties qui ne sont impliquées dans la procédure pénale qu'ultérieurement, en ce que seules les parties citées en premier lieu ont pu se défendre en ce qui concerne la possibilité de consulter et d'utiliser les pièces annulées durant la suite de la procédure (première partie) et, d'autre part, sur la différence de traitement entre les parties qui sont impliquées dans une procédure pénale dans laquelle la chambre des mises en accusation prononce la nullité d'actes irréguliers et les parties dans une procédure pénale dans laquelle aucune nullité n'a été prononcée, en ce que seules les parties citées en premier lieu risquent de ne pas pouvoir consulter et utiliser certaines pièces du dossier dans la procédure pénale (deuxième partie).

B.4.3. Selon le Conseil des ministres, la question préjudicielle n'appelle pas davantage de réponse en ce qu'est invoquée la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, étant donné que la Cour ne pourrait constater une violation de cette disposition conventionnelle que si la disposition en cause limite a priori le droit à un procès équitable et les droits de la défense au point qu'elle ne saurait être compatible avec cette disposition conventionnelle.

L'examen de cette exception coïncide avec celui du fond de l'affaire.

B.5. Il ressort de la décision de renvoi que, dans le litige soumis à la juridiction a quo, aucune partie n'a été impliquée dans la procédure pénale après la décision de la chambre des mises en accusation par laquelle des actes irréguliers ont été annulés et par laquelle il a été dit dans quelle mesure les pièces annulées pouvaient encore être utilisées par les parties durant la suite de la procédure.

En ce que la première partie de la question préjudicielle invoque une discrimination de cette catégorie de personnes, en tant qu'elles n'auraient pas pu se défendre quant à la possibilité de consulter et d'utiliser dans la procédure pénale les pièces qui ont été annulées, la réponse à la question préjudicielle n'est manifestement pas utile à la solution du litige soumis à la juridiction a quo.

La première partie de la question préjudicielle n'appelle donc pas de réponse.

B.6.1. L'article 235bis du Code d'instruction criminelle a été inséré par la loi du 12 mars 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 12/03/1998 pub. 02/04/1998 numac 1998009267 source ministere de la justice Loi relative à l'amélioration de la procédure pénale au stade de l'information et de l'instruction fermer relative à l'amélioration de la procédure pénale au stade de l'information et de l'instruction.

Avant l'adoption de cette loi, le Code d'instruction criminelle ne précisait pas les pouvoirs des juridictions d'instruction à l'égard des actes entachés d'irrégularité et aucun texte ne permettait d'écarter du dossier les pièces dont l'irrégularité aurait été constatée.

B.6.2. La loi du 12 mars 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 12/03/1998 pub. 02/04/1998 numac 1998009267 source ministere de la justice Loi relative à l'amélioration de la procédure pénale au stade de l'information et de l'instruction fermer a renforcé le contrôle sur l'information et l'instruction judiciaires.

Ainsi, depuis sa modification par la loi précitée, l'article 131, § 1er, du Code d'instruction criminelle permet à la chambre du conseil de « purger » le dossier des irrégularités éventuelles de l'instruction en prononçant la nullité d'un acte lorsqu'elle constate une irrégularité, une omission ou une cause de nullité affectant un acte d'instruction ou l'obtention de la preuve. L'article 131, § 2, précise que les pièces déclarées nulles sont retirées du dossier et déposées au greffe du tribunal de première instance, s'il n'y a pas eu d'appel dans le délai prévu par l'article 135.

L'article 235bis du Code d'instruction criminelle confère à la chambre des mises en accusation le même pouvoir de déclarer nuls les actes irréguliers visés à l'article 131 précité, soit sur la réquisition du ministère public, soit à la requête d'une des parties, soit d'office.

L'article 235bis, § 6, précise que les pièces annulées sont retirées du dossier et déposées au greffe du tribunal de première instance.

B.6.3. La « purge » des nullités par les juridictions d'instruction conformément aux dispositions précitées vise un double objectif : d'une part, éviter que la juridiction de jugement, lorsqu'elle forme sa conviction, ne soit involontairement influencée par la connaissance de fait du contenu des pièces déclarées nulles et, d'autre part, permettre à la juridiction d'instruction de recommencer ou de rectifier en temps utile et de manière régulière des actes d'instruction déclarés nuls (Cass., 28 mars 2000, Pas., I, 2000, n° 208, et Cass., 11 décembre 2001, Pas., 2001, n° 694).

B.6.4. Par la loi du 4 juillet 2001Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/07/2001 pub. 24/07/2001 numac 2001009622 source ministere de la justice Loi modifiant certaines dispositions du Code d'instruction criminelle et modifiant la loi du 19 février 2001 relative à la médiation en matière familiale dans le cadre d'une procédure judiciaire fermer modifiant certaines dispositions du Code d'instruction criminelle et modifiant la loi du 19 février 2001 relative à la médiation en matière familiale dans le cadre d'une procédure judiciaire, les articles 131, § 2, et 235bis, § 6, du Code d'instruction criminelle ont été complétés comme suit : « Les pièces déposées au greffe ne peuvent pas être consultées, et ne peuvent pas être utilisées dans la procédure pénale ».

Cette phrase a été insérée afin de réagir à la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass. 3 novembre 1999, Pas., 1999, n° 583), qui avait jugé que le prévenu ou l'accusé a le droit d'invoquer des pièces déclarées nulles à l'appui de sa défense.

Le législateur souhaitait mettre fin à l'insécurité juridique qui avait résulté de cette jurisprudence concernant la portée des effets de la déclaration de nullité d'éléments de preuve, plus particulièrement en prévoyant une solution univoque traitant de manière identique toutes les personnes concernées sous l'angle du droit de la preuve (Doc. parl., Chambre, 2000-2001, DOC 50-0912/005, pp. 1-2).

B.6.5. Par son arrêt n° 86/2002 du 8 mai 2002, la Cour a annulé la phrase précitée, ainsi insérée par la loi du 4 juillet 2001Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/07/2001 pub. 24/07/2001 numac 2001009622 source ministere de la justice Loi modifiant certaines dispositions du Code d'instruction criminelle et modifiant la loi du 19 février 2001 relative à la médiation en matière familiale dans le cadre d'une procédure judiciaire fermer dans les articles 131, § 2, et 235bis, § 6, du Code d'instruction criminelle.

La Cour a jugé : « B.6.2. L'impossibilité absolue d'utiliser devant le juge du fond des actes dont la nullité a été prononcée n'est pas proportionnée à l'objectif consistant à prévenir toute insécurité juridique.

L'objectif que poursuivent les règles du Code d'instruction criminelle, à savoir la recherche de la vérité en vue de la répression des infractions, ne s'impose pas moins lorsqu'un dossier a été purgé de ses irrégularités. En décidant de manière absolue et générale que les pièces annulées par une juridiction d'instruction ne peuvent pas être consultées et ne peuvent pas être utilisées dans la procédure pénale, même lorsqu'elles contiennent des éléments qui peuvent être indispensables à la défense d'une partie, les dispositions attaquées portent une atteinte disproportionnée aux droits de la défense.

Il eût en effet été possible de concilier les objectifs décrits en B.4 avec les exigences du procès équitable en prévoyant qu'un juge apprécie dans quelle mesure le respect des droits de la défense exige qu'une partie puisse utiliser des pièces déclarées nulles, tout en veillant à ne pas léser les droits des autres parties.

B.6.3. Les dispositions entreprises ne sont pas compatibles avec les articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec le principe des droits de la défense ».

B.6.6. Compte tenu de l'arrêt n° 86/2002, le législateur a complété comme suit, par la loi du 14 décembre 2012Documents pertinents retrouvés type loi prom. 14/12/2012 pub. 22/04/2013 numac 2013009030 source service public federal justice Loi améliorant l'approche des abus sexuels et des faits de pédophilie dans une relation d'autorité fermer améliorant l'approche des abus sexuels et des faits de pédophilie dans une relation d'autorité, l'article 235bis, § 6, du Code d'instruction criminelle : « La chambre des mises en accusation statue, dans le respect des droits des autres parties, dans quelle mesure les pièces déposées au greffe peuvent encore être consultées lors de la procédure pénale et utilisées par une partie. La chambre des mises en accusation indique dans sa décision à qui il faut rendre les pièces ou ce qu'il advient des pièces annulées ».

Les avant-dernière et dernière phrases de l'article 131, § 2, qui ont été insérées par la même loi du 14 décembre 2012Documents pertinents retrouvés type loi prom. 14/12/2012 pub. 22/04/2013 numac 2013009030 source service public federal justice Loi améliorant l'approche des abus sexuels et des faits de pédophilie dans une relation d'autorité fermer dans le Code d'instruction criminelle, donnent à la chambre du conseil la même compétence pour décider dans quelle mesure les pièces annulées peuvent encore être consultées et utilisées et ce qu'il doit advenir des pièces annulées.

B.7. La Cour doit examiner si l'article 235bis, § 6, avant-dernière phrase, du Code d'instruction criminelle porte une atteinte discriminatoire au droit à un procès équitable, tel qu'il est garanti par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, et au principe général des droits de la défense, en ce qu'il habilite la chambre des mises en accusation à examiner, dans le respect des droits des autres parties, dans quelle mesure les pièces déposées au greffe peuvent encore être consultées et utilisées par une partie au cours de la procédure pénale, la chambre des mises en accusation pouvant décider qu'aucune partie ne peut encore consulter et utiliser les pièces annulées, même comme preuve à décharge.

B.8.1. Le Conseil des ministres soutient que l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme n'est pas applicable en l'espèce.

B.8.2. Même si l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme n'est en principe pas applicable au cours de la phase préalable à la procédure pénale devant les juridictions qui statuent sur le bien-fondé de l'action publique, il convient d'avoir égard au fait que les exigences de l'article 6 peuvent jouer un rôle avant la saisine du juge du fond si et dans la mesure où leur inobservation initiale risque de compromettre gravement le caractère équitable du procès (CEDH, 24 novembre 1993, Imbrioscia c. Suisse).

B.9. Tenant compte de l'arrêt n° 86/2002 de la Cour, le législateur a habilité les juridictions d'instruction à juger, dans le cadre de la décision relative à l'annulation de pièces du dossier répressif, dans quelle mesure ces pièces annulées peuvent encore être consultées et utilisées par les parties au cours de la procédure pénale. Elles peuvent, ce faisant, exclure le cas échéant la consultation et l'utilisation de ces pièces.

Conformément à l'article 235bis, §§ 3 et 4, du Code d'instruction criminelle, la procédure de la purge des nullités dans le dossier devant la chambre des mises en accusation est contradictoire. Toutes les parties qui sont à ce moment-là impliquées dans la procédure pénale doivent être convoquées et entendues concernant l'éventuelle annulation de pièces et, le cas échéant, concernant la possibilité de consulter et d'utiliser ces pièces annulées durant la suite de la procédure pénale.

Le législateur a expressément enjoint à la chambre des mises en accusation de respecter les droits de toutes les parties dans le cadre de cette décision. Au cours des travaux préparatoires relatifs à la disposition en cause, il a été aussi précisé que la chambre des mises en accusation appréciera « dans quelle mesure le respect des droits des parties exige qu'une partie puisse utiliser des pièces annulées, tout en veillant à ne pas porter préjudice aux droits des autres parties » (Doc. parl., Chambre, 2011-2012, DOC 53-2275/001, p. 11).

Par conséquent, la chambre des mises en accusation peut exclure la consultation et l'utilisation de pièces annulées, même lorsque celles-ci contiennent des éléments de preuve à décharge pour l'inculpé, mais uniquement si cette exclusion est compatible avec le droit à un procès équitable et avec les droits de la défense.

La décision de la chambre des mises en accusation fondée sur l'article 235bis, § 6, du Code d'instruction criminelle peut faire l'objet d'un pourvoi en cassation. La Cour de cassation pourra veiller à ce que la chambre des mises en accusation, en décidant dans quelle mesure les pièces annulées peuvent encore être consultées et utilisées dans la procédure pénale, ne porte pas atteinte au droit à un procès équitable et aux droits de la défense.

B.10. La disposition en cause ne porte dès lors pas d'atteinte discriminatoire au droit à un procès équitable et aux droits de la défense.

B.11. Les deuxième et troisième parties de la question préjudicielle appellent une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : - La première partie de la question préjudicielle n'appelle pas de réponse. - L'article 235bis, § 6, avant-dernière phrase, du Code d'instruction criminelle ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec le principe général des droits de la défense.

Ainsi rendu en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 30 juin 2016.

Le greffier, F. Meersschaut Le président, E. De Groot

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