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Arrêt
publié le 30 mai 2018

Extrait de l'arrêt n° 32/2018 du 15 mars 2018 Numéro du rôle : 6500 En cause : le recours en annulation du décret de la Région wallonne du 3 mars 2016 visant à réaliser un saut d'index des loyers, introduit par l'ASBL « Syndicat National des La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et A. Alen, des juges L. Lavryse(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 32/2018 du 15 mars 2018 Numéro du rôle : 6500 En cause : le recours en annulation du décret de la Région wallonne du 3 mars 2016 visant à réaliser un saut d'index des loyers, introduit par l'ASBL « Syndicat National des Propriétaires et Copropriétaires » et autres.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et A. Alen, des juges L. Lavrysen, J.-P. Snappe, E. Derycke, P. Nihoul, F. Daoût, T. Giet et R. Leysen, et, conformément à l'article 60bis de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, du président émérite E. De Groot, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président J. Spreutels, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 24 août 2016 et parvenue au greffe le 25 août 2016, un recours en annulation du décret de la Région wallonne du 3 mars 2016 visant à réaliser un saut d'index des loyers (publié au Moniteur belge du 11 mars 2016) a été introduit par l'ASBL « Syndicat National des Propriétaires et Copropriétaires », Vincent Mathieu, la SPRL « J.M. Bergmans », Patrick Genin et Anne Crepin, assistés et représentés par Me E. Plasschaert et Me E. Montens, avocats au barreau de Bruxelles. (...) II. En droit (...) B.1.1. Le recours en annulation est dirigé contre le décret de la Région wallonne du 3 mars 2016 « visant à réaliser un saut d'index des loyers » (ci-après : le décret attaqué).

L'article unique du décret attaqué complète l'article 6 du livre III, titre VIII, chapitre II, section 2 (« Des règles particulières aux baux relatifs à la résidence principale du preneur »), du Code civil, inséré par la loi du 20 février 1991 « modifiant et complétant les dispositions du Code civil relatives aux baux à loyer » (ci-après : la loi relative aux baux à loyer), par un alinéa rédigé comme suit : « Pour les baux en cours au 1er avril 2016, la formule d'indexation des loyers est, jusqu'à l'échéance du contrat, la suivante : loyer de base multiplié par l'indice à la date anniversaire précédent et divisé par l'indice de départ ».

Cette disposition est entrée en vigueur le 21 mars 2016.

B.1.2. Tel qu'il s'applique en Région wallonne après sa modification par le décret attaqué, l'article 6 du livre III, titre VIII, chapitre II, section 2 (« Des règles particulières aux baux relatifs à la résidence principale du preneur »), du Code civil, dispose : « Indexation Si elle n'a pas été exclue expressément et à condition que le bail ait été conclu par écrit, l'adaptation du loyer au coût de la vie est due, une fois par année de location, à la date anniversaire de l'entrée en vigueur du bail, dans les conditions prévues à l'article 1728bis du Code civil.

Cette adaptation ne s'opère qu'après que la partie intéressée en a fait la demande écrite, et n'a d'effet pour le passé que pour les trois mois précédant celui de la demande.

Pour les baux en cours au 1er avril 2016, la formule d'indexation des loyers est, jusqu'à l'échéance du contrat, la suivante : loyer de base multiplié par l'indice à la date anniversaire précédent et divisé par l'indice de départ ».

Quant à la recevabilité du recours B.2. Le recours en annulation est introduit par l'ASBL « Syndicat National des Propriétaires et Copropriétaires » (SNPC) et par quatre propriétaires qui donnent un bien immobilier en location à titre de résidence principale et dont le contrat de bail contient une clause d'indexation des loyers.

B.3.1. Le Gouvernement wallon soulève l'irrecevabilité du recours pour défaut d'intérêt à agir des parties requérantes, en ce qu'elles sollicitent l'annulation du décret attaqué au motif qu'il léserait les locataires, alors que ces griefs n'ont aucun lien avec leur situation de propriétaires et bailleurs.

B.3.2. Les parties requérantes, en leurs qualités respectives de propriétaires et bailleurs et d'ASBL dont l'objet social consiste, notamment, à défendre le droit de propriété et les intérêts des propriétaires, sont susceptibles d'être affectées directement et défavorablement par le décret attaqué dont l'article unique modifie la formule d'indexation des loyers, pour les baux de résidence principale en cours au 1er avril 2016.

B.3.3. Puisque les parties requérantes ont un intérêt à introduire le recours en annulation, elles ne doivent pas, en outre, justifier d'un intérêt à chacun des moyens ou à chacune des branches des moyens qu'elles formulent.

B.4.1. Le Gouvernement wallon conteste également l'intérêt à agir des deuxième et troisième parties requérantes, en ce que la clause d'indexation des loyers contenue dans leur contrat de bail serait illégale.

B.4.2. Sans qu'il soit besoin d'examiner la légalité de la clause invoquée, il suffit de constater qu'une partie requérante au moins justifiant d'un intérêt suffisant au recours, il n'est pas nécessaire d'examiner si les autres parties requérantes justifient également d'un intérêt à poursuivre l'annulation de la disposition attaquée.

B.5. Les exceptions sont rejetées.

Quant au fond B.6. Le premier moyen, dirigé contre l'article unique du décret attaqué, est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution.

Dans la première branche du moyen, les parties requérantes estiment qu'en s'appliquant de manière générale à tous les contrats de bail de résidence principale en cours au 1er avril 2016, la disposition attaquée traite de manière identique, sans justification et de manière disproportionnée, des catégories de personnes se trouvant dans des situations essentiellement différentes, à savoir les locataires et les bailleurs soumis au saut d'index des salaires et ceux qui ne le sont pas.

Dans la seconde branche du moyen, les parties requérantes critiquent le fait que, alors qu'elle se présente comme une aide aux ménages qui louent un bien immobilier pour leur habitation, la mesure attaquée ne s'applique pas aux biens donnés en location par des pouvoirs publics, créant ainsi une différence de traitement, injustifiée et disproportionnée, entre les locataires et bailleurs de biens privés et les locataires et bailleurs de biens publics, qui se trouvent pourtant dans des situations essentiellement identiques.

B.7.1. La disposition attaquée trouve son origine dans un avant-projet de décret « visant à réaliser un saut d'index des loyers concomitant au saut d'index des salaires résultant de la loi du 23 avril 2015Documents pertinents retrouvés type loi prom. 23/04/2015 pub. 27/04/2015 numac 2015014139 source service public federal emploi, travail et concertation sociale service public federal securite sociale Loi concernant la promotion de l'emploi fermer concernant la promotion de l'emploi », dont l'exposé des motifs indiquait : « Par décision du 27 février 2015, le Gouvernement fédéral a adopté une mesure visant à réaliser un saut d'index des salaires. Cette mesure est réalisée par un blocage temporaire de l'indice santé lissé jusqu'à ce que le saut d'index ait progressivement atteint le taux de 2 % .

Cette décision, qui fait l'objet d'un projet de loi du 13 mars 2015 actuellement discuté au Parlement fédéral, s'inscrit dans une politique du Gouvernement fédéral qui affirme vouloir promouvoir l'emploi par une diminution des coûts salariaux pour les employeurs.

Le Gouvernement fédéral affirme ainsi contribuer à la création d'emplois et augmenter la compétitivité de nos entreprises.

Le Gouvernement wallon est toutefois d'avis que le saut d'index sur les salaires conduit à une injustice sociale qu'il veut corriger dans les limites des compétences régionales. Cette mesure a pour effet de bloquer le montant des revenus alors que le coût de la vie continuera quant à lui à augmenter avec pour conséquence, une baisse du pouvoir d'achat pour les personnes concernées par la mesure fédérale.

Ainsi, en l'absence d'un correctif adapté, le montant des loyers d'habitation continuerait à être indexé sur base de l'indice santé alors que les revenus des salariés, fonctionnaires et allocataires sociaux resteraient quant à eux figés. Ceci impliquerait de facto une charge supplémentaire pour les familles sur la dépense pourtant inévitable et essentielle que constitue le fait de se loger.

La protection du logement, qui est un droit fondamental garanti par l'article 23 de la Constitution et par l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, constitue une priorité pour le Gouvernement wallon.

Le logement constitue, en effet, un besoin élémentaire pour les individus. Il est le cadre qui permet le développement de la personnalité, de la famille et de la vie sociale.

La reconnaissance d'un droit au logement doit s'accompagner de la garantie d'une stabilité dans la jouissance de ce droit.

Le saut d'index des salaires est de nature à mettre en difficulté de nombreuses familles qui ont négocié leur contrat de bail à une époque où l'indexation des loyers était compensée par l'indexation concomitante de leurs revenus.

Afin de corriger l'impact négatif de cette décision fédérale, le Gouvernement wallon a décidé d'adopter une mesure visant à réaliser un saut d'index des loyers d'habitation concomitant au saut d'index des salaires.

Le Gouvernement wallon estime, en effet, que la modération des salaires doit trouver sa contrepartie dans la modération des loyers afin de rétablir l'équilibre indispensable existant entre ces deux éléments. [...] Le Gouvernement a ainsi fait le choix de limiter la mesure aux baux de résidence principale.

L'objectif du présent décret s'inscrivant dans la protection du droit au logement décent, il est justifié qu'il n'étende pas son champ d'application aux baux de résidence secondaire.

En outre, l'objectif de correctif social que remplit cette mesure est atteint en limitant ses effets aux baux en cours. Ce projet de décret n'entend pas supprimer le principe de l'indexation des loyers à la date anniversaire du bail mais en limiter les effets sur les personnes concernées par le saut d'index des salaires.

En effet, les personnes préjudiciées par la mesure fédérale sont celles qui, étant actuellement liées par un contrat de bail n'ont pu en anticiper les effets au moment de négocier les termes du contrat de location.

Il en va différemment des personnes également concernées par la mesure fédérale mais qui pourront intégrer cet élément dans les négociations lors de la conclusion de leur futur contrat de bail. Le montant de base du loyer sera en effet fixé sur base d'un marché qui aura intégré la mesure fédérale. [...] » (Doc. parl., Parlement wallon, 2015-2016, n° 378/1, p. 16).

B.7.2. Dans son avis sur cet avant-projet de décret, la section de législation du Conseil d'Etat a émis les observations suivantes en ce qui concerne le respect du principe d'égalité et de non-discrimination garanti par les articles 10 et 11 de la Constitution : « En l'espèce, comme en atteste son commentaire, la règle décrétale en projet est entièrement centrée sur l'intention d'établir un ' correctif adapté ' tendant à compenser le ' saut d'index sur les salaires ' résultant de la loi du 23 avril 2015Documents pertinents retrouvés type loi prom. 23/04/2015 pub. 27/04/2015 numac 2015014139 source service public federal emploi, travail et concertation sociale service public federal securite sociale Loi concernant la promotion de l'emploi fermer ' concernant la promotion de l'emploi '.

Or, l'avant-projet traite de manière identique les personnes qui sont concernées par le saut d'index décidé dans le cadre de la loi du 23 avril 2015Documents pertinents retrouvés type loi prom. 23/04/2015 pub. 27/04/2015 numac 2015014139 source service public federal emploi, travail et concertation sociale service public federal securite sociale Loi concernant la promotion de l'emploi fermer et les personnes qui ne sont pas concernées par ce saut d'index.

En effet, le gel de l'indexation des loyers d'habitation de résidence principale prévu par l'avant-projet, corrigeant le gel de l'indexation des salaires, bénéficiera indifféremment aux deux catégories de personnes distinguées ci-avant.

Par conséquent, sauf si l'auteur de l'avant-projet est en mesure de fournir des explications pertinentes permettant de comprendre pourquoi sont traitées de manière identique des catégories de personnes qui au regard de la mesure envisagée paraissent se trouver dans des situations essentiellement différentes, il y a lieu de considérer que l'avant-projet viole le principe d'égalité et de non-discrimination et qu'il doit être adapté en prévoyant qu'il ne s'applique qu'aux baux conclus par un preneur qui a perçu des rémunérations, des traitements, des allocations sociales, des sursalaires, des primes ou des indemnités pour le calcul desquels a été appliqué le blocage de l'indice santé lissé prévu par l'article 2ter de l'arrêté royal du 24 décembre 1993 ' portant exécution de la loi du 6 janvier 1989Documents pertinents retrouvés type loi prom. 06/01/1989 pub. 18/02/2008 numac 2008000108 source service public federal interieur Loi spéciale sur la Cour d'arbitrage fermer de sauvegarde de la compétitivité du pays ', confirmé par la loi du 30 mars 1994 et modifié par la loi du 23 avril 2015Documents pertinents retrouvés type loi prom. 23/04/2015 pub. 27/04/2015 numac 2015014139 source service public federal emploi, travail et concertation sociale service public federal securite sociale Loi concernant la promotion de l'emploi fermer » (ibid., pp. 8-9).

En ce qui concerne le champ d'application de l'avant-projet de décret, la section de législation du Conseil d'Etat a également émis les observations suivantes : « L'avant-projet prévoit de s'appliquer aux ' baux en cours à la date d'entrée en vigueur du présent décret '.

D'un point de vue formel, cette formulation pose en tout état de cause problème puisque le texte en projet a une nature modificative et est destiné à s'insérer dans une norme existante au sein de laquelle la référence ' à la date d'entrée en vigueur du présent décret ' s'avérera difficilement lisible et compréhensible.

Quant au fond, cette disposition tend à rencontrer l'objectif décrit par le commentaire et consistant à réserver le bénéfice de la mesure aux personnes qui, ' étant actuellement liées par un contrat de bail n'ont pu en anticiper les effets au moment de négocier les termes du contrat de location ' tout en excluant les ' personnes également concernées par la mesure fédérale mais qui pourront intégrer cet élément dans les négociations lors de la conclusion de leur futur contrat de bail ' puisque, pour ces dernières, ' le montant de base du loyer sera en effet fixé sur base d'un marché qui aura intégré la mesure fédérale '.

Si tel est l'objectif, ce n'est pas ' la date d'entrée en vigueur du présent décret ' qui doit constituer le point de référence par rapport auquel la mesure en projet trouvera à s'appliquer puisque, à la date à laquelle entrera en vigueur l'avant-projet, les preneurs concernés auront déjà intégré dans leurs calculs les effets de l'application du blocage de l'indice santé lissé pour la détermination de leurs revenus.

Dès lors que l'intention est de faire bénéficier de la mesure envisagée ceux qui n'ont pu anticiper les effets du ' saut d'index salarial ' prévu par la loi du 23 avril 2015Documents pertinents retrouvés type loi prom. 23/04/2015 pub. 27/04/2015 numac 2015014139 source service public federal emploi, travail et concertation sociale service public federal securite sociale Loi concernant la promotion de l'emploi fermer, il convient, semble-t-il, de remplacer dans l'article unique les mots ' Pour les baux en cours à la date d'entrée en vigueur du présent décret ' par les mots ' Pour les baux en cours le 27 avril 2015 '.

Il ne peut toutefois être exclu que l'auteur de l'avant-projet puisse de manière cohérente avec l'intention qu'il affiche prévoir l'application de l'avant-projet aux baux en cours à une date déjà révolue qui serait néanmoins plus rapprochée que celle du 27 avril 2015 afin d'accorder rétroactivement aux personnes qui étaient concernées un délai raisonnable pour prendre connaissance de la loi du 23 avril 2015Documents pertinents retrouvés type loi prom. 23/04/2015 pub. 27/04/2015 numac 2015014139 source service public federal emploi, travail et concertation sociale service public federal securite sociale Loi concernant la promotion de l'emploi fermer et régler leur conduite compte tenu de celle-ci.

Il appartient à l'auteur de l'avant-projet de se déterminer sur cette question à la lumière de la présente observation » (ibid., p. 9).

B.7.3.1. Afin de tenir compte des observations de la section de législation du Conseil d'Etat, l'exposé des motifs du projet de décret « visant à réaliser un saut d'index des loyers » a été modifié et explique : « Le logement constitue un besoin élémentaire pour les individus et une part importante du budget des ménages. La protection du logement, qui est un droit fondamental garanti par l'article 23 de la Constitution et par l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, constitue une priorité pour le Gouvernement wallon.

Le logement constitue, en effet, un besoin élémentaire pour les individus. Il est le cadre qui permet le développement de la personnalité, de la famille et de la vie sociale.

La reconnaissance d'un droit au logement doit s'accompagner de la garantie d'une stabilité dans la jouissance de ce droit.

Il ressort des dernières statistiques publiées par le SPF économie suite à l'enquête sur le budget des ménages de la Direction générale Statistique, qu'en 2014, un tiers du budget des ménages était consacré au logement.

Le saut d'index des loyers tel que proposé est donc une mesure générale et sociale qui tend à apporter une aide aux ménages qui louent un bien immobilier pour leur habitation. Cette mesure vise notamment à compenser le saut d'index sur les salaires conduisant à une injustice sociale dans les limites des compétences régionales.

Cette mesure a pour effet de bloquer le montant des revenus alors que le coût de la vie continuera quant à lui à augmenter avec pour conséquence, une baisse du pouvoir d'achat pour les personnes concernées par la mesure fédérale.

Le Gouvernement wallon a décidé d'adopter une mesure visant à réaliser un saut d'index des loyers d'habitation afin de soutenir le budget des ménages notamment dans un contexte où le gouvernement fédéral a prévu un saut d'index des salaires.

Cette modération des loyers doit toutefois se réaliser en veillant à ce que les intérêts légitimes des bailleurs soient respectés.

Il s'agit pour le Gouvernement wallon de protéger le logement des familles sans affecter de manière disproportionnée la situation des bailleurs. Cela se réalise par la prise en compte de deux impératifs : garantir la stabilité des loyers et concilier avec le double objectif d'assurer la liberté du marché locatif et la juste rémunération des investisseurs.

Ces deux impératifs ont guidé la mise en oeuvre de la mesure prise par le Gouvernement wallon.

Le Gouvernement a ainsi fait le choix de limiter la mesure aux baux de résidence principale.

L'objectif du présent décret s'inscrivant dans la protection du droit au logement décent, il est justifié qu'il n'étende pas son champ d'application aux baux de résidence secondaire.

En outre, l'objectif de correctif social que remplit cette mesure est atteint en limitant ses effets aux baux en cours. Ce projet de décret n'entend pas supprimer le principe de l'indexation des loyers à la date anniversaire du bail mais en limiter les effets aux personnes concernées par un bail en cours au moment de l'entrée en vigueur du présent texte.

En effet, il s'agit notamment de compenser le saut d'index décidé par le gouvernement fédéral. Pour ce qui concerne la compensation des personnes préjudiciées par la mesure fédérale, ce sont celles qui sont actuellement liées par un contrat de bail et n'ont pu en anticiper les effets au moment de négocier les termes du contrat de location.

Il en va différemment des personnes également concernées par la mesure fédérale mais qui pourront intégrer cet élément dans les négociations lors de la conclusion de leur futur contrat de bail. Le montant de base du loyer sera en effet fixé sur base d'un marché qui aura intégré la mesure fédérale. Il semble en effet difficile de limiter le montant d'un loyer non encore fixé définitivement fixé entre les parties.

La mise en oeuvre du saut d'index des loyers implique de tenir compte des spécificités des régimes applicables aux logements publics et privés afin de garantir une égalité tant entre tous les locataires, qu'entre les bailleurs.

L'impact de la mesure fédérale sur les personnes bénéficiant de logements publics est corrigé automatiquement par les modalités existantes de fixation de ces loyers, de sorte qu'aucune modification n'a dû être apportée à l'Arrêté du Gouvernement wallon du 6 septembre 2007 organisant la location des logements gérés par la Société wallonne du Logement ou par les sociétés de logement de service public.

En effet, l'analyse de cette législation a révélé que dans tous les cas de figure le calcul du montant du loyer intégrait le montant des revenus des bénéficiaires de sorte que le saut d'index des salaires engendre automatiquement un saut d'index des loyers.

L'ajout d'une disposition prévoyant un saut d'index des loyers dans ce cadre aurait pour effet d'entraîner un double gel des loyers, ce qui excède l'objectif du Gouvernement wallon de lier la modération des loyers à la modération des salaires.

L'indexation des loyers est régie, en ce qui concerne les loyers d'habitation privée, par les articles 1728bis du Code civil, disposition générale s'appliquant à tous les baux, et 6 de la section 2 du chapitre II, du titre VIII du livre III du Code civil qui édicte une règle spécifique aux baux relatifs à la résidence principale du preneur insérée par la loi du 20 février 1991 modifiant et complétant les dispositions du Code civil relatives aux baux à loyer.

Le mécanisme d'indexation des loyers privés a recommandé une attention particulière en ce qu'il prévoit une indexation annuelle à la date anniversaire du bail.

Il a donc été prévu, pour tous les baux en cours, que l'indexation soit ramenée à l'indice qui était applicable 12 mois auparavant » (ibid., pp. 3-4).

B.7.3.2. Le rapport de la commission mentionne également : « Tout d'abord, [le ministre des pouvoirs locaux, de la ville, du logement et de l'énergie] souligne qu'il s'agit d'une mesure générale qui vise à aider au rétablissement du pouvoir d'achat des 400 000 locataires wallons. Le loyer, surtout dans le secteur privé, représente souvent plus d'un tiers des revenus du ménage et s'élève en moyenne à 550 euros. [...] L'objectif est de créer une nouvelle formule d'indexation qui fait référence à un nouveau ratio calculé sur la base de la date anniversaire du bail lors de la dernière indexation, divisé par le nouvel indice. Cette formule conduit à supprimer un index, sans empêcher l'indexation pour le futur. Le nouveau ratio ne permettra pas à l'indice de s'appliquer.

Le gain en pouvoir d'achat a fait l'objet de différents scénarios selon le montant du loyer. Le gain en pouvoir d'achat pour les locataires varie entre 270 euros pour un loyer de 400 euros et un peu plus de 400 euros pour un loyer de 600 euros » (Doc. parl., Parlement Wallon, 2015-2016, n° 378/2, p. 3).

Interrogé sur la mesure attaquée, le ministre a également répondu : « [...] le mécanisme proposé consiste essentiellement en un report d'index. Le gain sera toujours égal à l'inflation de l'année en cours.

Si l'inflation est faible, le gain sera faible; si l'inflation est importante, elle se reportera sur le loyer à la date anniversaire du bail. Actuellement, l'inflation est faible, mais personne ne peut prédire quel sera dans 15 ans son taux et le gain si le bail continue.

Le projet de décret ne fait aucune référence à la non-indexation des salaires. L'écueil de la discrimination a été évité car il s'agit d'une mesure relative au pouvoir d'achat » (ibid., p. 4; voy. aussi ibid., pp. 5-6). « La mesure qui vous est présentée aujourd'hui vise à aider les locataires, les jeunes et les plus démunis qui ont un bail en cours et ayant du mal à joindre les deux bouts. Suite aux transferts de compétences de la matière du bail locatif, le Gouvernement wallon a souhaité prendre une mesure à caractère social visant à favoriser le pouvoir d'achat de l'ensemble des locataires dont les baux sont en cours » (Parlement Wallon, CRI, 2015-2016, n° 12, séance plénière du 2 mars 2016, p. 7).

B.8.1. Le décret attaqué opère un « saut d'index » des loyers pour les baux de résidence principale en cours au 1er avril 2016. En vertu de cette disposition, l'indice pris en compte dans la formule d'indexation des loyers est, jusqu'à l'échéance du contrat, l'indice applicable à la « date d'anniversaire précédent », soit douze mois auparavant.

Le décret attaqué a pour conséquence de retarder l'indexation des loyers pour tous les baux de résidence principale en cours au 1er avril 2016, créant ainsi un décalage d'un an dans l'indexation des loyers. De la sorte, la formule d'indexation des loyers est, à chaque date anniversaire du bail dès le 1er avril 2016, limitée par le décret attaqué jusqu'à l'échéance du contrat de bail de résidence principale.

B.8.2. En retardant de la sorte l'indexation des loyers, la disposition attaquée déroge au mécanisme d'indexation prévu dans l'article 6, alinéas 1er et 2, du livre III, titre VIII, chapitre II, section 2, du Code civil, tel qu'il a été inséré par la loi relative aux baux à loyer, l'article 6 précité précisant, pour les baux de résidence principale, le principe d'indexation prévu de manière générale pour les baux de biens immeubles dans l'article 1728bis du Code civil.

B.9.1. L'article 1728bis du Code civil, qui fait partie de la section Ière (« Dispositions générales relatives aux baux des biens immeubles ») du livre III, titre VIII, chapitre II, du Code civil, a été inséré par l'article 1er de la loi du 29 décembre 1983Documents pertinents retrouvés type loi prom. 29/12/1983 pub. 12/01/2012 numac 2011000857 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de louage de biens immeubles. - Coordination officieuse en langue allemande fermer « relative aux contrats de louage de biens immeubles », puis modifié par les articles 5 et 13, § 1er, 2°, de la loi du 20 février 1991, par l'article 16 de l'arrêté royal du 24 décembre 1993 « portant exécution de la loi du 6 janvier 1989Documents pertinents retrouvés type loi prom. 06/01/1989 pub. 18/02/2008 numac 2008000108 source service public federal interieur Loi spéciale sur la Cour d'arbitrage fermer de sauvegarde de la compétitivité du pays », confirmé par l'article 90 de la loi du 30 mars 1994 « portant des dispositions sociales », et par l'article 3 de la loi du 13 avril 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 13/04/1997 pub. 10/11/1999 numac 1998015014 source ministere des affaires etrangeres, du commerce exterieur et de la cooperation internationale Loi portant assentiment à l'Accord euro-méditerranéen établissant une association entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République tunisienne, d'autre part, Annexes 1 à 7, Protocoles 1 à 5, et Acte final, faits à Bruxelles le 17 juillet 1995 (2) type loi prom. 13/04/1997 pub. 24/06/1997 numac 1997002050 source ministere de la fonction publique Loi modifiant la loi du 22 octobre 1990 remplaçant l'article 54 des lois sur la collation des grades académiques et le programme des examens universitaires, coordonnées par l'arrêté du Régent du 31 décembre 1949 fermer, et dispose : « § 1er. Si une adaptation du loyer au coût de la vie a été convenue, elle ne peut être appliquée qu'une fois par année de location et au plus tôt au jour anniversaire de l'entrée en vigueur du bail. Cette adaptation est faite sur base des fluctuations de l'indice des prix à la consommation.

Le loyer adapté ne peut dépasser le montant qui résulte de la formule suivante : loyer de base multiplié par le nouvel indice et divisé par l'indice de départ.

Le loyer de base est le loyer qui résulte de la convention ou d'un jugement, à l'exclusion de tous frais et charges quelconques expressément laissés à charge du locataire par le bail.

Le nouvel indice est l'indice calculé et désigné à cet effet du mois qui précède celui de l'anniversaire de l'entrée en vigueur du bail.

L'indice de base est l'indice des prix à la consommation du mois précédant le mois pendant lequel la convention a été conclue.

Pour les conventions conclues à partir du 1er février 1994, l'indice de base est toutefois l'indice calculé et nommé à cet effet du mois précédant le mois pendant lequel la convention a été conclue. § 2. Les dispositions contractuelles dont l'effet excéderait l'adaptation prévue au présent article sont réductibles à celle-ci ».

B.9.2.1. Les travaux préparatoires de la loi du 29 décembre 1983Documents pertinents retrouvés type loi prom. 29/12/1983 pub. 12/01/2012 numac 2011000857 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de louage de biens immeubles. - Coordination officieuse en langue allemande fermer « relative aux contrats de louage de biens immeubles », dont l'article 1er a inséré l'article 1728bis du Code civil, indiquent, en ce qui concerne le mécanisme d'indexation des loyers : « Selon la règle générale qui a été adoptée, le loyer ne peut être adapté qu'une fois par année de location, et au plus tôt le jour anniversaire de l'entrée en vigueur du bail. Le loyer adapté ne peut être supérieur au loyer de base multiplié par le nouvel indice et divisé par l'indice de départ. Ceci implique que les parties peuvent utiliser une autre formule, pourvu cependant que le montant du loyer ne dépasse pas celui résultant de l'application de la formule légale.

Pour être visée par la disposition, la clause prévoyant l'adaptation du loyer doit se référer au coût de la vie et non à un critère qui, tout en tenant compte d'un élément éventuellement en rapport avec le coût de la vie, ne prétend pas représenter celui-ci. Ainsi, par exemple, l'adaptation du loyer en fonction de l'évolution du chiffre d'affaires ou des revenus du preneur, n'est pas visée par la disposition, bien que cette évolution ne soit pas sans rapport avec l'évolution du coût de la vie » (Doc. parl., Chambre, 1983-1984, n° 807/9, p. 3; voy. aussi Doc. parl., Sénat, 1982-1983, n° 556/1, p. 3;

Doc. parl., Sénat, 1982-1983, n° 556/2, pp. 4-5).

Il a été observé que « l'adaptation des loyers prévue par le projet est d'ordre général, ce qui tend à simplifier et clarifier les choses » (Doc. parl., Sénat, 1982-1983, n° 556/2, p. 51). Cette règle est impérative (Doc. parl., Sénat, 1982-1983, n° 556/1, p. 6; Doc. parl., Chambre, 1983-1984, n° 807/9, pp. 8 et 32).

L'article 1728bis du Code civil a été conçu comme faisant partie d'un ensemble de « dispositions qui visent à assurer l'équilibre entre les intérêts des propriétaires et ceux des locataires » (Doc. parl., Chambre, 1983-1984, n° 807/9, p. 8; voy. aussi ibid., p. 30).

B.9.2.2. Le commentaire de l'article 1728bis du Code civil mentionne également : « Il convient en premier lieu d'attirer l'attention sur le fait que cet article concerne la modification des loyers en fonction du coût de la vie et ne veut nullement porter atteinte à la liberté dont disposent les parties de convenir du loyer de base d'une part, ni de lier ce loyer au coût de la vie, d'autre part.

En outre, pour être visée par cet article, la clause prévoyant l'adaptation du loyer doit se référer au coût de la vie et non à un critère qui, tout en tenant compte d'un élément éventuellement en rapport avec le coût de la vie, ne prétend pas représenter celui-ci. [...] Les dispositions de l'article 1728bis sont insérées dans la section relative au louage d'immeubles en général. Elles seront donc applicable [s] à quasiment tous les contrats de louage : louage de terrains, de bâtiments, de maison d'habitation, de livraisons de commerce, etc. [...] Un premier principe à être inscrit dans l'article 1728bis concerne l'adaptation du loyer au coût de la vie. Si la convention contient une clause d'indexation, l'adaptation doit se faire sur base des critères énoncés à l'article 1728bis du Code civil. [...] L'adaptation n'est autorisée qu'une fois par an. Cette fréquence, maximale, n'empêche évidemment pas les parties de convenir d'une adaptation moins fréquente, à condition toutefois que le résultat de l'opération ne soit pas supérieur aux maxima déterminés par la loi.

L'adaptation a lieu ' au plus tôt au jour anniversaire de l'entrée en vigueur du bail ', et peut donc également se faire plus tard. [...] L'article 1728bis précise ensuite les modalités d'application. Il convient de noter d'abord que les points de référence sont constitués par les indices des prix à la consommation. Toute adaptation du loyer sera déterminée en fonction du rapport entre les indices.

L'alinéa 2 énonce la formule à appliquer et il importe de ne pas perdre de vue que le résultat sera un montant maximal. Le loyer adapté ne peut être supérieur au loyer de base multiplié par le nouvel indice et divisé par l'indice de départ. Cela implique que les parties peuvent utiliser une autre formule, pourvu cependant que le montant du loyer ne dépasse pas celui résultant de l'application de la formule légale. [...] » (Doc. parl., Sénat, 1982-1983, n° 556/1, pp. 4-5).

B.9.3. Il ressort de ce qui précède que le principe d'indexation des loyers, contenu dans l'article 1728bis du Code civil, vise à adapter le loyer au coût de la vie, déterminé par les critères objectifs de référence que constituent des fluctuations de l'indice des prix à la consommation, reflétées dans l'indice santé utilisé pour l'indexation des loyers (article 2, § 1er, de l'arrêté royal du 24 décembre 1993, tel qu'il a été modifié en dernier lieu par l'article 2 de la loi du 23 avril 2015Documents pertinents retrouvés type loi prom. 23/04/2015 pub. 27/04/2015 numac 2015014139 source service public federal emploi, travail et concertation sociale service public federal securite sociale Loi concernant la promotion de l'emploi fermer concernant la promotion de l'emploi). D'autres critères d'adaptation, tels que l'évolution des revenus du preneur, ont été exclus (Doc. parl., Chambre, 1983-1984, n° 807/9, pp. 3, 26-27).

Le principe d'adaptation du loyer au coût de la vie est une mesure qui tend à assurer un équilibre entre les intérêts des propriétaires et ceux des locataires.

B.10.1. L'article 6, alinéa 1er, du livre III, titre VIII, chapitre II, section 2 « Des règles particulières aux baux relatifs à la résidence principale du preneur », du Code civil prévoit également le principe d'une adaptation du loyer au coût de la vie, une fois par année de location, à la date anniversaire de l'entrée en vigueur du bail dans les conditions prévues à l'article 1728bis du Code civil.

Les travaux préparatoires du projet de loi devenu la loi relative aux baux à loyer exposent à ce sujet : « L'indexation annuelle du loyer est [...] autorisée de plein droit » (Doc. parl., Chambre, 1990-1991, n° 1357/1, p. 5). « Le présent projet organise d'ailleurs l'indexation systématique de tous les baux.

La justification est que dans la mesure où tous les revenus sont adaptés à l'indexation, il n'y a pas de raison de ne pas adapter le revenu en provenance de la propriété immobilière. Cela devient une exigence d'autant plus grande que les baux se transforment en baux de longue durée » (Doc. parl., Chambre, 1990-1991, n° 1357/10, p. 5).

B.10.2. L'article 6, alinéa 1er, précité a été justifié comme suit : « Actuellement, l'indexation ne peut être appliquée, conformément aux règles établies par l'article 1728bis du Code civil, que si elle a été convenue par contrat. En ce qui concerne les contrats verbaux, il est évidemment très difficile de prouver que les parties ont convenu que le loyer serait indexé, ou qu'il ne le serait pas. Le fait qu'une indexation ait été régulièrement appliquée peut démontrer l'existence d'un accord relatif à l'adaptation. Mais cette solution n'est guère sûre.

En ce qui concerne les contrats écrits, cet accord sur l'indexation se produit normalement par l'insertion d'une clause d'indexation dans le contrat. En l'absence d'une telle clause, le loyer n'est normalement pas indexé. [...] La loi en projet autorise, pour tous les contrats qu'elle vise, l'adaptation du loyer au coût de la vie, et cela même si elle n'a pas été convenue entre les parties.

Cette disposition non seulement clarifie la portée exacte des obligations du preneur en cas de bail verbal, mais surtout, aligne le revenu que constitue pour le bailleur le loyer qu'il perçoit, sur l'ensemble des autres revenus, qu'il est désormais convenu d'indexer.

Par contre, la clause par laquelle les parties ont expressément exclu, par écrit, l'indexation du loyer, est parfaitement valable. Une telle clause peut être justifiée par des raisons qui sont personnelles aux parties et dans lesquelles il n'appartient pas au législateur de s'immiscer » (Doc. parl., Chambre, 1990-1991, n° 1357/1, pp. 19-20).

Il a également été indiqué : « Dans un souci d'équilibre, le projet vise à : - permettre au bailleur d'adapter le loyer à l'indice des prix même si cette indexation n'est pas prévue au contrat; - ne pas punir le preneur qui ne paie pas l'indexation d'initiative; - ne pas sanctionner le petit bailleur qui aurait oublié de réclamer l'indexation. Dans ce cas, le projet prévoit une rétroactivité de 3 mois » (Doc. parl., Chambre, 1990-1991, n° 1357/10, p. 83).

B.10.3. L'ajout des mots « et à condition que le bail ait été conclu par écrit » par l'article 8 de la loi du 13 avril 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 13/04/1997 pub. 10/11/1999 numac 1998015014 source ministere des affaires etrangeres, du commerce exterieur et de la cooperation internationale Loi portant assentiment à l'Accord euro-méditerranéen établissant une association entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République tunisienne, d'autre part, Annexes 1 à 7, Protocoles 1 à 5, et Acte final, faits à Bruxelles le 17 juillet 1995 (2) type loi prom. 13/04/1997 pub. 24/06/1997 numac 1997002050 source ministere de la fonction publique Loi modifiant la loi du 22 octobre 1990 remplaçant l'article 54 des lois sur la collation des grades académiques et le programme des examens universitaires, coordonnées par l'arrêté du Régent du 31 décembre 1949 fermer « répond à la tendance générale qui consiste, dans l'intérêt de la sécurité juridique, à exiger de plus en plus que les baux soient constatés par un écrit » (Doc. parl., Chambre, 1996-1997, n° 717/7, p. 18).

En ce qui concerne la règle prévue par l'article 6, alinéa 1er, du livre III, titre VIII, chapitre II, section 2, du Code civil, il a été rappelé qu' « il s'agit de l'adaptation du loyer au coût de la vie et donc d'une indexation, d'une somme d'argent » (Doc. parl., Sénat, 1996-1997, n° 505/3, p. 34).

B.10.4. Il résulte de ce qui précède que l'article 6, alinéa 1er, du livre III, titre VIII, chapitre II, section 2 (« Des règles particulières aux baux relatifs à la résidence principale du preneur »), du Code civil vise à généraliser le principe d'indexation annuelle du loyer pour les baux de résidence principale, au regard de l'option prise par le législateur d'établir des baux de longue durée, cette mesure participant du souci d'équilibre entre les parties au contrat de bail.

B.11.1. Par le saut d'indexation qu'il instaure sur les baux en cours au 1er avril 2016, le décret attaqué déroge, pendant une année, au principe d'indexation des loyers découlant de l'article 6, alinéas 1er et 2, du livre III, titre VIII, chapitre II, section 2, du Code civil, et de l'article 1728bis du Code civil.

Cette mesure modifie dès lors l'équilibre entre les parties au contrat de bail que vise à réaliser le principe d'indexation des loyers pour les baux de résidence principale, établi par les dispositions précitées.

B.11.2. Il convient d'examiner si cette mesure est compatible avec le principe d'égalité et de non-discrimination garanti par les articles 10 et 11 de la Constitution.

B.12. Le principe d'égalité et de non-discrimination n'exclut pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée. Ce principe s'oppose, par ailleurs, à ce que soient traitées de manière identique, sans qu'apparaisse une justification raisonnable, des catégories de personnes se trouvant dans des situations qui, au regard de la mesure considérée, sont essentiellement différentes.

L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité et de non-discrimination est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

B.13.1. Il ressort des travaux préparatoires cités en B.7 que, par le décret attaqué instaurant un saut d'index pour les loyers, le législateur décrétal visait à compenser le saut d'index décidé par le législateur fédéral et mis en oeuvre dans la loi du 23 avril 2015Documents pertinents retrouvés type loi prom. 23/04/2015 pub. 27/04/2015 numac 2015014139 source service public federal emploi, travail et concertation sociale service public federal securite sociale Loi concernant la promotion de l'emploi fermer « concernant la promotion de l'emploi », qui a appliqué le blocage de l'indice santé lissé à l'égard des rémunérations, des traitements, des allocations sociales, des sursalaires, des primes ou des indemnités (ci-après : le saut d'index fédéral).

B.13.2. Même si la mesure attaquée a, ensuite des critiques de la section de législation du Conseil d'Etat, été présentée dans les travaux préparatoires cités en B.7.3.1 et B.7.3.2 comme une « mesure générale et sociale qui tend à apporter une aide aux ménages qui louent un bien immobilier pour leur habitation », visant « notamment » à compenser le saut d'index fédéral ou comme une « une mesure générale qui vise à aider au rétablissement du pouvoir d'achat des 400 000 locataires wallons » ou une « mesure relative au pouvoir d'achat », il ressort de l'exposé des motifs et du commentaire de l'article unique, ainsi que de la discussion générale du décret attaqué que le seul objectif poursuivi en l'espèce a été d'instaurer un « correctif » visant à compenser le saut d'index fédéral.

En effet, aucune modification n'a été apportée au texte du projet de décret, qui est identique au texte de l'avant-projet critiqué par la section de législation du Conseil d'Etat; une simple modification terminologique (« notamment ») ne suffit pas pour modifier l'objectif poursuivi justifiant la mesure attaquée. En outre, l'ensemble des développements des travaux préparatoires précités ne visent que les effets sur les locataires du saut d'index fédéral, que tend à compenser la mesure attaquée; le souci de garantir le pouvoir d'achat des locataires n'a été pris en compte en l'espèce qu'au regard de la mesure fédérale. Enfin, le choix de viser les baux en cours est uniquement justifié dans l'exposé des motifs par l'impossibilité pour les parties au bail de négocier les termes du contrat en anticipant les effets du saut d'index fédéral. La mesure attaquée n'a dès lors été conçue que pour compenser le saut d'index fédéral.

B.14.1. Comme la section de législation du Conseil d'Etat l'a constaté dans son avis cité en B.7.2, le décret attaqué traite de manière identique des catégories de personnes qui, au regard de l'objectif de la mesure attaquée de compenser le saut d'index fédéral, sont dans des situations essentiellement différentes, à savoir les personnes qui sont concernées par le saut d'index décidé dans le cadre de la loi du 23 avril 2015Documents pertinents retrouvés type loi prom. 23/04/2015 pub. 27/04/2015 numac 2015014139 source service public federal emploi, travail et concertation sociale service public federal securite sociale Loi concernant la promotion de l'emploi fermer précitée et les personnes qui ne sont pas concernées par ce saut d'index.

Le saut d'index des loyers bénéficie ainsi de manière identique à tous les locataires, qu'ils soient ou non concernés par le saut d'index fédéral, indépendamment de la question de savoir si les bailleurs sont, quant à eux, concernés ou non par ce saut d'index fédéral.

B.14.2. Ce traitement identique n'est pas raisonnablement justifié. En effet, la seule justification avancée serait d'instaurer une « mesure générale et sociale », afin de soutenir le pouvoir d'achat des ménages qui louent un bien à titre d'habitation, « notamment » dans le contexte du saut d'index fédéral.

Or, les travaux préparatoires cités en B.7.3 restent en défaut d'étayer cet objectif d'instaurer une mesure généralisée d'aide aux locataires, pas plus qu'ils ne démontrent la nécessité d'une telle mesure qui déroge à l'équilibre entre les parties que tend à garantir le principe d'indexation des loyers.

B.14.3. En outre, la mesure attaquée ne s'applique pas aux logements exclus du champ d'application du décret attaqué précisément parce que le calcul du loyer de ces logements permet déjà de compenser le saut d'index fédéral (article 29, § 1er, et 30 de l'arrêté du Gouvernement wallon du 6 septembre 2007 « organisant la location des logements gérés par la Société wallonne du Logement ou par les sociétés de logement de service public ») et que cela aurait pour effet d'entraîner un double gel des loyers, « ce qui excède l'objectif du Gouvernement wallon de lier la modération des loyers à la modération des salaires » (Doc. parl., Parlement Wallon, 2015-2016, n° 378/1, p. 3).

B.15. Le premier moyen en sa première branche est fondé.

B.16. Il n'y a pas lieu d'examiner les autres griefs, ceux-ci ne pouvant conduire à une annulation plus étendue.

Quant au maintien des effets B.17. Afin d'éviter de créer une insécurité juridique ou des difficultés financières pour les locataires concernés par le saut d'index des loyers, il y a lieu, en application de l'article 8, alinéa 3, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, de maintenir les effets des dispositions annulées ainsi qu'il est indiqué dans le dispositif.

Ce maintien des effets a pour conséquence que sont définitivement maintenus, jusqu'à la prochaine date anniversaire du bail qui suit le 31 mars 2018, les loyers fixés en application de la formule d'indexation résultant du décret attaqué, de sorte que les locataires concernés ne devront pas payer la différence entre le montant des loyers indexés conformément à la formule d'indexation non limitée par le décret attaqué et le montant des loyers indexés en application du décret attaqué.

Les locataires et bailleurs concernés par un bail en cours au 1er avril 2016 sont ainsi traités de manière égalitaire, dès lors que la formule d'indexation limitée par le décret attaqué a pu sortir ses effets à leur égard à la date anniversaire du bail, deux années consécutives. Les baux auxquels le décret attaqué a été appliqué et qui sont en cours au 31 mars 2018 se verront ainsi appliquer, à la prochaine date anniversaire du bail qui suit le 31 mars 2018, la formule d'indexation non limitée par le décret attaqué.

Par ces motifs, la Cour - annule le décret de la Région wallonne du 3 mars 2016 visant à réaliser un saut d'index des loyers; - maintient définitivement les effets de ce décret jusqu'à la prochaine date anniversaire des baux qui suit le 31 mars 2018.

Ainsi rendu en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 15 mars 2018.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, J. Spreutels

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