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Arrêt
publié le 04 septembre 2018

Extrait de l'arrêt n° 56/2018 du 17 mai 2018 Numéro du rôle : 6619 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 187, § 6, 1°, et § 9, alinéa 2, du Code d'instruction criminelle, tel qu'il a été remplacé par l'article 83 La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et A. Alen, et des juges L. Lavr(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 56/2018 du 17 mai 2018 Numéro du rôle : 6619 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 187, § 6, 1°, et § 9, alinéa 2, du Code d'instruction criminelle, tel qu'il a été remplacé par l'article 83 de la loi du 5 février 2016Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/02/2016 pub. 19/02/2016 numac 2016009064 source service public federal justice Loi modifiant le droit pénal et la procédure pénale et portant des dispositions diverses en matière de justice fermer modifiant le droit pénal et la procédure pénale et portant des dispositions diverses en matière de justice, posée par la Cour d'appel de Liège.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et A. Alen, et des juges L. Lavrysen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke et R. Leysen, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président J. Spreutels, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par arrêt du 15 février 2017 en cause du ministère public contre I.H., dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 20 février 2017, la Cour d'appel de Liège a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 187, paragraphes 6, 1°, et 9, alinéa 2, du Code d'instruction criminelle en ce qu'il conditionne l'examen des mérites de l'opposition à la nécessité pour l'opposant de se prévaloir d'une cause légitime, tout en limitant le contrôle de la juridiction d'appel quand elle est saisie de griefs portant sur cette condition procédurale qui a été appréciée de manière discrétionnaire par le premier juge, viole-t-il les articles 10, 11, 12 et 13 de la Constitution, combinés le cas échéant avec les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques de New York ? ». (...) III. En droit (...) B.1. L'article 187 du Code d'instruction criminelle, tel qu'il a été remplacé par l'article 83 de la loi du 5 février 2016Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/02/2016 pub. 19/02/2016 numac 2016009064 source service public federal justice Loi modifiant le droit pénal et la procédure pénale et portant des dispositions diverses en matière de justice fermer modifiant le droit pénal et la procédure pénale et portant des dispositions diverses en matière de justice, dispose : « [...] § 6. L'opposition sera déclarée non avenue : 1° si l'opposant, lorsqu'il comparaît en personne ou par avocat et qu'il est établi qu'il a eu connaissance de la citation dans la procédure dans laquelle il a fait défaut, ne fait pas état d'un cas de force majeure ou d'une excuse légitime justifiant son défaut lors de la procédure attaquée, la reconnaissance de la force majeure ou de l'excuse invoquées restant soumise à l'appréciation souveraine du juge; [...] § 9. La décision qui interviendra sur l'opposition pourra être attaquée par la voie de l'appel, ou, si elle a été rendue en degré d'appel, par la voie d'un pourvoi en cassation.

L'appel dirigé contre la décision déclarant l'opposition non avenue saisit le juge d'appel du fond de l'affaire même si aucun appel n'a été formé contre le jugement rendu par défaut. [...] ».

B.2. La juridiction a quo interroge la Cour sur la compatibilité de la disposition précitée avec les articles 10, 11, 12 et 13 de la Constitution, combinés ou non avec les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, cette disposition subordonnant l'examen des mérites de l'opposition à la nécessité pour l'opposant de se prévaloir d'une « cause légitime », d'une part (première branche de la question préjudicielle), tout en limitant le contrôle de la juridiction d'appel quand elle est saisie de griefs portant sur cette condition procédurale appréciée par le premier juge de « manière discrétionnaire », d'autre part (deuxième branche de la question préjudicielle).

Quant à la première branche de la question préjudicielle B.3. Par son arrêt n° 148/2017 du 21 décembre 2017, la Cour a jugé : « B.31.1. L'article 83, attaqué, de la loi du 5 février 2016Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/02/2016 pub. 19/02/2016 numac 2016009064 source service public federal justice Loi modifiant le droit pénal et la procédure pénale et portant des dispositions diverses en matière de justice fermer remplace le système de l'opposition à un jugement pénal rendu par défaut, tel qu'il est prévu dans l'article 187 du Code d'instruction criminelle.

Par ce nouveau système, le législateur vise à ' codifier, simplifier et rationaliser la procédure de l'opposition sans pour autant limiter le droit à un second degré de juridiction ' (Doc. parl., Chambre, 2015-2016, DOC 54-1418/001, p. 72).

B.31.2. Les griefs des parties requérantes sont dirigés contre le nouvel article 187, § 6, du Code d'instruction criminelle, qui dispose : ' L'opposition sera déclarée non avenue : 1° si l'opposant, lorsqu'il comparaît en personne ou par avocat et qu'il est établi qu'il a eu connaissance de la citation dans la procédure dans laquelle il a fait défaut, ne fait pas état d'un cas de force majeure ou d'une excuse légitime justifiant son défaut lors de la procédure attaquée, la reconnaissance de la force majeure ou de l'excuse invoquées restant soumise à l'appréciation souveraine du juge;2° si l'opposant fait à nouveau défaut sur son opposition, et ce dans tous les cas, quels que soient les motifs des défauts successifs et même si l'opposition a déjà été reçue '. La Cour limite son examen à cette disposition.

B.32.1. L'opposition est une voie de recours ordinaire ouverte à la partie qui a été condamnée par défaut, en vue d'obtenir de la juridiction qui a statué par défaut une nouvelle décision après un débat contradictoire.

L'essence et la finalité mêmes de l'opposition sont de permettre le plein exercice des droits de la défense par une personne qui pourrait, en raison de sa défaillance, ne pas avoir connaissance de tous les éléments d'une cause ou tout au moins ne pas avoir pu s'expliquer sur eux.

B.32.2. L'' opposition non avenue ' signifie que l'opposition est recevable mais considérée comme étant frappée de déchéance, impliquant que le jugement rendu par défaut contre lequel l'opposition était dirigée demeure inchangé (Cass., 18 novembre 2003, Pas., n° 576). Il s'agit d'une sanction particulière qui est imposée en raison de circonstances déterminées, liées au comportement de l'opposant.

La décision qui déclare l'opposition non avenue a pour conséquence que la juridiction qui a statué par défaut ne doit pas réexaminer l'affaire dans le cadre d'une procédure d'opposition. La décision rendue par défaut subsiste et est uniquement susceptible d'appel ou, si elle est rendue en degré d'appel, de pourvoi en cassation.

B.32.3. Avant son abrogation par la loi du 5 février 2016Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/02/2016 pub. 19/02/2016 numac 2016009064 source service public federal justice Loi modifiant le droit pénal et la procédure pénale et portant des dispositions diverses en matière de justice fermer, l'' opposition non avenue ' était réglée par l'article 188 du Code d'instruction criminelle, qui disposait que l'opposition est considérée comme non avenue lorsque l'opposant ou son conseil ne comparaît pas à la première audience utile après la formation de l'opposition.

Par l'article 83 de la loi du 5 février 2016Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/02/2016 pub. 19/02/2016 numac 2016009064 source service public federal justice Loi modifiant le droit pénal et la procédure pénale et portant des dispositions diverses en matière de justice fermer, le législateur a étendu la sanction de l'' opposition non avenue ' à de nouvelles hypothèses.

Cette extension a été justifiée par le constat qu'' en son état actuel, la procédure de l'opposition fait l'objet d'abus de la part de certains prévenus dont le défaut est soit dû à leur propre négligence, soit utilisé comme stratégie de défense dilatoire visant à un dépassement du délai raisonnable, voire à une prescription de l'infraction du chef de laquelle ils sont poursuivis. L'opposition étant admise en première instance et en degré d'appel, il arrive qu'une affaire soit traitée à quatre reprises ' (Doc. parl., Chambre, 2015-2016, DOC 54-1418/001, p. 73). Par ailleurs, cette extension ' sert en outre les intérêts des victimes, qui sont souvent découragées par l'obligation de suivre les débats à plusieurs reprises, avec les pertes de temps et les frais d'honoraires d'avocats qui en découlent ' (ibid., p. 72).

En vertu de l'article 187, § 6, attaqué, du Code d'instruction criminelle, tel qu'il a été remplacé par l'article 83 de la loi du 5 février 2016Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/02/2016 pub. 19/02/2016 numac 2016009064 source service public federal justice Loi modifiant le droit pénal et la procédure pénale et portant des dispositions diverses en matière de justice fermer, l'opposition doit être considérée comme ' non avenue ' dans deux cas : d'une part, si l'opposant, lorsqu'il comparaît en personne ou par avocat et qu'il est établi qu'il a eu connaissance de la citation dans la procédure dans laquelle il a fait défaut, ne fait pas état d'un cas de force majeure ou d'une excuse légitime justifiant son défaut, la reconnaissance de la force majeure ou de l'excuse invoquées restant soumise à l'appréciation souveraine du juge (1°) et, d'autre part, si l'opposant fait à nouveau défaut sur son opposition, et ce dans tous les cas, quels que soient les motifs des défauts successifs et même si l'opposition a déjà été reçue (2°).

B.33. Il ressort de l'exposé des moyens que la Cour doit examiner la compatibilité des mots ' excuse légitime ' et ' la reconnaissance de la force majeure ou de l'excuse invoquées restant soumise à l'appréciation souveraine du juge ', utilisés dans l'article 187, § 6, 1°, attaqué, du Code d'instruction criminelle, avec le principe de légalité en matière pénale, garanti par les articles 12 et 14 de la Constitution, combinés avec l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme.

La Cour doit par ailleurs examiner la compatibilité de l'article 187, § 6, du Code d'instruction criminelle avec les articles 10, 11 et 13 de la Constitution, combinés avec les dispositions conventionnelles et avec les principes généraux de droit invoqués, en ce que cette disposition établirait une restriction discriminatoire de la possibilité de faire opposition. L'examen de ce grief étant lié à la portée de la disposition attaquée, le grief cité en premier doit être examiné en priorité.

B.34.1. L'article 12, alinéa 2, de la Constitution dispose : ' Nul ne peut être poursuivi que dans les cas prévus par la loi, et dans la forme qu'elle prescrit '.

L'article 14 de la Constitution dispose : ' Nulle peine ne peut être établie ni appliquée qu'en vertu de la loi '.

L'article 7.1 de la Convention européenne des droits de l'homme dispose : ' Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d'après le droit national ou international. De même il n'est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l'infraction a été commise '.

B.34.2. En ce qu'il garantit le principe de légalité en matière pénale, l'article 7.1 de la Convention européenne des droits de l'homme a une portée analogue à celle des articles 12, alinéa 2, et 14 de la Constitution.

B.34.3. Il découle des dispositions précitées que la loi pénale doit être formulée en des termes qui permettent à chacun de connaître, au moment où il adopte un comportement, si ce comportement est punissable ou non et la peine éventuellement encourue. Les principes de légalité et de prévisibilité sont applicables à l'ensemble de la procédure pénale. Ces dispositions entendent ainsi exclure tout risque d'intervention arbitraire de la part du pouvoir exécutif ou du pouvoir judiciaire dans l'établissement et l'application des peines.

Le principe de légalité en matière pénale ne va pas jusqu'à obliger le législateur à régler lui-même chaque aspect de l'incrimination, de la peine ou de la procédure pénale. Plus précisément, il n'empêche pas que le législateur attribue un pouvoir d'appréciation au juge ou au ministère public. Il faut en effet tenir compte du caractère de généralité des dispositions législatives, de la diversité des situations auxquelles elles s'appliquent et de l'évolution des comportements qu'elles répriment.

B.34.4. En l'espèce, ce n'est pas la légalité de l'incrimination ou de la peine qui est en cause mais celle de la procédure pénale.

L'exigence de prévisibilité de la procédure pénale garantit à tout citoyen qu'il ne peut faire l'objet d'une information, d'une instruction et de poursuites que selon une procédure établie par la loi et dont il peut prendre connaissance avant sa mise en oeuvre.

B.35.1. Les travaux préparatoires de la disposition attaquée font apparaître que le législateur a voulu combattre les abus de la procédure d'opposition, en limitant la possibilité de faire opposition à un jugement rendu par défaut, sans porter atteinte au droit des parties d'être entendues, droit qui relève du droit à un procès équitable, et aux exigences émises en la matière par la Cour européenne des droits de l'homme (Doc. parl., Chambre, 2015-2016, DOC 54-1418/001, pp. 72-80).

B.35.2. En prévoyant, à l'article 187, § 6, 1°, attaqué, du Code d'instruction criminelle, que l'opposition est déclarée non avenue si le défaut n'est justifié ni par la ' force majeure ' ni par une ' excuse légitime ', le législateur a sciemment laissé une grande marge d'appréciation au juge (Doc. parl., Chambre, 2015-2016, DOC 54-1418/001, p. 80). En effet, le législateur souhaitait garantir que, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, ' le recours en opposition reste effectif pour les prévenus défaillants qui n'ont ni renoncé à comparaître et à se défendre ni eu l'intention de se soustraire à la justice ' (ibid., p. 79).

En ce qui concerne les notions de ' force majeure ' et d'' excuse légitime ', les travaux préparatoires indiquent : ' Deux types de situations peuvent être couverts par la notion de force majeure : - Les cas où le prévenu n'a pas eu connaissance de la citation, ce qui explique qu'il n'était ni présent, ni représenté à l'audience; - Les cas où le prévenu a eu connaissance de la citation, ne souhaitait pas renoncer à son droit d'être présent ou d'être représenté, mais sa présence ou sa représentation a été empêchée par un motif légitime indépendant de sa volonté.

La proposition de loi précitée du 15 mai 2000 introduite par MM. Bourgeois Van Hoorebeke et Erdman avait envisagé subordonner la recevabilité de l'opposition à la démonstration d'un défaut justifié par la force majeure. Cette piste avait finalement été abandonnée en raison du caractère jugé trop vague de la notion de force majeure. Il avait alors été craint que l'interprétation de cette notion donne lieu à d'interminables discussions (voir Doc. Parl., Chambre, Sess. ord., 2002-2003, n° 50-0651/004, pp. 6 et 11).

Afin de les prévenir, il est proposé d'ajouter aux cas de force majeure, les cas où le prévenu justifie d'un motif reconnu valable par la juridiction devant laquelle il est appelé. L'on notera que la notion d'excuse avait été envisagée dans l'étude UG (p. 158, § 709).

Par ailleurs, la notion d'excuse légitime apparaît déjà à l'article 630, alinéas 10 et 11, du Code d'instruction criminelle concernant la réhabilitation.

L'approche combinant la force majeure et le motif valable s'apparente à celle du droit français qui permet l'opposition tant dans les situations où le prévenu n'a pas eu connaissance effective de la citation régulière non signifiée à personne (un cas qui relèverait chez nous de la force majeure) que dans les situations où la citation a été régulière à personne mais une excuse reconnue valable par la juridiction devant laquelle le défaillant est appelé justifie son absence (articles 410 à 412 du Code de procédure pénale français) ' (ibid., pp. 79-80).

Il ressort des travaux préparatoires précités que la notion d'' excuse légitime ' doit être interprétée en ce sens qu'elle couvre les cas qui ne sont pas des cas de force majeure et où l'opposant avait connaissance de la citation mais invoque un motif faisant apparaître que son absence ne signifiait pas qu'il souhaitait renoncer à son droit de comparaître et de se défendre, ou se soustraire à la justice.

La notion d'' excuse légitime ' est suffisamment claire, présente une sécurité juridique suffisante et ne porte pas atteinte au principe de légalité en matière pénale.

B.35.3. Le fait que l'article 187, § 6, 1°, attaqué, mentionne que ' la reconnaissance de la force majeure ou de l'excuse invoquées rest [e] soumise à l'appréciation souveraine du juge ' ne change rien à ce qui précède. Cette mention confirme simplement la règle générale selon laquelle le juge, à défaut de critères d'appréciation contraignants figurant dans la loi, statue souverainement sur ces points, le juge étant toutefois lié par la signification usuelle des notions de ' force majeure ' et d'' excuse légitime ', telle qu'elle a été précisée par le législateur.

Il appartient à la Cour de cassation de veiller à ce que ces notions ne soient pas interprétées de manière arbitraire et de vérifier si le juge a pu légitimement déduire des faits qu'il est ou non question de force majeure ou d'excuse légitime.

B.35.4. L'article 187, § 6, 1°, attaqué, du Code d'instruction criminelle, remplacé par l'article 83 de la loi du 5 février 2016Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/02/2016 pub. 19/02/2016 numac 2016009064 source service public federal justice Loi modifiant le droit pénal et la procédure pénale et portant des dispositions diverses en matière de justice fermer, ne viole dès lors pas les articles 12 et 14 de la Constitution, combinés ou non avec l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme.

B.36.1. Les parties requérantes font encore valoir que l'article 187, § 6, du Code d'instruction criminelle viole les articles 10, 11 et 13 de la Constitution, combinés ou non avec les articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, avec l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et avec les principes généraux du droit relatifs au droit à un procès équitable, au respect des droits de la défense, au droit d'accès au juge et au droit à un recours effectif, en ce qu'il limite la possibilité de faire opposition.

Cette disposition serait discriminatoire en ce qu'elle a pour conséquence que le prévenu qui fait défaut dans la procédure par laquelle il est statué sur l'action publique est traité de la même manière que le condamné qui fait défaut dans la procédure de réhabilitation. En vertu respectivement de la disposition attaquée et de l'article 630 du Code d'instruction criminelle, tous deux doivent invoquer une excuse légitime pour justifier leur absence à l'audience.

Or, il existerait entre ces deux catégories de personnes des différences fondamentales qui s'opposeraient à cette identité de traitement.

B.36.2. Contrairement à ce que soutient la partie requérante dans l'affaire n° 6498, les dispositions constitutionnelles et conventionnelles invoquées ne contiennent pas d'obligation de standstill.

B.37. La différence de traitement entre certaines catégories de personnes qui découle de l'application de règles procédurales différentes dans des circonstances différentes n'est pas discriminatoire en soi. Il en va de même du traitement identique qui découle de l'application des mêmes règles procédurales dans des circonstances différentes. Il ne pourrait être question de discrimination que si la différence de traitement ou l'identité de traitement qui découle de l'application de ces règles de procédure entraînait une limitation disproportionnée des droits des personnes concernées.

B.38.1. L'article 13 de la Constitution implique un droit d'accès au juge compétent. Ce droit est également garanti par l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme, par l'article 14, paragraphe 1, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et par un principe général de droit.

L'article 13 de la Convention européenne des droits de l'homme garantit le droit à un recours effectif devant une instance nationale à toute personne dont les droits et libertés mentionnés dans cette Convention ont été violés.

B.38.2. La comparution d'un prévenu revêt une importance capitale en raison tant du droit de celui-ci à être entendu que de la nécessité de contrôler l'exactitude de ses affirmations et de les confronter avec les dires de la victime, dont il y a lieu de protéger les intérêts, ainsi qu'avec ceux des témoins (CEDH, 23 novembre 1993, Poitrimol c.

France, § 35; 13 février 2001, Krombach c. France, § 84; 14 juin 2001, Medenica c. Suisse, § 54; 13 janvier 2011, Drakos c. Grèce, § 35).

Si le droit national autorise le déroulement d'un procès nonobstant l'absence de l'accusé, celui-ci doit pouvoir obtenir ultérieurement qu'une juridiction statue à nouveau, après l'avoir entendu, sur le bien-fondé de l'accusation en fait comme en droit, lorsqu'il n'est pas établi qu'il a renoncé à son droit de comparaître et de se défendre ni qu'il a eu l'intention de se soustraire à la justice (CEDH, grande chambre, 1er mars 2006, Sejdovic c. Italie, § 82; 1er mars 2011, Faniel c. Belgique, § 26). Il faut qu'il n'incombe pas à l'accusé de prouver qu'il n'entendait pas se dérober à la justice ni que son absence s'expliquait par un cas de force majeure. En même temps, il est loisible aux autorités nationales d'évaluer si les excuses fournies par l'accusé pour justifier son absence étaient valables ou si les éléments versés au dossier permettaient de conclure que son absence était indépendante de sa volonté (CEDH, Sejdovic c. Italie, précité, § 88).

Le législateur doit pouvoir décourager des abstentions injustifiées, à condition que les sanctions ne se révèlent pas disproportionnées et que le prévenu ne soit pas privé du droit à l'assistance d'un défenseur (ibid., § 92).

B.39.1. Il ressort des travaux préparatoires mentionnés en B.32.3 et B.35 que le législateur a voulu éviter les abus de la procédure d'opposition sans porter atteinte aux exigences émises par la Cour européenne des droits de l'homme en ce qui concerne le droit d'accès au juge. Pour cette raison, le législateur a prévu que l'opposition ne peut être considérée comme non avenue que dans les deux hypothèses visées dans la disposition attaquée.

B.39.2. En ce qui concerne la situation visée à l'article 187, § 6, 1°, du Code d'instruction criminelle, pour que l'opposition puisse être considérée comme non avenue, il faut d'abord qu'il soit établi que l'opposant a eu connaissance de la citation dans la procédure par défaut. Il appartient à la partie poursuivante ou à la partie civile d'en apporter la preuve; le prévenu n'a pas à fournir de preuve en la matière (Cass., 17 janvier 2017, P.16.0989.N). Cette prise de connaissance doit en outre être établie avec certitude; il ne peut y avoir le moindre doute raisonnable à ce sujet.

Ensuite, l'opposition ne peut être déclarée non avenue que si l'opposant ' ne fait pas état d'un cas de force majeure ou d'une excuse légitime justifiant son défaut lors de la procédure attaquée '.

Comme il est dit en B.35, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, cette condition doit être interprétée en ce sens que ' le recours en opposition reste effectif pour les prévenus défaillants qui n'ont ni renoncé à comparaître et à se défendre ni eu l'intention de se soustraire à la justice ' (Doc. parl., Chambre, 2015-2016, DOC 54-1418/001, p. 79). Il suffit que l'opposant ' fasse état ' d'un cas de force majeure ou d'une excuse légitime et donc qu'il démontre à suffisance l'existence de ce motif, sans qu'il soit tenu d'en apporter la preuve.

Ce n'est que dans la mesure où il est satisfait à ces conditions cumulatives, et qu'il est donc établi que le prévenu a renoncé au droit de comparaître et de se défendre ou avait l'intention de se soustraire à la justice, que l'opposition est considérée comme non avenue.

B.39.3. En vertu de l'article 187, § 6, 2°, du Code d'instruction criminelle, l'opposition est aussi déclarée non avenue si l'opposant fait à nouveau défaut sur son opposition, et ce dans tous les cas, quels que soient les motifs des défauts successifs et même si l'opposition a déjà été reçue. Cette situation était déjà en partie visée par l'ancien article 188 du Code d'instruction criminelle, en ce qu'il concernait une absence à la première audience utile après la formation de l'opposition, et a été étendue par l'article 83 de la loi du 5 février 2016Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/02/2016 pub. 19/02/2016 numac 2016009064 source service public federal justice Loi modifiant le droit pénal et la procédure pénale et portant des dispositions diverses en matière de justice fermer à toutes les absences de l'opposant dans la procédure d'opposition.

Il peut être justifié qu'une absence à l'audience soit appréciée plus sévèrement à l'égard d'une partie qui a déjà fait défaut et qui, en signifiant l'opposition, a elle-même pris l'initiative d'obtenir de la juridiction qui a statué par défaut une nouvelle décision après un débat contradictoire.

En outre s'applique, dans ce cas aussi, le principe général de droit selon lequel la rigueur de la loi peut être tempérée en cas de force majeure, principe auquel la loi attaquée n'a pas dérogé. Comme le confirment également les travaux préparatoires, l'opposition ne peut dès lors être déclarée non avenue si une cause de force majeure justifie l'absence de l'opposant au cours de la procédure d'opposition (Doc. parl., 2015-2016, DOC 54-1418/001, p. 81, et DOC 54-1418/005, pp. 110-111).

B.39.4. Sous réserve qu'il soit interprété de la manière indiquée en B.39.2 et B.39.3, l'article 187, § 6, du Code d'instruction criminelle ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit du prévenu d'accéder au juge.

B.40. Sous cette réserve, les moyens dirigés contre l'article 187, § 6, précité, du Code d'instruction criminelle, tel qu'il a été remplacé par l'article 83 de la loi du 5 février 2016Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/02/2016 pub. 19/02/2016 numac 2016009064 source service public federal justice Loi modifiant le droit pénal et la procédure pénale et portant des dispositions diverses en matière de justice fermer, ne sont pas fondés ».

B.4. Pour les mêmes motifs et sous réserve de l'interprétation mentionnée en B.39.2 et B.39.3 de l'arrêt précité, l'article 187, § 6, 1°, du Code d'instruction criminelle n'est pas incompatible avec les articles 10, 11, 12 et 13 de la Constitution.

La première branche de la question préjudicielle appelle une réponse négative.

Quant à la seconde branche de la question préjudicielle B.5.1. La Cour est également interrogée sur la compatibilité des dispositions en cause avec les normes de référence indiquées en B.2, en ce que ces dispositions limiteraient le contrôle de la juridiction d'appel quand elle est saisie de griefs portant sur la condition procédurale de la nécessité pour l'opposant de se prévaloir d'une « cause légitime », condition « qui a été appréciée de manière discrétionnaire par le premier juge ».

B.5.2. Selon le juge a quo, les dispositions en cause sont susceptibles de causer non seulement des situations discriminantes entre les justiciables, « mais encore de porter atteinte à la prévisibilité de la procédure pénale tout en restreignant, quand elle est saisie, le contrôle de la juridiction d'appel de la condition d'' excuse légitime ' et de l'effectivité que doit, en règle, avoir la voie de recours de l'opposition ».

B.6.1. Les travaux préparatoires de la loi du 5 février 2016Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/02/2016 pub. 19/02/2016 numac 2016009064 source service public federal justice Loi modifiant le droit pénal et la procédure pénale et portant des dispositions diverses en matière de justice fermer indiquent : « C'est la notion d'opposition non avenue - et non d'opposition irrecevable - qu'il est proposé d'étendre pour lutter contre les abus de la procédure d'opposition.

La notion d'opposition non avenue est en quelque sorte une irrecevabilité ex nunc, dont la cause intervient après qu'une opposition recevable a été formée.

Aujourd'hui, l'opposition est non avenue si l'opposant ne comparaît pas en personne ou par un avocat à la première audience à laquelle est fixée une opposition recevable. Des juges particulièrement scrupuleux estiment même que si cette audience n'est pas la première audience possible, comme le prescrit la loi, ils ne peuvent déclarer une opposition non avenue.

Etendre la notion d'opposition non avenue présente l'avantage de la clarté.

L'irrecevabilité de l'opposition a pour effet qu'il est certain que le jugement ou l'arrêt par défaut a mis fin à l'action publique et éventuellement à l'action civile et que ce jugement ou cet arrêt est définitif (R. Verstraeten, Handboek strafvordering, 4de volledige herziene uitgave, Antwerpen, Maklu, 2005, n° 2348, p. 1089).

Une décision d'irrecevabilité est susceptible de recours. En principe, celui-ci soumet uniquement la régularité de la décision d'irrecevabilité au juge d'appel. S'il est constaté que l'irrecevabilité a été déclarée à tort en première instance, il sera également statué en appel sur le fond de l'affaire (ibid., n° 2352, p. 1091).

L'opposition non avenue a pour effet que l'opposition est considérée comme sans objet, ce qui entraîne que le jugement contre lequel l'opposition était dirigée est maintenu dans son intégralité. L'appel du jugement de l'opposition non avenue a pour effet que tant la décision d'opposition non avenue que la décision par défaut sont soumises au juge d'appel (ibid., n° 2355-2356, pp. 1092-1093 - principe repris à l'article 187, § 9, alinéa 2).

La confusion sur l'objet de l'appel est ainsi évitée.

La règle générale qui veut que l'opposition ne peut pas nuire à l'opposant n'en reste pas moins d'application : ainsi, le juge d'appel ne pourra aggraver la situation du prévenu au pénal que si le ministère public a successivement interjeté appel contre les jugements par défaut et rendu sur opposition » (Doc. parl., Chambre, 2015-2016, DOC 54-1418/001, pp. 78-79).

B.6.2. La juridiction saisie de l'appel contre le jugement déclarant l'opposition non avenue est donc saisie tant de la décision d'opposition non avenue que du jugement rendu par défaut.

Sans qu'elle puisse se prononcer sur l'appréciation par le premier juge de la force majeure ou de l'excuse légitime, dont la reconnaissance reste soumise à l'appréciation souveraine du premier juge, la juridiction d'appel est saisie du fond de l'affaire.

B.7. Il ressort des motifs précités de l'arrêt n° 148/2017 que le législateur a voulu éviter les abus de la procédure d'opposition sans porter atteinte aux exigences émises par la Cour européenne des droits de l'homme en ce qui concerne le droit d'accès au juge. Sous réserve qu'il soit interprété de la manière indiquée en B.39.2 et B.39.3 de cet arrêt, l'article 187, § 6, du Code d'instruction criminelle ne porte pas une atteinte disproportionnée à ce droit.

Il en va de même du paragraphe 6, 1°, combiné avec le paragraphe 9, du même article. En prévoyant que le juge d'appel est saisi du fond de l'affaire, l'article 187, § 9, garantit à celui qui a été condamné par un jugement qui a déclaré son opposition non avenue de conserver la possibilité d'être rejugé et d'obtenir une nouvelle décision sur l'action publique. Le législateur a dès lors pu considérer qu'une absence de décision par la juridiction d'appel sur la cause de non-comparution ne portait pas une atteinte discriminatoire au droit à un procès équitable.

B.8. Il découle de ce qui précède que la seconde branche de la question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 187, § 6, 1°, et § 9, alinéa 2, du Code d'instruction criminelle, tel qu'il a été remplacé par l'article 83 de la loi du 5 février 2016Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/02/2016 pub. 19/02/2016 numac 2016009064 source service public federal justice Loi modifiant le droit pénal et la procédure pénale et portant des dispositions diverses en matière de justice fermer modifiant le droit pénal et la procédure pénale et portant des dispositions diverses en matière de justice, ne viole pas les articles 10, 11, 12 et 13 de la Constitution, lus isolément ou en combinaison avec les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, sous réserve de l'interprétation mentionnée en B.4 et B.7.

Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 17 mai 2018.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, J. Spreutels

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