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Arrêt
publié le 12 septembre 2018

Extrait de l'arrêt n° 90/2018 du 5 juillet 2018 Numéro du rôle : 6661 En cause : le recours en annulation du décret de la Région wallonne du 24 novembre 2016 modifiant le décret du 19 mars 2009 relatif à la conservation du domaine public régi La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et A. Alen, et des juges J.-P. S(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 90/2018 du 5 juillet 2018 Numéro du rôle : 6661 En cause : le recours en annulation du décret de la Région wallonne du 24 novembre 2016 modifiant le décret du 19 mars 2009 relatif à la conservation du domaine public régional routier et des voies hydrauliques et diverses dispositions relatives au transport par route, introduit par l'« Union Professionnelle du Transport et de la Logistique » et la SPRL « V.D.K. ».

La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et A. Alen, et des juges J.-P. Snappe, E. Derycke, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul et R. Leysen, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président J. Spreutels, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 12 mai 2017 et parvenue au greffe le 15 mai 2017, un recours en annulation du décret de la Région wallonne du 24 novembre 2016 modifiant le décret du 19 mars 2009 relatif à la conservation du domaine public régional routier et des voies hydrauliques et diverses dispositions relatives au transport par route (publié au Moniteur belge du 14 décembre 2016, troisième édition) a été introduit par l'« Union Professionnelle du Transport et de la Logistique » et la SPRL « V.D.K. », assistées et représentées par Me A. Franken, avocat au barreau de Liège. (...) II. En droit (...) Quant à l'objet du recours B.1.1. Les parties requérantes demandent l'annulation du décret de la Région wallonne du 24 novembre 2016 « modifiant le décret du 19 mars 2009 relatif à la conservation du domaine public régional routier et des voies hydrauliques et diverses dispositions relatives au transport par route » (ci-après : le décret du 24 novembre 2016).

B.1.2. Les Gouvernements wallon et flamand contestent la recevabilité du recours en soutenant que son objet et, plus précisément, les normes législatives qui violeraient les règles dont la Cour garantit le respect, ne sont pas clairement identifiés.

B.1.3. Pour satisfaire aux exigences de l'article 6 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, les moyens de la requête doivent faire connaître, parmi les règles dont la Cour garantit le respect, celles qui seraient violées ainsi que les dispositions qui violeraient ces règles et exposer en quoi ces règles auraient été transgressées par ces dispositions.

Ces exigences visent à permettre à la Cour d'effectuer pleinement le contrôle de constitutionnalité et aux parties de répondre adéquatement aux moyens invoqués dans la requête.

B.1.4. Il ressort des développements de la requête que les griefs sont dirigés contre les articles 3, 3°, et 9, a), du décret du 24 novembre 2016. La Cour limite dès lors son examen à ces seules dispositions. Quant aux dispositions attaquées et à leur contexte B.2.1. L'article 1er du décret du 24 novembre 2016 complète l'article 1er du décret de la Région wallonne du 19 mars 2009 relatif à la conservation du domaine public régional routier et des voies hydrauliques (ci-après : le décret du 19 mars 2009) par la phrase suivante : « Le présent décret transpose partiellement la Directive 2015/719 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2015 modifiant la Directive 96/53/CE du Conseil fixant, pour certains véhicules routiers circulant dans la Communauté, les dimensions maximales autorisées en trafic national et international et les poids maximaux autorisés en trafic international ».

B.2.2. Depuis son remplacement par l'article 3, 3°, du décret du 24 novembre 2016, l'article 5, § 3, du décret du 19 mars 2009 dispose : « Sont punissables d'un emprisonnement de huit jours à un an et d'une amende de 75 euros à 75.000 euros, ou d'une de ces peines seulement, ceux qui conduisent un véhicule ou un train de véhicules dont la masse sur les essieux excède, sans préjudice de l'application de la tolérance de mesure de l'appareil de pesage, le maximum autorisé ».

Avant son remplacement par le décret du 24 novembre 2016, l'article 5, § 3, du décret du 19 mars 2009 disposait : « Sont punissables d'une amende ceux qui conduisent un véhicule dont la masse au sol en dessous d'un des essieux excède de plus de 5 % le maximum autorisé. Cette amende est de : 1° 50 euros à 5.000 euros en cas de surcharge de moins de 500 kg; 2° 100 euros à 10.000 euros en cas de surcharge de 500 kg à moins de 1 000 kg; 3° 200 euros à 20.000 euros en cas de surcharge de 1 000 kg à moins de 1 500 kg; 4° 300 euros à 30.000 euros en cas de surcharge de 1 500 kg à moins de 2 000 kg; 5° 500 euros à 50.000 euros en cas de surcharge de 2 000 kg à moins de 3 000 kg; 6° 750 euros à 75.000 euros en cas de surcharge de 3 000 kg et plus ».

B.2.3. L'article 3, 4°, du décret du 24 novembre 2016 a, en outre, complété l'article 5 du décret du 19 mars 2009 par les paragraphes 4 à 7 qui disposent : « § 4. Sont punissables d'un emprisonnement de huit jours à un an et d'une amende de 75 euros à 75.000 euros, ou d'une de ces peines seulement, ceux qui conduisent un véhicule ou un train de véhicules dont la masse totale excède, sans préjudice de l'application de la tolérance de mesure de l'appareil de pesage, le maximum autorisé. § 5. Sont punissables d'un emprisonnement de huit jours à un an et d'une amende de 75 euros à 75.000 euros, ou d'une de ces peines seulement, ceux qui conduisent un véhicule ou un train de véhicules chargé dont les dimensions du chargement excèdent le maximum autorisé. § 6. Les montants repris au présent article sont majorés des décimes additionnels tels que prévus par la loi du 5 mars 1952Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/03/1952 pub. 13/01/2010 numac 2009000850 source service public federal interieur Loi relative aux décimes additionnels sur les amendes pénales Coordination officieuse en langue allemande fermer relative aux décimes additionnels sur les amendes pénales. § 7. La peine et l'amende reprises au présent article sont déterminées en fonction de la gravité de l'infraction, de l'éventuelle concomitance de plusieurs infractions et de l'éventuelle récidive ».

B.2.4. L'article 9 du décret du 24 novembre 2016 modifie l'article 9 du décret du 19 mars 2009.

Depuis son remplacement par l'article 9, a), du décret du 24 novembre 2016, l'article 9, § 1er, du décret du 19 mars 2009 dispose : « § 1er. Si les faits sont passibles d'une sanction pénale en vertu de l'article 5 ou 5bis, une amende administrative peut être infligée au contrevenant en lieu et place de la sanction pénale.

Le montant de l'amende administrative est : 1° de 50 euros à 10.000 euros pour les infractions visées aux articles 5, § 1er et 5bis, § 2; 2° de 50 euros à 1.000 euros pour les infractions visées aux articles 5, § 2 et 5bis, § 1er; 3° déterminé en appliquant au montant de la perception immédiate les décimes additionnels tels que prévus par la loi du 5 mars 1952Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/03/1952 pub. 13/01/2010 numac 2009000850 source service public federal interieur Loi relative aux décimes additionnels sur les amendes pénales Coordination officieuse en langue allemande fermer relative aux décimes additionnels sur les amendes pénales, pour les infractions visées à l'article 5, § § 3 à 5. L'amende administrative est doublée si, cumulativement : 1° il y a récidive d'une infraction visée à l'article 5, § § 3 à 5, dans les trois ans à dater d'une décision administrative définitive infligeant une amende administrative portant indistinctement sur une de ces infractions;2° le montant de la perception immédiate applicable à la nouvelle infraction est au moins égal à celui appliqué à l'infraction faisant l'objet de la décision administrative définitive ou que des dégâts ont été portés au domaine public régional routier à la suite de la nouvelle infraction. En cas d'infraction à l'article 5bis, § 3, le montant de l'amende administrative est : 1° de 1.000 à 5.000 euros en cas de surcharge inférieure à 10 tonnes; 2° de 2.000 à 10.000 euros en de surcharge de 10 tonnes à moins de 20 tonnes; 3° de 4.000 à 20.000 euros en cas de surcharge de 20 tonnes à moins de 50 tonnes; 4° de 5.000 à 30.000 euros en cas de surcharge de 50 tonnes à moins de 100 tonnes; 5° de 6.000 à 50.000 euros en cas de surcharge de 100 tonnes à moins de 500 tonnes; 6° de 7.500 à 75.000 euros en cas de surcharge de plus de 500 tonnes.

Pour les infractions visées à l'article 5bis, § 4, le montant de l'amende administrative est de 50 euros au moins à 10.000 euros au plus.

Le Gouvernement désigne un ou plusieurs fonctionnaires sanctionnateur, ci-après dénommé ' le fonctionnaire ', parmi les fonctionnaires ayant un diplôme universitaire de deuxième cycle ou un diplôme équivalent.

Le fonctionnaire inflige les amendes administratives dans des conditions garantissant son indépendance et son impartialité. Un fonctionnaire ne peut prendre de décision dans un dossier dans lequel il est déjà intervenu dans une autre qualité, ni avoir un intérêt direct ou indirect dans les entreprises ou institutions concernées par la procédure.

Le Gouvernement peut déterminer des frais de procédure administrative ».

B.3.1. Les travaux préparatoires du décret du 24 novembre 2016 précisent : « La sixième réforme de l'Etat prévoit la régionalisation de nombreuses compétences, notamment en matière de mobilité et de sécurité routière dont la réglementation et le contrôle en matière de masse maximale autorisée, de masses par essieux et de dimensions du chargement des véhicules et combinaisons de véhicules » (Doc. parl., Parlement wallon, 2016-2017, n° 624/1, p. 3).

B.3.2. Ces travaux préparatoires indiquent également : « L'objectif principal du présent texte est [...] d'intégrer dans le décret du 19 mars 2009 et dans son système de sanction, qui est à l'occasion adapté, les infractions relatives aux matières précitées. [...] Les montants de perceptions immédiates et d'amendes administratives doivent être dissuasifs.

Ils ont été évalués sur base des impacts potentiels de la commission de l'infraction sur la sécurité routière de manière générale, sur la fluidité de la circulation et sur les dégâts potentiels ou réels à l'infrastructure. Les sanctions doivent aussi être dissuasives par rapport à l'intérêt économique que représente pour le transporteur, la commission de l'infraction. Le fait, pour un transporteur, de charger plus de marchandises en volume ou en masse donne un avantage économique certain à ce dernier. Ce critère a donc également été pris en considération » (ibid., p. 3).

B.3.3. En commission, le ministre wallon des Travaux publics, de l'Action sociale, de la Santé et du Patrimoine a encore précisé : « L'objectif [...] est donc d'intégrer dans le système de sanction régional les infractions relatives aux matières précitées, lesquelles existent actuellement dans les textes fédéraux, mais pour lesquels [lire : lesquelles] les agents de la police domaniale ne sont pas compétents. [...] En ce qui concerne, par exemple, la masse par essieu, l'agressivité relative de la masse par essieu sur la chaussée est une fonction de puissance 4. Un essieu de dix tonnes d'un camion est dès lors 10 000 fois plus agressif pour la chaussée et sa fondation que celui d'une voiture traditionnelle. Une surcharge a donc rapidement un impact important sur la dégradation de la chaussée et donc sur le bon entretien de l'infrastructure.

Il est relevé qu'actuellement, l'amende est peu élevée pour ce type d'infraction comparativement au coût des dégradations et à ce qui est pratiqué dans les pays voisins. De plus, elle s'avère peu dissuasive. [...] En conclusion, [...] ce décret est la première étape des amendes administratives pour soulager le travail des parquets de police » (Doc. parl., Parlement wallon, 2016-2017, n° 624/4, pp. 3-4).

B.3.4. Le commentaire de l'article 3 de l'avant-projet de décret, devenu l'article 3 du décret du 24 novembre 2016, indique : « le point 3° prévoit les sanctions pénales relatives aux dépassements de masses par essieux, aux masses maximales autorisées et aux dimensions maximales autorisées.

Pour ce qui concerne les dépassements de masses, la tolérance technique de la balance de pesage est appliquée. [...] La version actuelle du décret prévoit une tolérance de cinq pour cent en sus de la tolérance de mesure prévue dans l'arrêté royal précité.

La législation ne peut prévoir une telle tolérance qui permet ainsi implicitement aux transporteurs de faire circuler leurs véhicules systématiquement en ajoutant cinq pour cent (de tolérance décrétale) plus deux pour cent (pour les masses maximales) ou cinq pour cent (pour les masses par essieux) de tolérance de mesure » (Doc. parl., Parlement wallon, 2016-2017, n° 624/1, p. 4).

B.4. L'article 10quinquies de la directive 96/53/CE, inséré par la directive 2015/719, dispose : « 1. Le 27 mai 2021 au plus tard, les Etats membres prennent des mesures spécifiques pour identifier les véhicules ou ensembles de véhicules en circulation susceptibles de présenter un dépassement du poids maximal autorisé et qui devraient donc être contrôlés par leurs autorités compétentes pour s'assurer du respect des exigences de la présente directive. Ces mesures de poids peuvent être prises à l'aide de systèmes automatiques placés sur les infrastructures routières, ou au moyen d'équipements de pesage embarqués à bord des véhicules conformément au paragraphe 4.

Un Etat membre n'impose pas l'installation d'équipements de pesage embarqués sur les véhicules ou ensembles de véhicules qui sont immatriculés dans d'autres Etats membres.

Sans préjudice du droit de l'Union et du droit national, lorsque des systèmes automatiques sont utilisés pour établir des violations de la présente directive et imposer des sanctions, lesdits systèmes automatiques doivent être certifiés. Lorsque les systèmes automatiques ne sont utilisés qu'à des fins d'identification, ils n'ont pas besoin d'être certifiés. 2. Chaque Etat membre effectue chaque année civile un nombre approprié de contrôles du poids des véhicules ou ensembles de véhicules en circulation qui soit proportionnel au nombre total de véhicules inspectés chaque année sur son territoire. [...] 4. Les équipements de pesage embarqués, visés au paragraphe 1, sont précis et fiables, totalement interopérables et compatibles avec tous les types de véhicules.5. Au plus tard le 27 mai 2016, la Commission adopte les actes d'exécution fixant des dispositions détaillées garantissant des conditions uniformes pour la mise en oeuvre des règles en matière d'interopérabilité et de compatibilité visées au paragraphe 4. [...] Afin de veiller à la compatibilité avec tous les types de véhicules, les systèmes embarqués des véhicules à moteur ont la capacité de recevoir et de traiter toute donnée provenant de tout type de remorque ou semi-remorque fixée au véhicule à moteur. [...] ».

L'article 10sexies de la même directive dispose : « Les Etats membres déterminent le régime des sanctions applicables aux violations de la présente directive et prennent toute mesure nécessaire pour assurer la mise en oeuvre de celles-ci. Ces sanctions sont effectives, non discriminatoires, proportionnées et dissuasives.

Les Etats membres notifient ce régime à la Commission ».

Quant aux premier et deuxième moyens B.5.1. Les premier et deuxième moyens sont pris de la seule violation du principe de proportionnalité et du principe non bis in idem.

B.5.2. Lorsqu'elle est saisie d'un recours en annulation, la Cour statue sur la compatibilité d'une disposition législative avec les règles qui sont établies par ou en vertu de la Constitution pour déterminer les compétences respectives de l'autorité fédérale, des communautés et des régions, avec les articles du titre II de la Constitution (« Des Belges et de leurs droits »), avec les articles 170, 172 et 191 de celle-ci ou avec l'article 143, § 1er, de la Constitution (article 1er de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle).

Elle n'a pas pour mission de contrôler directement le respect par les législateurs d'autres règles, à moins qu'elles se combinent avec les règles constitutionnelles relevant de sa compétence, notamment le principe d'égalité et de non-discrimination.

B.5.3. Ni le principe de proportionnalité, ni le principe non bis in idem ne font partie en tant que tels des normes de contrôle visées à l'article 1er de la loi spéciale du 6 janvier 1989.

La Cour n'est dès lors pas compétente pour connaître des premier et deuxième moyens.

Quant au troisième moyen B.6.1. Les parties requérantes prennent un troisième moyen de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, en ce que la disposition attaquée soumet au même régime de sanctions administratives des catégories différentes de conducteurs d'un véhicule ou d'un train de véhicules, à savoir, d'une part, ceux qui transportent des matériaux lourds en vrac utilisant des anciens véhicules et, d'autre part, ceux qui transportent des matériaux lourds en vrac, utilisant des véhicules plus récents, ou des marchandises sur palettes.

Tandis que la première catégorie de conducteurs se trouverait dans l'impossibilité de vérifier tant la masse totale des marchandises transportées que la répartition de cette masse sur les essieux, la seconde catégorie de conducteurs serait en mesure de vérifier ces mêmes données, grâce à des « solutions techniques pour les nouveaux véhicules » qui leur évitent de dépendre des moyens de vérification mis à disposition par les chargeurs, jugés insuffisants par les parties requérantes.

B.6.2. L'article 9, § 1er, alinéa 2, 3°, du décret du 19 mars 2009, qui renvoie à l'article 5, § § 3 à 5, du même décret, s'applique indistinctement à « ceux qui conduisent un véhicule ou un train de véhicules dont la masse sur les essieux excède, sans préjudice de l'application de la tolérance de mesure de l'appareil de pesage, le maximum autorisé », à « ceux qui conduisent un véhicule ou un train de véhicules dont la masse totale excède, sans préjudice de l'application de la tolérance de mesure de l'appareil de pesage, le maximum autorisé » et à « ceux qui conduisent un véhicule ou un train de véhicule chargé dont les dimensions du chargement excèdent le maximum autorisé ».

B.6.3. Le principe d'égalité et de non-discrimination n'exclut pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée. Ce principe s'oppose, par ailleurs, à ce que soient traitées de manière identique, sans qu'apparaisse une justification raisonnable, des catégories de personnes se trouvant dans des situations qui, au regard de la mesure considérée, sont essentiellement différentes.

L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité et de non-discrimination est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

B.6.4. Comme il ressort des travaux préparatoires cités en B.3.2 et B.3.3, l'objectif poursuivi par le législateur décrétal est multiple.

Le législateur décrétal a entendu intégrer, dans le système existant des sanctions pénales et administratives, des infractions relevant des nouvelles compétences régionales en matière de sécurité routière.

Ainsi, en fixant le montant des sanctions pénales et administratives visant à réprimer la commission de ces infractions, le législateur décrétal a visé à assurer la sécurité routière et la fluidité de la circulation. Il a également cherché à prévenir des dégâts potentiels ou réels à l'infrastructure routière. Les sanctions instaurées visent en outre à enlever l'intérêt économique illégal que peut tirer un transporteur du fait de charger plus de marchandises en volume ou en masse que celles qui sont autorisées.

De tels objectifs sont légitimes.

B.6.5. Au regard de ces objectifs, le législateur décrétal a pu, de manière pertinente, appliquer le même système de sanctions pénales et administratives aux conducteurs de véhicules transportant des marchandises, indépendamment du type de véhicule ou de marchandises transportées.

Tous les conducteurs, quelle que soit la manière dont leur marchandise est transportée (en vrac ou sur palettes, utilisant des anciens ou des nouveaux véhicules) risquent d'entraver de la même manière la sécurité routière et la fluidité de la circulation ou de causer des dégâts potentiels ou réels à l'infrastructure routière, s'ils ne respectent pas les prescriptions relatives aux dimensions et aux masses maximales autorisées. Par ailleurs, ces conducteurs risquent, tous de la même manière, de commettre des actes de concurrence déloyale, en chargeant leurs véhicules au-delà des limites imposées. Il est dès lors pertinent de les soumettre tous au même régime de sanctions pénales et administratives.

B.6.6. Enfin, les conducteurs qui utilisent des véhicules plus anciens pour transporter des matériaux lourds en vrac ne subissent pas de préjudice disproportionné par rapport aux objectifs poursuivis par le législateur décrétal.

En effet, les parties requérantes restent en défaut de démontrer que cette catégorie de conducteurs n'aurait effectivement pas la faculté de connaître avec précision la masse totale ou la masse sur essieux qu'ils ont chargée. Ces conducteurs sont en mesure de disposer de ces informations, compte tenu des dispositifs généralement mis en place par les chargeurs, de l'obligation qui leur incombe de respecter les dispositions relatives aux masses maximales autorisées et de l'intérêt même du conducteur de connaître la masse totale de son véhicule ou la masse sur essieux transportée. Qui plus est, un chargeur qui empêcherait un transporteur de connaître la masse totale ou la masse sur essieux de ses véhicules s'expose désormais aux mêmes sanctions que celles qui peuvent être infligées aux conducteurs pour ne pas avoir respecté les masses totales maximales autorisées, les masses sur essieux ou les dimensions du chargement autorisées. En effet, l'article 9, § 10, alinéa 3, du décret du 19 mars 2009, tel qu'il est inséré par l'article 9, b), du décret du 24 novembre 2016, dispose : « Le donneur d'ordre, le chargeur, le commissionnaire de transport ou le commissionnaire-expéditeur d'un transport de marchandises sont punis au même titre que les auteurs des infractions visées à l'article 5, § § 3 à 5, s'ils ont donné des instructions ou posé des actes ayant entraîné les infractions en question, ou s'ils n'ont pas fait application de l'alinéa 2 ».

Les travaux préparatoires indiquent par ailleurs que le donneur d'ordre, le chargeur, le commissionnaire de transport ou le commissionnaire-expéditeur d'un transport de marchandises peuvent aussi, sous certaines conditions, être punis à titre de co-auteur de l'infraction (Doc. parl., Parlement wallon, 2016-2017, n° 624/1, p. 5).

B.6.7. L'identité de traitement instaurée par la disposition attaquée est dès lors raisonnablement justifiée.

Le troisième moyen n'est pas fondé.

Quant au quatrième moyen B.7.1. Le quatrième moyen est pris de la violation de la liberté de commerce et d'industrie, consacrée par l'article 7 du décret d'Allarde du 2 et 17 mars 1791 et par l'article 6, § 1er, VI, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles.

B.7.2. La loi du 28 février 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 28/02/2013 pub. 29/03/2013 numac 2013011134 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie Loi introduisant le Code de droit économique type loi prom. 28/02/2013 pub. 19/06/2013 numac 2013000376 source service public federal interieur Loi introduisant le Code de droit économique. - Traduction allemande fermer, qui a introduit l'article II.3 du Code de droit économique, a abrogé le décret d'Allarde des 2 et 17 mars 1791.

L'article II.3 du Code de droit économique dispose : « Chacun est libre d'exercer l'activité économique de son choix ».

B.7.3. La Cour n'est pas compétente pour contrôler des dispositions législatives au regard de dispositions législatives qui ne sont pas des règles répartitrices de compétences entre l'autorité fédérale, les communautés et les régions. Le moyen est partant irrecevable dans cette mesure.

B.7.4. La liberté de commerce et d'industrie est également consacrée par l'article 6, § 1er, VI, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles qui dispose : « En matière économique, les Régions exercent leurs compétences dans le respect des principes de la libre circulation des personnes, biens, services et capitaux et de la liberté de commerce et d'industrie, ainsi que dans le respect du cadre normatif général de l'union économique et de l'unité monétaire, tel qu'il est établi par ou en vertu de la loi, et par ou en vertu des traités internationaux ».

B.7.5. Il s'agit d'une disposition au regard de laquelle la Cour peut effectuer directement un contrôle, en tant que règle répartitrice de compétence.

B.7.6. La liberté de commerce et d'industrie ne peut être conçue comme une liberté absolue. Elle ne fait pas obstacle à ce que la loi, le décret ou l'ordonnance règle l'activité économique des personnes et des entreprises. Le législateur compétent n'interviendrait de manière déraisonnable que s'il limitait la liberté de commerce et d'industrie sans aucune nécessité ou si cette limitation était disproportionnée au but poursuivi.

B.7.7. La disposition attaquée limite la liberté de commerce et d'industrie des conducteurs de véhicules ou de trains de véhicules en ce qu'elle institue un régime de sanctions administratives s'appliquant, entre autres, aux conducteurs qui ne respectent pas les dispositions relatives aux masses totales maximales autorisées, aux masses sur essieux maximales autorisées ou aux dimensions du chargement maximales.

B.7.8. Ainsi qu'il ressort des B.3.2 et B.3.3, le législateur décrétal poursuivait plusieurs objectifs légitimes en instituant des infractions assorties de sanctions pénales et administratives dans l'exercice des nouvelles compétences transférées aux régions dans le domaine de la sécurité routière.

Pour atteindre ces objectifs, le législateur décrétal a pu juger nécessaire d'instituer un tel système de sanctions pénales et administratives dans les matières pour lesquelles il est compétent.

La disposition attaquée ne limite dès lors pas la liberté de commerce et d'industrie de manière disproportionnée.

B.7.9. Le quatrième moyen n'est pas fondé.

Par ces motifs, la Cour rejette le recours.

Ainsi rendu en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 5 juillet 2018.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, J. Spreutels

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