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Arrêt
publié le 19 juin 2019

Extrait de l'arrêt n° 4/2019 du 23 janvier 2019 Numéros du rôle : 6706 et 6707 En cause : les questions préjudicielles relatives aux articles 46bis et 46quater du Code d'instruction criminelle et à l'article 32 du titre préliminaire du Code d La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et F. Daoût, et des juges L. Lavrysen(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 4/2019 du 23 janvier 2019 Numéros du rôle : 6706 et 6707 En cause : les questions préjudicielles relatives aux articles 46bis et 46quater du Code d'instruction criminelle et à l'article 32 du titre préliminaire du Code de procédure pénale, posées par le Tribunal de première instance de Louvain.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et F. Daoût, et des juges L. Lavrysen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, T. Giet et R. Leysen, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président A. Alen, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles et procédure Par deux jugements du 27 avril 2017 en cause du ministère public contre respectivement I.S. et K.B., dont les expéditions sont parvenues au greffe de la Cour le 10 juillet 2017, le Tribunal de première instance de Louvain a posé les questions préjudicielles identiques suivantes : « 1. Les articles 10, 11 et 22 de la Constitution et l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme sont-ils violés dans la mesure où le législateur ne prévoit pas expressément un fondement juridique ainsi que des conditions pour rendre proportionnée au but poursuivi (contrôle de proportionnalité) l'ingérence consistant à pouvoir procéder à l'identification du titulaire de la plaque d'immatriculation alors que, par le biais des articles 46bis et 46quater du Code d'instruction criminelle, le législateur a expressément prévu un fondement juridique et des conditions proportionnées pour procéder à l'identification de l'utilisateur d'un ' moyen de télécommunication ' ou d'un ' compte bancaire ' ? ». « 2. L'article 32 du titre préliminaire du Code de procédure pénale, inséré par la loi du 24 octobre 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/10/2013 pub. 12/11/2013 numac 2013009496 source service public federal justice Loi modifiant le titre préliminaire du Code de procédure pénale en ce qui concerne les nullités type loi prom. 24/10/2013 pub. 24/01/2014 numac 2014009017 source service public federal justice Loi modifiant les dispositions du Code judiciaire relatives à la rectification d'erreurs matérielles ou à la réparation d'omissions dans les décisions judiciaires ainsi qu'à l'interprétation des décisions judiciaires type loi prom. 24/10/2013 pub. 01/04/2014 numac 2014000200 source service public federal interieur Loi modifiant le titre préliminaire du Code de procédure pénale en ce qui concerne les nullités. - Traduction allemande fermer modifiant le titre préliminaire du Code de procédure pénale en ce qui concerne les nullités, viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution, dans la mesure où cette disposition considère exclusivement la preuve obtenue en violation du droit à un procès équitable, tel qu'il est prévu par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, comme une preuve nulle, tandis qu'une preuve obtenue en violation d'autres droits fondamentaux, tels que le droit au respect de la vie privée ou des données à caractère personnel prévu par les articles 7 et 8 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ou par l'article 22 de la Constitution et tels que l'interdiction de la torture prévue par l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, n'entraîne pas l'exclusion de la preuve, bien que ces derniers droits fondamentaux soient eux aussi des droits fondamentaux qui, en outre, ont la même ' valeur ' que le droit à un procès équitable ? ».

Ces affaires, inscrites sous les numéros 6706 et 6707 du rôle de la Cour, ont été jointes. (...) III. En droit (...) Quant à la première question préjudicielle B.1. Le juge a quo demande à la Cour de se prononcer sur l'éventuelle violation des articles 10, 11 et 22 de la Constitution et de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, en ce que l'identification du titulaire d'une plaque d'immatriculation par la police ne repose sur aucun fondement juridique explicite et qu'elle ne doit pas être assortie d'un contrôle de proportionnalité, alors que tel est le cas dans les situations visées aux articles 46bis et 46quater du Code d'instruction criminelle.

B.2.1. L'article 46bis du Code d'instruction criminelle traite de l'identification de l'utilisateur d'un moyen de télécommunication et dispose : « § 1er. En recherchant les crimes et les délits, le procureur du Roi peut, par une décision motivée et écrite, procéder ou faire procéder sur la base de toutes données détenues par lui, ou au moyen d'un accès aux fichiers des clients des acteurs visés à l'alinéa 2, premier et deuxième tirets, à : 1° l'identification de l'abonné ou de l'utilisateur habituel d'un service visé à l'alinéa 2, deuxième tiret, ou bien du moyen de communication électronique utilisé;2° l'identification des services visés à l'alinéa 2, deuxième tiret, auxquels une personne déterminée est abonnée ou qui sont habituellement utilisés par une personne déterminée. Si nécessaire, il peut pour ce faire requérir, directement ou par l'intermédiaire du service de police désigné par le Roi, la collaboration : - de l'opérateur d'un réseau de communications électroniques, et - de toute personne qui met à disposition ou offre, sur le territoire belge, d'une quelconque manière, un service qui consiste à transmettre des signaux via des réseaux de communications électroniques ou à autoriser des utilisateurs à obtenir, recevoir ou diffuser des informations via un réseau de communications électroniques. Est également compris le fournisseur d'un service de communications électroniques.

La motivation reflète le caractère proportionnel eu égard au respect de la vie privée et subsidiaire à tout autre devoir d'enquête.

En cas d'extrême urgence, le procureur du Roi peut ordonner verbalement cette mesure. La décision est confirmée par écrit dans les plus brefs délais.

Pour des infractions qui ne sont pas de nature à entraîner un emprisonnement correctionnel principal d'un an ou une peine plus lourde, le procureur du Roi ne peut requérir les données visées à l'alinéa 1er que pour une période de six mois préalable à sa décision. § 2. Les acteurs visés au § 1er, alinéa 2, 1er et 2e tirets, requis de communiquer les données visées au paragraphe 1er communiquent au procureur du Roi ou à l'officier de police judiciaire les données en temps réel ou, le cas échéant, au moment précisé dans la réquisition, selon les modalités fixées par le Roi, sur proposition du ministre de la Justice et du ministre compétent pour les Télécommunications.

Le Roi fixe, après avis de la Commission de la protection de la vie privée et sur proposition du Ministre de la Justice et du Ministre compétent pour les Télécommunications, les conditions techniques d'accès aux données visées au § 1er et disponibles pour le procureur du Roi et le service de police désigné au même paragraphe.

Toute personne qui, du chef de sa fonction, a connaissance de la mesure ou y prête son concours, est tenue de garder le secret. Toute violation du secret est punie conformément à l'article 458 du Code pénal.

Toute personne qui refuse de communiquer les données ou qui ne les communique pas en temps réel ou, le cas échéant, au moment précisé dans la réquisition est punie d'une amende de vingt-six euros à dix mille euros ».

B.2.2. L'article 46quater du Code d'instruction criminelle traite de l'identification de l'utilisateur d'un compte bancaire et dispose : « § 1er. En recherchant les crimes et les délits, le procureur du Roi peut requérir, s'il existe des indices sérieux que les infractions peuvent donner lieu à une peine d'emprisonnement correctionnel principal d'un an ou à une peine plus lourde, les renseignements suivants : a) la liste des comptes bancaires, des coffres bancaires ou des instruments financiers tels que définis à l'article 2, 1°, de la loi du 2 août 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 02/08/2002 pub. 04/09/2002 numac 2002003392 source ministere des finances Loi relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers fermer relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers, dont le suspect est le titulaire, le mandataire ou le véritable bénéficiaire et, le cas échéant, toutes les données à ce sujet;b) les transactions bancaires qui ont été réalisées pendant une période déterminée sur un ou plusieurs de ces comptes bancaires ou instruments financiers, y inclus les renseignements concernant tout compte émetteur ou récepteur;c) les données concernant les titulaires ou mandataires qui, pendant une période déterminée, ont ou avaient accès à ces coffres bancaires. Afin de permettre les mesures visées à l'alinéa 1er, le procureur du Roi peut, en cas d'infractions aux articles 137 à 141 ou 505, alinéa 1er, 2° à 4°, du Code pénal, ou dans le cadre de la fraude fiscale visée aux articles 449 et 450 du Code des impôts sur les revenus 1992, aux articles 73 et 73bis du Code de la taxe sur la valeur ajoutée, aux articles 133 et 133bis du Code des droits de succession, aux articles 206 et 206bis du Code des droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe, aux articles 207 et 207bis du Code des droits et taxes divers, aux articles 220, § 2, 259 et 260 de la Loi générale du 18 juillet 1977 sur les douanes et accises, aux articles 3.15.3.0.1. et 3.15.3.0.2. du Code flamand de la Fiscalité du 13 décembre 2013 et aux articles 68 et 68ter du Code des taxes assimilées aux impôts sur les revenus, ainsi qu'en cas d'infraction visée à l'article 4, 23°, de la loi du 18 septembre 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 18/09/2017 pub. 06/10/2017 numac 2017013368 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie, service public federal interieur, service public federal justice et service public federal finances Loi relative à la prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme et à la limitation de l'utilisation des espèces fermer relative à la prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme et à la limitation de l'utilisation des espèces, par sollicitation spécifique et motivée, demander des informations au Point de contact central tenu par la Banque nationale de Belgique conformément à la loi du 8 juillet 2018 portant organisation d'un point de contact central des comptes et contrats financiers et portant extension de l'accès du fichier central des avis de saisie, de délégation, de cession, de règlement collectif de dettes et de protêt. § 2. Lorsque les nécessités de l'information le requièrent, le procureur du Roi peut en outre requérir que : a) pendant une période renouvelable d'au maximum deux mois, les transactions bancaires afférentes à un ou plusieurs de ces comptes bancaires, ou de ces coffres bancaires ou instruments financiers du suspect, seront observées;b) la banque ou l'établissement de crédit ne pourra plus se dessaisir des créances et engagements liés à ces comptes bancaires, à ces coffres bancaires ou à ces instruments financiers pour une période qu'il détermine, mais qui ne peut excéder la période allant du moment où la banque ou l'établissement de crédit prend connaissance de sa requête à cinq jours ouvrables après la notification des données visées par cet établissement.Cette mesure ne peut être requise que si des circonstances graves et exceptionnelles le justifient et uniquement si les recherches portent sur des crimes ou délits visés à l'article 90ter, §§ 2 à 4, du Code d'instruction criminelle. § 3. Le procureur du Roi peut, par une décision écrite et motivée, requérir le concours de la banque ou de l'établissement de crédit afin de permettre les mesures visées aux § § 1er et 2. La banque ou l'établissement de crédit est tenu de prêter sans délai son concours.

Dans la demande, le procureur du Roi spécifie la forme sous laquelle les données visées au § 1er lui seront communiquées.

Toute personne qui, du chef de sa fonction, a connaissance de la mesure ou y prête son concours, est tenue de garder le secret. Toute violation du secret est punie conformément à l'article 458 du Code pénal.

Toute personne qui refuse de prêter son concours aux réquisitions visées au présent article est punie d'un emprisonnement de huit jours à un an et d'une amende de vingt-six euros à dix mille euros ou d'une de ces peines seulement ».

En ce qui concerne les exceptions d'irrecevabilité B.3. Le Conseil des ministres fait valoir que la première question préjudicielle est irrecevable, soit parce qu'elle ne contiendrait pas tous les éléments nécessaires (première exception), soit parce qu'elle ne serait pas utile à la solution des litiges soumis au juge a quo (deuxième exception), soit parce qu'elle reposerait, du moins en partie, sur une prémisse erronée (troisième exception).

Première exception B.4.1. Lorsque ni la question préjudicielle ni les motifs de la décision de renvoi ne permettent d'établir quelles catégories de personnes doivent être comparées entre elles et lorsqu'il est en outre impossible d'en déduire en quoi les dispositions en cause violeraient les articles 10 et 11 de la Constitution, la question préjudicielle ne contient pas les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer.

B.4.2. Il ressort des décisions de renvoi que la Cour est interrogée sur l'absence de fondement juridique qui habiliterait la police à procéder à l'identification du titulaire d'une plaque d'immatriculation, cette situation étant comparée aux cas dans lesquels il est procédé à l'identification de l'utilisateur d'un service de communications (article 46bis du Code d'instruction criminelle) ou à l'identification de l'utilisateur d'un numéro de compte bancaire (article 46quater du Code d'instruction criminelle).

L'identification d'une personne par le biais d'une demande à la Direction pour l'immatriculation des véhicules ne serait pas soumise à une autorisation légale assortie de conditions, alors que l'identification d'un utilisateur d'un service de communication ou d'un numéro de compte bancaire est effectivement soumise à une autorisation légale assortie de conditions.

B.4.3. La première exception est rejetée.

Deuxième exception B.5.1. C'est en règle à la juridiction a quo qu'il appartient d'apprécier si la réponse à la question préjudicielle est utile à la solution du litige qu'elle doit trancher. Ce n'est que lorsque tel n'est manifestement pas le cas que la Cour peut décider que la question n'appelle pas de réponse.

B.5.2. Il ressort des décisions de renvoi que les données à caractère personnel en cause ont été demandées sans autorisation, alors que, selon la Cour de cassation, « le fait qu'il relève de la mission de la police de rechercher et constater les infractions de roulage n'entraîne pas que la police puisse, pour identifier le titulaire d'une plaque d'immatriculation par le biais de la Direction pour l'immatriculation des véhicules, avoir accès aux données à caractère personnel de la Banque-Carrefour des véhicules sans l'autorisation du Comité sectoriel » (Cass., 13 décembre 2016, P.16.0682.N). Selon le Conseil des ministres, la question du fondement légal de cette autorisation et, corrélativement, du contrôle de proportionnalité ne pourrait donc être utile à la solution des litiges soumis au juge a quo que si la preuve avait été obtenue de manière licite.

Aucune autorisation d'accès à la Banque-Carrefour des véhicules n'a été demandée, ni dans les litiges soumis au juge a quo, ni dans les litiges concernant les parties intervenantes, de sorte qu'aucune autorisation n'a été obtenue.

B.5.3.1. La loi du 14 juin 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 14/06/2017 pub. 28/07/2017 numac 2017030793 source service public federal justice Loi modifiant l'article 36bis de la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l'égard des traitements de données à caractère personnel type loi prom. 14/06/2017 pub. 22/01/2018 numac 2018030058 source service public federal interieur Loi modifiant l'article 36bis de la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l'égard des traitements de données à caractère personnel. - Traduction allemande fermer modifiant l'article 36bis de la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l'égard des traitements de données à caractère personnel prévoit toutefois rétroactivement à l'égard de la police une dispense générale en ce qui concerne l'accès aux banques de données, de sorte que toutes les données à caractère personnel obtenues de manière illicite doivent, depuis l'entrée en vigueur de cette loi, être considérées comme ayant été obtenues de manière licite.

B.5.3.2. Par son arrêt n° 153/2018 du 8 novembre 2018, la Cour a jugé, au sujet de la loi du 14 juin 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 14/06/2017 pub. 28/07/2017 numac 2017030793 source service public federal justice Loi modifiant l'article 36bis de la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l'égard des traitements de données à caractère personnel type loi prom. 14/06/2017 pub. 22/01/2018 numac 2018030058 source service public federal interieur Loi modifiant l'article 36bis de la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l'égard des traitements de données à caractère personnel. - Traduction allemande fermer précitée, qu'« en conférant un effet rétroactif à la dispense, instaurée par l'article 2 de la loi attaquée, accordée aux services de police, de toute obligation prescrite par une loi ou un règlement concernant une autorisation préalable d'un comité sectoriel, l'article 3 de la loi attaquée a pour conséquence que le justiciable est privé de la garantie que les règles relatives à la démonstration de la faute d'une personne que doivent respecter les services de police et les instances poursuivantes ne peuvent pas être modifiées rétroactivement au détriment de cette personne » (B.26).

Bien que la Cour ait annulé l'article 3, précité, de la loi du 14 juin 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 14/06/2017 pub. 28/07/2017 numac 2017030793 source service public federal justice Loi modifiant l'article 36bis de la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l'égard des traitements de données à caractère personnel type loi prom. 14/06/2017 pub. 22/01/2018 numac 2018030058 source service public federal interieur Loi modifiant l'article 36bis de la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l'égard des traitements de données à caractère personnel. - Traduction allemande fermer, elle a maintenu les effets de la disposition annulée, de sorte que, lorsque les tribunaux sont confrontés à des éléments de preuve résultant de l'identification de véhicules, ils ne peuvent considérer ces éléments de preuve comme étant illicites pour ces motifs.

Partant, les données à caractère personnel qui sont en cause dans les affaires pendantes devant le juge a quo ont été obtenues de manière licite et il est utile d'examiner si le fait que le législateur ne prévoie pas « expressément un fondement juridique ainsi que des conditions pour rendre [l'ingérence] proportionnée au but poursuivi » est contraire aux articles 10, 11 et 22 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.

B.5.4. La deuxième exception est rejetée.

Troisième exception B.6.1. La situation des prévenus dans les litiges soumis au juge a quo est comparée à celle des suspects soumis à l'une des mesures visées aux articles 46bis, § 1er, et 46quater, § 1er, du Code d'instruction criminelle.

L'article 46quater, § 1er, du Code d'instruction criminelle règle la consultation, par les services de recherche, des données financières d'un suspect dont l'identité est déjà connue à ce moment, et est dès lors étranger au règlement de l'accès des services de recherche à une banque de données de l'autorité publique ou à une banque de données privée en vue d'identifier une personne.

B.6.2. La troisième exception doit être partiellement accueillie, de sorte que la première question préjudicielle n'appelle pas de réponse en ce qu'elle porte sur l'article 46quater, § 1er, du Code d'instruction criminelle.

Quant au fond B.7. Par la première question préjudicielle, le juge a quo demande à la Cour si les articles 10, 11 et 22 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, sont violés, dans la mesure où le législateur ne prévoit pas expressément un fondement juridique ainsi que des conditions pour rendre proportionnée au but poursuivi l'ingérence consistant à procéder à l'identification du titulaire d'une plaque d'immatriculation alors que, par l'article 46bis du Code d'instruction criminelle, le législateur a expressément prévu un fondement juridique et des conditions proportionnées pour procéder à l'identification de l'utilisateur d'un moyen de télécommunication.

B.8.1. L'article 22 de la Constitution dispose : « Chacun a droit au respect de sa vie privée et familiale, sauf dans les cas et conditions fixés par la loi.

La loi, le décret ou la règle visée à l'article 134 garantissent la protection de ce droit ».

B.8.2. L'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme dispose : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ». B.8.3. Le Constituant a recherché la plus grande concordance possible entre l'article 22 de la Constitution et l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme (Doc. parl., Chambre, 1992-1993, n° 997/5, p. 2).

La portée de cet article 8 est analogue à celle de la disposition constitutionnelle précitée, de sorte que les garanties que fournissent ces deux dispositions forment un tout indissociable.

B.9.1. Selon le Conseil des ministres, les catégories de personnes à comparer ne seraient pas comparables. Les suspects qui sont identifiés par la police sur la base de la plaque d'immatriculation de leur véhicule ne seraient pas comparables aux suspects identifiés sur la base de leur moyen de télécommunication, étant donné qu'un service public dispose déjà des informations relatives à la plaque d'immatriculation, alors que les informations relatives à un moyen de télécommunication sont détenues par des tiers. De plus, l'apposition d'une plaque d'immatriculation sur un véhicule aurait pour objectif explicite l'identification du titulaire d'un véhicule (article 5 de la loi du 19 mai 2010Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/05/2010 pub. 28/06/2010 numac 2010014128 source service public federal mobilite et transports Loi portant création de la Banque-Carrefour des véhicules fermer), alors que l'utilisateur d'un moyen de communication électronique transmet ces données d'identification à l'opérateur dans le cadre de la relation privée commerciale, entre l'utilisateur et l'opérateur.

B.9.2. Il convient d'apprécier la comparabilité du point de vue des catégories de personnes à comparer, en l'occurrence des suspects. Les suspects dont l'identité doit être établie sont comparables, que ces données soient hébergées auprès d'un service public ou auprès d'un tiers, et que ces données fassent partie ou non d'une relation privée commerciale.

B.9.3. L'exception est rejetée.

B.10.1. Le droit au respect de la vie privée, tel qu'il est garanti par les dispositions constitutionnelles et conventionnelles précitées, a pour but essentiel de protéger les personnes contre les ingérences dans leur vie privée. Ce droit a une large portée et comprend, entre autres, la protection des données à caractère personnel et des informations personnelles. La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme fait apparaître que relèvent, entre autres, de la protection de ce droit les données et informations personnelles suivantes : les nom, adresse, activités professionnelles, relations personnelles, empreintes digitales, images filmées, photographies, communications, données ADN, données judiciaires (condamnations ou inculpations), données financières et informations concernant des biens (voy. notamment CEDH, 23 mars 1987, Leander c. Suède, §§ 47-48; grande chambre, 4 décembre 2008, S. et Marper c. Royaume-Uni, §§ 66-68; 17 décembre 2009, B.B. c. France, § 57; 10 février 2011, Dimitrov-Kazakov c. Bulgarie, §§ 29-31; 18 octobre 2011, Khelili c.

Suisse, §§ 55-57; 18 avril 2013, M.K. c. France, § 26; 18 septembre 2014, Brunet c. France, § 31).

B.10.2. Les droits que garantissent l'article 22 de la Constitution et l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ne sont toutefois pas absolus. Ils n'excluent pas une ingérence d'une autorité publique dans l'exercice du droit au respect de la vie privée, mais exigent que cette ingérence soit prévue par une disposition législative suffisamment précise, qu'elle réponde à un besoin social impérieux dans une société démocratique et qu'elle soit proportionnée à l'objectif légitime qu'elle poursuit. Ces dispositions engendrent de surcroît l'obligation positive, pour l'autorité publique, de prendre des mesures qui assurent le respect effectif de la vie privée, même dans la sphère des relations entre les individus (CEDH, 27 octobre 1994, Kroon et autres c. Pays-Bas, § 31; grande chambre, 12 octobre 2013, Söderman c. Suède, § 78).

B.11.1. Conformément à l'article 5 de la loi du 19 mai 2010Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/05/2010 pub. 28/06/2010 numac 2010014128 source service public federal mobilite et transports Loi portant création de la Banque-Carrefour des véhicules fermer, la Banque-Carrefour des véhicules a pour objectif, d'une part, d'assurer la traçabilité des véhicules depuis le jour de leur construction ou de leur importation, ou de leur acquisition intracommunautaire ou transfert intracommunautaire et, d'autre part, de permettre l'identification à tout moment de leur propriétaire, du demandeur et du titulaire de leur immatriculation, ainsi que de fournir les données concernant leur homologation.

La création de la Banque-Carrefour permet « un échange de données entre les différents services, qui sont concernés de près ou de loin, lors de l'exercice de leurs missions d'intérêt public, par les véhicules » (Doc. parl., Chambre, 2009-2010, DOC 52-2493/001, p. 3). « La création d'une Banque-Carrefour des véhicules est une condition indispensable pour la mise en oeuvre d'une traçabilité adéquate des véhicules.

Mais les bénéfices attendus sont plus larges; ils concernent en effet également : - la lutte contre la criminalité automobile; - la collaboration policière et l'échange des données dans le cadre des accords Schengen et Eucaris; [...] » (ibid., p. 5).

B.11.2. La différence de traitement repose sur un critère objectif, à savoir la nature des informations qui sont demandées.

B.11.3. Comme la Cour l'a jugé par son arrêt n° 153/2018 du 8 novembre 2018 (B.11.1 à B.12.3), le traitement des données par la police était conforme au droit au respect de la vie privée des personnes dont les données faisaient l'objet d'un traitement policier. Les services de police disposaient, conformément au chapitre IV, section 1èrebis, concernant la gestion des informations, de la loi du 5 août 1992Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/08/1992 pub. 21/10/1999 numac 1999015203 source ministere des affaires etrangeres, du commerce exterieur et de la cooperation internationale Loi portant approbation du Protocole modifiant l'article 81 du Traité instituant l'Union économique Benelux du 3 février 1958, fait à Bruxelles le 16 février 1990 fermer sur la fonction de police, tel qu'il était applicable au moment des faits en cause, d'une base légale détaillée en ce qui concerne la licéité du traitement des données à caractère personnel.

La loi du 5 août 1992Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/08/1992 pub. 21/10/1999 numac 1999015203 source ministere des affaires etrangeres, du commerce exterieur et de la cooperation internationale Loi portant approbation du Protocole modifiant l'article 81 du Traité instituant l'Union économique Benelux du 3 février 1958, fait à Bruxelles le 16 février 1990 fermer et la loi du 8 décembre 1992, telles qu'elles étaient applicables au moment des faits, prévoyaient en outre divers systèmes en vue de contrôler le respect, par les services de police, des dispositions législatives relatives au traitement des données à caractère personnel et visant à promouvoir la protection de la vie privée (B.12.4, arrêt n° 153/2018).

B.11.4. Compte tenu de ce qui précède, il existait des garanties législatives suffisantes pour prévenir les abus en ce qui concerne le traitement des données à caractère personnel par les services de police (B.13, arrêt n° 153/2018), et il était raisonnablement justifié que les données qui avaient légalement pour but de permettre l'identification du propriétaire d'un véhicule et dont un service public disposait déjà soient mises à la disposition d'autres services publics chargés de la recherche d'infractions.

De plus, les données visées à l'article 46bis, § 1er, du Code d'instruction criminelle ne sont pas détenues par des services publics, mais par des tiers et elles ne sont ni conservées ni collectées dans le but explicite de permettre à l'autorité d'identifier ces personnes.

La différence de traitement est raisonnablement justifiée.

B.11.5. La première question préjudicielle appelle une réponse négative.

Quant à la seconde question préjudicielle B.12. Par la seconde question préjudicielle, le juge a quo demande à la Cour si l'article 32 du titre préliminaire du Code de procédure pénale viole les articles 10, 11 et 22 de la Constitution, les articles 3 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et les articles 7 et 8 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, en ce qu'il prévoit la nullité des éléments de preuve obtenus de manière illicite, lorsque ces éléments ont été obtenus en violation du droit à un procès équitable et non lorsque ces éléments de preuve ont été obtenus en violation d'un autre droit fondamental, comme le droit au respect de la vie privée ou des données à caractère personnel et l'interdiction de la torture.

B.13. La seconde question préjudicielle ne peut être dissociée de la jurisprudence développée par la Cour de cassation depuis un arrêt du 14 octobre 2003, dont il découle que la circonstance qu'un élément de preuve a été obtenu de manière illicite - même lorsqu'il s'agit d'un élément de preuve obtenu en violation de droits fondamentaux garantis par les traités ou par la Constitution - a pour seule conséquence que le juge ne peut prendre ni directement ni indirectement cet élément en considération lorsqu'il forme sa conviction : soit lorsque le respect de certaines conditions de forme est prescrit à peine de nullité; soit lorsque l'irrégularité commise a entaché la crédibilité de la preuve; soit lorsque l'usage de la preuve est contraire au droit à un procès équitable (Cass., 14 octobre 2003, P.03.0762.N).

B.14.1. L'article 32 du titre préliminaire du Code de procédure pénale dispose : « La nullité d'un élément de preuve obtenu irrégulièrement n'est décidée que si : - le respect des conditions formelles concernées est prescrit à peine de nullité, ou; - l'irrégularité commise a entaché la fiabilité de la preuve ou; - l'usage de la preuve est contraire au droit à un procès équitable ».

B.14.2. Il ressort des travaux préparatoires relatifs à la disposition en cause que le législateur entendait codifier la jurisprudence « Antigone » développée par la Cour de cassation en ce qui concerne la nullité des éléments de preuve obtenus irrégulièrement en matière pénale, mentionnée en B.13 : « Le fait que des poursuites pénales n'aboutissent pas pour cause de violation des formalités prescrites par la loi exaspère l'opinion publique au plus haut point. Celle-ci accepte très difficilement que la violation de formes conduise à des nullités, sans que les intérêts de l'inculpé ne soient lésés.

Certes, la jurisprudence récente de la Cour de cassation (la fameuse ' doctrine Antigone ', voir Cass. 14 octobre 2003, T. Strafr. 2004, 129, note de Ph. TRAEST) limite la sanction de la nullité et l'exclusion consécutive de la preuve obtenue illicitement. En vertu de la jurisprudence de la Cour de cassation et contrairement à ce qui se faisait précédemment, l'exclusion de la preuve ne constitue donc plus une sanction automatique en cas de preuve obtenue illicitement. La personne poursuivie doit pouvoir prouver qu'il y a 1) violation d'une forme prescrite à peine de nullité; 2) altération de la fiabilité de la preuve; 3) usage de preuve contraire au droit à un procès équitable » (Doc. parl., Chambre, S.E. 2010, DOC 53-0041/001, p. 3). « En établissant explicitement le lien avec la jurisprudence Antigone et les arrêts ' d'affinement ' rendus par la suite par la Cour de cassation, l'amendement implique également, au même titre que la proposition de loi initiale, que le juge pénal doit tenir compte de l'intérêt dont le prévenu peut se prévaloir en ce qui concerne la prescription violée, et de la nature de la règle procédurale méconnue : s'agit-il d'une règle de preuve ou seulement d'une simple formalité ? Dans le dernier cas, l'irrégularité ne peut avoir entaché la fiabilité de la preuve ni être contraire à un procès équitable (voir en ce sens : Cass., 2 mars 2005, P.04.1644.F, et Cass., 3 mai 2005, P.05.618.N).

Le présent amendement doit dès lors s'entendre comme faisant de la sanction de l'exclusion de la preuve une exception plutôt que la règle, dans les cas de vices de forme et d'irrégularités.

En reprenant littéralement les termes de la jurisprudence de la Cour de cassation, nous garantissons en outre que cette formulation résistera au contrôle, par les plus hautes juridictions de ce pays, du respect des dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'homme, notamment » (Doc. parl., Chambre, 2012-2013, DOC 53-0041/002, pp. 2-3).

B.15.1. C'est en règle au juge a quo qu'il appartient d'apprécier si la réponse à la question préjudicielle est utile à la solution du litige. Ce n'est que lorsque tel n'est manifestement pas le cas que la Cour peut décider que la question n'appelle pas de réponse.

B.15.2. Eu égard à la loi du 14 juin 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 14/06/2017 pub. 28/07/2017 numac 2017030793 source service public federal justice Loi modifiant l'article 36bis de la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l'égard des traitements de données à caractère personnel type loi prom. 14/06/2017 pub. 22/01/2018 numac 2018030058 source service public federal interieur Loi modifiant l'article 36bis de la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l'égard des traitements de données à caractère personnel. - Traduction allemande fermer modifiant l'article 36bis de la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l'égard des traitements de données à caractère personnel et à l'arrêt d'annulation n° 153/2018 du 8 novembre 2018, qui prévoyait le maintien des effets de la disposition annulée, la preuve en cause dans les litiges pendants devant le juge a quo a été obtenue légalement, de sorte que la réponse à la seconde question préjudicielle n'est plus utile à la solution des litiges soumis au juge a quo.

B.16. La seconde question préjudicielle n'appelle pas de réponse.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : - L'absence d'un fondement juridique explicite pour l'identification, par les services de police, du titulaire d'une plaque d'immatriculation ne viole pas les articles 10, 11 et 22 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme. - La seconde question préjudicielle n'appelle pas de réponse.

Ainsi rendu en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 23 janvier 2019.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, A. Alen

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