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Arrêt
publié le 17 janvier 2020

Extrait de l'arrêt n° 203/2019 du 19 décembre 2019 Numéro du rôle : 6793 En cause : le recours en annulation du décret de la Région wallonne du 18 mai 2017 « relatif à la reconnaissance et aux obligations des établissements chargés de la gest La Cour constitutionnelle, composée des présidents F. Daoût et A. Alen, des juges L. Lavrysen, J(...)

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Extrait de l'arrêt n° 203/2019 du 19 décembre 2019 Numéro du rôle : 6793 En cause : le recours en annulation du décret de la Région wallonne du 18 mai 2017 « relatif à la reconnaissance et aux obligations des établissements chargés de la gestion du temporel des cultes reconnus », introduit par l'ASBL « Association musulmane culturelle albanaise de Belgique » et autres.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents F. Daoût et A. Alen, des juges L. Lavrysen, J.-P. Moerman, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, T. Giet, R. Leysen et M. Pâques, et, conformément à l'article 60bis de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, du juge émérite E. Derycke, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président F. Daoût, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 13 décembre 2017 et parvenue au greffe le 14 décembre 2017, un recours en annulation du décret de la Région wallonne du 18 mai 2017 « relatif à la reconnaissance et aux obligations des établissements chargés de la gestion du temporel des cultes reconnus » (publié au Moniteur belge du 16 juin 2017) a été introduit par l'ASBL « Association musulmane culturelle albanaise de Belgique », l'ASBL « Association culturelle albanaise de Namur », l'AISBL « Association Internationale Diyanet de Belgique », l'ASBL « Fédération Islamique de Belgique » et l'ASBL « Union des Mosquées de la Province de Liège », assistées et représentées par Me K. Bilge, avocat au barreau de Bruxelles. (...) II. En droit (...) Quant au décret attaqué B.1. Les parties requérantes demandent l'annulation du décret de la Région wallonne du 18 mai 2017 « relatif à la reconnaissance et aux obligations des établissements chargés de la gestion du temporel des cultes reconnus » (ci-après : le décret du 18 mai 2017).

Ce décret constitue une nouvelle étape de l'encadrement juridique du temporel des cultes reconnus en Région wallonne, après la réforme de la tutelle sur les établissements chargés de la gestion du temporel des cultes reconnus, introduite par le décret du 13 mars 2014 « modifiant le Code de la démocratie locale et de la décentralisation et diverses dispositions relatives à la tutelle sur les établissements chargés de la gestion du temporel des cultes reconnus » (Doc. parl., Parlement wallon, 2016-2017, n° 770/1, p. 3; n° 770/4, p. 3).

Le chapitre Ier du décret du 18 mai 2017 prévoit une procédure de reconnaissance des communautés cultuelles locales des cultes reconnus, ainsi que les critères de cette reconnaissance. Le chapitre II du même décret détermine les obligations applicables aux établissements chargés de la gestion du temporel des cultes reconnus. Le chapitre III organise la procédure de retrait de la reconnaissance. Le chapitre IV énonce les obligations applicables aux établissements chargés de la gestion du temporel des cultes reconnus qui ont fait l'objet d'une déchéance. Le chapitre V introduit une procédure d'enregistrement applicable à « toute communauté, non reconnue ou dont la reconnaissance a été retirée [...] et au sein de laquelle s'exerce une activité cultuelle ». Les chapitres VI à IX définissent les procédures applicables en cas de fusion ou de modification des limites territoriales des établissements chargés de la gestion du temporel des cultes reconnus et en cas de désaffectation ou de transfert des lieux de culte.

Le décret du 18 mai 2017 est entré en vigueur le 26 juin 2017. Le chapitre X prévoit des mesures transitoires.

Quant à la recevabilité B.2.1. Le Gouvernement wallon conteste l'intérêt à agir des parties requérantes, au motif que le décret attaqué n'affecterait pas leur but statutaire.

B.2.2. Les parties requérantes justifient leur intérêt au recours en invoquant qu'elles regroupent des établissements chargés de la gestion du temporel du culte musulman qui sont visés par le décret attaqué.

B.3.1. Lorsqu'une association sans but lucratif qui n'invoque pas son intérêt personnel agit devant la Cour, il est requis que son but statutaire soit d'une nature particulière et, dès lors, distinct de l'intérêt général; qu'elle défende un intérêt collectif; que la norme attaquée soit susceptible d'affecter son but; qu'il n'apparaisse pas, enfin, que ce but n'est pas ou n'est plus réellement poursuivi.

B.3.2. L'ASBL « Fédération Islamique de Belgique », quatrième partie requérante, a notamment pour but statutaire, conformément à l'article 3 de ses statuts, d'« informer les musulmans sur l'islam », de « leur accorder une aide sociale, culturelle, financière ou religieuse [...] en collaboration avec les diverses institutions publiques belges et autres institutions officielles » et de « contribuer au développement de l'enseignement religieux dans les langues nationales », en vue « d'aider et de réunir tous les musulmans sans aucune distinction de langues, d'origines ou de nationalités ». Elle a également pour but de « créer un Fonds islamique belge pour protéger le patrimoine de toutes les associations » affiliées.

Le décret du 18 mai 2017 définit les conditions selon lesquelles une communauté cultuelle locale d'un culte reconnu par l'autorité fédérale peut être enregistrée puis, le cas échéant, reconnue par l'autorité régionale, en vue d'obtenir la création d'un établissement public chargé de la gestion des biens et revenus de cette communauté. Il peut être admis que de telles mesures sont susceptibles d'affecter le but statutaire de la quatrième partie requérante.

B.3.3 Dès lors que l'une des parties requérantes justifie d'un intérêt à poursuivre l'annulation des dispositions attaquées, il n'est pas nécessaire d'examiner si les autres parties requérantes justifient également de l'intérêt requis.

L'exception est rejetée.

Quant à l'étendue du recours B.4. Le moyen unique est pris de la violation, par le décret du 18 mai 2017, des articles 10, 11, 19 et 21 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme, avec l'article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, avec les articles 10 et 22 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, et de l'article 6, § 1er, VIII, alinéa 1er, 6°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles.

Les parties requérantes soutiennent, en substance, que le décret du 18 mai 2017 ne relève pas de la compétence de la Région wallonne et qu'il constitue une ingérence dans l'exercice des cultes qui est contraire aux libertés de religion et de culte, ainsi qu'au principe d'égalité et de non-discrimination, en ce qu'il aurait pour objectifs la lutte contre le radicalisme et le contrôle du contenu du message transmis lors des célébrations du culte (première branche), en ce qu'il exige que « les établissements chargés du temporel des cultes reconnus » soient enregistrés avant de demander la reconnaissance et qu'ils soient dotés d'une « structure juridique » depuis trois ans à la date d'introduction de la demande de reconnaissance (deuxième branche), en ce que l'article 4, § 1er, 13°, du même décret prévoit que le dossier accompagnant la demande de reconnaissance doit contenir une déclaration sur l'honneur relative au respect des droits fondamentaux (troisième branche) et en ce que l'article 4, § 1er, 12°, du même décret exige que le dossier accompagnant la demande de reconnaissance contienne une déclaration écrite relative au respect de la législation sur l'emploi des langues en matière administrative (quatrième branche).

B.5. Le Gouvernement wallon soutient que les griefs sont uniquement dirigés contre les articles 4, 14 et 16 du décret du 18 mai 2017 et que le recours doit par conséquent être limité à ces dispositions.

B.6.1. La Cour doit déterminer l'étendue du recours en annulation sur la base du contenu de la requête.

La Cour peut uniquement annuler des dispositions législatives explicitement attaquées contre lesquelles des moyens sont invoqués et, le cas échéant, des dispositions qui ne sont pas attaquées mais qui sont indissociablement liées aux dispositions qui doivent être annulées.

B.6.2. Il ressort de la requête que les griefs sont uniquement dirigés contre les dispositions du décret du 18 mai 2017 qui imposent des obligations aux communautés cultuelles locales au stade de l'enregistrement (articles 15 à 17) et au stade de la reconnaissance (articles 3 à 9), et non contre les dispositions du même décret qui imposent des obligations aux établissements chargés de la gestion du temporel des cultes reconnus, après la reconnaissance (articles 10 à 14, 18 à 37). Plus précisément, les griefs sont dirigés : - contre les articles 15 à 17, en ce qui concerne l'enregistrement des communautés cultuelles locales, et contre l'article 4, § 1er, 1°, 15° et 17°, et l'article 16, § 1er, 3°, du même décret, en ce qui concerne l'exigence d'une « structure juridique » depuis trois ans à la date d'introduction de la demande de reconnaissance (deuxième branche), - contre l'article 4, § 1er, 13°, du même décret, en ce qui concerne la déclaration sur l'honneur relative au respect des droits fondamentaux (troisième branche), et - contre l'article 4, § 1er, 12°, du même décret, en ce qui concerne la déclaration écrite relative au respect de la législation sur l'emploi des langues en matière administrative (quatrième branche).

En outre, les parties requérantes critiquent les objectifs qui seraient poursuivis par l'ensemble du décret, à savoir la lutte contre le radicalisme et la transmission de messages radicaux au travers des lieux de culte, ainsi que le contrôle du contenu du message transmis lors de l'exercice du culte (première branche).

En conséquence, le recours en annulation n'est recevable que dans cette mesure.

B.7. Le moyen unique n'est pas recevable en ce qu'il est pris de la violation de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, dès lors que les parties requérantes ne démontrent pas un lien de rattachement entre leur situation et la mise en oeuvre du droit de l'Union.

Quant au fond B.8. Les dispositions attaquées et les dispositions indissociablement liées à celles-ci disposent : « CHAPITRE PRELIMINAIRE. - Du champ d'application et des définitions [...]

Art. 2.Au sens du présent décret, on entend par : 1° l'organe représentatif agréé : les organes représentatifs des cultes reconnus par l'autorité fédérale;2° les établissements chargés de la gestion du temporel des cultes reconnus : les fabriques d'églises et les établissements chargés de la gestion du temporel des cultes reconnus visés à l'article 6, § 1er, VII, 6° [lire : article 6, § 1er, VIII, alinéa 1er, 6°], de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980;3° les établissements chargés de la gestion du temporel des cultes reconnus et financés au niveau communal : les établissements chargés de la gestion du temporel du culte qui, en vertu de la loi, disposent d'un droit de financement à l'égard de la ou des communes sur lesquelles s'étend leur territoire;4° les établissements chargés de la gestion du temporel des cultes reconnus et financés au niveau provincial : les établissements chargés de la gestion du temporel du culte qui, en vertu de la loi, disposent d'un droit de financement à l'égard de la ou des provinces sur lesquelles s'étend leur territoire; [...] 7° la communauté cultuelle locale : un groupe d'individus pratiquant un même culte sur un territoire déterminé dans un lieu dédicacé à cet effet. CHAPITRE Ier. - De la demande de reconnaissance

Art. 3.L'organe représentatif agréé est seul compétent pour introduire, auprès du Gouvernement wallon, une demande de reconnaissance d'une communauté cultuelle locale d'un culte reconnu par l'autorité fédérale.

Art. 4.§ 1er. Toute demande motivée de reconnaissance est accompagnée de : 1° la structure juridique actuelle de la communauté cultuelle locale; [...] 3° l'identification de toutes les personnes physiques qui exerceront les fonctions de membres du premier organe de l'établissement chargé de la gestion du temporel des cultes reconnus et, pour chacune d'elles, un extrait de casier judiciaire vierge; [...] 12° une déclaration écrite par laquelle les personnes visées au 3° dont le ou les ministres du culte s'engagent à respecter la législation sur l'emploi des langues en matière administrative;13° pour les personnes visées au 3° dont le ou les Ministres du culte, une déclaration sur l'honneur, dûment signée par chacun d'entre eux et attestant qu'ils s'engagent à : a) respecter la Constitution, la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'ensemble des législations existantes;b) ne pas collaborer à des actes contraires à la Constitution, à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et aux législations existantes;c) déployer les efforts nécessaires à ce que la communauté cultuelle locale dont elles sont membres ne soit pas associée à des propos ou à des actes contraires à la Constitution et à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. [...] 15° les budgets et comptes des trois dernières années de la structure juridique reprise au 1°; [...] 17° l'attestation d'enregistrement visée à l'article 17, portant une date antérieure d'au minimum trois années par rapport à la date de demande de reconnaissance visée à l'article 3; [...]

Art. 8.Le Gouvernement wallon évalue la demande de reconnaissance sur base des critères suivants : 1° l'existence d'un lieu de culte conforme à l'usage auquel il est destiné et adapté à la taille de la communauté cultuelle locale;2° l'existence d'une structure juridique adaptée au statut public sollicité et répondant à des obligations légales;3° l'absence de violation, par les membres des organes de gestion de l'établissement cultuel dont le ou les Ministres du culte, de la Constitution, la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'ensemble des législations existantes, ainsi que la démonstration de leur capacité de gestion administrative et financière.

Art. 9.§ 1er. La décision du Gouvernement wallon est notifiée à l'organe représentatif agréé, à la structure juridique de la communauté cultuelle locale, au Ministre de la Justice, et pour les établissements chargés de la gestion du temporel des cultes reconnus, et financés au niveau communal, à la commune ou aux communes concernées et au gouverneur de la province concernée, et pour les établissements chargés de la gestion du temporel des cultes reconnus, et financés au niveau provincial, à la province concernée et à la commune sur le territoire de laquelle est situé le lieu de culte. § 2. La décision du Gouvernement wallon est publiée par extrait au Moniteur belge. [...] CHAPITRE V. - De l'enregistrement des communautés cultuelles

Art. 15.Toute communauté, non reconnue ou dont la reconnaissance a été retirée en application du chapitre III, et au sein de laquelle s'exerce une activité cultuelle, adresse au Gouvernement wallon une déclaration d'enregistrement.

Art. 16.§ 1er. La déclaration d'enregistrement comprend : 1° le nom de la communauté;2° l'adresse du ou des bâtiments utilisés comme lieu de culte;3° la structure juridique actuelle de la communauté;4° les coordonnées du responsable (nom, prénoms, nationalité, adresse postale, coordonnées téléphoniques, courriel, numéro national);5° les coordonnées du ministre du culte (nom, prénoms, nationalité, adresse postale, coordonnées téléphoniques, courriel, numéro national);6° le nombre de personnes fréquentant le ou les bâtiments utilisés comme lieu de culte;7° une copie du permis d'urbanisme du bâtiment ou des bâtiments utilisés comme lieu de culte délivré spécifiquement dans le cadre de l'activité cultuelle envisagée;8° une copie des contrats d'assurances incendie et responsabilité civile du bâtiment ou des bâtiments utilisés comme lieu de culte;9° l'attestation du commandant des pompiers sur la conformité aux normes de sécurité en vigueur, du bâtiment ou des bâtiments utilisés comme lieu de culte. § 2. Toute modification ultérieure des mentions visées au paragraphe 1er fait l'objet d'une déclaration complémentaire. § 3. Le Gouvernement wallon établit le modèle de déclaration visé au paragraphe 1er auquel la communauté doit se conformer sous peine d'irrecevabilité de la déclaration.

Art. 17.§ 1er. En cas d'incomplétude des éléments visés à l'article 16, § 1er, le Gouvernement wallon ou son délégué sollicite la communauté afin d'obtenir les informations manquantes. § 2. Dès réception de l'ensemble des éléments visés à l'article 16, § 1er, le Gouvernement wallon ou son délégué adresse à la communauté une attestation d'enregistrement datée. § 3. Le Gouvernement wallon établit le modèle d'attestation visé au paragraphe 2. [...] CHAPITRE X. - Mesures transitoires

Art. 38.§ 1er. Le présent décret est applicable, dès son entrée en vigueur : 1° à toute demande de reconnaissance visée au chapitre Ier qui n'a pas fait l'objet d'une décision du Gouvernement wallon avant son entrée en vigueur; [...] § 2. Pour l'application du paragraphe 1er, 1°, les demandes de reconnaissance introduites par l'organe représentatif plus de trois ans avant l'entrée en vigueur du présent décret ne sont pas accompagnées de l'attestation d'enregistrement visée à l'article 4, § 1er, 17°. [...]

Art. 41.Les communautés au sein desquelles s'exerce une activité cultuelle disposent d'un délai de six mois à dater l'entrée en vigueur du présent décret pour se conformer à l'obligation d'enregistrement visée au chapitre V ».

B.9. L'examen de la conformité d'une disposition législative aux règles répartitrices de compétences doit en règle précéder celui de sa compatibilité avec les dispositions du titre II de la Constitution et des articles 170, 172 et 191 de celle-ci.

En ce qui concerne les règles répartitrices de compétences B.10. Tel qu'il a été inséré par l'article 4 de la loi spéciale du 13 juillet 2001 portant transfert de diverses compétences aux régions et communautés, l'article 6, § 1er, VIII, alinéa 1er, 6°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles mentionne, parmi les matières visées à l'article 39 de la Constitution : « VIII. En ce qui concerne les pouvoirs subordonnés : [...] 6° les fabriques d'églises et les établissements chargés de la gestion du temporel des cultes reconnus, à l'exception de la reconnaissance des cultes et des traitements et pensions des ministres des cultes ». B.11.1. En vertu de cette disposition, depuis le 1er janvier 2002, les régions sont compétentes pour régler ce qui concerne les fabriques d'église et les autres établissements chargés de la gestion du temporel des cultes reconnus, dans le cadre de leurs compétences en ce qui concerne les pouvoirs subordonnés. La même disposition réserve à l'autorité fédérale la compétence de reconnaître les cultes et celle d'allouer des traitements et des pensions aux ministres des cultes, qui sont également visés à l'article 181, § 1er, de la Constitution.

B.11.2. La compétence, réservée à l'autorité fédérale, de reconnaître les cultes implique celle de reconnaître les cultes en tant que tels, ainsi que les organes représentatifs de ceux-ci.

En vertu de leur compétence en matière de fabriques d'église et d'établissements chargés de la gestion du temporel des cultes reconnus, les régions sont compétentes pour tout ce qui concerne le temporel des cultes reconnus, c'est-à-dire la gestion des biens et des revenus des cultes reconnus. Elles sont également compétentes pour reconnaître les communautés cultuelles locales des cultes reconnus et leur circonscription territoriale, afin de déterminer le ressort territorial des établissements chargés de la gestion du temporel des cultes reconnus.

B.11.3. La reconnaissance d'un culte par l'autorité fédérale entraîne un financement public de la part de l'Etat.

La compétence des régions en matière de gestion du temporel des cultes reconnus est limitée aux établissements chargés de la gestion du temporel des cultes reconnus par l'autorité fédérale. Dans le cadre de l'exercice de cette compétence, la reconnaissance, par une région, d'une communauté cultuelle locale entraîne en principe la création d'un établissement public qui est chargé de la gestion des biens et des revenus de cette communauté.

B.11.4. En application de l'article 139 de la Constitution, la Région wallonne et la Communauté germanophone ont décidé, d'un commun accord, que la Communauté germanophone exerce, sur le territoire de la région de langue allemande, avec effet au 1er janvier 2005, la compétence de la Région wallonne en matière de fabriques d'église et d'établissements chargés de la gestion du temporel des cultes reconnus (article 1er, alinéa 1er, 1°/3, du décret de la Région wallonne du 27 mai 2004 « relatif à l'exercice, par la Communauté germanophone, de certaines compétences de la Région wallonne en matière de pouvoirs subordonnés », tel qu'il a été modifié par l'article 1er du décret de la Région wallonne du 28 avril 2014; article 1er, alinéa 1er, 1.3, du décret de la Communauté germanophone du 1er juin 2004 « relatif à l'exercice, par la Communauté germanophone, de certaines compétences de la Région wallonne en matière de pouvoirs subordonnés », tel qu'il a été modifié par l'article 1er du décret de la Communauté germanophone du 5 mai 2014). a) L'objectif, allégué, de lutter contre le radicalisme et contre la transmission de messages radicaux au travers des lieux de culte B.12. Dans la première branche du moyen unique, les parties requérantes soutiennent que le décret du 18 mai 2017 excède les compétences de la Région wallonne, en ce que le lien entre, d'une part, l'objectif de lutter contre le radicalisme et la transmission de messages radicaux au travers des lieux de culte et, d'autre part, la compétence de la Région wallonne en matière de gestion du temporel des cultes reconnus n'est pas clair.

B.13. D'après les travaux préparatoires, le décret du 18 mai 2017 tend à encadrer juridiquement les communautés cultuelles locales et à objectiver la reconnaissance de celles-ci (Doc. parl., Parlement wallon, 2016-2017, n° 770/1, pp. 3-4; n° 770/4, pp. 3 et 5). Il vise également à « prévenir la radicalisation revendiquée au nom des cultes » dans le cadre de la stratégie de prévention du radicalisme de la Région wallonne (Doc. parl., Parlement wallon, 2016-2017, n° 770/1, p. 3).

Lors des travaux préparatoires, il a été souligné : « Le contexte de radicalisation a été évoqué et, à ce titre, il convient d'éviter tout amalgame. Par ailleurs, l'intervenant souligne que le projet de décret aura un impact très limité sur le radicalisme et qu'à l'inverse, l'impact sur la relation entre les cultes et l'autorité publique sera beaucoup plus important. C'est pourquoi il est nécessaire de veiller à l'égalité de traitement entre tous les cultes reconnus, non seulement par respect pour la Constitution et la Convention européenne des droits de l'Homme, mais aussi parce que, comme le montre [nt] les prises de paroles variables des autorités religieuses dans les pays voisins, le radicalisme ne se trouve pas toujours là où on l'attend » (Doc. parl., Parlement wallon, 2016-2017, n° 770/4, p.6).

B.14. En réglant la reconnaissance des communautés cultuelles locales et les obligations applicables aux établissements chargés de la gestion du temporel des cultes reconnus, le législateur décrétal a exercé la compétence, décrite en B.11.1, qui lui est dévolue en matière de gestion du temporel des cultes reconnus.

La circonstance que le décret du 18 mai 2017 s'inscrit dans la mise en oeuvre de la stratégie de prévention du radicalisme poursuivie par la Région wallonne et qu'il entend contribuer, à titre accessoire, à la réalisation d'objectifs qui sont également poursuivis par l'autorité fédérale et par les communautés ne peut entraîner, à elle seule, une violation des règles répartitrices de compétences. Par ailleurs, les compétences des communautés et des régions ne sont, en règle, pas déterminées en tant qu'objectifs, mais en tant que matières.

B.15. Le moyen unique, en sa première branche, n'est pas fondé en ce qu'il est pris de la violation de l'article 6, § 1er, VIII, alinéa 1er, 6°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles. b) L'enregistrement des communautés cultuelles locales et l'exigence d'une « structure juridique » trois ans avant la date d'introduction de la demande de reconnaissance B.16. Dans la deuxième branche du moyen unique, les parties requérantes soutiennent que les articles 15 à 17 du décret du 18 mai 2017 excèdent les compétences de la Région wallonne, en ce qu'ils contraignent « les établissements chargés du temporel des cultes reconnus » à être enregistrés avant de demander la reconnaissance.

Elles critiquent également l'exigence que la communauté cultuelle locale dispose d'une « structure juridique » visée à l'article 4, § 1er, 1°, 15° et 17°, et à l'article 16, § 1er, 3°, du décret du 18 mai 2017.

B.17. L'article 15 du décret du 18 mai 2017 prévoit que « toute communauté, non reconnue ou dont la reconnaissance a été retirée [...] et au sein de laquelle s'exerce une activité cultuelle, adresse au Gouvernement wallon une déclaration d'enregistrement ». La déclaration d'enregistrement comprend notamment « la structure juridique actuelle de la communauté » (article 16, § 1er, 3°). Toute modification ultérieure à ces mentions fait l'objet d'une déclaration complémentaire (article 16, § 2). La communauté doit se conformer au modèle de déclaration établi par le Gouvernement wallon, sous peine d'irrecevabilité de la déclaration (article 16, § 3). Dès réception de l'ensemble des éléments sollicités en vertu de l'article 16, § 1er, le Gouvernement wallon ou son délégué adresse à la communauté une attestation d'enregistrement datée (article 17, § 2).

En vertu de l'article 3 du décret du 18 mai 2017, la demande de reconnaissance d'une communauté cultuelle locale d'un culte reconnu par l'autorité fédérale est introduite par l'organe représentatif agréé du culte concerné. La demande de reconnaissance est accompagnée notamment de « la structure juridique actuelle de la communauté cultuelle locale » (article 4, § 1er, 1°), des « budgets et comptes des trois dernières années de la structure juridique reprise au 1° » (article 4, § 1er, 15°) et de « l'attestation d'enregistrement visée à l'article 17, portant une date antérieure d'au minimum trois années par rapport à la date de demande de reconnaissance visée à l'article 3 » (article 4, § 1er, 17°).

Le Gouvernement wallon évalue la demande de reconnaissance sur la base de trois critères, parmi lesquels l'existence d'une structure juridique adaptée au statut public sollicité et répondant à des obligations légales (article 8). La décision du Gouvernement wallon est notifiée, entre autres, à la « structure juridique de la communauté cultuelle locale » (article 9, § 1er).

Les demandes de reconnaissance introduites plus de trois ans avant l'entrée en vigueur du décret du 18 mai 2017 ne sont pas accompagnées de l'attestation d'enregistrement (article 38, § 2). Par ailleurs, « les communautés au sein desquelles s'exerce une activité cultuelle » disposent d'un délai de six mois à dater de l'entrée en vigueur du décret « pour se conformer à l'obligation d'enregistrement visée au chapitre V » (article 41).

B.18.1. Il ressort des travaux préparatoires que la procédure d'enregistrement organisée par les articles 15 à 17 du décret du 18 mai 2017 a été conçue comme « une condition préalable à une reconnaissance éventuelle, qui, elle, ouvr[ri]a peut-être le droit à des financements publics » (Doc. parl., Parlement wallon, 2016-2017, n° 770/4, p.10).

Interrogé sur le caractère facultatif ou obligatoire de la procédure d'enregistrement, le ministre a précisé : « Le système d'enregistrement a été conçu comme une mesure préparatoire à la reconnaissance. Cette mesure s'exécute sur base volontaire, aucune sanction n'étant prévue compte tenu des libertés constitutionnelles d'association et de culte. Le seul aspect obligatoire étant de ne pouvoir introduire une demande de reconnaissance que trois ans après la réalisation des formalités d'enregistrement » (Doc. parl., Parlement wallon, 2016-2017, n° 770/1, p. 22). « Concernant les étapes du processus de reconnaissance, il y a tout d'abord une obligation d'enregistrement sans laquelle aucune reconnaissance n'est possible. L'enregistrement préalable doit d'ailleurs se faire trois ans avant le dépôt d'une demande de reconnaissance. [...] [...] La mise en place d'un système d'enregistrement doit aider les communes à établir un cadastre, mais étant donné les libertés constitutionnelles de culte et d'association, il n'est pas possible de sanctionner une absence d'enregistrement sauf dans la mesure où l'enregistrement conditionne une éventuelle reconnaissance » (Doc. parl., Parlement wallon, 2016-2017, n° 770/4, p. 8).

En ce qui concerne les destinataires de la procédure d'enregistrement, le ministre a indiqué : « L'enregistrement s'applique tout d'abord aux communautés se revendiquant des six cultes reconnus. Cela permet de déterminer la répartition géographique de ces communautés afin de permettre aux institutions susceptibles de prendre en charge leurs dépenses une fois la reconnaissance octroyée, de planifier à plus long terme ces investissements.

Toute communauté se rattachant à un autre culte [est] susceptible d'intégrer le système si elle le souhaite. Le sens qui doit être donné à la notion d'activité cultuelle est laissé, partiellement, à l'appréciation de la communauté puisqu'en l'état actuel du droit, il n'existe pas de relevé des cultes non reconnus, ce qui, en application des règles de répartition de compétences, relèverait de l'autorité fédérale » (Doc. parl., Parlement wallon, 2016-2017, n° 770/1, p. 22). « Par rapport aux cultes non reconnus, M. le Ministre précise que les procédures d'enregistrement leur sont également ouvertes, même si elles ne peuvent donner lieu à une reconnaissance » (Doc. parl., Parlement wallon, 2016-2017, n° 770/4, p. 9).

Quant à la procédure de reconnaissance en tant que telle, il a été souligné que celle-ci était facultative (ibid., pp. 7 et 9).

B.18.2. Il en découle que la procédure d'enregistrement s'applique aux communautés cultuelles locales des cultes reconnus par l'autorité fédérale et à celles qui relèvent des cultes non reconnus. En revanche, la procédure de reconnaissance s'applique uniquement aux communautés cultuelles locales des cultes reconnus par l'autorité fédérale.

Par ailleurs, l'initiative des procédures d'enregistrement et de reconnaissance incombe aux communautés cultuelles locales, sur une base volontaire. La reconnaissance par l'autorité régionale wallonne est toutefois une formalité obligatoire pour la communauté cultuelle locale qui souhaite obtenir la création d'un établissement public chargé de la gestion de ses biens et revenus. En outre, la procédure d'enregistrement est une étape préalable obligatoire de la procédure de reconnaissance pour la communauté cultuelle locale qui souhaite être reconnue, dès lors qu'à la date d'introduction de la demande de reconnaissance, celle-ci doit apporter la preuve qu'elle est enregistrée depuis au moins trois ans (article 4, § 1er, 17°, du décret du 18 mai 2017).

B.19.1. En ce qui concerne la mention de l'existence de « la structure juridique actuelle de la communauté » au stade de la déclaration d'enregistrement, visée à l'article 16, § 1er, 3°, du décret du 18 mai 2017, les travaux préparatoires précisent que « les données portent [...] sur l'existence ou non d'une structure juridique » (Doc. parl., Parlement wallon, 2016-2017, n° 770/1, p. 7).

En ce qui concerne la mention de l'existence de « la structure juridique actuelle de la communauté cultuelle locale » au stade de la demande de reconnaissance, visée à l'article 4, § 1er, 1°, du décret du 18 mai 2017, il a été souligné dans les travaux préparatoires : « Il est attendu des communautés qui souhaitent obtenir leur reconnaissance qu'elles soient structurées juridiquement, par exemple, sous la forme d'une a.s.b.l. Saisi d'une demande de reconnaissance, le Gouvernement wallon est chargé d'évaluer la capacité administrative des communautés cultuelles locales en demande de reconnaissance, cette capacité étant indispensable compte tenu du statut public sollicité par les demandeurs qui impliquera la bonne gestion des deniers publics. L'évaluation de cette capacité se réalise notamment au travers du constat même de l'existence d'une structure juridique, puisque celle-ci permet de démontrer la compréhension des démarches à accomplir pour y adhérer et la compréhension des obligations y afférentes, notamment en termes d'élaboration de documents comptables.

Ces compétences sont vues comme un préalable à l'administration du temporel du culte » (Doc. parl., Parlement wallon, 2016-2017, n° 770/1, p. 4).

Selon l'article 4, § 1er, 15°, du décret du 18 mai 2017, la demande de reconnaissance doit être accompagnée des « budgets et comptes des trois dernières années de la structure juridique reprise au 1° ».

Selon l'article 8, 2°, du même décret, l'existence d'une « structure juridique adaptée au statut public sollicité et répondant à des obligations légales » constitue l'un des critères d'évaluation de la demande de reconnaissance.

B.19.2. Par conséquent, en vertu de l'article 16, § 1er, 3°, du décret du 18 mai 2017, au stade de la déclaration d'enregistrement, il n'est pas requis que la communauté cultuelle locale dispose d'une « structure juridique », mais uniquement qu'elle mentionne si elle dispose ou non d'une telle structure. En revanche, au stade de la demande de reconnaissance, dès lors que les « budgets et comptes des trois dernières années de la structure juridique » doivent être joints à la demande de reconnaissance, la communauté cultuelle locale doit disposer d'une « structure juridique » depuis trois ans à la date d'introduction de la demande de reconnaissance, en vertu d'une lecture combinée de l'article 4, § 1er, 1° et 15°, et de l'article 8, 2°, du même décret.

B.19.3. A défaut de précision dans le décret attaqué et dans les travaux préparatoires, il y a lieu de comprendre qu'à travers l'exigence selon laquelle la communauté cultuelle locale doit être dotée d'une « structure juridique », le législateur décrétal désigne toute forme juridique dont dispose la communauté cultuelle locale, qu'elle soit dotée ou non de la personnalité juridique.

B.19.4. L'exigence selon laquelle une communauté cultuelle locale doit disposer d'une « structure juridique » depuis trois ans à la date d'introduction de la demande de reconnaissance a été justifiée, lors des travaux préparatoires, par la nécessité d'évaluer la capacité administrative des communautés cultuelles locales en demande de reconnaissance indispensable au statut public sollicité par celles-ci et comme « un préalable à l'administration du temporel du culte » (Doc. parl., Parlement wallon, 2016-2017, n° 770/1, p. 4).

B.20. La compétence des régions et de la Communauté germanophone en matière de gestion du temporel des cultes reconnus, qui comprend celle de reconnaître les communautés cultuelles locales des cultes reconnus, vise tous les aspects de cette reconnaissance, y compris les éventuelles étapes préalables à celle-ci. Par conséquent, la procédure d'enregistrement établie par les articles 15 à 17 du décret du 18 mai 2017, en tant qu'elle constitue une étape préalable à la procédure de reconnaissance, relève de la compétence de la Région wallonne.

Par ailleurs, en ce qu'elle sert à apprécier la capacité de la communauté cultuelle locale en demande de reconnaissance à administrer le futur établissement public chargé de la gestion de ses biens et revenus, l'exigence qu'une communauté cultuelle locale qui souhaite être reconnue dispose d'une « structure juridique » depuis trois ans à la date d'introduction de la demande de reconnaissance, se rapporte à la gestion du temporel des cultes reconnus et relève de la compétence de la Région wallonne.

B.21. Comme il est dit en B.11.3 et comme la section de législation du Conseil d'Etat l'a souligné dans son avis sur l'avant-projet de décret devenu le décret du 18 mai 2017 (Doc. parl., Parlement wallon, 2016-2017, n° 770/1, p. 22), il résulte toutefois de la répartition des compétences entre l'autorité fédérale et les régions en matière de cultes que la compétence des régions en matière de gestion du temporel des cultes reconnus ne s'étend pas à la reconnaissance des cultes mêmes, qui demeure une compétence fédérale. Par conséquent, le législateur décrétal n'est pas compétent pour établir une procédure d'enregistrement qui s'applique aux communautés cultuelles locales des cultes non reconnus par l'autorité fédérale.

B.22. Il y a lieu d'annuler les articles 15 à 17 du décret du 18 mai 2017 en ce qu'ils s'appliquent aux communautés cultuelles locales des cultes non reconnus par l'autorité fédérale. c) La déclaration sur l'honneur relative au respect des libertés et droits fondamentaux B.23. Dans la troisième branche du moyen unique, les parties requérantes soutiennent que l'article 4, § 1er, 13°, du décret du 18 mai 2017 ne relève pas de la compétence de la Région wallonne, en ce qu'il prévoit que le dossier accompagnant la demande motivée de reconnaissance doit contenir une déclaration sur l'honneur relative au respect des libertés et droits fondamentaux.

B.24. L'article 4, § 1er, 13°, du décret du 18 mai 2017, exige que soit jointe à la demande de reconnaissance d'une communauté cultuelle locale d'un culte reconnu une déclaration sur l'honneur par laquelle les membres de l'organe de gestion du futur établissement chargé du temporel de cette communauté, dont les ministres du culte, s'engagent (a) à respecter la Constitution et la Convention européenne des droits de l'homme;(b) à ne pas collaborer à des actes qui y sont contraires et (c) à déployer les efforts nécessaires à ce que la communauté cultuelle locale dont ils sont membres ne soit pas associée à des propos ou des actes qui y sont contraires.

B.25. Il appartient au législateur compétent de prendre les mesures qu'il estime nécessaires ou souhaitables en vue de garantir le respect des libertés et droits fondamentaux. Il peut prévoir, le cas échéant, des sanctions envers ceux qui menacent les principes de base d'une société démocratique.

Dans le cadre de l'exercice de sa compétence en matière de gestion du temporel des cultes reconnus, le législateur décrétal est compétent pour imposer aux membres de l'organe de gestion du futur établissement chargé du temporel d'une communauté cultuelle locale un engagement portant sur le respect des libertés et droits fondamentaux.

B.26. Le moyen unique, en sa troisième branche, n'est pas fondé en ce qu'il est pris de la violation de l'article 6, § 1er, VIII, alinéa 1er, 6°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles. d) La déclaration écrite relative au respect de la législation sur l'emploi des langues en matière administrative B.27. Dans la quatrième branche du moyen unique, les parties requérantes soutiennent que l'article 4, § 1er, 12°, du décret du 18 mai 2017 ne relève pas des compétences de la Région wallonne, en ce qu'il exige que le dossier accompagnant la demande motivée de reconnaissance contienne une déclaration écrite relative au respect de la législation sur l'emploi des langues en matière administrative.

B.28.1. L'article 3, § 1er, 3° et 12°, de l'avant-projet de décret, soumis pour avis à la section de législation du Conseil d'Etat, disposait : « § 1er. Toute demande motivée de reconnaissance est accompagnée de : [...] 3° l'identification de toutes les personnes physiques qui exerceront les fonctions de membres du premier organe de l'établissement chargé de la gestion du temporel des cultes reconnus et, pour chacune d'elles, un extrait de casier judiciaire vierge; [...] 12° une attestation de réussite de niveau A2 en langue française délivrée pour chacune des personnes visées au 3° ainsi que pour le ou les ministres du culte » (Doc.parl., Parlement wallon, 2016-2017, n° 770/1, p. 34).

B.28.2. Dans son avis, la section de législation du Conseil d'Etat a observé que cette disposition devait être omise de l'avant-projet de décret, dès lors que la Région wallonne n'est pas compétente pour régler « la connaissance de la langue par les membres des organes de gestion des établissements en charge du temporel des cultes » (Doc. parl., Parlement wallon, 2016-2017, n° 770/1, p. 22).

B.28.3. A la suite de l'avis de la section de législation du Conseil d'Etat, l'article 3, § 1er, 3° et 12°, de l'avant-projet de décret a été modifié et repris à l'article 4, § 1er, 3° et 12°, attaqué, du décret du 18 mai 2017.

Cette disposition impose de joindre à la demande de reconnaissance d'une communauté cultuelle locale d'un culte reconnu une déclaration écrite par laquelle les membres de l'organe de gestion du futur établissement chargé de la gestion du temporel de cette communauté, dont les ministres du culte, s'engagent à respecter la législation sur l'emploi des langues en matière administrative.

B.29. En vertu de l'article 129, § 1er, 1°, de la Constitution, l'emploi des langues en matière administrative relève en principe de la compétence des législateurs communautaires.

Les fabriques d'église et les autres établissements chargés de la gestion du temporel des cultes reconnus, lorsqu'ils sont dotés de la personnalité juridique, constituent des « services publics [...] décentralisés » au sens de l'article 1er, § 1er, 1°, des lois sur l'emploi des langues en matière administrative, coordonnées le 18 juillet 1966.

B.30. Par l'article 4, § 1er, 3° et 12°, du décret du 18 mai 2017, le législateur décrétal ne règle ni l'emploi des langues, ni la connaissance des langues par les membres de l'organe de gestion des établissements en charge du temporel des cultes reconnus. Il se limite à rappeler à ceux-ci la législation adoptée par le législateur compétent, qui s'impose à eux.

B.31. Le moyen unique, en sa quatrième branche, n'est pas fondé en ce qu'il est pris de la violation de l'article 6, § 1er, VIII, alinéa 1er, 6°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles.

En ce qui concerne le principe d'égalité et de non-discrimination et la liberté de religion et de culte B.32. L'article 10 de la Constitution dispose : « Il n'y a dans l'Etat aucune distinction d'ordres.

Les Belges sont égaux devant la loi; seuls ils sont admissibles aux emplois civils et militaires, sauf les exceptions qui peuvent être établies par une loi pour des cas particuliers.

L'égalité des femmes et des hommes est garantie ».

L'article 11 de la Constitution dispose : « La jouissance des droits et libertés reconnus aux Belges doit être assurée sans discrimination. A cette fin, la loi et le décret garantissent notamment les droits et libertés des minorités idéologiques et philosophiques ».

L'article 19 de la Constitution dispose : « La liberté des cultes, celle de leur exercice public, ainsi que la liberté de manifester ses opinions en toute matière, sont garanties, sauf la répression des délits commis à l'occasion de l'usage de ces libertés ».

L'article 20 de la Constitution dispose : « Nul ne peut être contraint de concourir d'une manière quelconque aux actes et aux cérémonies d'un culte, ni d'en observer les jours de repos ».

L'article 21 de la Constitution dispose : « L'Etat n'a le droit d'intervenir ni dans la nomination ni dans l'installation des ministres d'un culte quelconque, ni de défendre à ceux-ci de correspondre avec leurs supérieurs, et de publier leurs actes, sauf, en ce dernier cas, la responsabilité ordinaire en matière de presse et de publication.

Le mariage civil devra toujours précéder la bénédiction nuptiale, sauf les exceptions à établir par la loi, s'il y a lieu ».

L'article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme dispose : « 1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites. 2. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ». L'article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques dispose : « 1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion; ce droit implique la liberté d'avoir ou d'adopter une religion ou une conviction de son choix, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction, individuellement ou en commun, tant en public qu'en privé, par le culte et l'accomplissement des rites, les pratiques et l'enseignement. 2. Nul ne subira de contrainte pouvant porter atteinte à sa liberté d'avoir ou d'adopter une religion ou une conviction de son choix.3. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet que des seules restrictions prévues par la loi et qui sont nécessaires à la protection de la sécurité, de l'ordre et de la santé publique, ou de la morale ou des libertés et droits fondamentaux d'autrui.4. Les Etats parties au présent Pacte s'engagent à respecter la liberté des parents et, le cas échéant, des tuteurs légaux de faire assurer l'éducation religieuse et morale de leurs enfants conformément à leurs propres convictions ». B.33.1. La liberté de religion, garantie notamment à l'article 19 de la Constitution, comprend, entre autres, la liberté d'exprimer sa religion, soit seul, soit avec d'autres.

Les communautés religieuses existent traditionnellement sous la forme de structures organisées. La participation à la vie d'une communauté religieuse est une expression de la conviction religieuse qui bénéficie de la protection de la liberté de religion. Dans la perspective également de la liberté d'association, la liberté de religion implique que la communauté religieuse puisse fonctionner paisiblement, sans ingérence arbitraire de l'autorité. L'autonomie des communautés religieuses est en effet indispensable au pluralisme dans une société démocratique et se trouve donc au coeur même de la liberté de religion. Elle présente un intérêt direct non seulement pour l'organisation de la communauté religieuse en tant que telle, mais aussi pour la jouissance effective de la liberté de religion pour tous les membres de la communauté religieuse. Si l'organisation de la vie de la communauté religieuse n'était pas protégée par l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme, tous les autres aspects de la liberté de religion de l'individu s'en trouveraient fragilisés (CEDH, grande chambre,; 26 octobre 2000, Hassan et Tchaouch c.

Bulgarie, § 62; 26 avril 2016, Izzettin Dogan et autres c. Turquie, § 93).

La liberté de culte garantie par l'article 21, alinéa 1er, de la Constitution reconnaît cette même autonomie d'organisation des communautés religieuses. Chaque religion est libre d'avoir sa propre organisation.

B.33.2. En ce qu'ils reconnaissent le droit d'exprimer sa religion, soit seul, soit avec d'autres, l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme et l'article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ont une portée analogue à celle de l'article 19 de la Constitution, qui reconnaît, entre autres, la liberté de religion. Dès lors, les garanties offertes par ces dispositions forment, dans cette mesure, un ensemble indissociable.

L'article 19 de la Constitution interdit en outre que la liberté de culte soit soumise à des restrictions préventives, mais il n'interdit pas que les infractions qui sont commises à l'occasion de la mise en oeuvre de cette liberté soient sanctionnées.

B.33.3. La liberté de religion et de culte ne s'oppose pas à ce que l'autorité prenne des mesures positives permettant l'exercice effectif de cette liberté. L'organisation, par le législateur compétent, de la reconnaissance des communautés cultuelles locales des cultes reconnus et des obligations des établissements chargés de la gestion du temporel des cultes reconnus est susceptible de contribuer à la jouissance effective de la liberté de culte.

Ceci n'empêche cependant pas que de telles mesures doivent être considérées comme des ingérences dans le droit des cultes reconnus de régler de manière autonome leur fonctionnement. De telles ingérences sont admissibles pourvu qu'elles constituent des mesures nécessaires dans une société démocratique, à la satisfaction d'un besoin social impérieux visé à l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme et que ces mesures fassent l'objet d'une réglementation suffisamment accessible et précise. Il doit exister un lien raisonnable de proportionnalité entre le but légitime poursuivi, d'une part, et la limitation de cette liberté, d'autre part. Il convient de vérifier, en l'espèce, qu'il est satisfait à ces exigences. a) L'objectif, allégué, de contrôler le contenu du message transmis lors des célébrations du culte B.34. Dans la première branche du moyen unique, les parties requérantes soutiennent que le décret du 18 mai 2017 est incompatible avec la liberté de religion et de culte, en ce qu'il vise à contrôler le contenu du message transmis lors des célébrations du culte.

B.35. Comme il est dit en B.13, le décret du 18 mai 2017 vise principalement à encadrer juridiquement les communautés cultuelles locales et à objectiver la reconnaissance de celles-ci. Il ne ressort d'aucune des dispositions du décret du 18 mai 2017 que celui-ci viserait à contrôler le contenu du message transmis lors des célébrations du culte. Au contraire, le respect dû à la liberté de culte a été souligné à plusieurs reprises lors des travaux préparatoires (Doc. parl., Parlement wallon, 2016-2017, n° 770/4, pp. 6 et 8).

L'intention du législateur décrétal, qu'il a exprimée lors des travaux préparatoires, de mettre en place « un encadrement plus strict des communautés reconnues » et de « lutte [r] contre les lieux de cultes clandestins qui échappent au contrôle de l'autorité publique » (Doc. parl., Parlement wallon, 2016-2017, n° 770/1, p. 3), se réfère au contrôle du respect des exigences d'ordre juridique, administratif, budgétaire et comptable mises à charge des communautés cultuelles locales et des établissements chargés de la gestion du temporel des cultes reconnus dans le cadre des procédures établies par le décret du 18 mai 2017, et non à un contrôle qui porte sur l'exercice du culte à proprement parler.

B.36. Le moyen unique, en sa première branche, n'est pas fondé en ce qu'il est pris de la violation de la liberté de religion et de culte. b) L'enregistrement des communautés cultuelles locales et l'exigence d'une structure juridique trois ans avant la date d'introduction de la demande de reconnaissance B.37. Dans la deuxième branche du moyen unique, les parties requérantes soutiennent que les articles 15 à 17 du décret du 18 mai 2017 sont incompatibles avec la liberté de religion et de culte, en ce qu'ils contraignent les « établissements chargés de la gestion du temporel des cultes reconnus » à être enregistrés avant de pouvoir demander la reconnaissance. Elles critiquent également l'exigence selon laquelle la communauté cultuelle locale doit disposer d'une « structure juridique » visée à l'article 4, § 1er, 1°, 15° et 17°, et à l'article 16, § 1er, 3°, du décret du 18 mai 2017. La procédure d'enregistrement entraînerait par ailleurs un traitement discriminatoire du culte musulman.

B.38. Il ressort de ce qui est dit en B.18.2 et B.19.2 qu'à la date d'introduction de la demande de reconnaissance, la communauté cultuelle locale qui souhaite être reconnue doit apporter la preuve qu'elle est enregistrée depuis au moins trois ans (article 4, § 1er, 17°, du décret du 18 mai 2017) et qu'elle dispose d'une « structure juridique » depuis trois ans (article 4, § 1er, 1° et 15°, juncto article 8, 2°, du même décret). Les dispositions attaquées réservent ainsi le bénéfice de la reconnaissance, de la création d'un établissement public chargé de la gestion des biens et revenus des cultes reconnus et de l'aide matérielle des pouvoirs publics qui en découle aux seules communautés cultuelles locales qui sont enregistrées et qui sont « structurées juridiquement » depuis trois ans, ce qui a pour effet de prolonger de trois ans minimum le délai d'attente imposé pour bénéficier de la reconnaissance et des effets de celle-ci.

B.39. Dans son avis sur l'avant-projet de décret à l'origine du décret attaqué, la section de législation du Conseil d'Etat a souligné que l'avant-projet de décret contenait diverses ingérences dans l'autonomie organisationnelle des communautés cultuelles qu'il appartenait au législateur de justifier, compte tenu notamment de l'interdiction de mesures préventives visée aux articles 19 et 27 de la Constitution (Doc. parl., Parlement wallon, 2016-2017, n° 770/1, pp. 22 et 25).

B.40.1. L'introduction d'une procédure d'enregistrement en tant qu'étape préalable obligatoire à la procédure de reconnaissance a été justifiée par un objectif de transparence et par l'intention d'apprécier la capacité de gestion administrative des communautés cultuelles, par celle d'aider les communes à réaliser un cadastre des lieux de culte et par celle de lutter contre les lieux de cultes clandestins : « L'identification de toutes les communautés dans lesquelles s'exerce une thématique cultuelle rencontre un objectif de transparence. En effet, si la liberté de culte est un droit fondamental auquel aucune norme ne peut déroger, il est normal d'attendre de ces communautés qu'elles signalent leur existence. Ceci implique notamment d'apporter la preuve du respect des normes de sécurité liées au bâtiment utilisé comme lieu de culte et d'assurer ce bâtiment, ce qui témoigne déjà d'une capacité de gestion administrative et d'un sens des responsabilités.

Par ailleurs, la procédure d'enregistrement doit permettre d'aider les autorités communales dans le travail de recensement global des lieux de culte. Ceci rencontre l'objectif de lutte contre les lieux de cultes clandestins qui échappent au contrôle de l'autorité publique » (Doc. parl., Parlement wallon, 2016-2017, n° 770/1, p. 3). « L'attestation d'enregistrement délivrée par le Gouvernement wallon est destinée à apprécier la capacité de gestion administrative de la communauté puisque cet enregistrement a nécessité un minimum de démarches et de collecte d'informations qui témoignent déjà d'une maîtrise d'une partie de l'arsenal juridique » (ibid., p. 8).

L'enregistrement est également destiné à permettre aux pouvoirs locaux de planifier leurs investissements à plus long terme : « L'enregistrement s'applique tout d'abord aux communautés se revendiquant des six cultes reconnus. Cela permet de déterminer la répartition géographique de ces communautés afin de permettre aux institutions susceptibles de prendre en charge leurs dépenses une fois la reconnaissance octroyée, de planifier à plus long terme ces investissements » (Doc. parl., Parlement wallon, 2016-2017, n° 770/1, p. 22). Comme il est dit au B.19.4, l'exigence selon laquelle la communauté cultuelle locale d'un culte reconnu doit, pour être reconnue, disposer d'une « structure juridique » depuis trois ans a été justifiée par la nécessité d'évaluer la capacité administrative des communautés cultuelles locales en demande de reconnaissance qui est indispensable au statut public sollicité par celles-ci et comme « un préalable à l'administration du temporel du culte » (Doc. parl., Parlement wallon, 2016-2017, n° 770/1, p. 4).

B.40.2. Par les dispositions attaquées, le législateur a ainsi voulu vérifier la réalité des communautés cultuelles locales et assurer une bonne administration des demandes de reconnaissance. Ces objectifs sont légitimes et figurent parmi ceux, énumérés à l'article 9, paragraphe 2, de la Convention européenne des droits de l'homme, qui peuvent justifier une ingérence dans le droit à la liberté de religion, dès lors qu'ils relèvent de la protection de l'ordre public.

B.41.1. Quant au point de savoir si ces ingérences sont nécessaires dans une société démocratique, la formalité d'enregistrement est sanctionnée uniquement par le fait qu'elle conditionne l'admissibilité de la demande de reconnaissance. Par conséquent, elle ne porte pas atteinte à la liberté de culte des communautés cultuelles locales des cultes reconnus par l'autorité fédérale qui ne souhaitent pas être reconnues par l'autorité régionale.

A l'égard des communautés cultuelles locales des cultes reconnus par l'autorité fédérale qui souhaitent être reconnues par l'autorité régionale, la formalité d'enregistrement permet de collecter, trois avant l'introduction de la demande de reconnaissance, des données d'ordre administratif relatives à la communauté cultuelle locale, aux responsables de celle-ci et au lieu de culte. Cette mesure est pertinente et nécessaire pour atteindre les objectifs décrits au B.40.1 et, en particulier, celui de permettre une planification budgétaire à plus long terme des pouvoirs locaux, auxquels il incombe notamment de prendre en charge les déficits des établissements chargés de la gestion du temporel des cultes reconnus.

Une prolongation de trois ans au moins du délai d'attente imposé aux communautés cultuelles locales des cultes reconnus qui souhaitent être reconnues par l'autorité régionale pour bénéficier de la reconnaissance et des effets de celle-ci, n'est pas excessive en soi, eu égard aux objectifs précités. Il appartient aux autorités compétentes, sous le contrôle des juridictions compétentes, de faire en sorte que le délai d'attente total imposé pour l'octroi de la personnalité juridique à ces communautés, depuis le dépôt de la déclaration d'enregistrement jusqu'à la décision du Gouvernement wallon statuant sur la demande de reconnaissance, demeure raisonnablement court.

B.41.2. Les communautés religieuses ne doivent pas être contraintes de demander la personnalité juridique si elles ne le souhaitent pas.

L'exigence selon laquelle la communauté cultuelle locale qui souhaite être reconnue doit disposer d'une « structure juridique » depuis trois ans à la date d'introduction de la demande de reconnaissance, telle qu'elle est interprétée en B.19.3, impose uniquement à la communauté de s'enregistrer en tant qu'entité juridique, sans exiger que celle-ci soit dotée de la personnalité juridique.

Sous réserve de cette interprétation, l'article 4, § 1er, 1°, du décret du 18 mai 2017 ne porte dès lors pas une atteinte disproportionnée à l'autonomie d'organisation des communautés religieuses.

B.41.3. Il en résulte que la procédure d'enregistrement et l'exigence que la communauté cultuelle locale dispose d'une « structure juridique » depuis trois ans à la date d'introduction de la demande de reconnaissance permettent de concilier la liberté de religion et de culte avec la nécessité, pour le législateur, de s'assurer de la réalité de la communauté cultuelle locale à reconnaître, sans porter une atteinte excessive aux droits des communautés cultuelles locales et des membres de celle-ci.

Dès lors que les dispositions attaquées n'empêchent pas qu'une communauté cultuelle locale puisse continuer d'exister sous la forme juridique de son choix après l'enregistrement, ni que cette communauté puisse exercer librement son culte, ces dispositions ne soumettent pas la liberté de culte à des mesures préalables.

B.42. Le moyen unique, en sa deuxième branche, n'est pas fondé en ce qu'il est pris de la violation de la liberté de religion et de culte, sous réserve de l'interprétation mentionnée en B.41.2.

B.43. Les parties requérantes font valoir que la formalité de l'enregistrement a pour conséquence pratique que les mosquées non encore reconnues risquent de se trouver dans l'impossibilité de recruter un imam ou de conserver leur imam, dès lors que les imams officiant en Belgique seraient « invariablement, des personnes de nationalité étrangère, formées à l'étranger, qui se voient décerner un titre de séjour pour exercer leur qualité d'imam » et que le Gouvernement fédéral n'octroierait un titre de séjour temporaire qu'aux seuls imams qui exercent dans une mosquée reconnue.

B.44. Sans qu'il soit nécessaire d'examiner les présupposés sur lesquels le grief des parties requérantes repose, le traitement discriminatoire du culte musulman, allégué par les parties requérantes, ne serait pas imputable aux dispositions attaquées, dès lors que, comme indiqué en B.11.1, l'autorité fédérale est seule compétente pour reconnaître la qualité de ministre du culte et pour allouer les traitements et pensions qui en découlent.

B.45. Le moyen unique, en sa deuxième branche, n'est pas fondé en ce qu'il est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution. c) La déclaration sur l'honneur relative au respect des libertés et droits fondamentaux B.46. Dans la troisième branche du moyen unique, les parties requérantes soutiennent que l'article 4, § 1er, 13°, du décret du 18 mai 2017 viole le principe d'égalité et de non-discrimination et la liberté de religion et de culte, en ce qu'il prévoit que le dossier accompagnant la demande motivée de reconnaissance doit contenir une déclaration sur l'honneur relative au respect des libertés et droits fondamentaux.

B.47.1. L'article 3, § 1er, 3° et 13°, de l'avant-projet de décret, soumis pour avis à la section de législation du Conseil d'Etat, disposait : « § 1er. Toute demande motivée de reconnaissance est accompagnée de : [...] 3° l'identification de toutes les personnes physiques qui exerceront les fonctions de membres du premier organe de l'établissement chargé de la gestion du temporel des cultes reconnus et, pour chacune d'elles, un extrait de casier judiciaire vierge; [...] 13° pour les personnes visées au 3° dont le ou les ministres du culte, une déclaration sur l'honneur, dûment signée par chacun d'entre eux et attestant qu'ils s'engagent à : a) respecter la Constitution, la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'ensemble des législations existantes;b) ne pas collaborer à des actes contraires à la Constitution, à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et aux législations existantes;c) veiller à ce que la communauté dont elles sont membres ne soit pas associée à des propos ou à des actes contraires à la Constitution et à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales » (Doc.parl., Parlement wallon, 2016-2017, n° 770/1, pp. 34-35).

B.47.2. A la suite de l'avis de la section de législation du Conseil d'Etat, dans l'article 3, § 1er, 13°, c), de l'avant-projet de décret, devenu l'article 4, § 1er, 13°, c), attaqué, du décret du 18 mai 2017, les mots « veiller à ce que la communauté » ont été remplacés par les mots « déployer les efforts nécessaires à ce que la communauté cultuelle locale ».

B.48. Dans une société démocratique, il est nécessaire de protéger les valeurs et les principes qui fondent la Constitution et la Convention européenne des droits de l'homme contre les personnes ou les organisations qui tentent de saper ces valeurs et principes. Une démocratie doit pouvoir se défendre avec énergie, et en particulier ne pas permettre que la liberté de religion et de culte, qui lui est propre et qui la rend vulnérable, soit utilisée afin de la détruire.

Le législateur compétent peut conditionner la reconnaissance des communautés religieuses au respect de certaines conditions, et notamment au respect des droits et libertés garantis par la Constitution et par la Convention européenne des droits de l'homme.

B.49.1. La déclaration sur l'honneur est exigée de la part des membres de l'organe de gestion de l'établissement chargé de la gestion du temporel des cultes reconnus, dont les ministres du culte « en leur qualité de membre de droit » de cet organe (Doc. parl., Parlement wallon, 2016-2017, n° 770/1, p. 5). Elle porte sur le respect, par ces derniers, de la Constitution et de la Convention européenne des droits de l'homme, sur l'absence de collaboration personnelle à des activités qui y sont contraires et sur une obligation de moyens visant à éviter que leur communauté soit associée à des propos ou actes qui y sont contraires. De cette manière, la restriction que la disposition attaquée entraîne en ce qui concerne la liberté d'expression convictionnelle des personnes concernées et en ce qui concerne l'autonomie organisationnelle des communautés religieuses satisfait aux exigences mentionnées en B.33.3.

B.49.2. Contrairement à ce que les parties requérantes soutiennent, la disposition attaquée n'est pas discriminatoire à l'égard du culte musulman, dès lors qu'elle traite de la même manière tous les cultes reconnus.

B.50. Le moyen unique, en sa troisième branche, n'est pas fondé en ce qu'il est pris de la violation du principe d'égalité et de non-discrimination et de la liberté de religion et de culte. d) La déclaration écrite relative au respect de la législation sur l'emploi des langues en matière administrative B.51. Dans la quatrième branche du moyen unique, les parties requérantes soutiennent que l'article 4, § 1er, 12°, du décret du 18 mai 2017 viole le principe d'égalité et de non-discrimination, ainsi que la liberté de religion et de culte, en ce qu'il exige que le dossier accompagnant la demande motivée de reconnaissance contienne une déclaration écrite relative au respect de la législation sur l'emploi des langues en matière administrative. Cette exigence pénaliserait spécifiquement l'organisation du culte musulman.

B.52. Lors des travaux préparatoires, il a été souligné que l'engagement à respecter la législation sur l'emploi des langues en matière administrative concernait les ministres du culte « en leur qualité de membre de droit des organes de gestion de l'établissement cultuel » (Doc. parl., Parlement wallon, 2016-2017, n° 770/1, p. 5).

Il en découle que l'engagement à respecter la législation sur l'emploi des langues en matière administrative, visé à l'article 4, § 1er, 3° et 12°, du décret du 18 mai 2017, s'impose aux ministres des cultes uniquement dans le cadre de leurs activités en tant que membres de l'organe de gestion de l'établissement en charge du temporel des cultes reconnus, à l'exclusion de leurs activités cultuelles.

Moyennant cette réserve, cette mesure ne pénalise pas spécifiquement l'organisation du culte musulman, dès lors qu'elle traite de la même manière tous les cultes reconnus et qu'elle se limite à rappeler aux membres de l'organe de gestion de l'établissement chargé de la gestion du temporel des cultes reconnus la législation adoptée par le législateur compétent, qui s'impose à eux.

B.53. Compte tenu de ce qui est dit en B.52, le moyen unique, en sa quatrième branche, n'est pas fondé en ce qu'il est pris de la violation du principe d'égalité et de non-discrimination et de la liberté de religion et de culte.

Par ces motifs, la Cour - annule les articles 15 à 17 du décret de la Région wallonne du 18 mai 2017 « relatif à la reconnaissance et aux obligations des établissements chargés de la gestion du temporel des cultes reconnus » en ce qu'ils s'appliquent aux communautés cultuelles locales des cultes non reconnus par l'autorité fédérale; - sous réserve de l'interprétation mentionnée en B.41.2 et compte tenu de ce qui est dit en B.52, rejette le recours pour le surplus.

Ainsi rendu en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 19 décembre 2019.

Le greffier, F. Meersschaut Le président, F. Daoût

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