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Arrêt
publié le 17 avril 2020

Extrait de l'arrêt n° 118/2019 du 29 août 2019 Numéro du rôle : 6961 En cause : les questions préjudicielles concernant le décret de la Communauté flamande du 12 juillet 2013 « relatif à l'aide intégrale à la jeunesse » et l'arrêté ministérie La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et F. Daoût, et des juges J.-P. Snapp(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 118/2019 du 29 août 2019 Numéro du rôle : 6961 En cause : les questions préjudicielles concernant le décret de la Communauté flamande du 12 juillet 2013 « relatif à l'aide intégrale à la jeunesse » et l'arrêté ministériel d'exécution, posées par le tribunal de la jeunesse du Tribunal de première instance d'Anvers, division Malines.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et F. Daoût, et des juges J.-P. Snappe, T. Merckx-Van Goey, T. Giet, R. Leysen et M. Pâques, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président A. Alen, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles et procédure Par ordonnance du 22 juin 2018, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 26 juin 2018, le tribunal de la jeunesse du Tribunal de première instance d'Anvers, division Malines, a posé les questions préjudicielles suivantes : « 1. Les articles 26, § 1er, alinéa 2, et 55 du décret du 12 juillet 2013 relatif à l'aide intégrale à la jeunesse violent-ils les articles 40 et 151 de la Constitution, en ce que les relations entre le pouvoir judiciaire et le pouvoir exécutif sont mises sous pression et que le système permet des inégalités et des discriminations à l'encontre des mineurs ? L'article 48 du décret dispose que le tribunal de la jeunesse et le juge de la jeunesse peuvent prendre les mesures qui y sont énumérées. L'article 55 du décret relatif à l'aide intégrale de la jeunesse limite/supprime cette marge d'appréciation du juge de la jeunesse, dès lors que ce dernier ne peut pas apprécier et/ou fixer la mesure ni son mode d'exécution, en ce sens que la question se pose de savoir s'il y a excès de compétences. 2. Le décret relatif à l'aide intégrale à la jeunesse et l'arrêté d'exécution (arrêté ministériel) relatif à l'aide à la jeunesse en situation de crise dans le cadre de l'aide intégrale à la jeunesse (articles 16 à 51) violent-ils les articles 12, 22 et 22bis de la Constitution et les traités internationaux précités ? 3.Le décret relatif à l'aide intégrale de la jeunesse et l'arrêté d'exécution (arrêté ministériel) violent-ils les droits de la défense du mineur et de ses parents (articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, article 3 de la Convention relative aux droits de l'enfant, ainsi que les articles 10 et 11 de la Constitution) ? ». (...) III. En droit (...) B.1.1. Le juge a quo demande à la Cour si les articles 26, § 1er, alinéa 2, et 55 du décret de la Communauté flamande du 12 juillet 2013 « relatif à l'aide intégrale à la jeunesse » (ci-après : le décret du 12 juillet 2013) et l'arrêté du Gouvernement flamand du 21 février 2014 « relatif à l'aide intégrale à la jeunesse » sont compatibles avec les articles 10, 11, 12, 22, 22bis, 40 et 151 de la Constitution, combinés ou non avec les articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 3 de la Convention relative aux droits de l'enfant, en ce qu'ils ne garantiraient pas à suffisance que le juge de la jeunesse puisse se prononcer sur la nature et sur les modalités d'exécution des mesures prises dans le cadre des services d'aide à la jeunesse non directement accessibles, et en ce que le mineur et ses parents ne seraient pas entendus, alors que ces mesures constituent une ingérence dans la vie privée et familiale des intéressés et pourraient être privatives de liberté.

B.1.2. En vertu de l'article 142 de la Constitution et de l'article 26, § 1er, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, la Cour est compétente pour contrôler la conformité des actes à valeur législative avec les règles répartitrices de compétences entre l'Etat fédéral, les communautés et les régions ainsi que leur compatibilité avec les articles du titre II (« Des Belges et de leurs droits ») et avec les articles 143, § 1er, 170, 172 et 191 de la Constitution.

Ni l'article 26, § 1er, de la loi spéciale du 6 janvier 1989, adoptée en exécution de l'article 142 de la Constitution, ni aucune autre disposition constitutionnelle ou législative ne confèrent à la Cour, à titre préjudiciel, le pouvoir de contrôler des normes directement au regard des articles 40 et 151 de la Constitution ou de statuer sur la compatibilité des dispositions d'un arrêté du Gouvernement flamand avec les articles du titre II (« Des Belges et de leurs droits »).

B.1.3. Les questions préjudicielles ne sont recevables que dans la mesure où la Cour est interrogée sur la compatibilité des articles 26, § 1er, alinéa 2, et 55 du décret du 12 juillet 2013 avec les articles 10, 11, 12, 22 et 22bis de la Constitution, combinés ou non avec les articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 3 de la Convention relative aux droits de l'enfant.

B.2. L'article 26, § 1er, alinéa 2, du décret du 12 juillet 2013 dispose : « Pour la requête du juge de la jeunesse, visée à l'alinéa premier, 1°, on vérifie les services d'aide à la jeunesse non directement accessibles qui peuvent donner exécution à la mesure proposée par le juge de la jeunesse ».

L'article 55 du même décret dispose : « Le juge de la jeunesse fait inscrire une demande de services d'aide à la jeunesse non directement accessibles [sur] la liste d'enregistrement intersectorielle avant qu'il n'ordonne [ce qui suit] : 1° une ou plusieurs des mesures, visées aux alinéas 48 et 53;2° une ou plusieurs des mesures, visées à l'article 10 de l'ordonnance de la Commission communautaire commune du 29 avril 2004 relative à l'aide à la jeunesse;3° une des mesures, visées à l'article 37, § 2, alinéa premier, 7° et l'article 37, § 2ter, 7°, de la loi du 8 avril 1965Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/04/1965 pub. 02/08/2010 numac 2010000404 source service public federal interieur Loi relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié et à la réparation du dommage causé par ce fait. - Coordination officieuse en langue allemande fermer relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié [infraction] et à la réparation du dommage causé par ce fait. Le Gouvernement flamand en arrête les modalités ».

B.3. En ce qui concerne le but de l'aide intégrale à la jeunesse, l'article 5, alinéa 1er, du décret précité dispose : « L'aide intégrale à la jeunesse offre à des mineurs, à leurs parents et, le cas échéant, à leurs responsables de l'éducation et aux personnes concernées de leur entourage et qui en ont besoin, une aide et des soins sur mesure qui, avec beaucoup de flexibilité, essaient de répondre à leur demande d'aide. Elle le fait par le biais d'une analyse commune de la demande d'aide et dans le cadre d'une coopération intersectorielle entre les offreurs d'aide à la jeunesse et d'une harmonisation intersectorielle de l'offre d'aide à la jeunesse. L'offre d'aide à la jeunesse peut être revue en fonction de ce que qui est ressenti comme efficient, efficace et utile par le mineur, ses parents et, le cas échéant, ses responsables de l'éducation ».

B.4.1. A l'exception de l'aide judiciaire à la jeunesse, les services d'aide à la jeunesse ne peuvent être accordés qu'avec le consentement des personnes auxquelles ils s'adressent (article 6, alinéa 5, du décret du 12 juillet 2013). Le législateur décrétal a habilité le juge de la jeunesse à prendre des mesures judiciaires dans le cadre de l'aide judiciaire à la jeunesse (articles 47 à 55 du décret du 12 juillet 2013).

B.4.2. L'aide judiciaire à la jeunesse est subsidiaire à l'aide volontaire à la jeunesse, fondée sur une coopération volontaire des intéressés. Le législateur décrétal a estimé que les motifs d'intervention judiciaire doivent être limités à l'intervention après renvoi ou en urgence (Doc. parl., Parlement flamand, 2012-2013, n° 1952/1, p. 53).

B.4.3. Le juge de la jeunesse prend connaissance de situations inquiétantes sur requête du ministère public afin d'imposer, après renvoi ou en urgence, des mesures judiciaires aux mineurs concernés et éventuellement à leurs parents et, le cas échéant, aux responsables de leur éducation (article 47 du décret du 12 juillet 2013).

Une situation inquiétante est « une situation qui menace le développement d'un mineur parce qu'il est porté atteinte à son intégrité psychique, physique ou sexuelle ou à celle d'un ou de plusieurs membres de sa famille ou parce que ses chances d'épanouissement affectif, moral, intellectuel ou social sont mises en péril de sorte que, d'un point de vue social, il se peut qu'il soit nécessaire d'offrir des services d'aide à la jeunesse » (article 2, 54°, du décret du 12 juillet 2013).

B.5. Le juge de la jeunesse peut ordonner une multitude de mesures d'aide judiciaire à la jeunesse, ce qui garantit la différenciation et le caractère approprié de l'offre d'aide. Lorsque le ministère public requiert une intervention après renvoi, au sens de l'article 47, 1°, le juge de la jeunesse peut prendre les mesures suivantes, conformément à l'article 48, § 1er, alinéa 1er, du décret du 12 juillet 2013 : « 1° fournir une directive pédagogique aux parents du mineur ou, le cas échéant, à ses responsables de l'éducation; 2° mettre le mineur sous surveillance du service social pendant maximum une année;3° ordonner un accompagnement de contexte pendant maximum une année;4° imposer un projet éducatif au mineur pendant maximum six mois ou confier le mineur à un projet, éventuellement conjointement avec ses parents ou, le cas échéant, ses responsables de l'éducation;5° faire visiter une structure ambulante par le mineur pendant maximum une année;6° faire vivre de manière autonome, pendant maximum un an, le mineur qui a atteint l'âge de dix-sept ans et dispose de revenus suffisants;7° faire vivre, dans une chambre et sous surveillance permanente, pendant maximum un an, le mineur qui a atteint l'âge de dix-sept ans;8° mettre le mineur sous l'accompagnement d'un centre d'accueil et d'orientation pendant maximum trente jours;9° mettre le mineur sous l'accompagnement d'un centre d'observation pendant maximum soixante jours;10° confier un mineur à un candidat accueillant ou à un accueillant tel que visé à l'article 14, § 1er ou § 3, du décret du 29 juin 2012 portant organisation du placement familial, au maximum jusqu'à l'âge de treize ans, en application ou non de l'article 5 du décret précité, et confier un mineur qui a plus de treize ans à un candidat accueillant ou à un accueillant tel que visé à l'article 14, § 1er ou § 3, du décret du 29 juin 2012 portant organisation du placement familial pendant trois ans au maximum, en application ou non de l'article 5 du décret précité;11° à titre exceptionnel et pour maximum un an, confier le mineur à un établissement ouvert approprié;12° à titre exceptionnel et pour maximum trois mois, confier le mineur qui a atteint l'âge de quatorze ans, à un établissement fermé approprié, s'il est démontré que le mineur s'est soustrait aux mesures visées aux points 10° et 11°, à deux reprises ou plus, et que cette mesure s'impose pour conserver l'intégrité de la personne du mineur;13° confier le mineur, pour maximum un an, à un établissement psychiatrique si cela s'avère nécessaire après une expertise psychiatrique ». Après une demande d'intervention en urgence, telle qu'elle est visée à l'article 47, 2°, le juge de la jeunesse peut prendre une des mesures mentionnées à l'article 48, § 1er, alinéa 1er, 3° à 13° (article 53 du décret du 12 juillet 2013).

B.6.1. Le législateur décrétal a choisi d'établir une distinction entre les services d'aide à la jeunesse directement accessibles et les services d'aide non directement accessibles, selon leur « degré d'implication », compte tenu entre autres de la durée, de la fréquence et de l'intensité de l'aide requise (articles 2, 40°, et 15 du décret du 12 juillet 2013).

B.6.2. Si le juge de la jeunesse estime qu'il s'indique de prendre une mesure judiciaire qui, comme dans l'affaire soumise au juge a quo, ne relève pas des services d'aide directement accessibles, il doit demander au service social de faire inscrire une demande de services d'aide à la jeunesse non directement accessibles sur la liste d'enregistrement intersectorielle auprès de la « porte d'entrée » (article 55 du décret du 12 juillet 2013). Une « porte d'entrée » est un organe qui organise l'accès aux services d'aide à la jeunesse non directement accessibles (article 17 du décret du 12 juillet 2013).

B.6.3. L'équipe chargée de la régie de l'aide à la jeunesse a ensuite pour mission de transposer la requête du juge de la jeunesse de services d'aide à la jeunesse non directement accessibles en un ou plusieurs « modules de services d'aide à la jeunesse non directement accessibles », en un financement personnalisé ou en une combinaison des deux qui permet de réaliser les services d'aide à la jeunesse les plus appropriés (article 26, § 1er, 1°, du décret du 12 juillet 2013).

B.7. Les questions préjudicielles portent en premier lieu sur le rapport entre le juge de la jeunesse et l'équipe chargée de la régie de l'aide à la jeunesse. Le juge a quo estime que les dispositions en cause ne garantissent pas en suffisance que le juge de la jeunesse puisse se prononcer sur la nature et sur les modalités d'exécution des mesures adéquates prises dans le cadre des services d'aide à la jeunesse non directement accessibles, de sorte qu'elles ne seraient pas compatibles avec les dispositions constitutionnelles et conventionnelles mentionnées en B.1.1.

B.8.1. Dans son avis relatif à l'avant-projet du décret ayant conduit aux dispositions en cause, la section de législation du Conseil d'Etat a relevé à cet égard : « A l'article 26, § 1er, alinéa 1er, 1°, du projet, il est prévu que l'équipe chargée de la régie de l'aide à la jeunesse a pour mission de transposer la requête du juge de la jeunesse de services d'aide à la jeunesse non directement accessibles, visée à l'article 55, en un ou plusieurs modules de services d'aide à la jeunesse non directement accessibles ou en un financement personnalisé qui permet de réaliser l'aide à la jeunesse appropriée et d'inscrire le mineur sur la liste d'enregistrement intersectorielle.

Pareille ' transposition ' semble en tout cas contraire, d'une part, à ce qui est dit dans l'exposé des motifs concernant l'article 55 du projet, à savoir que le but consiste à permettre au juge de la jeunesse de faire appel au ' régisseur de l'aide à la jeunesse ' pour indiquer si et où l'aide à la jeunesse à ordonner est disponible, et, d'autre part, à l'article 50 du projet, aux termes duquel le juge de la jeunesse charge, selon le cas, un ' offreur d'aide à la jeunesse ', le service social (pour l'aide judiciaire à la jeunesse) ou un service agréé pour le placement familial, de l'exécution, de l'organisation ou de l'accompagnement des mesures prises. Le délégué a en outre déclaré que non seulement la décision d'imposer une mesure, mais également l'' octroi ' de l'aide judiciaire à la jeunesse demeure de la compétence exclusive du tribunal de la jeunesse. Dans cette perspective, il conviendra toutefois d'adapter l'article 26, § 1er, alinéa 1er, 1°, du projet. [...] [...] Il faut observer en outre que les mesures que peuvent imposer le juge de la jeunesse ou le tribunal de la jeunesse constituent presque toujours une ingérence dans la vie privée et familiale de l'intéressé, au sens de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et de l'article 22 de la Constitution et qu'elles sont, dans certains cas, privatives de liberté au sens de l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme. Dans ces circonstances, eu égard à l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, il est important de garantir l'accès à un juge ainsi qu'à la compétence dont il dispose pour se prononcer aussi sur la nature et sur les modalités d'exécution de la mesure » (C.E., avis n° 52.548/3 du 24 janvier 2013, Doc. parl., Parlement flamand, 2012-2013, n° 1952/1, pp. 295-296).

B.8.2. A la suite de l'avis précité, les travaux préparatoires mentionnent : « Ainsi qu'il a été mentionné au § 1er, alinéa 1er, 1° et à l'alinéa 2 de cet article, l'équipe chargée de la régie de l'aide à la jeunesse examine, sur requête du juge de la jeunesse, quels services d'aide à la jeunesse non directement accessibles peuvent donner exécution à la mesure proposée par le juge de la jeunesse. Cet alinéa a été ajouté à l'article 26, § 1er, en réponse aux observations formulées à cet égard par le Conseil d'Etat.

Le régisseur de l'aide à la jeunesse examine en particulier, dans le cadre d'une demande du juge de la jeunesse, au moyen de quels modules la mesure proposée par le juge de la jeunesse peut être exécutée et quels ' offreurs d'aide à la jeunesse ' entrent en ligne de compte sur la base de leur offre d'aide à la jeunesse. La ' porte d'entrée ' règle l'accès, dans le cadre de l'aide extrajudiciaire à la jeunesse, aux modules d'aide à la jeunesse non directement accessibles. C'est alors au final le juge de la jeunesse qui impose la mesure et qui - le cas échéant - indique qui doit l'exécuter. C'est le juge de la jeunesse qui règle l'accès à l'aide judiciaire à la jeunesse et qui impose des mesures dans ce cadre. La décision ou l'octroi de l'aide judiciaire à la jeunesse demeurent évidemment de la compétence exclusive du juge de la jeunesse. Le fait de faire exécuter dans la pratique une mesure d'un juge de la jeunesse au moyen de modules ne porte pas atteinte à la compétence du juge de la jeunesse. Seule l'exécution de cette mesure est ainsi rendue conforme au cadre actuel de l'offre d'aide à la jeunesse, à savoir une offre modulée. Ce que fait l'équipe chargée de la régie de l'aide à la jeunesse, c'est indiquer les possibilités. Si le juge de la jeunesse décide que l'exécution doit être confiée à un autre ' offreur d'aide à la jeunesse ', cela peut se faire, mais alors, il se pourra qu'il faille attendre longtemps avant qu'il soit procédé à l'exécution, vu le fonctionnement de la liste d'enregistrement intersectorielle en vue de la régie de l'aide à la jeunesse » (Doc. parl., Parlement flamand, 2012-2013, 1952/1, pp. 33-34; voy. en ce sens, ibid., pp. 65-66).

B.8.3. Compte tenu de l'avis de la section de législation du Conseil d'Etat, l'article 26, § 1er, alinéa 2, du décret du 12 juillet 2013 prévoit expressément que, pour la demande du juge de la jeunesse, mentionnée à l'alinéa 1er, 1°, on vérifie les services d'aide à la jeunesse non directement accessibles qui peuvent donner exécution à la mesure proposée par le juge de la jeunesse.

B.8.4. Contrairement à ce qu'affirme le juge a quo, il appartient exclusivement au juge de la jeunesse de régler l'accès à l'aide judiciaire à la jeunesse et d'imposer des mesures dans ce cadre, lesquelles constituent une ingérence dans la vie privée et familiale des intéressés et peuvent être privatives de liberté et, le cas échéant, d'indiquer qui doit les exécuter.

B.8.5. Le simple fait que le juge de la jeunesse doive faire inscrire une demande de services d'aide à la jeunesse non directement accessibles sur la liste d'enregistrement intersectorielle auprès de la « porte d'entrée », conformément à l'article 55 du décret du 12 juillet 2013, et qu'il appartient à l'équipe chargée de la régie de l'aide à la jeunesse d'examiner quels services d'aide à la jeunesse non directement accessibles peuvent donner exécution à la mesure proposée par le juge de la jeunesse, conformément à l'article 26, § 1er, alinéa 2, du décret du 12 juillet 2013, n'a pas pour conséquence que le juge de la jeunesse ne peut plus se prononcer sur la nature et sur les modalités d'exécution des mesures. Ainsi qu'il ressort également des travaux préparatoires mentionnés en B.8.2, la décision concernant l'aide judiciaire à la jeunesse et l'octroi de celle-ci demeure de la compétence exclusive du juge de la jeunesse. La régie de l'aide à la jeunesse ne constitue qu'un instrument permettant au juge de la jeunesse de donner exécution à la mesure qu'il estime appropriée et d'examiner où l'offre d'aide à la jeunesse appropriée est disponible.

B.9.1. Le juge de la jeunesse doit veiller à désigner les mesures d'aide judiciaire à la jeunesse qui sont adéquates pour le mineur qui se trouve dans une situation inquiétante, en conformité avec les dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant (voy. en ce sens l'article 5 du décret du 12 juillet 2013).

Il incombe aux autorités compétentes de veiller à ce que ces mesures soient exécutées en parfaite conformité avec la décision du juge de la jeunesse et avec la célérité requise.

Tant l'article 22bis, alinéa 4, de la Constitution que l'article 3, paragraphe 1, de la Convention relative aux droits de l'enfant imposent à toutes les institutions qui prennent des mesures concernant des enfants de prendre en considération l'intérêt de l'enfant, de manière primordiale, dans les procédures qui le concernent.

B.9.2. Le juge a quo observe toutefois qu'il n'est pas satisfait aux exigences précitées en raison d'une pénurie de places dans des établissements adéquats pour les mineurs qui se trouvent dans des situations inquiétantes. Il observe également que les organes d'exécution fixent leurs propres priorités, de sorte que les places disponibles ne sont pas toujours attribuées aux mineurs qui en ont le plus besoin et que les décisions du juge de la jeunesse ne sont pas exécutées.

B.9.3. Si la mesure d'aide judiciaire à la jeunesse imposée par le juge de la jeunesse ne peut être exécutée avec la célérité nécessaire et que le mineur concerné est de ce fait placé dans un environnement inadéquat, il peut en résulter une violation des articles 12, 22 et 22bis de la Constitution, combinés avec les articles 5, paragraphe 1, d), et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme. Tel est également le cas lorsque le juge de la jeunesse est confronté à une pénurie de places dans des établissements adéquats ou à la situation dans laquelle aucun établissement ne peut fournir les soins que nécessite le mineur concerné.

B.9.4. Il appartient au pouvoir exécutif de prendre les mesures nécessaires pour que les missions prévues par le décret puissent être accomplies correctement. L'on ne saurait toutefois reprocher à la législation décrétale relative à l'aide judiciaire à la jeunesse les manquements à cette obligation, découlant de l'absence ou de l'insuffisance d'établissements adéquats, mais à l'exécution de celle-ci, au sujet de laquelle la Cour n'a pas à se prononcer.

B.10. Le juge a quo interroge ensuite la Cour au sujet de la constitutionnalité des dispositions en cause en ce qu'elles ne garantiraient pas que le mineur et ses parents soient entendus lorsque des mesures d'aide judiciaire à la jeunesse sont imposées, alors que ces mesures constituent une ingérence dans la vie privée et familiale des intéressés et peuvent être privatives de liberté.

B.11.1. Si l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ne renferme aucune condition explicite de procédure, les enfants et leurs parents doivent, dans le cadre des procédures administratives et judiciaires ayant une incidence sur leurs droits, être suffisamment associés au processus décisionnel, considéré comme un tout, afin de protéger leurs intérêts, tels qu'ils sont garantis par la disposition conventionnelle précitée. Compte tenu de l'article 12 de la Convention relative aux droits de l'enfant, les enfants qui sont capables de discernement ont le droit d'être entendus et d'exprimer librement leur opinion (CEDH, grande chambre, 8 juillet 2003, Sommerfeld c. Allemagne, §§ 65-69; 3 septembre 2015, M. et M. c.

Croatie, §§ 180-181; 2 février 2016, N. TS. et autres c. Géorgie, § 72).

B.11.2. En ce que les mesures d'aide judiciaire à la jeunesse imposées relèveraient de l'article 5, paragraphe 4, de la Convention européenne des droits de l'homme, la procédure suivie doit revêtir un caractère judiciaire et offrir à l'intéressé des garanties adaptées à la nature de la privation de liberté dont il se plaint (CEDH, 29 février 1988, Bouamar c. Belgique, § 57). Dans le cadre de la détention de mineurs, il est essentiel que l'intéressé jouisse non seulement de la possibilité d'être entendu, mais aussi de l'assistance d'un avocat (CEDH, 29 février 1988, Bouamar c. Belgique, § 60).

B.12.1. Conformément à l'article 63bis, § 1er, de la loi du 8 avril 1965Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/04/1965 pub. 02/08/2010 numac 2010000404 source service public federal interieur Loi relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié et à la réparation du dommage causé par ce fait. - Coordination officieuse en langue allemande fermer « relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié infraction et à la réparation du dommage causé par ce fait » (ci-après : la loi du 8 avril 1965Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/04/1965 pub. 02/08/2010 numac 2010000404 source service public federal interieur Loi relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié et à la réparation du dommage causé par ce fait. - Coordination officieuse en langue allemande fermer), les règles de procédure visées au chapitre IV (« De la compétence territoriale et de la procédure ») du titre II (« Protection judiciaire ») de la loi du 8 avril 1965Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/04/1965 pub. 02/08/2010 numac 2010000404 source service public federal interieur Loi relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié et à la réparation du dommage causé par ce fait. - Coordination officieuse en langue allemande fermer s'appliquent en principe aux dispositions en matière de protection judiciaire prises par les instances compétentes en vertu des articles 128, 130 et 135 de la Constitution et de l'article 5, § 1er, II, 6°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles.

B.12.2. Les parents, tuteurs ou les personnes qui ont la garde du jeune, ainsi que l'intéressé lui-même s'il est âgé de douze ans au moins, sont parties à la procédure devant le juge de la jeunesse (article 63ter de la loi du 8 avril 1965Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/04/1965 pub. 02/08/2010 numac 2010000404 source service public federal interieur Loi relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié et à la réparation du dommage causé par ce fait. - Coordination officieuse en langue allemande fermer).

B.12.3. Le jeune ayant atteint l'âge de douze ans doit être entendu personnellement par le juge de la jeunesse avant toute mesure provisoire, sauf s'il n'a pu être trouvé, si son état de santé s'y oppose ou s'il refuse de comparaître (article 52ter, alinéa 1er, de la loi du 8 avril 1965Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/04/1965 pub. 02/08/2010 numac 2010000404 source service public federal interieur Loi relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié et à la réparation du dommage causé par ce fait. - Coordination officieuse en langue allemande fermer). L'ordonnance du juge de la jeunesse mentionne l'audition ou les raisons pour lesquelles l'intéressé n'a pu être entendu (article 52ter, alinéa 3, de la loi du 8 avril 1965Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/04/1965 pub. 02/08/2010 numac 2010000404 source service public federal interieur Loi relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié et à la réparation du dommage causé par ce fait. - Coordination officieuse en langue allemande fermer). Une copie de l'ordonnance est remise à l'intéressé après son audition, de même qu'à ses père et mère, tuteurs ou personnes qui ont la garde de l'intéressé si ceux-ci sont présents à l'audience (article 52ter, alinéa 4, de la loi du 8 avril 1965Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/04/1965 pub. 02/08/2010 numac 2010000404 source service public federal interieur Loi relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié et à la réparation du dommage causé par ce fait. - Coordination officieuse en langue allemande fermer).

B.12.4. Par ailleurs, lors de toute comparution devant le tribunal de la jeunesse, l'intéressé a droit à l'assistance d'un avocat (article 52ter, alinéa 2, de la loi du 8 avril 1965Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/04/1965 pub. 02/08/2010 numac 2010000404 source service public federal interieur Loi relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié et à la réparation du dommage causé par ce fait. - Coordination officieuse en langue allemande fermer). Lorsqu'une personne de moins de dix-huit ans est partie à la cause et qu'elle n'a pas d'avocat, il lui en est désigné un d'office (article 54bis, § 1er, alinéa 1er, de la loi du 8 avril 1965Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/04/1965 pub. 02/08/2010 numac 2010000404 source service public federal interieur Loi relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié et à la réparation du dommage causé par ce fait. - Coordination officieuse en langue allemande fermer).

B.12.5. Le tribunal de la jeunesse peut à tout moment, au cours des débats, se retirer en chambre du conseil pour entendre, sur la personnalité de l'intéressé, les experts et les témoins, les parents, tuteurs ou personnes qui en ont la garde. L'intéressé n'assiste pas aux débats en chambre du conseil. Le tribunal peut cependant le faire appeler s'il l'estime opportun. Les débats en chambre du conseil ne peuvent avoir lieu qu'en présence de l'avocat de l'intéressé (article 57 de la loi du 8 avril 1965Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/04/1965 pub. 02/08/2010 numac 2010000404 source service public federal interieur Loi relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié et à la réparation du dommage causé par ce fait. - Coordination officieuse en langue allemande fermer).

B.12.6. Dans le cadre des missions de recherche confiées au service social du tribunal de la jeunesse par les magistrats chargés des affaires de la jeunesse, en vue de la prise d'une mesure d'aide judiciaire à la jeunesse, le mineur, ses parents et, le cas échéant, les responsables de son éducation sont auditionnés par le service social, qui évalue leur volonté de coopérer à la réalisation du plan d'aide à la jeunesse (article 57 du décret du 12 juillet 2013 juncto l'article 79, alinéa 3, de l'arrêté du Gouvernement flamand du 21 février 2014 « relatif à l'aide intégrale à la jeunesse »).

B.12.7. Lorsque le juge de la jeunesse fait inscrire sur la liste d'enregistrement intersectorielle une demande de services d'aide à la jeunesse non directement accessibles, l'équipe chargée de la régie de l'aide à la jeunesse doit, en vue d'exécuter l'aide à la jeunesse indiquée, conjointement avec le mineur, ses parents et, le cas échéant, les responsables de son éducation, les personnes concernées de son entourage et la personne ou la structure qui a notifié le mineur à la « porte d'entrée », négocier avec des « offreurs d'aide à la jeunesse » et d'autres personnes et structures qui offrent ces services d'aide à la jeunesse (article 26, § 1er, alinéa 1er, 2°, du décret du 12 juillet 2013).

B.13. Ainsi qu'il est dit en B.8.4, il appartient exclusivement au juge de la jeunesse de régler l'accès à l'aide judiciaire à la jeunesse et d'imposer, dans ce cadre, des mesures qui constituent une ingérence dans la vie privée et familiale des intéressés et qui peuvent être privatives de liberté et, le cas échéant, d'indiquer qui doit les exécuter. Il ressort de ce qui précède que la procédure devant le juge de la jeunesse offre les garanties nécessaires, mentionnées en B.12.6 et B.12.7, pour assurer que les mineurs qui se trouvent dans des situations inquiétantes et leurs parents soient suffisamment associés au processus décisionnel pour protéger leurs intérêts, comme le garantissent les articles 22 et 22bis de la Constitution et l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme. Les mineurs concernés jouissent également de la possibilité d'être entendus et de l'assistance d'un avocat.

B.14. Il incombe aux autorités compétentes de veiller à ce que ces mesures soient exécutées en parfaite conformité avec la décision du juge de la jeunesse et avec la célérité requise. L'on ne saurait toutefois reprocher les manquements à cette obligation à la législation décrétale relative à l'aide judiciaire à la jeunesse, mais à l'exécution de celle-ci, au sujet de laquelle la Cour n'a pas à se prononcer.

B.15. Compte tenu de ce qui a été mentionné en B.9.4 et en B.14, les questions préjudicielles appellent une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : Compte tenu de ce qui a été mentionné en B.9.4 et en B.14, les articles 26, § 1er, alinéa 2, et 55 du décret de la Communauté flamande du 12 juillet 2013 « relatif à l'aide intégrale à la jeunesse » ne violent pas les articles 10, 11, 12, 22 et 22bis de la Constitution, combinés ou non avec les articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 3 de la Convention relative aux droits de l'enfant.

Ainsi rendu en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 29 août 2019.

Le greffier, F. Meersschaut Le président, A. Alen

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