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Arrêt
publié le 03 juin 2020

Extrait de l'arrêt n° 153/2019 du 24 octobre 2019 Numéro du rôle : 6993 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 45 du décret de la Communauté flamande du 13 décembre 2013 « relatif au soutien des arts professionnels », posée La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et F. Daoût, et des juges J.-P. Snapp(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 153/2019 du 24 octobre 2019 Numéro du rôle : 6993 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 45 du décret de la Communauté flamande du 13 décembre 2013 « relatif au soutien des arts professionnels », posée par le Conseil d'Etat.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et F. Daoût, et des juges J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, R. Leysen et M. Pâques, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président A. Alen, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par arrêt n° 242.151 du 27 juillet 2018, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 8 août 2018, le Conseil d'Etat a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 45 du décret de la Communauté flamande du 13 décembre 2013 relatif au soutien des arts professionnels viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce qu'il crée une différence de traitement quant aux voies de recours, entre le demandeur d'une subvention de fonctionnement qui est confronté à un avis artistique négatif provisoire et le demandeur qui est confronté à un avis positif provisoire, alors que l'évaluation finale ' suffisant ', comme les évaluations ' tout juste insuffisant ' et ' absolument insuffisant ', n'est pas davantage positive dans le sens où le dossier de demande reçoit une subvention structurelle ? ». (...) III. En droit (...) B.1.1. La Cour est invitée à se prononcer sur la compatibilité de l'article 45 du décret de la Communauté flamande du 13 décembre 2013 « relatif au soutien des arts professionnels » (ci-après : le décret sur les arts), avant sa modification par l'article 16 du décret de la Communauté flamande du 29 juin 2018 « portant modification du Décret sur les arts du 13 décembre 2013 », avec les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce que l'article 45 crée une différence de traitement quant aux voies de recours entre le demandeur d'une subvention de fonctionnement qui est confronté à un avis négatif et le demandeur d'une subvention de fonctionnement qui est confronté à un avis positif, « alors que l'évaluation finale ' suffisant ', comme les évaluations ' tout juste insuffisant ' et ' absolument insuffisant ', n'est pas davantage positive dans le sens où le dossier de demande reçoit une subvention structurelle ».

B.1.2. Avant sa modification par l'article 16 du décret du 29 juin 2018, et tel qu'il est applicable au litige soumis à la juridiction a quo, l'article 45 du décret sur les arts dispose : « § 1er. Le service désigné par le Gouvernement flamand rédige une proposition de décision provisoire sur tous les aspects d'un dossier de demande d'une subvention de fonctionnement, telle que visée à l'article 6, 4°. § 2. Si, lors de l'évaluation d'un dossier de demande pour une subvention de fonctionnement, il existe une grande disparité entre l'avis de la commission et l'avis du service désigné par le Gouvernement flamand, les deux parties se concertent dans un moment de délibération. Au cours du moment de délibération, les deux parties cherchent à aligner leur avis l'une sur l'autre autant que possible. § 3. Le demandeur d'une subvention de fonctionnement reçoit la proposition de décision provisoire.

Le Gouvernement flamand précise la procédure de la remise de la proposition de décision provisoire et les modalités selon lesquelles les propositions de décision sont rendues publiques. § 4. La proposition de décision provisoire contient : 1° l'avis sur les aspects gestionnels et administratifs;2° l'avis portant sur le contenu artistique. § 5. Un demandeur d'une subvention de fonctionnement peut introduire un recours contre l'un des avis repris dans la proposition de décision provisoire, visée au § 4, 1° et 2°, si cet avis est négatif.

Le recours a rapport au dossier initialement introduit et ne peut pas contenir de nouveaux éléments relatifs au contenu artistique ni de nouveaux éléments gestionnels.

Le recours comprend les arguments nécessaires indiquant que le processus d'évaluation ne se serait pas déroulé soigneusement.

Le Gouvernement flamand désigne une commission qui évalue le recours sur sa recevabilité le 1er octobre de l'avant-dernière année précédant une période de subvention quinquennale.

Le Gouvernement flamand peut préciser les exigences auxquelles doit répondre un membre d'une commission évaluant un recours sur sa recevabilité.

Le Gouvernement flamand précise les règles pour la composition et la désignation de la commission qui évalue un recours sur sa recevabilité.

Un membre de la commission qui évalue un recours sur sa recevabilité, reçoit une compensation pour ses activités et déplacements. Le Gouvernement flamand précise la hauteur des compensations.

L'évaluation de la recevabilité se fait sur la base des éléments suivants : 1° la vérification que la procédure de l'évaluation du dossier de subvention a été suivie en bonne et due forme;2° la vérification que la méthodologie de l'évaluation du dossier de subvention a été suivie en bonne et due forme;3° la validité des arguments invoqués par le demandeur du recours. En cas d'irrecevabilité du recours, la procédure de recours vient à terme et la proposition de décision initiale provisoire reste valide.

Le Gouvernement flamand précise les données et les documents qu'un recours doit contenir et les modalités selon et le délai endéans lesquels le recours doit être introduit. § 6. Le service désigné par le Gouvernement flamand, traite les aspects gestionnels et administratifs du droit de recours, visé au paragraphe 5. § 7. Parmi le pool d'évaluateurs, le service désigné par le Gouvernement flamand désigne une commission d'au minimum cinq membres pour le traitement des aspects portant sur le contenu artistique d'un recours recevable.

Ces évaluateurs n'étaient pas associés à la rédaction de l'avis portant sur le contenu artistique du dossier de demande concerné. § 8. Un demandeur d'une subvention de fonctionnement peut introduire une réaction écrite sur un des avis repris dans la proposition de décision provisoire, visée au § 4, 1° et 2°, si cet avis est positif.

La réaction écrite a rapport au dossier initialement introduit et ne peut pas contenir de nouveaux éléments relatifs au contenu artistique ni de nouveaux éléments gestionnels.

La commission qui a évalué le dossier initialement introduit, complété par un membre qui n'était pas associé à l'avis repris dans la proposition de décision provisoire, traite les aspects artistiques et de fond de la réaction écrite.

Le service désigné par le Gouvernement flamand, traite les aspects gestionnels et administratifs de la réaction écrite.

Le délai endéans lequel un demandeur peut introduire une réaction écrite, est de dix jours ouvrables à compter du jour auquel la proposition de décision provisoire a été envoyée à l'organisation concernée. Après l'expiration du délai précité, il n'y a plus d'occasion pour introduire une réaction écrite.

Le Gouvernement flamand précise les données et les documents qu'une réaction écrite doit contenir et les modalités selon lesquelles une réaction écrite doit être introduite ».

B.1.3. Il ressort de la question préjudicielle et de la motivation de l'arrêt de renvoi que seuls les paragraphes 5 à 8, actuellement abrogés, de l'article 45 du décret sur les arts sont soumis au contrôle de la Cour. La Cour limite dès lors son examen aux paragraphes précités de cette disposition.

B.2. Le principe d'égalité et de non-discrimination n'exclut pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée.

L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité et de non-discrimination est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

B.3.1. L'article 45 en cause a fait l'objet de modifications diverses.

Un décret initial a été promulgué le 2 avril 2004. Il s'agissait du décret de la Communauté flamande « portant subventionnement d'organisations artistiques, d'organisations d'éducation artistique et d'activités socio-artistiques, d'initiatives internationales, de publications et de points d'appui » (ci-après : le décret du 2 avril 2004). Ce décret visait à « [...] aboutir à un paysage artistique riche, s'inscrivant non seulement dans une perspective flamande mais également dans une perspective internationale. Le décret réagit activement aux différentes tendances qui se manifestent dans le paysage artistique et en dehors » (Doc. parl., Parlement flamand, 2003-2004, n° 2019/1, p. 13).

Le décret du 2 avril 2004 prévoyait, en son article 85, 5°, une possibilité d'introduire une réaction écrite à l'avant-projet de décision.

B.3.2. Le législateur décrétal a toutefois constaté qu'au cours des années suivantes, le paysage artistique a subi des modifications très rapides, tant du point de vue de son organisation que du point de vue du contenu artistique. Le décret du 2 avril 2004 « se heurtait à ses limites et nécessitait des adaptations » (Doc. parl., Parlement flamand, 2012-2013, n° 2157/1, p. 2). C'est la raison pour laquelle le décret sur les arts a été promulgué le 13 décembre 2013. Le décret en question a permis « d'encourager la croissance d'un domaine des arts professionnel durable, diversifié et de qualité, d'accroître la coopération et les échanges internationaux dans ce domaine et de l'ancrer plus fortement dans la société » (article 5, alinéa 1er, du décret sur les arts).

L'article 45, § 5, du décret sur les arts prévoyait pour le demandeur d'une subvention de fonctionnement un droit de recours contre l'avis artistique ou contre l'avis concernant la gestion figurant dans la proposition de décision provisoire. Ainsi, le législateur décrétal « répondait à une demande du secteur visant à prévoir une procédure d'appel » (Doc. parl., Parlement flamand, 2012-2013, n° 2157/1, p. 34).

B.3.3. Par le décret du 8 mai 2015 « modifiant le décret sur les arts du 13 décembre 2013 », le législateur décrétal a modifié à nouveau le décret sur les arts pour ainsi « corriger un certain nombre d'imprécisions qui s'étaient glissées dans le décret sur les arts » (Doc. parl., Parlement flamand, 2014-2015, n° 261/1, p. 2). Les articles 6 et 7 du décret précité modifiaient l'article 45 du décret sur les arts, cité plus haut, parce qu'il était apparu que « les effets découlant du droit de recours prévu par le décret sur les arts n'étaient pas évidents dans la pratique » (ibid., p. 3).

Le paragraphe 5 de l'article 45 du décret sur les arts a été modifié, de sorte qu'il prévoyait un droit de recours si l'avis rendu était négatif; un paragraphe 8 avait été ajouté à l'article 45, de sorte que le demandeur d'une subvention de fonctionnement qui recevait un avis positif pouvait introduire une réaction écrite.

B.3.4. Le législateur décrétal a modifié une fois encore le décret sur les arts à la suite d'une évaluation annoncée antérieurement.

L'article 16 du décret de la Communauté flamande du 29 juin 2018 « portant modification du Décret sur les arts du 13 décembre 2013 » a inscrit dans l'article 45 du décret sur les arts une possibilité générale d'introduire une réaction écrite. La Cour ne doit toutefois pas tenir compte de cette modification.

B.4.1. Selon le Gouvernement flamand, les catégories ne sont pas comparables parce qu'un avis négatif a des implications plus importantes dans les faits et en droit qu'un avis positif. Un avis négatif donne lieu non seulement au refus d'octroyer la subvention, mais la publicité négative accompagnant l'avis négatif exclut aussi de facto tout autre financement. Un avis positif n'a pas de telles répercussions. Selon le Gouvernement flamand, ces différences se traduisent raisonnablement par des voies de recours différentes.

B.4.2. Le décret sur les arts permet à des organisations d'obtenir des subventions de fonctionnement qui soutiennent l'organisation « dans la mise en oeuvre d'un fonctionnement promouvant une ou plusieurs fonctions et disciplines pour une période de cinq ans » (article 25, § 1er, du décret sur les arts). Ces subventions de fonctionnement peuvent être obtenues moyennant l'introduction d'un dossier de demande recevable (article 12, § 1er, du décret sur les arts). Ensuite, le dossier de demande est examiné sur ses aspects administratifs et de gestion et sur les aspects relatifs au contenu artistique. Pour les deux évaluations, le dossier se voit attribuer un des cinq scores suivants, tels qu'ils figurent dans le « Draaiboek ' Kwaliteitsbeoordeling ' », le « Guide d'évaluation de la qualité » (ci-après : le guide) : « très bon », « bon », « suffisant », « tout juste insuffisant » et « absolument insuffisant ».

Les deux évaluations combinées assurent à l'organisation une place dans une des 25 catégories qui sont prévues, allant de la catégorie 1 « très bon artistiquement » et « très bon concernant la gestion » à la catégorie 25 « absolument insuffisant » du point de vue artistique et « absolument insuffisant » concernant la gestion (guide, pp. 24-27).

Sur la base de ce qui précède, l'« afdeling Kunsten » (le service responsable des arts) rédige « une proposition de décision provisoire », comportant notamment la décision d'octroyer ou non une subvention de fonctionnement. Cette proposition de décision provisoire est transmise au demandeur.

Après que la proposition de décision provisoire a été transmise au demandeur, l'article 45 du décret sur les arts prévoit ou non un droit de recours. Un recours n'est possible qu'en cas d'avis négatif, assorti de l'évaluation « tout juste insuffisant » ou « absolument insuffisant ». En cas d'avis positif, évalué à l'aide du score « suffisant », « bon » ou « très bon », il est possible d'introduire une réaction écrite, et non un recours.

B.4.3. Il ne faut pas confondre différence et non-comparabilité.

Nonobstant le fait que, dans certains cas, un avis négatif entraîne davantage de répercussions négatives qu'un avis positif, cela ne signifie pas que le demandeur qui reçoit un avis positif ne puisse pas disposer des mêmes voies de recours que le demandeur qui reçoit un avis négatif. Un avis positif ne donne pas toujours lieu non plus à une subvention de fonctionnement, auquel cas l'avis positif produit les mêmes effets qu'un avis négatif. A cet égard, les deux catégories de demandeurs sont comparables, dès lors qu'il est possible qu'aucune des deux ne reçoive une subvention de fonctionnement et que l'une et l'autre souhaitent la révision de cette décision pour obtenir ainsi une évaluation plus favorable.

B.5.1. Mû par un double souci, le législateur décrétal a jugé opportun d'inscrire la différence en matière de voies de recours dans l'article 45 du décret sur les arts.

B.5.2. D'une part, l'objectif que tente d'atteindre le législateur décrétal est d'instaurer un droit de recours qui donne lieu à un examen approfondi et rigoureux du recours : « De cette manière, la commission des recours peut intervenir sur le fond en cas de demandes faisant l'objet d'un avis négatif et elle peut vérifier minutieusement s'il s'indique qu'une nouvelle commission procède à une seconde évaluation » (Doc. parl., Parlement flamand, 2014-2015, n° 261/1, p. 3).

Le législateur décrétal vise à assurer aux demandeurs, qui ont reçu indûment un avis négatif en raison d'imprécisions dans l'évaluation de la demande, un examen approfondi du recours qu'ils ont introduit et à accorder effectivement une subvention de fonctionnement aux demandeurs qui, au regard du décret sur les arts, ont le droit de recevoir celle-ci.

L'objectif précité s'inscrit aussi dans le cadre d'un des buts généraux du décret sur les arts que les travaux préparatoires ont défini comme suit : « Le décret sur les arts entend assurer que des organisations et des initiatives reçoivent une évaluation de qualité sur mesure » (Doc. parl., Parlement flamand, 2012-2013, n° 2157/1, p. 7).

B.5.3. D'autre part, le législateur décrétal tente d'éviter certaines objections de fond et en pratique qui risquaient d'apparaître sous l'ancienne réglementation, notamment le droit de recours général. Les travaux préparatoires détaillent ces objections comme suit : « A cet égard, le droit de recours risque d'entraîner différents effets indésirés, notamment en raison de l'absence d'une hiérarchie entre les différents avis : - dans de très nombreux cas, le premier avis risque de devenir une sorte d'une chance sur deux. Les demandeurs savent que l'introduction d'un recours donne lieu à un second avis qui peut être plus positif.

Si celui-ci est moins positif que le premier, le demandeur peut toujours à terme se rabattre sur l'avis plus positif, dans le cadre d'une procédure de recours effective; - cette situation pourrait entraîner la division au sein de l'équipe d'évaluateurs. En se basant notamment sur les expériences vécues dans des organes d'évaluation comparables, il est à craindre que des avis différents émis par des personnes faisant partie de la même équipe d'évaluateurs, menacent à terme la collégialité au sein du groupe d'évaluateurs.

Outre ces objections de fond, cette procédure de recours entraînera naturellement une hausse considérable de la charge de travail pour les évaluateurs et pour l'administration, ce qui est contraire à l'objectif poursuivi qui consiste à tendre vers une diminution de la charge de travail pour les évaluateurs grâce au système remanié d'évaluation de la qualité. En outre, il faudra aussi tenir compte dans une large mesure du timing. En vertu du décret, la décision concernant les demandes pluriannuelles doit en effet être prise au plus tard le 30 juin. L'insertion d'un droit de recours, assorti de la mise en place d'une commission des recours et d'une seconde évaluation, nécessiterait environ 2 mois et demi, ce qui prolongerait considérablement la durée de la procédure » (Doc. parl., Parlement flamand, 2014-2015, n° 261/1, p. 3).

Le second objectif poursuivi par l'article 45 du décret sur les arts consiste à éviter l'apparition de difficultés pratiques et de fond et à obtenir ainsi un fonctionnement efficace des commissions d'évaluation et de l'administration (ibid.).

B.5.4. Les objectifs précités sont légitimes.

B.6.1. La différence de traitement en cause en matière de voies de recours, instituée par l'article 45 du décret sur les arts, repose sur le critère de l'existence d'un avis positif ou d'un avis négatif.

B.6.2. Le décret sur les arts n'indique pas quand un avis doit être considéré comme « positif » ou « négatif ». Il découle toutefois du guide relatif au décret sur les arts que cinq scores sont utilisés : « très bon », « bon », « suffisant », « tout juste insuffisant » et « absolument insuffisant ». La circonstance que le décret sur les arts ne définisse pas explicitement ces notions n'a pas pour effet que le critère de distinction n'est pas en soi objectif. En l'absence d'une définition plus précise, les termes « positif » et « négatif » doivent être compris dans leur acception usuelle.

Dans son acception usuelle, « positif » signifie « favorable » ou « affirmatif ». On entend par « négatif » « défavorable » ou « mauvais ». L'évaluation positive correspond donc aux scores « suffisant », « bon » et « très bon », alors que l'évaluation négative correspond aux scores « tout juste insuffisant » et « absolument insuffisant ».

B.6.3. Le critère utilisé est objectif. Une évaluation négative donnera lieu à un droit de recours et une évaluation positive donnera lieu à un droit de réaction écrite. L'évaluation précitée est réalisée par un tiers, mais le décret sur les arts prévoit lui-même des critères d'évaluation (article 28, § 2, du décret sur les arts).

En outre, le décret impose aux commissions en question d'évaluer les dossiers de demande à l'aide de ces critères (article 44, §§ 2 et 3, du décret sur les arts, avant sa modification par l'article 15 du décret du 29 juin 2018).

B.7.1. Il n'appartient pas à la Cour d'apprécier si une mesure décrétale est opportune ou souhaitable. C'est au législateur décrétal qui dispose, en l'espèce, d'un large pouvoir d'appréciation de déterminer les mesures à prendre pour atteindre le but qu'il s'est fixé.

B.7.2. En ce qui concerne la politique de subvention, la Cour n'exerce qu'un contrôle marginal. L'allocation d'une subvention ne vise pas seulement à financer une initiative privée mais à réaliser l'objectif social qui se trouve à la base de cette initiative. C'est au législateur décrétal qu'il revient d'apprécier si et à quelles conditions il entend, compte tenu des limites budgétaires contraignantes, subventionner certaines initiatives ou certains établissements au moyen des deniers publics. Il n'appartient pas à la Cour de critiquer l'appréciation du législateur décrétal, pour autant que celle-ci ne soit pas contraire au principe d'égalité et de non-discrimination. La Cour ne pourrait censurer un tel choix que s'il était manifestement déraisonnable.

B.7.3. Le fait d'ouvrir la procédure de recours aux seuls demandeurs qui reçoivent des avis négatifs, et non aux demandeurs qui reçoivent un avis positif, réduit le nombre de recours possibles. De cette manière, la charge de travail de la commission d'évaluation et de l'administration est moindre, dès lors que les demandeurs ayant le droit de faire réviser leur avis sont moins nombreux. Le même raisonnement démontre aussi que les demandeurs qui ont effectivement un droit de recours s'engageront dans une procédure de recours plus approfondie. La commission d'évaluation peut se consacrer pleinement aux demandeurs qui ont reçu un avis négatif, ce qui représente un groupe plus restreint par rapport à l'ancienne réglementation en vertu de laquelle tout demandeur pouvait introduire un recours, sans préjudice de l'évaluation de l'avis. De cette manière, le législateur décrétal a pris en compte l'intérêt du fonctionnement efficace de l'administration ainsi que l'intérêt d'un examen plus approfondi lorsqu'il a modifié l'article 45 du décret sur les arts.

B.7.4. Il ne saurait être nié que l'évaluation effectuée par une commission dont la composition est entièrement nouvelle présente des avantages. Toutefois, la distinction qui a été établie dans l'article 45 du décret sur les arts n'est pas inconstitutionnelle pour autant.

En effet, le législateur décrétal a aussi tenu compte de cette idée, ne serait-ce que dans une mesure plus restreinte, dans le cadre de la procédure après réaction écrite. Même si la commission d'évaluation initiale avait fait preuve de parti pris, celui-ci serait limité par l'arrivée d'un nouveau membre qui, n'ayant pas encore pris connaissance de l'affaire antérieurement, n'aura aucun parti pris. En outre, toute partialité est également combattue en ce que le guide mentionne que, si la commission d'évaluation maintient sa décision initiale, elle doit motiver sa décision en se basant sur la réaction écrite introduite par le demandeur.

B.7.5. En outre, il convient aussi de tenir compte du fait qu'un avis négatif entraîne davantage d'effets graves qu'un avis positif. La publicité négative qui accompagne un avis négatif peut affaiblir le pouvoir d'attraction de l'organisation vis-à-vis des sponsors, du public, mais également des travailleurs potentiels. Le demandeur qui reçoit un avis positif ne connaît pas ces inconvénients. L'absence d'une subvention de fonctionnement après avoir reçu un avis positif doit en effet être imputée aux choix politiques qu'opère le Gouvernement flamand, et non aux manquements propres du demandeur. En cas d'avis négatif, le non-octroi d'une subvention de fonctionnement résultera en revanche des manquements propres du demandeur.

B.7.6. En outre, il reste possible d'attaquer la décision devant le Conseil d'Etat. Tout demandeur peut attaquer une décision imprécise ou illégale devant la juridiction administrative, même s'il s'agit d'un avis positif.

B.7.7. La différence de traitement qui découle de l'article 45 du décret sur les arts est proportionnée à l'objectif poursuivi et ne porte pas une atteinte disproportionnée aux intérêts d'un demandeur qui a reçu un avis positif.

B.8. La question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 45 du décret de la Communauté flamande du 13 décembre 2013 « relatif au soutien des arts professionnels », avant sa modification par l'article 16 du décret du 29 juin 2018 « portant modification du Décret sur les arts du 13 décembre 2013 », ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

Ainsi rendu en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 24 octobre 2019.

Le greffier, F. Meersschaut Le président, A. Alen

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