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Arrêt
publié le 14 octobre 2020

Extrait de l'arrêt n° 4/2020 du 16 janvier 2020 Numéro du rôle : 7101 En cause : les questions préjudicielles relatives aux articles 1675/7, § 1 er , alinéa 3, et § 4, 1675/14, § 3, 1675/15, § § 2/1 et 3, 13 La Cour constitutionnelle, composée des présidents F. Daoût et A. Alen, et des juges L. Lavrysen(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 4/2020 du 16 janvier 2020 Numéro du rôle : 7101 En cause : les questions préjudicielles relatives aux articles 1675/7, § 1er, alinéa 3, et § 4, 1675/14, § 3, 1675/15, § § 2/1 et 3, 1390quater, § 2, et 1390septies, alinéa 6, du Code judiciaire, posées par la Cour du travail de Liège, division Liège.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents F. Daoût et A. Alen, et des juges L. Lavrysen, J.-P. Moerman, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul et J. Moerman, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président F. Daoût, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles et procédure Par arrêt du 15 janvier 2019, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 23 janvier 2019, la Cour du travail de Liège, division Liège, a posé les questions préjudicielles suivantes : « - Dans l'interprétation selon laquelle le juge doit tenir compte des causes légales ou conventionnelles de préférence des créanciers appelés ' déclarants ' lorsqu'il procède à la répartition du solde disponible de la médiation entre ces créanciers ' déclarants ' en cas de révocation de la décision d'admissibilité, les articles 1675/7, § 1er, alinéa 3, et § 4, et 1675/15, §§ 2/1 et 3, du Code judiciaire violent-ils les articles 10 et 11 de la Constitution en tant qu'ils excluent du bénéfice de la répartition du solde disponible de la médiation les créanciers appelés ' extérieurs ' alors que ces deux catégories de créanciers se trouvent dans une situation comparable en présence d'un débiteur qui a perdu la protection recherchée par la loi sur le règlement collectif de dettes du fait de la décision de révocation ? - Dans l'interprétation selon laquelle le juge doit tenir compte des causes légales ou conventionnelles de préférence de tous les créanciers lorsqu'il procède à la répartition du solde disponible de la médiation en cas de révocation de la décision d'admissibilité, les articles 1675/7, § 1er, alinéa 3, et § 4, 1675/15, §§ 2/1 et 3, 1675/14, § 3, 1390quater, § 2, et 1390septies, al. 6, du Code judiciaire violent-ils les articles 10 et 11 de la Constitution en tant qu'ils excluent ou à tout le moins exposent au risque d'exclure du bénéfice de la répartition du solde disponible de la médiation, les créanciers appelés ' extérieurs ' en ce que ces créanciers, au contraire des créanciers ' déclarants ', ne seront pas informés de cette répartition alors que ces deux catégories de créanciers se trouvent dans une situation comparable en présence d'un débiteur qui a perdu la protection recherchée par la loi sur le règlement collectif de dettes du fait de la décision de révocation ? ». (...) III. En droit (...) B.1. L'article 1675/15 du Code judiciaire dispose : « [...] § 2/1. En cas de révocation conformément au § 1er ou dans le cas où il est mis fin au règlement collectif de dettes conformément au § 1er/1, le juge décide concomitamment du partage et de la destination des sommes disponibles sur le compte de la médiation. § 3. En cas de révocation ou dans le cas où il est mis fin au règlement collectif de dettes, et sans préjudice du § 2/1 les créanciers recouvrent le droit d'exercer individuellement leur action sur les biens du débiteur pour la récupération de la partie non acquittée de leurs créances ».

L'article 1675/14 du même Code dispose : « § 1er. Le médiateur de dettes est chargé de suivre et de contrôler l'exécution des mesures prévues dans le plan de règlement amiable ou judiciaire.

Le débiteur informe sans délai le médiateur de dettes de tout changement intervenu dans sa situation patrimoniale après l'introduction de la requête visée à l'article 1675/4. § 2. La cause reste inscrite au rôle du tribunal du travail, y compris en cas de décision d'admissibilité rendue en degré d'appel, jusqu'au terme ou la révocation du plan.

L'article 730, § 2, a, alinéa 1er, n'est pas d'application.

Si des difficultés entravent l'élaboration ou l'exécution du plan ou si des faits nouveaux surviennent dans la phase d'établissement du plan ou justifient l'adaptation ou la révision du plan, le médiateur de dettes, l'auditeur du travail, le débiteur ou tout créancier intéressé fait ramener la cause devant le juge par simple déclaration écrite déposée ou adressée au greffe.

Le greffier informe le débiteur et les créanciers de la date à laquelle la cause sera fixée devant le juge, selon les modalités fixées à l'article 1675/16, § 1er. § 3. Le médiateur de dettes fait mentionner dans les trois jours sur l'avis de règlement collectif de dettes les mentions visées à l'article 1390quater, § 2 ».

L'article 1390quater, § 2, du même Code dispose : « Le médiateur de dettes adresse au fichier des avis, dans les trois jours ouvrables suivant les dates mentionnées ci-après, les mentions suivantes : 1° la date de la révocation de la décision d'admissibilité;2° la date de la décision de remplacement du médiateur de dettes et l'identité du médiateur de dettes remplaçant au sens du § 1er, 2°;3° en cas de plan de règlement amiable, la date de la décision actant l'accord intervenu, la date à laquelle le procès-verbal visé à l'article 1675/11, § 1er, alinéa 1er, est transmis au juge, le terme du plan de règlement collectif de dettes et la date de révocation du plan de règlement collectif de dettes;4° en cas de plan de règlement judiciaire, la date de la décision imposant le plan de règlement collectif de dettes, la date de la décision de rejet de la demande, le terme du plan de règlement collectif de dettes et la date de révocation du plan de règlement collectif de dettes;5° en cas de remise totale des dettes, la date de la décision et la date de révocation de celle-ci. Dans tous ces cas, le médiateur de dettes adresse, à l'intervention du greffe ou d'un huissier de justice, sans délai, au fichier des avis, un avis qui relate également les nom, prénoms, date de naissance et domicile du requérant concerné, ainsi que la référence à l'avis de règlement collectif de dettes concerné ».

L'article 1390septies, alinéa 6, du même Code dispose : « Par dérogation à l'alinéa 4, l'avis visé à l'article 1390quater, est conservé dans le fichier des avis jusqu'au terme du plan de règlement collectif de dettes. Il est radié au moment de la réception d'un avis visé à l'article 1390quater qui mentionne la révocation de la décision d'admissibilité ou du plan, ou qui mentionne le rejet de la demande de règlement collectif de dettes ou la décision de remise totale des dettes ou la révocation de celle-ci ».

B.2. Par la première question préjudicielle, la juridiction a quo interroge la Cour sur la compatibilité de l'article 1675/7, § 1er, alinéa 3, et § 4, et de l'article 1675/15, §§ 2/1 et 3, du Code judiciaire avec les articles 10 et 11 de la Constitution, dans l'interprétation selon laquelle le juge est tenu de respecter le principe d'égalité des créanciers, en tenant compte des causes légales ou conventionnelles de préférence, lorsqu'il procède à la répartition du compte de la médiation en cas de révocation de l'admissibilité au règlement collectif de dettes, en ce que ces articles excluent du bénéfice de la répartition du solde disponible de la médiation les créanciers dont la créance est née après l'admissibilité au règlement collectif (les créanciers « extérieurs »), contrairement aux créanciers qui se sont déclarés au moment de l'admissibilité (les créanciers « déclarants »).

Par la seconde question préjudicielle, la juridiction a quo soumet à la Cour la même interprétation des mêmes dispositions du Code judiciaire, en ce que, dans la même hypothèse, ils excluent ou à tout le moins exposent au risque d'exclure du bénéfice de la répartition du solde disponible les créanciers dont la créance est née après l'admissibilité au règlement collectif (les créanciers « extérieurs ») parce que ceux-ci ne sont pas informés de cette répartition, contrairement aux créanciers qui se sont déclarés au moment de l'admissibilité (créanciers « déclarants »).

B.3. Il ressort de l'examen des faits soumis à la juridiction a quo que, dans la cause qui est à l'origine de la question préjudicielle, un appel est introduit contre la décision rendue par le tribunal du travail, qui, concomitamment à la révocation de l'admissibilité au règlement collectif de dettes, a réparti le solde du compte de médiation entre tous les créanciers, y compris un créancier dont la dette était née après l'admissibilité au règlement collectif de dettes et qui s'était joint à la demande de révocation, en l'espèce le CPAS, sans tenir compte des éventuelles causes légales et conventionnelles de préférence, et notamment, en l'espèce, d'une dette fiscale au profit de l'Etat.

Après avoir déduit de la jurisprudence de la Cour et de celle de la Cour de cassation que, lors de la répartition du solde du compte de la médiation, il convient effectivement de tenir compte des éventuelles causes légales et conventionnelles de préférence, la juridiction a quo interroge la Cour sur la différence de traitement qui pourrait découler de l'article 1675/15, § 3, du Code judiciaire, dans l'interprétation selon laquelle il faut tenir compte des éventuelles causes légales et conventionnelles de préférence, entre les créanciers « déclarants » et les créanciers « extérieurs ». Il résulterait tout d'abord de cette interprétation que les créanciers « extérieurs » seraient exclus du bénéfice de la répartition du solde disponible (première question préjudicielle) ou qu'ils pourraient en être exclus à défaut d'avoir pu être informés de cette répartition, contrairement aux créanciers « déclarants » (seconde question préjudicielle).

Toutefois le créancier « extérieur » en cause, en l'espèce le CPAS de Visé, s'était joint à la procédure de révocation devant le Tribunal du travail et est partie devant la juridiction a quo.

La Cour limite son examen à cette hypothèse.

B.4.1. La procédure du règlement collectif de dettes a été instaurée par la loi du 5 juillet 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/07/1998 pub. 31/07/1998 numac 1998011215 source ministere des affaires economiques Loi relative au règlement collectif de dettes et à la possibilité de vente de gré à gré des biens immeubles saisis fermer « relative au règlement collectif de dettes et à la possibilité de vente de gré à gré des biens immeubles saisis ». Cette procédure vise à rétablir la situation financière du débiteur surendetté en lui permettant notamment, dans la mesure du possible, de payer ses dettes, tout en lui garantissant, ainsi qu'à sa famille, qu'ils pourront mener une vie conforme à la dignité humaine (article 1675/3, alinéa 3, du Code judiciaire). La situation financière de la personne surendettée est globalisée et celle-ci est soustraite à la pression anarchique des créanciers grâce à l'intervention d'un médiateur de dettes, désigné, aux termes de l'article 1675/6 du même Code, par le juge qui aura, au préalable, statué sur l'admissibilité de la demande de règlement collectif de dettes. La décision d'admissibilité fait naître une situation de concours entre les créanciers et a pour effet la suspension du cours des intérêts et l'indisponibilité du patrimoine du requérant (article 1675/7 du même Code).

B.4.2. Le législateur recherchait également un équilibre entre les intérêts du débiteur et ceux des créanciers (Doc. parl., Chambre, 1996-1997, n° 1073/11, p. 20). Ainsi, la procédure tend au remboursement intégral ou partiel des créanciers (Doc. parl., Chambre, 1996-1997, n° 1073/1, p. 12).

B.4.3. En ce qui concerne l'interprétation de l'article 1675/15, § 2, du Code judiciaire, auquel renvoie l'article 1675/15, § 3, du même Code, la Cour a jugé, par son arrêt n° 118/2018 du 4 octobre 2018 : « B.5. L'article 1675/15, § 2/1, du Code judiciaire, auquel renvoie l'article 1675/15, § 3, du même Code, a été inséré par l'article 82 de la loi du 14 janvier 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 14/01/2013 pub. 01/03/2013 numac 2013009078 source service public federal justice Loi portant diverses dispositions relatives à la réduction de la charge de travail au sein de la justice fermer ' portant diverses dispositions relatives à la réduction de la charge de travail au sein de la justice '. La juridiction a quo se demande si, en précisant que le juge, en cas de révocation de l'admissibilité au règlement collectif de dettes, décide concomitamment du partage et de la destination des sommes disponibles sur le compte de médiation, cette disposition autorise le juge à répartir ce solde, comme le soutient une partie de la doctrine et de la jurisprudence, sans tenir compte des causes légales ou conventionnelles de préférence ou si, au contraire, la révocation met fin à la protection particulière réservée au médié, de sorte que la répartition doit se faire en tenant compte des causes de préférence.

B.6.1. Il ressort des travaux préparatoires de la loi du 14 janvier 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 14/01/2013 pub. 01/03/2013 numac 2013009078 source service public federal justice Loi portant diverses dispositions relatives à la réduction de la charge de travail au sein de la justice fermer précitée qu'un amendement avait été introduit, rédigé en ces termes : ' 2/ il est inséré un paragraphe 2/1, rédigé comme suit : " § 2/1. En cas de révocation conformément au § 1er ou dans le cas où il est mis fin au règlement collectif de dettes conformément au § 1/1, le juge décide concomitamment du partage et de la destination des sommes disponibles sur le compte de la médiation conformément aux règles du droit commun du concours sous réserve des causes légales ou conventionnelles de préférence. "; 3° au paragraphe 3, les mots " ou dans le cas où il est mis fin au règlement collectif de dettes " sont insérés entre les mots " En cas de révocation " et ", les créanciers ";4° le paragraphe 3 est complété par les mots ", sans préjudice du § 2/1." ' (Doc. parl., Chambre, 2011-2012, DOC 53-1804/008, pp. 6 et 7).

L'amendement était justifié comme suit : ' Le cinquième article permet qu'un débiteur demande lui-même la fin de la procédure. Dès lors, des procédures pourraient se clore dans les cas où le débiteur lui-même estime que la procédure n'a plus d'intérêt. La décision du juge, qui garde un pouvoir d'appréciation, pourrait être rendue par ordonnance. L'article clarifie également le sort du compte de médiation lors de la clôture. Actuellement, il existe un certain flou quant à cette question et cette précision permettra certainement une gestion claire et efficace de la clôture.

Il est prévu de même sur base de [quelles] règles le juge doit opérer le partage. L'expression ' règles du droit commun du concours sous réserve des causes légales ou conventionnelles de préférence ' permet de viser les règles générales du concours, telles qu'elles peuvent être visées dans la loi du 16 décembre 1851, ainsi que leurs exceptions sans avoir à les citer de manière exhaustive ' (ibid., p. 7).

B.6.2. Toutefois, un autre amendement a été déposé qui proposait de supprimer les mots ' conformément aux règles du droit commun du concours, sous réserve des causes légales ou conventionnelles de préférence ' : ' Les mots " conformément aux règles du droit commun du concours, sous réserve des causes légales ou conventionnelles de préférence " sont supprimés. Cette modification visait à assurer la sécurité juridique en mettant fin à la discussion actuellement menée sur la question de savoir si le partage relève toujours de la protection de l'article 1675/7, alinéa 1er, lorsqu'il est mis fin au règlement collectif de dettes, autrement dit, si le juge doit, lors du partage, tenir compte du droit commun et des sûretés et privilèges de certains créanciers.

Il s'agit en l'occurrence d'une question complexe ayant des conséquences pratiques très importantes, également pour la charge de travail des tribunaux du travail. Il n'est dès lors pas opportun de régler cette question dans le cadre de cette proposition de loi. Les auteurs estiment qu'il convient d'y consacrer un débat fondamental distinct ' (Doc. parl., Chambre, 2012-2013, DOC 53-1804/015, p. 38).

B.7. Il est exact qu'en supprimant la référence qui était faite dans l'amendement cité en B.6.1 aux causes de préférence, le législateur a laissé au juge le pouvoir de régler lui-même la question de savoir si le partage du solde du compte de la médiation doit s'effectuer au marc l'euro ou en tenant compte des causes de préférence.

Il faut cependant considérer que la ' concomitance ' (gelijktijdig) dont il est fait état dans l'article 1675/15, § 2/1, ne peut viser qu'une simultanéité relative entre les deux missions confiées au juge de la révocation : il faut en effet qu'il se prononce d'abord sur le fondement et l'admissibilité de la demande de la révocation pour procéder ensuite, dans la même décision, au partage du solde du compte.

La révocation de la procédure de règlement collectif de dettes est ainsi la cause et le préalable de la liquidation du compte de la médiation.

Par un arrêt du 8 janvier 2018, S.16.0031.F, la Cour de cassation a jugé : ' En vertu de l'article 1675/7, § 1er, alinéa 3, du Code judiciaire, la décision d'admissibilité entraîne la suspension de l'effet des sûretés réelles et des privilèges jusqu'à la révocation du plan.

Suivant le paragraphe 4 dudit article 1675/7, les effets de la décision d'admissibilité se prolongent jusqu'à la révocation du règlement collectif de dettes.

En vertu de l'article 1675/15, § 2/1, de ce Code, en cas de révocation prononcée par le juge conformément au paragraphe 1er, le juge décide concomitamment du partage et de la destination des sommes disponibles sur le compte de la médiation.

Aux termes du paragraphe 3 dudit article 1675/15, en cas de révocation, sans préjudice du paragraphe 2/1, les créanciers recouvrent le droit d'exercer individuellement leur action sur les biens du débiteur pour la récupération de la partie non acquittée de leurs créances.

L'article 8 de la loi hypothécaire dispose que les biens du débiteur sont le gage commun de ses créanciers, et le prix s'en distribue entre eux par contribution, à moins qu'il n'y ait entre les créanciers des causes légitimes de préférence.

Il suit de ces dispositions qu'en cas de révocation de la décision d'admissibilité, la suspension de l'effet des sûretés réelles et des privilèges prend fin et que le partage des sommes disponibles sur le compte de la médiation entre les créanciers doit être effectué en tenant compte des causes légales ou conventionnelles de préférence '.

L'interprétation rappelée par l'arrêt précité répond au double objectif recherché par le législateur cité en B.4.1 et B.4.2, à savoir permettre de rétablir la situation financière du débiteur surendetté, d'une part, tout en cherchant un juste équilibre entre ce dernier et ses créanciers, d'autre part.

Dès lors que la révocation de l'admissibilité au règlement collectif de dettes a été prononcée par le juge en raison d'un fait imputable au débiteur endetté, il faut considérer que l'objectif de protection du débiteur recherché par la loi disparaît et que les mesures dérogatoires au droit commun qui l'accompagnaient, comme en l'espèce le principe de l'égalité des créanciers devant les dettes du débiteur, disparaissent elles aussi, la liquidation du compte de la médiation devant se faire en tenant compte des causes légales et conventionnelles de préférence.

Toute autre interprétation de l'article 1675/15, § 3, du Code judiciaire lu en combinaison avec l'article 1675/15, § 2/1, et avec l'article 1675/7, § 1er, alinéa 3, et § 4, du même Code s'opposerait à l'objectif du législateur et serait à l'origine d'une différence de traitement injustifiée entre les créanciers privilégiés et les créanciers ordinaires qui entrerait en contradiction avec l'article 8 de la loi hypothécaire.

B.8. Il résulte de ceci que dans l'interprétation selon laquelle le juge doit respecter le principe d'égalité des créanciers sans tenir compte des causes légales ou conventionnelles de préférence lorsqu'il procède à la répartition du solde de la médiation en cas de révocation, la question préjudicielle appelle une réponse affirmative.

Dans l'interprétation selon laquelle le juge doit tenir compte des causes légales ou conventionnelles de préférence lorsqu'il procède à la répartition du solde de la médiation en cas de révocation, la question préjudicielle appelle une réponse négative ».

B.5. Il ressort de cet arrêt que l'interprétation selon laquelle le juge qui doit procéder à la répartition du solde de la médiation en cas de révocation doit tenir compte des causes légales ou conventionnelles de préférence ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

B.6. Cette interprétation n'empêche pas les créanciers « extérieurs » de participer à la répartition du solde de la médiation intervenant « concomitamment » à la révocation.

Il ressort en effet de l'arrêt n° 118/2018 précité que, même si la répartition est concomitante à la révocation, elle est logiquement consécutive à celle-ci, ce qui justifie que les privilèges éventuels de tous les créanciers, que leur créance soit née avant ou après l'admissibilité au règlement collectif de dettes, renaissent et doivent être pris en compte par le juge qui procède au solde de la médiation en cas de révocation.

Toute autre interprétation se heurterait à l'article 1675/9, § 3, alinéa 1er, du Code judiciaire aux termes duquel, même si un créancier n'a pas fait de déclaration de créance au moment de la procédure d'admissibilité, « il récupère ce droit en cas de rejet ou de révocation du plan » de médiation.

B.7. Il résulte de ce qui précède que la première question préjudicielle n'appelle pas de réponse.

B.8. En ce qui concerne la seconde différence de traitement soulevée dans la seconde question préjudicielle, il n'est pas exact que les créanciers dont la créance est née après la décision d'admissibilité et qui n'ont pu participer à la procédure de règlement collectif de dettes au moment de cette décision, pourraient être exclus du bénéfice de la répartition en cas de révocation, à défaut d'avoir été informés de cette répartition.

En effet, la décision d'admissibilité est transmise dans les 24 heures au fichier des avis, conformément à l'article 1390quater, précité, du Code judiciaire. Ainsi, la personne qui deviendrait créancière du médié après cette décision peut avoir connaissance ou être susceptible d'en prendre connaissance. Par ailleurs, aux termes de l'article 1675/14, § 2, alinéa 3, précité, du même Code, « tout créancier intéressé » peut notamment ramener la cause devant le juge de la médiation, si des faits nouveaux surviennent qui pourraient justifier, entres autres, comme en l'espèce, une adaptation ou une révision du plan. Pareille possibilité concerne non seulement les créanciers « déclarants », mais aussi, comme en l'espèce, les créanciers « extérieurs » dont la créance serait née après la décision d'admissibilité.

Il en résulte que, dans l'interprétation soumise par la juridiction a quo, les dispositions en cause n'empêchent pas les créanciers « extérieurs » de participer à la répartition du solde de la médiation.

B.9. La seconde question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour, dit pour droit : Les articles 1675/7, § 1er, alinéa 3, et § 4, 1675/14, § 3, 1390quater, § 2, et 1390septies, alinéa 6, du Code judiciaire ne violent pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 16 janvier 2020.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, F. Daoût

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