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Arrêt
publié le 11 juin 2020

Extrait de l'arrêt n° 37/2020 du 5 mars 2020 Numéro du rôle : 7210 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 2 du décret de la Région flamande du 17 juillet 2000 « portant approbation de l'accord de coopération du 21 juin 1999 La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et F. Daoût, et des juges J.-P. Moerm(...)

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11/06/2020
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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 37/2020 du 5 mars 2020 Numéro du rôle : 7210 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 2 du décret de la Région flamande du 17 juillet 2000 « portant approbation de l'accord de coopération du 21 juin 1999 entre l'Etat fédéral, la Région flamande, la Région wallonne et la Région de Bruxelles-Capitale concernant la maîtrise des dangers liés aux accidents majeurs impliquant des substances dangereuses », posée par la Cour d'appel de Gand.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et F. Daoût, et des juges J.-P. Moerman, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, T. Giet, R. Leysen, J. Moerman, M. Pâques et Y. Kherbache, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président A. Alen, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par arrêt du 6 juin 2019, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 14 juin 2019, la Cour d'appel de Gand a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 2 du décret de la Communauté [lire : Région] flamande du 17 juillet 2000 portant approbation de l'accord de coopération du 21 juin 1999 entre l'Etat fédéral, la Région flamande, la Région wallonne et la Région de Bruxelles-Capitale concernant la maîtrise des dangers liés aux accidents majeurs impliquant des substances dangereuses viole-t-il les articles 11 et 92bis de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles en ce que ce décret approuve l'accord de coopération du 21 juin 1999, alors qu'il prévoit l'incrimination de personnes morales sans que l'avis du Conseil des ministres ait été recueilli au préalable ? ». (...) III. En droit (...) B.1. La question préjudicielle porte sur l'article 2 du décret de la Région flamande du 17 juillet 2000 « portant approbation de l'accord de coopération du 21 juin 1999 entre l'Etat fédéral, la Région flamande, la Région wallonne et la Région de Bruxelles-Capitale concernant la maîtrise des dangers liés aux accidents majeurs impliquant des substances dangereuses » (ci-après : le décret du 17 juillet 2000 et l'accord de coopération du 21 juin 1999).

La juridiction a quo demande à la Cour si cette disposition est compatible avec les articles 11 et 92bis de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, en ce qu'elle approuve l'accord de coopération du 21 juin 1999 sans qu'ait été recueilli au préalable l'avis du Conseil des ministres, alors que cet accord de coopération prescrirait une pénalisation de personnes morales à un moment où le livre Ier du Code pénal ne le prévoyait pas encore.

B.2.1. L'article 2 du décret du 17 juillet 2000 ne fait qu'approuver l'accord de coopération du 21 juin 1999.

La Cour ne peut utilement contrôler cette disposition décrétale sans impliquer dans son examen le contenu des dispositions pertinentes de l'accord de coopération approuvé.

B.2.2. L'article 31, alinéa 1er, de l'accord de coopération du 21 juin 1999, dans sa version applicable dans l'instance soumise à la juridiction a quo, dispose : « Est puni d'une peine d'emprisonnement de huit jours à un an et d'une amende de 1 000 euros à 1 000 000 euros ou de l'une de ces peines seulement, l'exploitant qui, bien qu'il y soit tenu : 1° n'applique pas les mesures prévues à l'article 7, alinéa premier ou ne peut faire la preuve qu'il a pris les mesures nécessaires conformément à l'article 7, deuxième alinéa;2° n'introduit pas une notification prévue à l'article 8;3° n'a pas rédigé de document tel que visé à l'article 9 ou 10, n'assure pas l'exécution correcte de la politique de prévention ou ne l'évalue pas et ne la révise pas le cas échéant comme prévu à l'article 13;4° n'introduit ou n'actualise pas dans les délais prescrits un rapport de sécurité comme visé à l'article 12 ou ne l'évalue pas et ne le révise pas le cas échéant comme prévu à l'article 13;5° ne rédige pas de plan d'urgence interne comme visé à l'article 15, ne met pas à l'essai le plan d'urgence interne et, le cas échéant, ne le révise pas comme prévu à l'article 18 ou n'exécute pas le plan d'urgence interne dans le cas visé à l'article 20, § 1er.6° ne fournit pas l'information visée à l'article 21 ou 22;7° ne donne pas suite aux avertissements ou aux ordres de l'autorité d'inspection ». Cette disposition prévoit donc une pénalisation de « l'exploitant » pour certaines infractions à l'accord de coopération. L'article 4, 5°, dudit accord de coopération définit la notion d'exploitant comme étant « toute personne physique ou morale qui exploite l'établissement ou l'installation ».

B.2.3. L'accord de coopération du 21 juin 1999 a été conclu en exécution de l'article 92bis, § 3, b), de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, qui dispose : « L'autorité fédérale et les Régions concluent en tout cas un accord de coopération : [...] b) pour l'application aux niveaux fédéral et régional des règles fixées par la Communauté européenne concernant les risques d'accidents majeurs de certaines activités industrielles ». Conformément à l'article 92bis, § 1er, alinéa 2, de la loi spéciale du 8 août 1980, les accords de coopération qui portent sur les matières réglées par loi ou par décret, ainsi que les accords qui pourraient grever l'Etat, la communauté ou la région ou lier des Belges individuellement, n'ont d'effet qu'après avoir reçu l'assentiment par la loi ou par le décret.

B.3. L'article 11, alinéas 1er et 2, de la loi spéciale du 8 août 1980 dispose : « Dans les limites des compétences des Communautés et des Régions, les décrets peuvent ériger en infraction les manquements à leurs dispositions et établir les peines punissant ces manquements; les dispositions du livre Ier du Code pénal s'y appliquent, sauf les exceptions qui peuvent être prévues par décret pour des infractions particulières.

L'avis conforme du Conseil des ministres est requis pour toute délibération au sein du Gouvernement de Communauté ou de Région sur un avant-projet de décret reprenant une peine ou une pénalisation non prévue au livre Ier du Code pénal ».

B.4. Selon la juridiction a quo, l'article 31 de l'accord de coopération du 21 juin 1999 prévoyait une pénalisation des personnes morales avant que la responsabilité pénale des personnes morales ait été instaurée dans le livre Ier du Code pénal par la loi du 4 mai 1999 « instaurant la responsabilité pénale des personnes morales », qui est entrée en vigueur le 2 juillet 1999. L'avant-projet de décret qui a donné lieu à l'adoption de l'article 2, en cause, du décret du 17 juillet 2000, portant approbation de cet accord de coopération, serait également antérieur au 2 juillet 1999. Il aurait dès lors fallu recueillir l'avis conforme du Conseil des ministres pour toute délibération du Gouvernement flamand relative à l'avant-projet de décret portant approbation de l'accord de coopération du 21 juin 1999.

B.5. L'avis conforme du Conseil des ministres, prescrit par l'article 11, alinéa 2, de la loi spéciale précitée du 8 août 1980, doit être considéré comme une règle répartitrice de compétences au sens de l'article 30bis de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle. En vertu de cette dernière disposition, pour l'application des articles 1er et 26, § 1er, de la loi spéciale sur la Cour constitutionnelle, sont notamment considérés comme règles visées au 1° de ces deux dispositions « les avis conformes » prévus, entre autres, par la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles.

La Cour est donc compétente pour connaître de la question préjudicielle relative au non-respect de la formalité précitée imposée par l'article 11 de la loi spéciale du 8 août 1980.

B.6.1. Conformément à l'article 11, alinéa 2, de la loi spéciale du 8 août 1980, le législateur décrétal ne peut en principe déroger au livre Ier du Code pénal en instaurant d'autres peines ou pénalisations que celles prévues au livre Ier, sauf avis conforme du Conseil des ministres.

Cette formalité vise à « maintenir l'unité nécessaire du droit pénal » (Doc. parl., Sénat, 1992-1993, n° 558-1, p. 35). Cette unité est garantie par l'intervention de l'autorité fédérale.

B.6.2. Puisque l'autorité fédérale est partie à l'accord de coopération du 21 juin 1999 et qu'elle a porté assentiment à cet accord de coopération par la loi du 22 mai 2001, il n'y avait pas lieu de soumettre préalablement l'avant-projet du décret d'approbation du 17 juillet 2000 en cause à l'avis conforme du Conseil des ministres.

B.7. La question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 2 du décret de la Région flamande du 17 juillet 2000 « portant approbation de l'accord de coopération du 21 juin 1999 entre l'Etat fédéral, la Région flamande, la Région wallonne et la Région de Bruxelles-Capitale concernant la maîtrise des dangers liés aux accidents majeurs impliquant des substances dangereuses » ne viole pas les articles 11 et 92bis de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles.

Ainsi rendu en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 5 mars 2020.

Le greffier, Le président, P.-Y. Dutilleux A. Alen

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