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Arrêt
publié le 16 septembre 2020

Extrait de l'arrêt n° 70/2020 du 14 mai 2020 Numéro du rôle : 7146 En cause : le recours en annulation de l'article 4, § 2, 21°, alinéa 3, du décret de la Région wallonne du 19 janvier 2017 « relatif à la méthodologie tarifaire applicabl La Cour constitutionnelle, composée des présidents F. Daoût et A. Alen, et des juges J.-P. Moerm(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 70/2020 du 14 mai 2020 Numéro du rôle : 7146 En cause : le recours en annulation de l'article 4, § 2, 21°, alinéa 3, du décret de la Région wallonne du 19 janvier 2017 « relatif à la méthodologie tarifaire applicable aux gestionnaires de réseaux de distribution de gaz et d'électricité », inséré par l'article 168, 3°, du décret-programme du 17 juillet 2018 « portant des mesures diverses en matière d'emploi, de formation, d'économie, d'industrie, de recherche, d'innovation, de numérique, d'environnement, de transition écologique, d'aménagement du territoire, de travaux publics, de mobilité et de transports, d'énergie, de climat, de politique aéroportuaire, de tourisme, d'agriculture, de nature, de forêt, des pouvoirs locaux et de logement », introduit par la SCRL « Association Intercommunale d'Electricité du Sud du Hainaut » et autres.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents F. Daoût et A. Alen, et des juges J.-P. Moerman, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, T. Giet, R. Leysen, J. Moerman, M. Pâques et Y. Kherbache, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président F. Daoût, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 18 mars 2019 et parvenue au greffe le 19 mars 2019, un recours en annulation de l'article 4, § 2, 21°, alinéa 3, du décret de la Région wallonne du 19 janvier 2017 « relatif à la méthodologie tarifaire applicable aux gestionnaires de réseaux de distribution de gaz et d'électricité », inséré par l'article 168, 3°, du décret-programme du 17 juillet 2018 « portant des mesures diverses en matière d'emploi, de formation, d'économie, d'industrie, de recherche, d'innovation, de numérique, d'environnement, de transition écologique, d'aménagement du territoire, de travaux publics, de mobilité et de transports, d'énergie, de climat, de politique aéroportuaire, de tourisme, d'agriculture, de nature, de forêt, des pouvoirs locaux et de logement » (publié au Moniteur belge du 8 octobre 2018) a été introduit par la SCRL « Association Intercommunale d'Electricité du Sud du Hainaut », la ville de Beaumont, la ville de Chimay, la ville de Couvin, la commune de Momignies, la commune de Sivry-Rance et la commune de Froidchapelle, assistées et représentées par Me J. Bourtembourg et Me N. Fortemps, avocats au barreau de Bruxelles. (...) II. En droit (...) Quant à la disposition attaquée et à son contexte B.1. Le décret de la Région wallonne du 19 janvier 2017 « relatif à la méthodologie tarifaire applicable aux gestionnaires de réseaux de distribution de gaz et d'électricité » (ci-après : le décret du 19 janvier 2017) fixe le cadre juridique applicable à l'élaboration de la méthodologie tarifaire et des tarifs de distribution de gaz et d'électricité.

L'article 168, 3°, du décret-programme du 17 juillet 2018 « portant des mesures diverses en matière d'emploi, de formation, d'économie, d'industrie, de recherche, d'innovation, de numérique, d'environnement, de transition écologique, d'aménagement du territoire, de travaux publics, de mobilité et de transports, d'énergie, de climat, de politique aéroportuaire, de tourisme, d'agriculture, de nature, de forêt, des pouvoirs locaux et de logement » (ci-après : le décret-programme du 17 juillet 2018) a inséré dans l'article 4, § 2, 21°, du décret précité du 19 janvier 2017, un alinéa 3, qui dispose : « Par dérogation à l'alinéa précédent, les tarifs pour la refacturation des coûts des obligations de service public et des surcharges relatives aux tarifs de transport, sont péréquatés sur l'ensemble de la Région wallonne ».

C'est cette disposition qui est attaquée par les parties requérantes.

B.2.1. En ce qui concerne l'énergie électrique, l'article 6, § 1er, VII, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, tel qu'il a été modifié par la loi spéciale du 6 janvier 2014, attribue aux régions la compétence de réglementer et de contrôler les tarifs des réseaux de distribution d'électricité. Cette compétence concerne tous les tarifs liés à la distribution d'énergie électrique.

L'autorité fédérale est restée compétente pour fixer les tarifs de la fourniture d'électricité ainsi que les tarifs des réseaux ayant une fonction de transport d'électricité (Elia), local ou régional, et qui sont opérés par le même gestionnaire que le réseau de transport, et ce même si les régions sont compétentes pour le transport local d'électricité au moyen de réseaux dont la tension nominale est inférieure ou égale à 70 000 volts.

Depuis le 1er juillet 2014, c'est la Commission wallonne pour l'Energie (ci-après : la CWaPE) qui constitue, en Région wallonne, l'autorité compétente pour le contrôle des prix de la distribution du gaz et de l'électricité (article 12 du décret de la Région wallonne du 11 avril 2014 « modifiant le décret du 12 avril 2001 relatif à l'organisation du marché régional de l'électricité »).

B.2.2. C'est en cette qualité que la CWaPE définit la méthodologie qui doit être suivie par les gestionnaires de réseau de distribution pour fixer leurs prix, conformément au décret de la Région wallonne du 12 avril 2001 précité.

Dans une étude publiée le 24 octobre 2016, la CWaPE préconisait d'établir un mécanisme de péréquation tarifaire. Le 17 juillet 2017, la CWaPE a pris la décision « CD-17g17-CWaPE-0107 » « relative à la méthodologie tarifaire applicable aux gestionnaires de réseau de distribution d'électricité et de gaz naturel actifs en Région wallonne pour la période régulatoire 2019-2023 ».

L'exposé des motifs du décret-programme du 17 juillet 2018 indique, à propos de l'article 168, attaqué : « Cette disposition vise à préciser le fait que la répercussion des tarifs pour la refacturation des coûts d'utilisation du réseau de transport est péréquatée pour l'ensemble des gestionnaires de réseau de distribution raccordés à un même réseau de transport. Ainsi, la répercussion de ces tarifs devra être péréquatée pour l'ensemble des gestionnaires de réseau de distribution raccordés à un même réseau de transport. Si deux réseaux de transport coexistent, la répercussion des tarifs pour la refacturation de ces coûts seraient péréquatés pour l'ensemble des gestionnaires de réseaux de distribution, par réseau de transport. Le gestionnaire de réseau de distribution, au vu des autres dispositions décrétales devra néanmoins uniformiser la répercussion des tarifs pour la refacturation des coûts de transport pour son réseau (refacturation uniforme de la moyenne des différents tarifs de transport répercutés).

Il est également précisé que sans préjudice de cette péréquation par gestionnaire de réseau de transport, la répercussion des obligations de service public et surcharges y relatives afférentes au réseau de transport sont péréquatées pour l'ensemble de la Wallonie et partant, l'ensemble des gestionnaires de réseau de distribution actifs sur son territoire. Cela se justifie par le fait que les obligations de service public et les surcharges afférentes au réseau de transport ne sont pas liées à la gestion et aux tarifs d'un gestionnaire de réseau de transport ou l'autre » (Doc. parl., Parlement wallon, 2017-2018, n° 1142/1, p. 44).

Ainsi, l'article 168, attaqué, introduit deux mécanismes à l'article 4, § 2, 21°, du décret du 19 janvier 2017 : d'une part, un mécanisme de péréquation des tarifs pour la refacturation des coûts d'utilisation du réseau de transport proprement dits (« coûts réseaux ») lequel ne s'applique qu'aux gestionnaires du réseau de distribution électrique raccordés directement à un réseau de transport géré par le même gestionnaire de réseau de transport ou gestionnaire de réseau de transport local et, d'autre part, un mécanisme de péréquation des tarifs pour la refacturation des obligations de service public et des surcharges tarifaires relatives aux tarifs de transport, lequel s'applique sur l'ensemble de la Région wallonne.

Quant à la recevabilité B.3.1. Le Gouvernement wallon conteste l'intérêt à agir de la première partie requérante, la SCRL « Association Intercommunale d'Electricité du Sud du Hainaut » (ci-après : l'« AIESH »), au motif qu'elle ne serait pas directement affectée par la disposition attaquée, d'une part, parce que le mécanisme de péréquation s'applique à l'ensemble des utilisateurs des réseaux de distribution actifs sur le territoire de la Région wallonne et ne s'applique pas directement aux gestionnaires du réseau de distribution électrique et, d'autre part, parce qu'elle ne démontre pas en quoi la mesure attaquée affecterait directement l'exécution des missions de service public qui lui sont dévolues.

Le Gouvernement wallon conteste aussi l'intérêt à agir des six communes requérantes, celles-ci ne démontrant pas en quoi la mesure attaquée porterait atteinte à l'intérêt communal au motif qu'elle léserait tous leurs habitants.

B.3.2. La Constitution et la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle imposent à toute personne physique ou morale qui introduit un recours en annulation de justifier d'un intérêt. Ne justifient de l'intérêt requis que les personnes dont la situation pourrait être affectée directement et défavorablement par la norme attaquée.

B.3.3. La disposition attaquée, en ce qu'elle consacre l'obligation pour les gestionnaires du réseau de distribution électrique de respecter le principe de la péréquation des tarifs pour la refacturation des obligations de service public et des surcharges tarifaires relatives aux tarifs de transport sur l'ensemble de la Région wallonne est susceptible d'affecter directement et défavorablement la première partie requérante qui est un gestionnaire du réseau de distribution électrique actif sur une partie du territoire de la Région wallonne. En effet, la première partie requérante doit, en application du principe de la cascade tarifaire, payer les frais liés aux obligations de service public et aux surcharges tarifaires, dans l'hypothèse où les clients finals raccordés à son réseau de distribution ne payent pas leurs factures.

Cette partie requérante dispose donc de l'intérêt requis.

B.3.4. Dès lors que l'intérêt de la première partie requérante est établi, il n'est pas nécessaire d'examiner l'intérêt à agir des autres parties requérantes.

Quant au fond En ce qui concerne le premier moyen B.4. Le premier moyen est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, lus isolément ou en combinaison avec le principe de la réflectivité des coûts d'utilisation du réseau de transport consacré par la directive 2009/72/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 « concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et abrogeant la directive 2003/54/CE » (ci-après : la directive 2009/72/CE).

Les parties requérantes font valoir en substance que les coûts des obligations de service public et des surcharges tarifaires relatives aux tarifs de transport sont moindres pour les utilisateurs de l'« AIESH », laquelle fait appel, pour 75 % de son réseau, au gestionnaire de réseau de transport de droit français « Réseau de Transport d'Electricité ».

La disposition attaquée, qui prévoit une péréquation de la refacturation de ces coûts sur l'ensemble du territoire de la Région wallonne, créerait une discrimination entre l'« AIESH » et ses utilisateurs, lesquels doivent supporter des charges du transport d'électricité dont ils ne bénéficieraient pas, et les autres gestionnaires du réseau de distribution électrique et utilisateurs qui sont alimentés par le seul gestionnaire de réseau de transport « Elia ». La même disposition créerait aussi une différence de traitement entre les utilisateurs du réseau de distribution de l'« AIESH », qui contribuent aux coûts particuliers liés à l'approvisionnement du réseau par la société de droit français « Réseau de Transport d'Electricité », et les utilisateurs du réseau de distribution des autres gestionnaires du réseau de distribution électrique de la Région wallonne, qui ne contribuent pas à ces coûts. La mesure attaquée serait ainsi contraire au principe de la réflectivité des coûts garanti par la directive précitée.

B.5. Les considérants 35 et 36 de la directive 2009/72/CE, disposent : « 35. Pour garantir à tous les acteurs du marché, y compris les nouveaux arrivants, un accès effectif au marché, il est nécessaire de mettre en place des mécanismes d'ajustement non discriminatoires et qui reflètent les coûts. [...] 36. Les autorités de régulation nationales devraient pouvoir fixer ou approuver les tarifs, ou les méthodes de calcul des tarifs, sur la base d'une proposition du gestionnaire de réseau de transport ou du ou des gestionnaires de réseau de distribution, ou sur la base d'une proposition agréée par ces gestionnaires et les utilisateurs du réseau.Dans l'exécution de ces tâches, les autorités de régulation nationales devraient veiller à ce que les tarifs de transport et de distribution soient non discriminatoires et reflètent les coûts, et devraient tenir compte des coûts de réseau marginaux évités à long terme grâce à la production distribuée et aux mesures de gestion de la demande ».

L'article 15, paragraphe 7, de la même directive dispose : « Les règles adoptées par les gestionnaires de réseau de transport pour assurer l'équilibre du réseau électrique sont objectives, transparentes et non discriminatoires, y compris les règles de tarification pour les redevances à payer par les utilisateurs du réseau en cas de déséquilibre. Les conditions, y compris les règles et les prix, applicables à la prestation de ces services par les gestionnaires de réseau de transport sont établies d'une manière non discriminatoire et en tenant compte des coûts, selon une méthode compatible avec l'article 37, paragraphe 6, et sont publiées ».

B.6.1. Comme il est dit en B.2.2, l'article 4, § 2, 21°, du décret du 19 janvier 2017 instaure deux mécanismes de péréquation différents selon la nature des coûts envisagés.

Selon le principe de la cascade tarifaire, l'article 4, § 2, 21°, alinéa 2, qui n'est pas attaqué par les parties requérantes, prévoit que les coûts d'utilisation du réseau de transport proprement dits (coûts « réseaux ») sont facturés par le gestionnaire de réseau de transport, selon des tarifs approuvés par la Commission de Régulation de l'Electricité et du Gaz (ci-après : la CREG) pour « Elia » et par la Commission de Régulation de l'Energie pour la société de droit français « Réseau de Transport d'Electricité », aux clients finals et aux gestionnaires du réseau de distribution électrique.

Selon le même principe, l'article 4, § 2, 21°, alinéa 3, attaqué, prévoit, que les obligations de service public et les surcharges tarifaires relatives aux tarifs de transport, en ce compris le transport local, sont facturées aux clients finals et aux utilisateurs du réseau de distribution selon une péréquation établie sur l'ensemble du territoire de la Région wallonne.

B.6.2. Au niveau fédéral, les obligations de service public concernent le raccordement des parcs éoliens offshore (article 7, § 2, de la loi du 29 avril 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 29/04/1999 pub. 11/05/1999 numac 1999011160 source ministere des affaires economiques Loi relative à l'organisation du marché de l'électricité fermer « relative à l'organisation du marché de l'électricité »), les certificats verts fédéraux (article 7, § 1er) et la réserve stratégique (article 7octies).

Au niveau de la Région wallonne, les obligations de service public consistent en des mesures de soutien aux énergies renouvelables (article 42bis du décret de la Région wallonne du 12 avril 2001 « relatif à l'organisation du marché régional de l'électricité »).

Au niveau fédéral, les surcharges tarifaires sont intégrées dans la cotisation fédérale (article 21bis, § 1er, de la loi du 29 avril 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 29/04/1999 pub. 11/05/1999 numac 1999011160 source ministere des affaires economiques Loi relative à l'organisation du marché de l'électricité fermer, précitée) laquelle finance les frais de fonctionnement de la CREG (article 21bis, § 1er, alinéa 3, 2°), les obligations découlant de la dénucléarisation de certains sites situés à Mol-Dessel (article 21bis, § 1er, alinéa 3, 1°), les mesures sociales prévues par la loi du 4 septembre 2002 « visant à confier aux centres publics d'aide sociale la mission de guidance et d'aide sociale financière dans le cadre de la fourniture d'énergie aux personnes les plus démunies » (article 21bis, § 1er, alinéa 3, 3°) ainsi que le coût réel net résultant de l'application de prix maximaux pour la fourniture d'électricité aux clients protégés résidentiels à revenus modestes ou à situation précaire (article 21bis, § 1er, alinéa 3, 5°).

Au niveau de la Région wallonne, la surcharge tarifaire applicable est la surcharge liée à l'occupation du domaine public (article 20 du décret du 12 avril 2001, précité).

B.6.3. La différence qui existe entre le mécanisme de refacturation des coûts « réseaux » et celui applicable à la refacturation des coûts « exogènes » est justifiée par le fait que les premiers sont notamment dépendants des spécificités techniques du réseau de transport qui les approvisionne.

En l'espèce, la première partie requérante, l'« AIESH », dont 75 % de l'électricité qu'elle distribue sont prélevés sur un autre réseau que celui d'« Elia », n'est soumise au mécanisme de péréquation des tarifs pour la refacturation des coûts d'utilisation du réseau de transport proprement dite qu'en due proportion de l'électricité prélevée sur le réseau de transport d'« Elia ».

B.6.4. En ce qui concerne le mécanisme de refacturation des coûts « exogènes », c'est-à-dire celui qui est applicable aux obligations de service public et aux surcharges tarifaires, il est justifié que la péréquation soit établie sur l'ensemble du territoire de la Région wallonne.

En effet, comme il est dit en B.6.2, ces coûts ne sont le reflet ni de l'utilisation du réseau de transport ni de la gestion de celui-ci. Il en résulte qu'il est raisonnablement justifié qu'au regard de l'objectif d'adopter une méthodologie tendant à l'harmonisation progressive du coût des obligations de service public et des prélèvements publics régionaux en visant à rationaliser les coûts et à préserver les investissements, la péréquation soit établie sur l'ensemble du territoire wallon et s'applique, sans distinction, sur l'ensemble du territoire de la Région wallonne et à tous les utilisateurs de la Région wallonne.

Contrairement à ce que soutiennent les parties requérantes, les obligations de service public et les surcharges tarifaires ne font pas supporter aux utilisateurs du réseau de distribution de l'« AIESH » des coûts de transport dont ils ne bénéficieraient pas. Les obligations de service public et les surcharges tarifaires sont des coûts « exogènes » qui, s'ils s'ajoutent aux coûts « réseaux », s'en distinguent fondamentalement, les premiers étant générés par l'accomplissement des missions d'intérêt général, fédéral ou régional.

Le simple fait que les utilisateurs du réseau de distribution de l'« AIESH » consomment des kWh sur le territoire belge, quel que soit par ailleurs le gestionnaire du réseau de transport qui alimente le gestionnaire du réseau de distribution électrique, implique que ces utilisateurs contribuent aux obligations de service public et aux surcharges tarifaires, au même titre que tous les utilisateurs raccordés en Région wallonne au réseau de transport d'« Elia ».

Cette mesure est par ailleurs conforme au considérant 36 précité de la directive 2009/72/CE, dont la violation est invoquée par les parties requérantes, qui enjoint aux autorités de régulation nationales de veiller à ce que « les tarifs de transport et de distribution soient non discriminatoires et reflètent les coûts [...] ».

B.6.5. Quant à la violation du principe de la « réflectivité » des coûts, principe selon lequel les coûts doivent respecter un principe de réalité, ce principe n'impose pas aux autorités de régulation de garantir une correspondance exacte entre les coûts et les tarifs.

Il convient à cet égard de constater que le législateur décrétal a respecté le principe de réflectivité des coûts en distinguant le mécanisme de refacturation des coûts « réseaux » du mécanisme de la refacturation des coûts « exogènes ». Par ailleurs, au regard des obligations de service public et des surcharges tarifaires, il est raisonnablement justifié que les clients finals contribuent aux politiques énergétiques menées dans l'intérêt général ainsi qu'au financement public des aides accordées aux CPAS et aux personnes les plus démunies dans le cadre de la fourniture d'énergie. Le cas échéant, les utilisateurs du réseau de distribution de l'« AIESH » sont susceptibles de bénéficier, comme tous les autres utilisateurs de la Région wallonne, de ces aides individuelles.

B.6.6. La surcharge tarifaire liée à la redevance pour occupation du domaine public est établie par l'article 20 du décret du 12 avril 2001 précité et non par la disposition attaquée.

B.7. Le premier moyen n'est pas fondé.

En ce qui concerne le second moyen B.8. Le second moyen est pris de la violation des articles 10 et 11, lus en combinaison avec l'article 170, § 2, de la Constitution consacrant le principe de la légalité de l'impôt.

Les parties requérantes considèrent, en substance, que la modification apportée par la disposition attaquée à la méthodologie tarifaire applicable aux gestionnaires de réseau de distribution établit un impôt à charge de tous les utilisateurs en Région wallonne.

L'impôt ainsi établi par le législateur décrétal serait discriminatoire en ce qu'il n'aurait pas été tenu compte de la capacité contributive des contribuables. Les parties requérantes soutiennent à cet égard que les utilisateurs du réseau de l'« AIESH » vont être le plus affectés par ce nouvel impôt, ceux-ci constituant une population plus précarisée que celle qui est desservie par d'autres gestionnaires de réseau de distribution wallons.

B.9. Contrairement à ce que soutiennent les parties requérantes, la disposition attaquée a pour seul objet de fixer la méthodologie de la refacturation des coûts des obligations de service public et des surcharges tarifaires relatives au transport. Elle n'établit aucun nouveau prélèvement, l'ensemble de ces coûts ayant été, comme il est dit en B.6.2, fixés par des dispositions législatives ou décrétales antérieures. Ainsi, sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur le fait de savoir si ces coûts sont des impôts ou des redevances, il suffit de constater que la mesure attaquée ne fait qu'encadrer de manière différente de celle qui était prévue avant son insertion, par le décret attaqué, dans le décret du 19 janvier 2017, la méthodologie de la refacturation de ces coûts en péréquation des obligations et des charges déjà existantes et déjà refacturées antérieurement aux gestionnaires du réseau de distribution électrique.

B.10. Le second moyen n'est pas fondé.

Par ces motifs, la Cour rejette le recours.

Ainsi rendu en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 14 mai 2020.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, F. Daoût

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