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Arrêt
publié le 05 octobre 2020

Extrait de l'arrêt n° 73/2020 du 28 mai 2020 Numéro du rôle : 6943 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 42 de l'ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 25 mars 1999 « relative à la recherche, la constatation, la La Cour constitutionnelle, composée des présidents F. Daoût et A. Alen, et des juges J.-P. Moerm(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 73/2020 du 28 mai 2020 Numéro du rôle : 6943 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 42 de l'ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 25 mars 1999 « relative à la recherche, la constatation, la poursuite et la répression des infractions en matière d'environnement », posée par le Conseil d'Etat.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents F. Daoût et A. Alen, et des juges J.-P. Moerman, T. Giet, R. Leysen, M. Pâques et Y. Kherbache, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président F. Daoût, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par l'arrêt n° 241.596 du 24 mai 2018, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 5 juin 2018, le Conseil d'Etat a posé la question préjudicielle suivante : « L' ordonnance du 25 mars 1999Documents pertinents retrouvés type ordonnance prom. 25/03/1999 pub. 24/06/1999 numac 1999031155 source ministere de la region de bruxelles-capitale Ordonnance relative à la recherche, la constatation, la poursuite et la répression des infractions en matière d'environnement fermer, et plus particulièrement son article 42, interprété comme ne soumettant pas son application à l'existence d'une condamnation préalable définitive, c'est-à-dire qui ne fait plus l'objet ou n'est plus susceptible d'un recours, viole-t-elle les articles 10 et 11 de la Constitution en tant qu'elle instaure une différence de traitement entre : - les auteurs présumés des infractions visées par les articles 32 et 33 de l' ordonnance du 25 mars 1999Documents pertinents retrouvés type ordonnance prom. 25/03/1999 pub. 24/06/1999 numac 1999031155 source ministere de la region de bruxelles-capitale Ordonnance relative à la recherche, la constatation, la poursuite et la répression des infractions en matière d'environnement fermer, qui font l'objet de poursuites pénales, qui ne sont susceptibles de voir leur peine aggravée pour état de récidive qu'en cas de condamnation coulée en force de chose jugée antérieure aux infractions en cause; et - les auteurs présumés des infractions visées par les articles 32 et 33 de l' ordonnance du 25 mars 1999Documents pertinents retrouvés type ordonnance prom. 25/03/1999 pub. 24/06/1999 numac 1999031155 source ministere de la region de bruxelles-capitale Ordonnance relative à la recherche, la constatation, la poursuite et la répression des infractions en matière d'environnement fermer, qui font l'objet de la procédure administrative organisée par l' ordonnance du 25 mars 1999Documents pertinents retrouvés type ordonnance prom. 25/03/1999 pub. 24/06/1999 numac 1999031155 source ministere de la region de bruxelles-capitale Ordonnance relative à la recherche, la constatation, la poursuite et la répression des infractions en matière d'environnement fermer, qui sont susceptibles de voir leur peine aggravée pour état de récidive, même en l'absence de condamnation coulée en force de chose jugée antérieure aux infractions en cause ? ». (...) III. En droit (...) B.1.1. La question préjudicielle porte sur l'article 42 de l'ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 25 mars 1999 « relative à la recherche, la constatation, la poursuite et la répression des infractions en matière d'environnement » (ci-après : l' ordonnance du 25 mars 1999Documents pertinents retrouvés type ordonnance prom. 25/03/1999 pub. 24/06/1999 numac 1999031155 source ministere de la region de bruxelles-capitale Ordonnance relative à la recherche, la constatation, la poursuite et la répression des infractions en matière d'environnement fermer), qui, dans sa version applicable au litige pendant devant le Conseil d'Etat, disposait : « Si une nouvelle infraction est constatée dans les trois ans à compter de la date du procès-verbal, les montants prévus aux articles 32 et 33 sont doublés ».

B.1.2. Cette disposition a été modifiée et renumérotée par l'article 61 de l'ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 8 mai 2014 « modifiant l' ordonnance du 25 mars 1999Documents pertinents retrouvés type ordonnance prom. 25/03/1999 pub. 24/06/1999 numac 1999031155 source ministere de la region de bruxelles-capitale Ordonnance relative à la recherche, la constatation, la poursuite et la répression des infractions en matière d'environnement fermer relative à la recherche, la constatation, la poursuite et la répression des infractions en matière d'environnement, d'autres législations en matière d'environnement et instituant un Code de l'inspection, la prévention, la constatation et la répression des infractions en matière d'environnement et de la responsabilité environnementale ». La disposition modifiée figure à l'article 52 du « Code de l'inspection, la prévention, la constatation et la répression des infractions en matière d'environnement et de la responsabilité environnementale ».

La Cour examine la disposition en cause dans sa version applicable au litige pendant devant le juge a quo.

B.1.3. Le Conseil d'Etat interprète la disposition en cause comme « ne soumettant pas son application à l'existence d'une condamnation préalable définitive, c'est-à-dire qui ne fait plus l'objet ou n'est plus susceptible d'un recours ». La Cour examine la disposition dans cette interprétation.

B.2.1. Les articles 32 et 33 de l' ordonnance du 25 mars 1999Documents pertinents retrouvés type ordonnance prom. 25/03/1999 pub. 24/06/1999 numac 1999031155 source ministere de la region de bruxelles-capitale Ordonnance relative à la recherche, la constatation, la poursuite et la répression des infractions en matière d'environnement fermer prévoient que sont passibles d'amendes administratives de 62,50 à 625 euros (article 32) ou de 625 à 62 500 euros (article 33) les personnes qui commettent une des infractions énumérées par ces dispositions. En vertu de l'article 35 de la même ordonnance, ces infractions « font l'objet soit de poursuites pénales, soit d'une amende administrative ». En application des articles 36 et 37 de la même ordonnance, les procès-verbaux constatant les infractions visées aux articles 32 et 33 sont transmis au fonctionnaire compétent et au procureur du Roi. La décision du procureur du Roi de poursuivre le contrevenant exclut l'application d'une amende administrative. La décision du procureur du Roi de ne pas poursuivre le contrevenant ainsi que l'absence de décision dans le délai imparti permettent l'application d'une amende administrative. Le paiement de l'amende administrative éteint l'action publique (article 39).

B.2.2. Le législateur ordonnanciel bruxellois a donc opté, en l'espèce, pour un système alternatif. Ainsi, pour un même fait, l'auteur peut être renvoyé devant le tribunal correctionnel ou se voir infliger une amende administrative.

B.3. La Cour est invitée à examiner la compatibilité de l'article 42 de l' ordonnance du 25 mars 1999Documents pertinents retrouvés type ordonnance prom. 25/03/1999 pub. 24/06/1999 numac 1999031155 source ministere de la region de bruxelles-capitale Ordonnance relative à la recherche, la constatation, la poursuite et la répression des infractions en matière d'environnement fermer avec les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce que, dans l'interprétation retenue par le juge a quo, il instaure une différence de traitement entre les auteurs présumés d'une infraction aux dispositions de la même ordonnance, selon qu'ils font l'objet de poursuites pénales ou qu'ils se voient infliger une amende administrative.

Dans le premier cas, les contrevenants peuvent voir la peine qui leur est infligée aggravée, en application de l'article 23 de la même ordonnance, s'ils ont été condamnés dans les trois ans qui précèdent l'infraction pour une infraction aux mêmes dispositions. Dans le second cas, les contrevenants peuvent voir le montant de la sanction administrative qui leur est infligée augmenté si une ou plusieurs infractions aux mêmes dispositions ont été constatées à leur charge antérieurement, même si ces infractions n'ont pas été sanctionnées par une décision administrative ou juridictionnelle définitive.

B.4. La différence de traitement en cause repose sur le critère de la procédure administrative ou pénale suivie. Lorsque le contrevenant est sanctionné pénalement, la peine encourue pour la seconde infraction ne peut être aggravée que si la première infraction a été sanctionnée par une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée. Lorsque le contrevenant se voit infliger une amende administrative, le montant de celle-ci peut être augmenté si un procès-verbal a été antérieurement dressé à sa charge, même si cette constatation n'a pas été suivie de sanction ou si la sanction administrative fait l'objet d'un recours toujours pendant.

B.5. Sans qu'il soit nécessaire de trancher la question de savoir si la disposition en cause doit être qualifiée de règle établissant la « récidive », il suffit de constater qu'elle prévoit une augmentation du montant de l'amende administrative encourue, liée au comportement du contrevenant. Elle constitue dès lors une mesure d'individualisation de la sanction administrative, semblable à l'aggravation de la sanction pénale en cas de récidive, organisée par l'article 23 de l'ordonnance en cause.

B.6.1. Lorsque l'auteur d'un même fait peut être puni de manière alternative, c'est-à-dire lorsque, pour des mêmes faits, il peut, soit être renvoyé devant le tribunal correctionnel, soit se voir infliger une amende administrative contre laquelle un recours lui est offert devant un tribunal non pénal, un parallélisme doit exister entre les mesures d'individualisation de la peine.

B.6.2. Les caractéristiques spécifiques de la procédure de la sanction administrative ne font pas obstacle à ce que seules les infractions dont la constatation n'a pas fait l'objet d'un recours ou qui, en cas de recours, ont été confirmées par une décision juridictionnelle, soient prises en considération pour fonder une augmentation de l'amende administrative encourue lorsque l'infraction sanctionnée est une réitération d'un comportement similaire passé du contrevenant.

B.7. Il résulte de ce qui précède que la différence de traitement en cause n'est pas raisonnablement justifiée.

B.8. La question préjudicielle appelle une réponse affirmative. La disposition en cause, interprétée comme ne soumettant pas son application à l'existence d'une amende administrative préalable définitive, c'est-à-dire qui ne fait plus l'objet ou n'est plus susceptible d'un recours, n'est pas compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution.

B.9.1. Le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale demande à la Cour, au cas où elle constaterait la violation des articles 10 et 11 de la Constitution par la disposition en cause, d'en maintenir les effets en ce qui concerne des amendes administratives qui ne sont plus susceptibles de faire l'objet d'un recours en annulation devant le Conseil d'Etat et des amendes qui ont fait l'objet d'un recours qui a été rejeté par le Conseil d'Etat à la date de la publication du présent arrêt au Moniteur belge.

B.9.2. Le maintien des effets doit être considéré comme une exception à la nature déclaratoire de l'arrêt rendu au contentieux préjudiciel.

Avant de décider de maintenir les effets de la disposition en cause, la Cour doit constater que l'avantage tiré de l'effet du constat d'inconstitutionnalité non modulé est disproportionné par rapport à la perturbation qu'il impliquerait pour l'ordre juridique.

B.10. En l'espèce, il n'est pas démontré que le constat d'inconstitutionnalité non modulé implique des perturbations pour l'ordre juridique. A supposer qu'un recours en annulation soit introduit sur la base de l'article 4, alinéa 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, la Cour pourrait à ce moment décider du maintien, le cas échéant, des effets de la norme annulée. Dans l'hypothèse où un tel recours serait introduit et où la Cour annulerait la disposition dont elle constaterait l'inconstitutionnalité par le présent arrêt sans en maintenir les effets, des recours administratifs seraient possibles contre des décisions ayant infligé des amendes administratives dont le montant aurait été augmenté sur la base de la disposition en cause. Des requêtes en rétractation d'arrêts du Conseil d'Etat rejetant des recours contre de telles décisions peuvent également être introduites sur la base des articles 17 et 18 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle. Ces recours éventuels ne constituent pas un risque de perturbation de l'ordre juridique justifiant le maintien des effets de la disposition en cause au contentieux préjudiciel.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 42 de l'ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 25 mars 1999 « relative à la recherche, la constatation, la poursuite et la répression des infractions en matière d'environnement », interprété comme ne soumettant pas son application à l'existence d'une amende administrative préalable définitive, c'est-à-dire qui ne fait plus l'objet ou n'est plus susceptible d'un recours, viole les articles 10 et 11 de la Constitution.

Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 28 mai 2020.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, F. Daoût

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