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Arrêt
publié le 14 septembre 2020

Extrait de l'arrêt n° 77/2020 du 28 mai 2020 Numéro du rôle : 7225 En cause: la question préjudicielle relative aux articles 26 et 28 de la section 2bis du livre III, titre VIII, chapitre II(...) La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et F. Daoût, et des juges J.-P. Moerm(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 77/2020 du 28 mai 2020 Numéro du rôle : 7225 En cause: la question préjudicielle relative aux articles 26 et 28 de la section 2bis (« Des règles particulières aux baux commerciaux ») du livre III, titre VIII, chapitre II, du Code civil (la loi du 30 avril 1951 sur les baux commerciaux), posée par le Juge de paix du deuxième canton d'Anvers.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et F. Daoût, et des juges J.-P. Moerman, T. Merckx-Van Goey, R. Leysen, M. Pâques et Y. Kherbache, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président A. Alen, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par jugement du 27 juin 2019, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 3 juillet 2019, le Juge de paix du deuxième canton d'Anvers a posé la question préjudicielle suivante : « L'interprétation des articles 26 et 28 de la loi sur les baux commerciaux qui a pour effet que le délai de forclusion d'un an, prévu par l'article 28 de la loi sur les baux commerciaux, n'est pas applicable à l'indemnité d'éviction demandée sur la base de l'article 12 juncto l'article 16juncto les articles 25 et 26 de la loi sur les baux commerciaux, cette interprétation ayant pour conséquence que ce délai d'un an est quant à lui applicable à l'indemnité d'éviction due en vertu de l'article 16 juncto l'article 25 de la loi sur les baux commerciaux et qu'il n'est pas applicable à l'indemnité d'éviction due en vertu de l'article 12 juncto l'article 16 juncto les articles 25 et 26 de la loi sur les baux commerciaux, viole-t-elle le principe constitutionnel d'égalité contenu aux articles 10 et 11 de la Constitution ? ». (...) III. En droit (...) B.1.1. La question préjudicielle porte sur les articles 26 et 28 de la section 2bis (« Des règles particulières aux baux commerciaux ») du livre III, titre VIII, chapitre II, du Code civil (ci-après : la loi sur les baux commerciaux).

L'article 26 de la loi sur les baux commerciaux dispose : « Une indemnité d'éviction est éventuellement due, dans les cas et suivant les modalités prévues aux articles 25 et 27, par le bailleur qui, par application de l'article 3, alinéa 5, met fin au bail avant l'échéance et par l'acquéreur qui expulse le preneur conformément aux conditions prescrites à l'article 12 ».

L'article 28 de la loi sur les baux commerciaux dispose : « Les actions en payement de l'indemnité d'éviction doivent être intentées dans un délai d'un an à dater du fait donnant ouverture à l'action ».

B.1.2. Les articles 12, 16 et 25 de la loi sur les baux commerciaux sont également pertinents pour répondre à la question préjudicielle.

L'article 12 de la loi sur les baux commerciaux dispose : « Lors même que le bail réserverait la faculté d'expulsion en cas d'aliénation, l'acquéreur à titre gratuit ou onéreux du bien loué ne peut expulser le preneur que dans les cas énoncés aux 1°, 2°, 3° et 4° de l'article 16, moyennant un préavis d'un an donné dans les trois mois de l'acquisition et énonçant clairement le motif justifiant le congé, le tout à peine de déchéance.

Il en va de même lorsque le bail n'a pas date certaine antérieure à l'aliénation, si le preneur occupe le bien loué depuis six mois au moins ».

L'article 16 de la loi sur les baux commerciaux dispose : « I. Le bailleur peut se refuser au renouvellement du bail pour l'un des motifs suivants : 1° Sa volonté d'occuper le bien loué personnellement et effectivement ou de le faire occuper de telle manière par ses descendants, ses enfants adoptifs ou ses ascendants, par son conjoint, par les descendants, ascendants ou enfants adoptifs de celui-ci, ou de le faire occuper par une société de personnes dont les associés actifs ou les associés possédant au moins les trois quarts du capital ont avec le bailleur ou son conjoint les mêmes relations de parenté, d'alliance ou l'adoption.2° Sa volonté d'affecter l'immeuble à une destination exclusive de toute entreprise commerciale.3° Sa volonté de reconstruire l'immeuble ou la partie de l'immeuble dans laquelle le preneur sortant exerce son activité.Est réputée reconstruction toute transformation précédée d'une démolition, affectant toutes deux le gros oeuvre des locaux et dont le coût dépasse trois années de loyer. 4° Tous manquements graves du preneur aux obligations qui découlent pour lui du bail en cours, en ce comprises la dépréciation de l'immeuble par le fait du preneur, des siens ou de ses ayants cause, et les modifications substantielles apportées, sans l'accord du bailleur, à la nature ou au mode d'exploitation du commerce, ainsi que tout fait illicite du preneur qui, apprécié objectivement, rend impossible la continuation des rapports contractuels entre le bailleur et le preneur. Lorsque le bailleur est propriétaire du fonds de commerce qui est exploité dans l'immeuble loué et que le bail porte simultanément sur le bien loué et le fonds de commerce, il y a lieu de prendre en considération dans l'appréciation des manquements graves du preneur aux obligations qui découlent pour lui du bail en cours non seulement les obligations relatives à la jouissance de l'immeuble, mais encore celles relatives à l'exploitation du commerce, notamment celle d'assurer la conservation du fonds de commerce.

Si le preneur conteste que le bailleur soit fondé à se prévaloir des motifs visés aux alinéas précédents, il se pourvoit devant le juge dans les trente jours de la réponse du bailleur, à peine de forclusion. 5° L'offre d'un loyer supérieur par un tiers, si le preneur ne fait offre égale conformément aux articles 21, 22 et 23.6° L'absence d'intérêt légitime dans le chef du preneur qui aurait commencé l'exploitation d'un commerce similaire dans le voisinage immédiat du bien loué avant l'expiration du délai prévu à l'article 14 pour la notification du bailleur en réponse à la demande de renouvellement du preneur ou qui disposerait, à cette même époque, dans le voisinage immédiat du bien loué d'un immeuble ou d'une partie d'immeuble où il pourrait continuer son exploitation commerciale. II. Le preneur n'a pas droit au renouvellement du bail en ce qui concerne la partie de l'immeuble qu'il a donnée en sous-location à usage non commercial.

III. Le mineur, la personne protégée qui a été déclarée incapable de conclure un bail en vertu de l'article 492/1 du Code civil, le nu-propriétaire, le présumé absent ou leurs héritiers peuvent s'opposer au renouvellement du bail consenti hors de leur intervention s'ils ont repris la libre administration de leurs biens.

IV. En dehors des cas visés ci-dessus, le bailleur peut se refuser au renouvellement moyennant versement au preneur d'une indemnité d'éviction égale à trois années de loyer, majorée éventuellement des sommes suffisantes pour assurer une réparation intégrale du préjudice causé ».

L'article 25 de la loi sur les baux commerciaux dispose : « Si le preneur a régulièrement manifesté sa volonté d'user de son droit de renouvellement et se l'est vu refuser, il a droit, dans les cas déterminés ci-après, à une indemnité qui, sauf accord des parties, survenant après l'ouverture de ce droit, est fixée forfaitairement comme suit : 1° L'indemnité est égale à un an de loyer si le bailleur entend, soit affecter l'immeuble à une destination non commerciale par application du 2° de l'article 16, soit le reconstruire conformément au 3° de l'article 16.Toutefois, dans ce dernier cas, il n'est dû aucune indemnité si la démolition ou la reconstruction de l'immeuble ont été rendues nécessaires par son état de vétusté, par la force majeure ou par des dispositions légales ou réglementaires; 2° L'indemnité est égale à deux ans de loyer si le bailleur ou un des occupants énumérés à l'article 16, § I, 1°, même en cas d'application du § III de l'article 16, exerce dans l'immeuble un commerce similaire;3° L'indemnité est de trois ans de loyer, majorée éventuellement des sommes suffisantes pour assurer une réparation intégrale du préjudice causé, si le bailleur, sans justifier d'un motif grave, ne réalise pas dans les six mois et pendant deux ans au moins l'intention pour laquelle il a pu évincer le preneur.Cette indemnité n'est pas due si le bailleur donne à l'immeuble une affectation qui lui aurait permis la reprise sans indemnité ou moyennant une indemnité égale ou inférieure à celle qu'il a dû supporter; 4° L'indemnité est égale à un an du loyer stipulé dans le nouveau bail si le preneur qui a fait une offre sérieuse a été écarté par suite de l'offre d'un tiers surenchérisseur, conformément à l'article 23, et si ledit tiers exerce dans l'immeuble un commerce différent de celui qu'y exerçait l'ancien preneur;5° L'indemnité est égale à deux ans du loyer stipulé dans le nouveau bail, si ce nouveau preneur exerce dans l'immeuble un commerce similaire à celui du preneur sortant;6° L'indemnité d'éviction est de trois ans de loyer, majorée éventuellement des sommes suffisantes pour assurer une réparation intégrale du préjudice causé, si le bailleur ou le nouveau preneur ouvre avant l'expiration d'un délai de deux ans un commerce similaire, sans en avoir donné connaissance au preneur sortant lors de son éviction.Le bailleur et le tiers nouvel occupant sont solidairement tenus.

Le montant des loyers rapportés par des sous-locations peut être déduit par le juge en tout ou en partie du loyer servant de base aux indemnités prévues au présent article et à l'article 16, IV. En cas de sous-location commerciale, le juge peut répartir l'indemnité entre le locataire principal et le sous-locataire.

Dans les cas visés aux 2° et 5° ci-dessus, le preneur peut se pourvoir devant le juge si l'indemnité apparaît manifestement insuffisante en raison du profit que le bailleur a retiré de l'éviction.

Le bailleur peut, de son côté, se pourvoir devant le juge si l'indemnité apparaît manifestement exagérée en raison de l'état d'abandon ou de déclin du commerce au moment de la reprise.

Lorsque le bailleur est propriétaire du fonds de commerce qui est exploité dans l'immeuble loué et que le bail porte simultanément sur le bien loué et le fonds de commerce, il ne doit pas d'indemnité, à moins que le preneur n'établisse qu'il a augmenté l'importance du fonds de commerce d'au moins 15 p.c. En ce cas, le juge fixe l'indemnité, en équité, selon la plus-value qui en est résultée pour le bailleur ».

B.1.3. Conformément à l'article 12 de la loi sur les baux commerciaux, lu en combinaison avec l'article 16, I, 3°, de la même loi, l'acquéreur à titre gratuit ou onéreux du bien loué a le droit de résilier le bail pour reconstruire l'immeuble ou une partie de celui-ci, à condition de le faire dans les trois mois de l'acquisition et de respecter un préavis d'un an.

L'article 26 de la loi sur les baux commerciaux confère au preneur le droit de demander une indemnité d'éviction en cas d'expulsion fondée sur l'article 12 de la même loi et ce, conformément aux modalités prévues par les articles 25 et 27 de cette loi.

B.2. Le juge a quo demande à la Cour si l'article 28 de la loi sur les baux commerciaux est compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution, dans l'interprétation selon laquelle « le délai de forclusion d'un an, prévu par l'article 28 de la loi sur les baux commerciaux, n'est pas applicable à l'indemnité d'éviction demandée sur la base de l'article 12 juncto l'article 16 juncto les articles 25 et 26 de la loi sur les baux commerciaux », alors que le délai de forclusion d'un an, prévu par l'article 28 de la loi sur les baux commerciaux, est quant à lui applicable si l'action en paiement de l'indemnité d'éviction se fonde sur l'article 16 juncto l'article 25 de la loi sur les baux commerciaux.

B.3.1. La partie demanderesse devant le juge a quo allègue que les actions destinées à obtenir le paiement de l'indemnité d'éviction ne sont pas comparables. La situation dans laquelle le bailleur acquéreur résilie anticipativement un contrat de bail commercial ne saurait être comparée à la situation dans laquelle le bailleur refuse un renouvellement du bail au preneur.

B.3.2. Les actions en paiement d'une indemnité d'éviction à propos desquelles la différence de traitement est alléguée en ce qui concerne le délai de forclusion sont, d'une part, l'action en paiement d'une indemnité d'éviction due en vertu de l'article 16juncto l'article 25 de la loi sur les baux commerciaux (indemnité d'éviction due par le bailleur) et, d'autre part, l'action en paiement d'une indemnité d'éviction due en vertu de l'article 12juncto l'article 16 junctis les articles 25 et 26 de la loi sur les baux commerciaux (indemnité d'éviction due par le bailleur acquéreur).

B.3.3. Les actions en paiement d'une indemnité d'éviction mentionnées dans la question préjudicielle sont suffisamment comparables, puisqu'il s'agit, dans les deux cas, d'une action en paiement d'une indemnité d'éviction qui est due par le bailleur d'un immeuble commercial qui souhaite résilier le bail commercial en cours, en se référant à un motif légal de refus du renouvellement du bail (article 16 de la loi sur les baux commerciaux). A cet égard, il n'est pas pertinent de savoir si cette indemnité d'éviction est due parce que le contrat de bail a été dissous anticipativement ou parce que le renouvellement du bail a été refusé. Alors que les motifs prévus par l'article 16 de la loi sur les baux commerciaux peuvent être applicables au bailleur en cas de refus de renouvellement du bail, ces motifs peuvent aussi être soulevés par le bailleur acquéreur, dans le cadre de la résiliation anticipée du bail après l'acquisition de l'immeuble dans lequel le fonds de commerce est situé.

B.4. Le principe d'égalité et de non-discrimination n'exclut pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée.

L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité et de non-discrimination est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

B.5.1. Il ressort des travaux préparatoires de la loi sur les baux commerciaux que le législateur entendait assurer une certaine stabilité au preneur d'un fonds de commerce et trouver dans le même temps un point d'équilibre entre les intérêts du preneur et ceux du bailleur.

Il a été exposé que le but de la loi répondait « au souci de garantir les intérêts économiques et sociaux légitimes des Classes moyennes contre l'instabilité et les sources d'abus que comporte le régime de la liberté absolue des conventions de bail » et que « [le] but [était] triple : 1° donner au preneur commerçant des garanties de durée et d'initiative; 2° lui assurer le renouvellement du bail quand le propriétaire n'a pas de raisons fondées de disposer autrement des lieux et, à offre égale, la préférence à tout tiers enchérisseur; 3° établir à son profit diverses indemnités sanctionnant soit la fraude à la loi, soit la concurrence illicite ou l'appropriation de la clientèle à l'occasion d'une fin de bail, soit enfin l'enrichissement sans cause » (Doc. parl., Chambre, 1947-1948, n° 20, pp. 2 et 4).

Il a été souligné qu'un « point d'équilibre [est] à trouver entre la protection du fonds de commerce, au sens large, et le respect des intérêts légitimes des propriétaires d'immeubles » et qu'il convenait « de concilier les intérêts en présence » (Doc. parl., Sénat, 1948-1949, n° 384, pp. 2 et 3).

B.5.2. Les travaux préparatoires laissent apparaître de manière générale que le législateur, en recherchant un équilibre entre, d'une part, la protection du fonds de commerce et, d'autre part, les intérêts légitimes du propriétaire, a considéré que ce dernier, en raison de son droit de propriété, devait avoir la possibilité de résilier le bail commercial dans certaines circonstances, mais aussi que, dans l'intérêt de la protection du fonds de commerce, cette possibilité de résiliation devait être strictement limitée. Il a finalement estimé à cet égard qu'il peut être dérogé à la protection du fonds de commerce lorsque l'acquéreur souhaite reconstruire l'immeuble ou une partie de celui-ci (article 16, I, 3°, de la loi sur les baux commerciaux).

B.5.3. Eu égard aux objectifs précités, le législateur a permis au bailleur acquéreur de résilier le bail, pour autant qu'il respecte les conditions prévues par l'article 12 de la loi sur les baux commerciaux. En vertu de l'article 26 de la loi sur les baux commerciaux, le preneur expulsé a le droit de bénéficier d'une indemnité d'éviction, si le bailleur acquéreur ne réalise pas ses intentions annoncées.

B.6. Le législateur a voulu attacher un délai déterminé à l'introduction d'une action en paiement de l'indemnité d'éviction pour cause de non-réalisation des intentions annoncées par le bailleur (article 28 de la loi sur les baux commerciaux), afin d'éviter au bailleur une longue incertitude concernant les actions intentées contre lui (Doc. parl., Chambre, 1950-1951, n° 125, p. 5, et n° 207, p. 12).Il s'agit en l'espèce d'un délai préfix, dont l'expiration entraîne non seulement la forclusion de l'action mais également celle du droit subjectif à l'indemnité (Cass., 6 novembre 1974, Pas., 1975, p. 286). B.7.1. Compte tenu de sa préoccupation de résoudre rapidement les litiges en matière commerciale, le législateur pouvait en outre raisonnablement estimer qu'il fallait imposer aux opérateurs économiques d'être particulièrement attentifs, en soumettant leur action en paiement d'une indemnité à un court délai de forclusion d'un an.

B.7.2. L'interprétation de l'article 28 de la loi sur les baux commerciaux qui prend comme postulat que le délai d'un an n'est applicable que dans le cas d'une indemnité d'éviction due à la suite du refus d'un renouvellement du bail commercial et non dans le cas d'une expulsion effectuée conformément à l'article 12 juncto l'article 16 de la loi sur les baux commerciaux, crée une différence de traitement qui n'est pas pertinente au regard de l'objectif poursuivi par le législateur. En effet, le bailleur acquéreur a tout autant intérêt à être protégé d'une longue incertitude concernant des actions en paiement d'indemnités d'éviction intentées contre lui.

B.7.3. Une telle différence de traitement, dans le cadre de laquelle s'appliquerait, pour l'introduction de l'action par le preneur, qui est expulsé anticipativement par le bailleur acquéreur (article 12 juncto l'article 16 de la loi sur les baux commerciaux), un autre délai de forclusion que pour l'introduction de l'action par le preneur, auquel le bailleur refuse de renouveler le bail (article 16 de la loi sur les baux commerciaux), n'est pas raisonnablement justifiée : elle a pour effet que le bailleur acquéreur peut se retrouver dans une situation d'incertitude pendant des années, alors que le bailleur est libéré d'une action éventuelle en paiement d'une indemnité d'éviction après seulement un an.

B.7.4. Dans l'interprétation soumise par le juge a quo, la différence de traitement n'est pas pertinente.

Dans cette interprétation, la question préjudicielle appelle une réponse affirmative.

B.8. Les dispositions en cause sont toutefois aussi susceptibles d'une autre interprétation. En effet, l'article 28 de la loi sur les baux commerciaux ne fait pas de distinction entre des actions « en paiement de l'indemnité pour éviction », selon qu'elles résultent d'un refus de renouvellement du bail par le bailleur ou d'une résiliation anticipée du contrat de bail par le bailleur acquéreur.

Dans cette interprétation, la différence de traitement soulevée dans la question préjudicielle n'existe pas et la question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : - L'article 28 de la section 2bis(« Des règles particulières aux baux commerciaux ») du livre III, titre VIII, chapitre II, du Code civil (la loi du 30 avril 1951 sur les baux commerciaux), interprété en ce sens que le délai d'un an qui y est mentionné n'est applicable qu'aux actions en paiement de l'indemnité d'éviction en cas de refus d'un renouvellement du bail par le bailleur, viole les articles 10 et 11 de la Constitution. - L'article 28 de la section 2bis (« Des règles particulières aux baux commerciaux ») du livre III, titre VIII, chapitre II, du Code civil (la loi du 30 avril 1951 sur les baux commerciaux), interprété en ce sens que le délai d'un an qui y est mentionné s'applique à toutes les actions en paiement de l'indemnité d'éviction, ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

Ainsi rendu en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 28 mai 2020.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, A. Alen

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